Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
6B_1374/2023
Arrêt du 2 mai 2024
Ire Cour de droit pénal
Composition
Mme et MM. les Juges fédéraux
Jacquemoud-Rossari, Présidente,
Muschietti et von Felten.
Greffier : M. Dyens.
Participants à la procédure
A.________,
recourant,
contre
1. Ministère public central du canton de Vaud,
avenue de Longemalle 1, 1020 Renens VD,
2. B.________,
représenté par Me Coralie Germond, avocate,
intimés.
Objet
Tentative de meurtre; présomption d'innocence,
recours contre le jugement de la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud, du 9 octobre 2023 (no 343 PE21.016629/AFE/Jgt/lpv).
Faits :
A.
Par jugement du 3 mai 2023, le Tribunal criminel de l'arrondissement de Lausanne a en particulier reconnu A.________ coupable de tentative de meurtre et l'a condamné à 7 ans de peine privative de liberté, sous déduction de 585 jours de détention avant jugement. Il a en outre constaté que le prénommé avait passé 23 jours de détention à l'hôtel de police dans des conditions illicites et a ordonné que 12 jours soient déduits de la peine mentionnée ci-dessus à titre de réparation du tort moral subi. Le Tribunal criminel a également ordonné le maintien en détention de A.________ pour des motifs de sûreté et a rejeté les conclusions prises par ce dernier, tendant à l'allocation d'une indemnité au sens de l'art. 429 al. 1 let. c CPP. Il a dit que A.________ était le débiteur de B.________ et lui devait immédiat paiement de la somme de 25'000 fr. avec intérêts à 5 % dès le 26 septembre 2021, à titre de réparation du tort moral subi et a renvoyé B.________ à agir devant le juge civil pour le surplus.
B.
Par jugement du 9 octobre 2023, la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal vaudois a rejeté l'appel interjeté par A.________ contre le jugement de première instance, qu'elle a confirmé.
Les faits retenus sont en substance les suivants.
À U.________, au chemin de V.________, dans le parking souterrain de l'immeuble sis à dite adresse, le 25 septembre 2021 vers 22h00, A.________ a, à plusieurs reprises, accusé son voisin, B.________, d'avoir dérobé un vélo. Ce dernier a contesté ces accusations. Le prévenu lui a alors demandé s'il voulait mourir et lui a encore dit "
mon frère, je sais que le vélo n'est pas à toi, je sais que tu l'as volé ". B.________ lui a répondu qu'il ne supportait pas que quelqu'un l'appelle "
mon frère " et ne le croie pas et que pour lui la discussion se terminait là, tout en se dirigeant vers l'ascenseur pour remonter chez lui. Au moment où il allait monter dans l'ascenseur, le prévenu l'en a empêché en lui barrant la porte avec son bras. B.________ a insisté pour que A.________ le laisse passer en lui disant qu'il ne lui faisait plus confiance et qu'il devait rester loin de lui. Ce dernier s'est finalement déplacé de côté, légèrement en retrait.
Soudain, B.________ a senti une froideur émaner de A.________ et s'est retourné vers lui pour lui faire face. À ce moment-là, le prévenu lui a asséné deux coups de couteau au torse et un au ventre en lui disant: "
Répète ! Tu n'as pas confiance en moi ? ". B.________ a essayé de fuir en direction de la buanderie.
A.________ l'a suivi et lui a donné un coup de couteau supplémentaire au niveau de la hanche gauche. Pensant que A.________ allait le tuer, B.________ l'a supplié d'arrêter et lui a dit qu'il lui faisait confiance. A.________ lui a répondu "
par terre ". Avec sa main gauche, B.________ a empoigné la main droite du prévenu dans laquelle il tenait le couteau pour l'empêcher de le frapper une nouvelle fois. Il a appuyé sa main droite sur la plaie qu'il avait au ventre et de laquelle son intestin sortait un peu. Il a plaqué son épaule droite contre le prévenu pour tenter de le bloquer. Après quelques instants, B.________ a pris la fuite en direction de la sortie du parking souterrain dans le but d'aller prendre un bus pour se rendre à l'hôpital. A.________, quant à lui, a quitté les lieux et est retourné à son domicile sis au rez-de-chaussée de l'immeuble.
Constatant que son état physique ne lui permettrait pas de se rendre à l'hôpital, B.________ est revenu sur ses pas pour rentrer chez lui et appeler les secours. Pensant que le prévenu se trouvait encore dans le parking, B.________ s'est avancé en étant très attentif. Soudain, un voisin, C.________ est sorti de l'ascenseur. Croyant qu'il s'agissait de A.________, B.________ a attendu quelques instants qu'il s'avance dans sa direction. Lorsqu'il a vu qu'il ne s'agissait pas de son agresseur, il a couru jusqu'à l'ascenseur, est remonté à son appartement et a fait appel aux secours.
