Wichtiger Hinweis:
Diese Website wird in älteren Versionen von Netscape ohne graphische Elemente dargestellt. Die Funktionalität der Website ist aber trotzdem gewährleistet. Wenn Sie diese Website regelmässig benutzen, empfehlen wir Ihnen, auf Ihrem Computer einen aktuellen Browser zu installieren.
Zurück zur Einstiegsseite Drucken
Grössere Schrift
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_242/2023  
 
 
Arrêt du 2 mai 2024  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes les Juges fédérales 
Jametti, Présidente, Hohl et Kiss. 
Greffière : Mme Raetz. 
 
Participants à la procédure 
A.________ SA, 
représentée par Me Stefano Fabbro, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
B.________, 
représenté par Me Yann Jaillet, avocat, 
intimé. 
 
Objet 
contrat de travail, 
 
recours contre l'arrêt rendu le 14 mars 2023 par la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud (PT20.047869-221341, 122). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. En mars 2013, B.________ (ci-après: l'employé) a été engagé par C.________ SA, devenue par la suite A.________ SA (ci-après: l'employeuse), en qualité d'ouvrier temporaire dans le domaine de la construction.  
Le 16 juillet 2013, les parties ont conclu un contrat de travail de durée indéterminée prévoyant l'engagement de l'employé en tant qu'ouvrier dès le 19 août 2013 pour un salaire horaire de 28 fr. 95 brut, vacances et treizième salaire en sus. Ce montant a été arrêté en tenant compte des salaires de base de la Convention nationale du secteur principal de la construction en Suisse (ci-après: CN), plus précisément en fonction de la classe salariale B, correspondant aux ouvriers de la construction avec connaissances professionnelles mais sans certificat professionnel (art. 42 CN). 
Du 1er février 2014 au 31 mars 2015, le salaire horaire de l'employé a été augmenté à 29 fr. 05 à la suite de l'entrée en vigueur d'une modification de la CN. Dès le 1er avril 2015, son salaire horaire a été fixé à 32 fr. conformément à la classe salariale Q (ouvrier qualifié de la construction en possession d'un certificat professionnel) selon la CN en vigueur. 
 
A.b. L'employé a résilié son contrat de travail avec effet au 31 mai 2017. Un certificat de travail a été établi à cette dernière date.  
 
B.  
 
B.a. Au bénéfice d'une autorisation de procéder, l'employé a saisi le Tribunal civil de l'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois d'une demande à l'encontre de l'employeuse visant à ce qu'elle lui verse la somme totale de 45'883 fr. 45 avec intérêts, dont 40'142 fr. 15 à titre de différence entre le salaire effectivement perçu et le salaire horaire de chef d'équipe prévu par la CN. Il a également conclu à la levée de l'opposition formée par l'employeuse au commandement de payer le montant de 60'000 fr. (sic) qu'il lui avait fait notifier (poursuite n° xxx), et à la délivrance d'un certificat de travail selon le modèle produit.  
Le tribunal a entendu plusieurs témoins. 
Par jugement du 15 septembre 2022, le tribunal a constaté que l'employé, engagé en tant qu'ouvrier, avait été promu à la fonction de chef d'équipe au sens de l'art. 42 CN dès le 1er avril 2014 et devait être rémunéré en conséquence. Il a ainsi condamné l'employeuse à lui verser le montant brut de 25'247 fr. 50, sous déduction des charges sociales, avec intérêts, correspondant à la différence entre le salaire horaire reçu et le salaire horaire dû, ainsi qu'un montant de 663 fr. avec intérêts à titre de frais de repas. Il a prononcé la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer précité à concurrence de 25'910 fr. 50 plus intérêts. Enfin, il a donné ordre à l'employeuse de délivrer un certificat de travail précisant que l'intéressé avait travaillé comme chef d'équipe dès le 1er avril 2014. 
 
B.b. Par arrêt du 14 mars 2023, la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal vaudois a rejeté l'appel de l'employeuse et a confirmé le jugement attaqué.  
 
