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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
6S.145/2006 /viz 
 
Arrêt du 2 juin 2006 
Cour de cassation pénale 
 
Composition 
MM. les Juges Schneider, Président, 
Kolly et Karlen. 
Greffière: Mme Paquier-Boinay. 
 
Parties 
X.________, recourant, 
représenté par Me Jean-Pierre Bloch, avocat, 
 
contre 
 
Ministère public du canton de Vaud, 
case postale, 1014 Lausanne. 
 
Objet 
Fixation de la peine (tentative d'assassinat, etc.), 
pourvoi en nullité contre l'arrêt de la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois du 29 décembre 2005. 
 
Faits: 
A. 
Le 30 octobre 2004, vers 15h00, X.________ se trouvait avec son amie devant un vidéo-club à Lausanne au moment où une dispute éclata entre eux, pour un motif vraisemblablement anodin. Comme le couple gênait l'accès à l'automate situé à l'extérieur de ce commerce, le responsable de celui-ci, A.________, est poliment intervenu en proposant son aide. X.________ s'est alors immédiatement avancé vers lui et l'a agrippé. Le commerçant n'a pas perdu son sang-froid et l'a prié de se calmer, sans quoi il appellerait la police. X.________ a alors relâché son étreinte, encouragé en ce sens par son amie, et le couple s'est éloigné, X.________ précisant toutefois, d'un air menaçant, qu'il allait revenir. 
Arrivé au domicile de son amie, il s'est changé pour porter notamment une longue veste de couleur sombre, une casquette et une paire de lunettes. Il a ensuite quitté l'appartement de son amie en la sommant de rester chez elle et en l'informant qu'il allait "régler son compte au jeune homme". 
Une dizaine de minutes après la première altercation, X.________ a pénétré dans le magasin où A.________ était occupé à servir un client derrière le comptoir. X.________ s'est approché du comptoir, sans prendre garde aux autres personnes éventuellement présentes, ne voyant que A.________, qui lui tournait le dos. Sans hésiter, il a brandi le couteau à viande, d'une longueur de près de 30 centimètres, dont il s'était muni et dont il appliqua la lame sur le côté droit du cou de sa victime. Par un incroyable réflexe dû à sa connaissance des arts martiaux, A.________ est parvenu à saisir l'avant-bras de son agresseur, à le repousser malgré la résistance qu'il lui opposait et à se dégager de son étreinte en immobilisant le bras de son agresseur. Celui-ci a refusé de lâcher son couteau puis a quitté le magasin en emportant son arme et en annonçant qu'il reviendrait "flinguer" A.________. 
A.________ a subi une coupure superficielle du cartilage du pavillon de l'oreille droite sur un centimètre, à proximité immédiate de la carotide. Il présentait également des traces de griffures à la nuque ainsi qu'une estafilade sur la partie droite du cou. 
B. 
Par jugement du 4 novembre 2005, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne a reconnu X.________ coupable de tentative d'assassinat, vol d'importance mineure, menaces et infraction à la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers et l'a condamné à six ans de réclusion, sous déduction de la détention préventive subie, et à l'expulsion du territoire suisse pour une durée de quinze ans, étant précisé que ces peines sont complémentaires à celles prononcées le 16 septembre 2004 par le Juge d'instruction du Nord vaudois et le 21 octobre 2004 par le Juge d'instruction de Lausanne. 
C. 
Par arrêt du 29 décembre 2005, la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois a rejeté le recours formé par X.________ contre ce jugement, qu'elle a confirmé. 
La cour cantonale a considéré que la tentative imputée au condamné réunissait tous les éléments caractéristiques de l'assassinat. Elle a par ailleurs estimé que la peine prononcée à son encontre ne consacrait aucun abus du large pouvoir d'appréciation des premiers juges. 
D. 
X.________ forme un pourvoi en nullité contre cet arrêt. Soutenant d'une part que c'est à tort qu'il a été reconnu coupable de tentative d'assassinat et d'autre part que la peine qui lui a été infligée est manifestement disproportionnée à sa réelle culpabilité, il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour qu'elle statue à nouveau. Il sollicite en outre l'assistance judiciaire et demande qu'un défenseur d'office lui soit désigné en la personne de l'avocat rédacteur du mémoire de recours. 
E. 
Se référant aux considérants de son arrêt, l'autorité cantonale a déclaré n'avoir pas d'observations à formuler. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
Le pourvoi en nullité à la Cour de cassation pénale du Tribunal fédéral, qui revêt un caractère purement cassatoire (art. 277ter al. 1 PPF), ne peut être formé que pour violation du droit fédéral, à l'exception de la violation directe d'un droit de rang constitutionnel (art. 269 PPF). La Cour de cassation n'est pas liée par les motifs invoqués, mais elle ne peut aller au-delà des conclusions du recourant (art. 277bis PPF). Elle est en revanche liée par les constatations de fait de l'autorité cantonale, sous réserve de la rectification d'une inadvertance manifeste (art. 277bis al. 1 PPF). 