B.________ a souffert de deux plaies suturées linéaires au thorax, une plaie partiellement suturée, linéaire, au quadrant inférieur droit de l'abdomen et une plaie suturée et recouverte de croûtes, grossièrement linéaire, à la face externe de la hanche gauche. Le médecin du SMUR qui s'est rendu sur les lieux a confirmé que le pronostic vital de la victime était engagé, raison pour laquelle B.________ a dû être conduit au CHUV pour y être soigné.
C.
A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre le jugement rendu le 9 octobre 2023 par la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal vaudois. Il conclut en substance à son acquittement du chef d'accusation de tentative de meurtre, à l'allocation de la somme de 100'000 fr. avec intérêts à 5 % l'an dès le 1er août 2022 à titre d'indemnité au sens de l'art. 429 al. 1 let. c CPP, et au rejet des conclusions civiles de la partie plaignante.
Considérant en droit :
1.
Le recourant invoque une violation de la présomption d'innocence et s'en prend à l'établissement des faits.
1.1. Le Tribunal fédéral n'est pas une autorité d'appel, auprès de laquelle les faits pourraient être rediscutés librement. Il est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'elles n'aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, soit pour l'essentiel de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation mais aussi dans son résultat (ATF 148 IV 409 consid. 2.2; 146 IV 88 consid. 1.3.1; 145 IV 154 consid. 1.1). En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il n'y a arbitraire que lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables. Le Tribunal fédéral n'entre en matière sur les moyens fondés sur la violation de droits fondamentaux, dont l'interdiction de l'arbitraire, que s'ils ont été invoqués et motivés de manière précise (art. 106 al. 2 LTF; ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 148 IV 409 consid. 2.2; 147 IV 73 consid. 4.1.2).
La présomption d'innocence, garantie par les art. 10 CPP, 32 al. 1 Cst., 14 par. 2 Pacte ONU II et 6 par. 2 CEDH, ainsi que son corollaire, le principe
in dubio pro reo, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large (ATF 145 IV 154 consid. 1.1; 144 IV 345 consid. 2.2.3.1; 127 I 38 consid. 2a). En tant que règle sur le fardeau de la preuve, elle signifie, au stade du jugement, que ce fardeau incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu. Comme règle d'appréciation des preuves (sur la portée et le sens précis de la règle sous cet angle, cf. ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3), la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective. Lorsque l'appréciation des preuves et la constatation des faits sont critiquées en référence au principe
in dubio pro reo, celui-ci n'a pas de portée plus large que l'interdiction de l'arbitraire (ATF 148 IV 409 consid. 2.2; 146 IV 88 consid. 1.3.1; 145 IV 154 consid. 1.1 et les arrêts cités).
1.2. En l'espèce, la cour cantonale a forgé sa conviction sur le plan factuel après avoir fait sienne l'appréciation des premiers juges qui, selon elle, les avait conduits à écarter à juste titre tout doute raisonnable concernant l'implication et la culpabilité du recourant.
La cour cantonale a ainsi retenu que, nonobstant l'absence de preuve matérielle établissant un contact entre les parties ou de certitude relative à l'arme du crime, l'intimé avait d'emblée désigné le recourant, qu'il connaissait, comme l'auteur de son agression, et ce sans ambiguïté, à plusieurs reprises. Il l'avait désigné la première fois le soir même des faits, au moment de sa prise en charge par les secours. Malgré les graves blessures subies, il n'avait jamais cherché à l'accabler et s'était montré nuancé dans ses déclarations à son égard, concédant qu'avec son épouse, ils avaient été les seuls à l'avoir aidé à son arrivée dans l'immeuble, qu'ils avaient développé une relation plus ou moins amicale, discutant ensemble tous les jours, mais qu'il avait commencé à se méfier du prévenu. À la suite des premiers juges, la cour cantonale a également estimé inconcevable, au vu des circonstances, que l'intimé ait pu accuser à tort le recourant.
La cour cantonale a en outre relevé que la propre version de ce dernier, qui consistait à prétendre que l'intimé avait été la cible d'un règlement de compte entre trafiquants de drogue et à se placer au coeur de l'altercation, mais en se dépeignant dans le rôle d'un tiers non concerné, voire de médiateur apparaissait purement opportune. Elle lui permettait en particulier d'expliquer une blessure qu'il avait sur le front, sans la faire apparaître comme une trace compromettante. Cette version entrait en outre en contradiction avec l'argument tiré de l'absence de traces ADN de contact, soulevé par le recourant pour se disculper du rôle d'agresseur. En suivant sa propre version, il aurait aussi dû présenter de telles traces, dès lors qu'il avait prétendu jusqu'alors avoir tenté de séparer les deux individus et que l'un d'entre eux l'avait "
touché au front ". Il s'était en outre contredit lors des débats d'appel, en indiquant à cette occasion ignorer ce qui avait provoqué son saignement au front.