C.  
L'employeuse (ci-après: la recourante) a exercé un recours en matière civile au Tribunal fédéral à l'encontre de cet arrêt, en concluant à sa réforme en ce sens que la demande de l'employé soit intégralement rejetée. Subsidiairement, elle a conclu à l'annulation de cet arrêt et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
L'employé (ci-après: l'intimé) a conclu au rejet du recours. 
La cour cantonale s'est référée aux considérants de son arrêt. 
La recourante a déposé une réplique spontanée, suscitant une duplique de l'intimé. 
La demande de suspension de la procédure présentée par la recourante a été rejetée par ordonnance présidentielle du 7 juin 2023. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Les conditions de recevabilité du recours en matière civile sont réalisées sur le principe, notamment celles afférentes à la valeur litigieuse minimale de 15'000 fr. (art. 74 al. 1 let. a LTF) et au délai de recours (art. 46 al. 1 let. a et art. 100 al. 1 LTF). 
 
2.  
 
2.1. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si ces faits ont été établis de façon manifestement inexacte - ce qui correspond à la notion d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 140 III 115 consid. 2; 137 I 58 consid. 4.1.2; 137 II 353 consid. 5.1) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).  
Concernant l'appréciation des preuves, le Tribunal fédéral n'intervient, du chef de l'art. 9 Cst., que si le juge du fait n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, a omis sans raisons objectives de tenir compte des preuves pertinentes ou a effectué, sur la base des éléments recueillis, des déductions insoutenables (ATF 137 III 226 consid. 4.2; 136 III 552 consid. 4.2; 134 V 53 consid. 4.3; 133 II 249 consid. 1.4.3; 129 I 8 consid. 2.1). 
La critique de l'état de fait retenu est soumise au principe strict de l'allégation énoncé par l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 140 III 264 consid. 2.3 et les références citées). La partie qui entend attaquer les faits constatés par l'autorité précédente doit expliquer clairement et de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 et les références citées). Si elle souhaite obtenir un complètement de l'état de fait, elle doit aussi démontrer, par des renvois précis aux pièces du dossier, qu'elle a présenté aux autorités précédentes, en conformité avec les règles de la procédure, les faits juridiquement pertinents à cet égard et les moyens de preuve adéquats (ATF 140 III 86 consid. 2). Si la critique ne satisfait pas à ces exigences, les allégations relatives à un état de fait qui s'écarterait de celui de la décision attaquée ne pourront pas être prises en considération (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 130 I 258 consid. 1.3). 
En l'espèce, la recourante méconnaît ces principes lorsqu'elle procède à un rappel des faits en s'écartant parfois de ceux figurant dans l'arrêt cantonal, sans invoquer, ni a fortiori motiver le grief d'arbitraire. Il n'en sera donc pas tenu compte.  
 
2.2. Le recours peut être formé pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF). Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Eu égard, toutefois, à l'exigence de motivation qu'impose l'art. 42 al. 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), il n'examine que les griefs invoqués, sauf en cas d'erreurs juridiques manifestes (ATF 140 III 115 consid. 2). Le recourant doit discuter les motifs de la décision entreprise et indiquer précisément en quoi il estime que l'autorité précédente a méconnu le droit (ATF 140 III 86 consid. 2).  
 
3.  
Malgré ses conclusions visant à ce que la demande introduite par l'intimé soit rejetée, la recourante ne dit mot s'agissant des frais de repas qu'elle a été condamnée à payer. Le litige porte donc uniquement sur le point de savoir si l'intimé a été employé comme chef d'équipe au sens de l'art. 42 CN dès le 1er avril 2014, ce qui détermine le montant de la rémunération à laquelle il peut prétendre et le contenu de son certificat de travail s'agissant de la fonction exercée. 
Selon l'art. 42 CN, la classe salariale CE, pour les chefs d'équipe, correspond aux travailleurs qualifiés ayant suivi avec succès une école de chef d'équipe reconnue ou étant considérés comme tels par leur employeur. 
 
4.  
Tout d'abord, la recourante soutient que les juges cantonaux ont établi les faits de manière arbitraire en retenant que l'intimé a été employé comme chef d'équipe au sens de l'art. 42 CN. Dans une motivation subsidiaire, elle s'en prend à la date qu'ils ont fixée à compter de laquelle l'intimé a exercé une telle fonction. En substance, la recourante reproche aux juges cantonaux de s'être fondés sur des déclarations de témoins, en écartant ou omettant certains passages ou témoignages, qu'elle estime pourtant essentiels pour établir les faits. 
 