2. 
Le recourant soutient n'avoir pas agi avec la froideur et la détermination de l'assassin, mais avoir agi dans un état second, en ne sachant plus ce qu'il faisait. Il en veut pour preuve qu'au moment ou "il a couru sus à son ennemi tel un chevalier du moyen-âge lors d'une joute" il ne s'est soucié ni d'une éventuelle possibilité de s'échapper ni de la présence de tiers. 
2.1 Aux termes de l'art. 112 CP, se rend coupable d'assassinat celui qui tue avec une absence particulière de scrupules, notamment si son mobile son but ou sa façon d'agir est particulièrement odieux. L'assassinat constitue une forme qualifiée d'homicide intentionnel, qui se distingue du meurtre (art. 111 CP) par le caractère particulièrement répréhensible de l'acte (ATF 118 IV 122 consid. 2b p. 125). L'absence particulière de scrupules suppose une faute spécialement lourde et déduite exclusivement de la commission de l'acte. Pour la caractériser l'art. 112 CP évoque le cas où les mobiles, le but ou la façon d'agir de l'auteur sont hautement répréhensibles, mais cet énoncé n'est pas exhaustif. 
Les mobiles de l'auteur sont particulièrement odieux lorsqu'il tue pour obtenir une rémunération ou pour voler sa victime. Son but est particulièrement odieux lorsqu'il agit pour éliminer un témoin gênant ou une personne qui l'entrave dans la commission d'une infraction. Enfin, sa façon d'agir est particulièrement odieuse s'il fait preuve de cruauté, prenant plaisir à faire souffrir ou à tuer sa victime. Il ne s'agit toutefois là que d'exemples destinés à illustrer la notion, de sorte qu'il n'est pas nécessaire que l'une de ces hypothèses soit réalisée (ATF 118 IV 122 consid. 2b p. 125 s. et les références citées). On ne saurait cependant conclure à l'existence d'un assassinat dès que l'on distingue dans un cas d'espèce l'un ou l'autre élément qui lui confère une gravité particulière. Il faut au contraire procéder à une appréciation d'ensemble pour déterminer si l'acte, examiné sous toutes ses facettes, donne à l'auteur les traits caractéristiques de l'assassin. Tel est notamment le cas s'il ressort des circonstances de l'acte que son auteur a fait preuve du mépris le plus complet pour la vie d'autrui. Alors que le meurtrier agit pour des motifs plus ou moins compréhensibles, généralement dans une grave situation conflictuelle, l'assassin est une personne qui agit de sang froid, sans scrupules, qui démontre un égoïsme primaire et odieux, avec une absence quasi totale de tendances sociales, et qui, dans le but de poursuivre ses propres intérêts, ne tient aucunement compte de la vie d'autrui (ATF 127 IV 10 consid. 1a p. 14; 118 IV 122 consid. 2b p. 126 et les références citées). Chez l'assassin, l'égoïsme l'emporte en général sur toute autre considération. Il est souvent prêt à sacrifier, pour satisfaire des besoins égoïstes, un être humain dont il n'a pas eu à souffrir et fait preuve d'un manque complet de scrupules et d'une grande froideur affective (ATF 118 IV 122 consid. 2b p. 126 et l'arrêt cité). La destruction de la vie d'autrui est toujours d'une gravité extrême, mais, comme le montre la différence de peine, il faut, pour retenir la qualification d'assassinat, que la faute de l'auteur, par son caractère particulièrement odieux, se distingue nettement de celle d'un meurtrier au sens de l'art. 111 CP (ATF 127 IV 10 consid. 1a p. 13; 120 IV 265 consid. 3a p. 274; 118 IV 122 consid. 2b p.125 s.; 117 IV 369 consid. 17 p. 389 ss et les références citées). 
2.2 En l'espèce, il ressort des constatations de fait de l'autorité cantonale, qui lient le Tribunal fédéral saisi d'un pourvoi en nullité, que le recourant avait l'intention de supprimer sa victime, qui avait pour seul tort d'être intervenue, poliment et en proposant son aide, dans la dispute qui opposait le recourant et son amie, alors que le couple se trouvait devant son commerce et gênait l'accès à l'automate situé à l'extérieur de celui-ci. Après avoir saisi une première fois sa victime, le recourant a quitté les lieux et s'est rendu chez son amie, où il a changé de vêtements, mis une casquette et des lunettes et s'est muni du couteau à viande au moyen duquel il a perpétré son agression. 
En s'attaquant ainsi à une personne dont il n'avait absolument pas eu à souffrir, avec l'intention de la tuer pour un motif particulièrement futile (voir Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. I, Berne 2002, p. 32, n. 8 ad art. 112), le recourant a fait preuve du mépris le plus complet pour la vie d'autrui. Il a ainsi adopté un comportement typique de l'assassin. La comparaison chevaleresque du recourant ne lui est d'aucune utilité tant elle est dénuée de pertinence s'agissant d'une agression aussi gratuite. De même, le fait qu'il ne se soit pas soucié de la présence de tiers dans le magasin de la victime ne change rien au caractère particulièrement odieux de son acte. C'est donc sans violer le droit fédéral que l'autorité cantonale a reconnu le recourant coupable de tentative d'assassinat. 