Entre autres éléments, la cour cantonale a encore souligné que la version de l'intimé était cohérente sur le plan temporel, s'agissant de faits survenus vers 22h00 et d'un appel au secours intervenu à 22h05. À l'inverse, la version du recourant était émaillée de contradictions, notamment en ce qui concerne sa blessure au front. De surcroît, il n'était pas crédible lorsqu'il disait avoir séparé les deux individus qu'il prétendait avoir vu se battre, dont l'un d'eux aurait été muni d'un cutter ou d'autre chose, entre 18h00 et 19h00, une telle chronologie apparaissant incompatible avec l'horaire de l'appel au secours. En lien avec l'expertise psychiatrique, les juges précédents ont également relevé que les interactions que l'intimé disait avoir eues avec le recourant étaient cohérentes avec les constatations des experts sur la personnalité de ce dernier, ce qui renforçait la crédibilité du premier nommé. Enfin, il n'était pas nécessaire d'échafauder des hypothèses sur l'arme du crime. En effet, le prévenu avait été appréhendé vers 23h30, alors que les secours avaient été alertés par la victime à 22h05. Il avait ainsi disposé d'une heure et demie pour s'organiser et la faire disparaître.
1.3. Le recourant reproche essentiellement à la cour cantonale d'avoir fondé sa condamnation sur les seules déclarations de l'intimé et d'avoir mésinterprété différents éléments qui auraient dû la conduire à à considérer l'existence d'un doute insurmontable concernant sa culpabilité.
Or, que ce soit en lien avec la question de l'absence de traces d'ADN de contact, avec celle du cutter, la temporalité ou des témoignages pris en compte, le recourant, dont les critiques s'avèrent très largement appellatoires et, partant, irrecevables, échoue à mettre en exergue un élément propre à rendre insoutenables les constatations cantonales. On ne discerne pas d'élément que la cour cantonale aurait omis de prendre en compte et qui aurait privé de crédibilité les déclarations de l'intimé au point de ne pouvoir s'y fier. De même, rien dans ce qu'avance le recourant n'est de nature à rendre insoutenable le constat selon lequel l'intimé n'avait aucune raison d'accuser à tort le recourant. Au surplus, ce dernier se contente pour l'essentiel de substituer sa propre appréciation des éléments du dossier à celle de la cour cantonale.
Il faut en tout état souligner que l'intimé a une nouvelle fois confirmé ses déclarations aux débats d'appel, tout en ajoutant qu'il connaissait le recourant et qu'il n'avait pas pu se tromper. Avec les juges précédents, il convient également de relever que si les experts psychiatres ont écarté la présence d'un trouble chez le recourant, ils n'en ont pas moins mis en exergue certains traits de sa personnalité plus marqués, à savoir des aspects paranoïaques, avec notamment un besoin de contrôle sur autrui et des aspects narcissiques, un sens exagéré de son importance et de ses capacités, une sensibilité à la critique, de l'arrogance et de l'irritabilité. Comme relevé également, les interactions décrites par l'intimé avec le recourant étaient cohérentes avec les constatations des experts, étant rappelé que l'agression est survenue alors que l'intimé avait eu à se défendre d'accusations formulées par le recourant quant à un vol de vélo et avait voulu mettre un terme à la discussion.
Au regard de ce qui précède, on ne saurait retenir que la cour cantonale a versé dans l'arbitraire en retenant la version de l'intimé pour établir les faits, ni qu'elle aurait, ce faisant, violé la présomption d'innocence. Le grief doit donc être rejeté dans la mesure de sa recevabilité.
2.
Focalisant sa critique du jugement attaqué sur la question de l'établissement des faits, le recourant ne conteste pas la qualification juridique retenue par la cour cantonale, à savoir la tentative de meurtre (art. 22
ad art. 111 CP). À cet égard, elle a relevé, sur le plan objectif, que trois des quatre coups portés à l'intimé l'avaient été à des endroits où se trouvaient des organes vitaux, ce qui avait eu pour conséquence d'engager son pronostic vital. Elle a en outre retenu que, sur le plan subjectif, le recourant s'était à tout le moins accommodé de ce que les coups portés étaient susceptibles d'engendrer la mort.
En ce sens, la motivation cantonale s'avère conforme à la jurisprudence topique en la matière (cf. arrêts 6B_1006/2023 du 16 février 2024 consid. 1.3.3; 6B_38/2021 du 14 février 2022 consid. 2.4 et les arrêts cités) et il peut y être renvoyé, en tant que de besoin.
3.
Le recourant ne soulève aucun grief spécifique contre la peine infligée. Il n'y a pas matière à y revenir (art. 42 al. 2 LTF).
4.
Étant donné que la discussion esquissée par le recourant sous l'angle de l'art. 429 CPP postule son acquittement, qu'il n'obtient pas, celle-ci se trouve privée d'objet.
5.
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable.
Il était d'emblée dénué de chances de succès. L'assistance judiciaire doit être refusée (art. 64 al. 1 LTF). Le recourant supporte les frais de la cause, qui seront fixés en tenant compte de sa situation économique, qui n'apparaît pas favorable (art. 65 al. 2 et 66 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'200 fr., sont mis à la charge du recourant.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Lausanne, le 2 mai 2024
Au nom de la Ire Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : Jacquemoud-Rossari
Le Greffier : Dyens