4.1. La cour cantonale a relevé qu'il n'était pas contesté que l'employé n'avait suivi aucune école de chef d'équipe, de sorte qu'il convenait de déterminer s'il avait été considéré comme tel par son employeur. Elle a confirmé l'appréciation du tribunal, lequel s'était notamment appuyé sur les témoignages de deux supérieurs hiérarchiques de l'employé, D.________ et E.________, de collègues, ainsi que d'un client ayant recouru aux services de l'employeuse pour un chantier en novembre 2015. Par ailleurs, la cour cantonale a expliqué que F.________, notamment interrogé en qualité de représentant de l'employeuse, occupait un rôle central au sein de cette dernière, débitrice des prétentions litigieuses; dès lors, ses déclarations, selon lesquelles l'intéressé n'était pas chef d'équipe, ne pouvaient à elles seules infirmer les déclarations claires et concordantes de plusieurs témoins qui, eux, n'apparaissaient pas avoir d'intérêt au sort de la cause. La cour cantonale a également nié la valeur probante des témoignages de deux collaborateurs actuels de l'employeuse, au vu notamment du conflit d'intérêts évident dans lequel ils se trouvaient.  
Pour déterminer à partir de quelle date l'employé avait été considéré comme chef d'équipe, la cour cantonale s'est fondée sur le premier rapport de chantier qu'il avait lui-même complété, le 14 avril 2014, pour retenir que la prise de fonction en cette qualité était intervenue le 1er avril 2014. La cour cantonale a écarté l'existence d'une prétendue formation interne de chef d'équipe et, a fortiori, le fait que l'employé l'aurait suivie entre 2014 et 2017. Elle s'est basée sur certains témoignages et sur l'absence de documents attestant son existence.  
 
4.2. On doit d'abord relever que la recourante se réfère à plusieurs reprises à certaines déclarations de témoins qui ne ressortent pas des faits constatés par la cour cantonale. Il en va ainsi du fait que D.________ aurait déclaré qu'il y avait " un autre chef d'équipe ". Toutefois, la recourante ne démontre pas, par des renvois précis à ses écritures, avoir présenté ces éléments déjà devant la cour cantonale. Il n'en sera donc pas tenu compte.  
Ensuite, en sélectionnant certains passages de témoignages qui, selon elle, abondent dans son sens, la recourante se limite à présenter sa propre appréciation des preuves, sans parvenir à démontrer un quelconque arbitraire dans celle opérée par la cour cantonale. En outre, à plusieurs reprises, elle ne discute pas valablement la motivation de la cour cantonale. En particulier, les juges précédents ont expliqué qu'il importait peu que le témoin G.________ ait indiqué qu'il ignorait la différence entre un ouvrier qualifié et un chef d'équipe, puisque ce qui était déterminant, c'étaient les constatations de ce témoin sur les tâches effectuées par l'intimé, constatations qui permettaient de qualifier sa fonction, ce qui relevait de l'appréciation du juge. A cet égard, la recourante se contente de soutenir que la cour cantonale aurait omis de retenir ce point concédé par ce témoin, alors qu'il lui appartenait de critiquer précisément les développements de la cour cantonale à ce sujet. Il en va de même lorsqu'elle se réfère sans autre aux déclarations de F.________, sans discuter le motif pour lequel la cour cantonale les a écartées, à savoir le rôle de celui-ci au sein de l'employeuse. 
La recourante affirme encore que ce n'est pas parce que certains employés supposaient que l'intimé était considéré comme chef d'équipe qu'elle le considérait vraiment ainsi. Or, on est loin de suppositions de quelques employés. La cour cantonale s'est notamment fondée sur les déclarations claires de deux supérieurs de l'intimé, lesquels étaient évidemment à même de se déterminer sur la fonction exercée par ce dernier. 
Enfin, s'agissant de la date à partir de laquelle l'intimé a assumé le rôle de chef d'équipe, la recourante se réfère à une prétendue formation interne afin de devenir chef d'équipe, dont l'existence a été niée par la cour cantonale. Encore une fois, la recourante se fonde sur des éléments non constatés et ne s'en prend pas valablement à tous les aspects de la motivation présentée par les juges cantonaux. Pour le surplus, elle se contente d'exposer sa propre appréciation des preuves, sans parvenir à démontrer qu'ils auraient nié l'existence de cette formation de manière arbitraire, ni retenu de façon insoutenable, en se fondant sur la date du premier rapport de chantier complété par l'intimé, qu'il avait exercé en tant que chef d'équipe dès le mois d'avril 2014. 
Le grief de la recourante doit dès lors être rejeté. 
 
5.  
Ensuite, la recourante dénonce une violation de l'art. 42 CN, toujours en lien avec la fonction de chef d'équipe reconnue par la cour cantonale à l'intimé. 
L'art. 42 CN n'est toutefois pas une disposition du droit fédéral (art. 95 let. a LTF). En tout état de cause, la recourante reprend certains des arguments développés en relation avec son grief précédent, qui doivent donc également être rejetés. Elle reproche encore à la cour cantonale d'avoir retenu qu'il "n'était pas nécessaire que les membres de la direction disent à un grutier que l'intimé était chef d'équipe pour qu'il le soit; il suffisait qu'il en ait les fonctions dans les faits et qu'il soit considéré comme tel au sein de l'entreprise". La recourante soutient que l'art. 42 CN ne précisait pas qu'un employé devait être considéré comme un chef d'équipe si ses collègues le considéraient comme tel; elle ajoute que le but de cette norme n'était en aucun cas la création d'une possibilité de s'autoproclamer chef d'équipe. Or, il est évident que la cour cantonale n'a jamais suggéré cela, puisqu'elle a non seulement fait référence aux fonctions effectivement exercées, mais aussi à la perception au sein de l'entreprise, ce qui ne se limite pas à l'appréciation de quelques collègues. Enfin, les éléments en lien avec l'interprétation de l'art. 42 CN soulevés par la recourante dans sa réplique sont tardifs et n'ont pas à être pris en compte. 
 
6.  
 
6.1. La recourante allègue encore que les juges cantonaux auraient violé l'art. 322 CO en retenant qu'elle devait payer à l'intimé le salaire d'un chef d'équipe, alors que le contrat de travail conclu par les parties prévoyait une rémunération correspondant aux travailleurs de la classe salariale B. Une modification d'un élément essentiel du contrat de travail devait se faire en accord avec les parties.  
Elle ajoute que la CN ne prévoyait pas de modification tacite des classes salariales; seul l'art. 44 CN, relatif à la qualification annuelle de chaque employé, mentionnait une éventuelle adaptation de salaire. 
 
6.2. La recourante perd de vue que les juges cantonaux ont constaté, sans arbitraire, qu'elle avait considéré l'intimé comme chef d'équipe à compter du 1er avril 2014. L'intimé était visiblement d'accord d'assumer le rôle de chef d'équipe que la recourante lui a confié à partir de cette date. Il en découle qu'il a droit à la rémunération correspondante, sans que l'on perçoive une violation de l'art. 322 CO.  
Quant à l'argument de la recourante en lien avec la CN, les juges cantonaux ne l'ont pas traité. Elle ne soutient pas, références précises à l'appui, avoir déjà soulevé ce moyen devant eux (principe de l'épuisement des griefs; cf. ATF 143 III 290 consid. 1.1; arrêt 4A_6/2023 du 9 mai 2023 consid. 4). Au demeurant, ils n'ont pas constaté le contenu de l'art. 44 CN, sans pour autant que la recourante ne demande valablement de complètement de l'état de fait à cet égard. Son argument est donc irrecevable. 
 
7.  
Enfin, la recourante se plaint de la violation de l'art. 330a al. 1 CO, en soutenant que le certificat de travail n'avait pas à faire état de la qualification de chef d'équipe. 
Toutefois, dès lors que la cour cantonale a retenu sans arbitraire que l'intimé avait bel et bien exercé cette fonction, ce grief se révèle infondé. 
 
8.  
En définitive, le recours doit être rejeté, dans la mesure où il est recevable. 
Les frais judiciaires et les dépens seront mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 66 al. 1 et art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
La recourante versera à l'intimé une indemnité de 2'500 fr. à titre de dépens. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
 
Lausanne, le 2 mai 2024 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jametti 
 
La Greffière : Raetz