3. 
Le recourant reproche en outre à l'autorité cantonale de lui avoir infligé une peine arbitrairement sévère. Relevant que sa victime, terme qui figure entre guillemets dans le mémoire, n'a finalement rien eu, il soutient que la peine de six ans qui lui a été infligée est manifestement disproportionnée pour sanctionner un geste malencontreux. Il s'estime victime d'une justice kafkaïenne, qui le sanctionne pour rien. 
3.1 Pour fixer la peine, le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation. Un pourvoi en nullité portant sur la quotité de la peine ne peut donc être admis que si la sanction a été fixée en dehors du cadre légal, si elle est fondée sur des critères étrangers à l'art. 63 CP, si les éléments d'appréciation prévus par cette disposition n'ont pas été pris en compte ou enfin si la peine apparaît exagérément sévère ou clémente au point que l'on doive parler d'un abus du pouvoir d'appréciation (ATF 129 IV 6 consid. 6.1 p. 21; 127 IV 101 consid. 2c p. 104; 124 IV 286 consid. 4a p. 295 et les arrêts cités). 
Le juge doit exposer dans sa décision les éléments essentiels relatifs à l'acte ou à l'auteur qu'il prend en compte, de manière à ce que l'on puisse constater que tous les aspects pertinents ont été pris en considération et comment ils ont été appréciés, que ce soit dans un sens atténuant ou aggravant. Il peut passer sous silence les éléments qui, sans abus du pouvoir d'appréciation, lui paraissent non pertinents ou d'une importance mineure. La motivation doit justifier la peine prononcée, en permettant de suivre le raisonnement adopté. Toutefois le juge n'est nullement tenu d'exprimer en chiffres ou en pourcentages l'importance qu'il accorde à chacun des éléments qu'il cite. Un pourvoi ne saurait être admis simplement pour améliorer ou compléter un considérant lorsque la décision rendue apparaît conforme au droit (ATF 127 IV 101 consid. 2c p. 104 s.; 122 IV 265 consid. 2d p. 269). 
La gravité de la faute est le critère essentiel à prendre en considération dans la fixation de la peine et le juge doit l'évaluer en fonction de tous les éléments pertinents, notamment ceux qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir le résultat de l'activité illicite, le mode d'exécution, l'intensité de la volonté délictuelle et les mobiles, et ceux qui concernent l'auteur, soit les antécédents, la situation personnelle et le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 129 IV 6 consid. 6.1 p. 20; 127 IV 101 consid. 2a p. 103; 122 IV 241 consid. 1a p. 243; 118 IV 21 consid. 2b p. 24 s.; 117 IV 112 consid. 1; 116 IV 288 consid. 2a). Concernant la situation personnelle de l'auteur, le juge doit prendre en compte sa vulnérabilité face à la peine, soit son état de santé et son âge, ses obligations familiales, sa situation professionnelle, les risques de récidive, etc. (ATF 102 IV 231 consid. 3 p. 233; 96 IV 155 consid. 3 p. 179). 
3.2 En l'espèce, les autorités cantonales ont relevé que la peine infligée au recourant sanctionnait un crime particulièrement grave, qui entrait de surcroît en concours avec d'autres infractions. Elles ont noté par ailleurs que les antécédents du recourant n'étaient pas bons puisqu'il avait déjà fait l'objet de plusieurs condamnations. 
A la décharge du recourant, les autorités cantonales ont pris en considération le fait que l'infraction la plus grave en était restée au stade de la tentative, de sorte qu'il y avait lieu de faire application de l'art. 65 CP. Elles ont, en outre, relevé que le recourant s'était en fin de compte livré lui-même aux forces de l'ordre et qu'il avait présenté des excuses lors des débats. 
On constate que la peine a été fixée dans le cadre légal déterminé par l'art. 112 CP, appliqué en relation avec les art. 21, 65 et 68 CP, et que l'autorité cantonale a pris en compte les éléments pertinents, sans se fonder sur des critères inappropriés. Reste donc à examiner si la peine prononcée paraît, comme le soutient le recourant, exagérément sévère au point que l'on doive considérer qu'elle procède d'un abus du pouvoir d'appréciation. 
Le recourant estime que la peine prononcée est excessive compte tenu du fait que sa victime n'a finalement rien eu. L'autorité cantonale a dûment pris cet élément en considération puisqu'elle a condamné le recourant pour tentative d'assassinat et, faisant application de la faculté qui lui était conférée par l'art. 21 al. 1 CP, a prononcé une peine bien inférieure au minimum de 10 ans de réclusion prévu par l'art. 112 CP. Le recourant semble perdre du vue que si sa victime n'avait pas eu une réaction particulièrement adéquate il aurait vraisemblablement à répondre d'un assassinat et se serait vu infliger une peine beaucoup plus lourde. 
Pour le surplus, l'argumentation du recourant montre que celui-ci n'a pas véritablement pris conscience de la gravité de ses actes. Le recourant a menacé au moyen d'un couteau placé à proximité immédiate de la carotide une personne qui aurait ainsi payé de sa vie le moindre mouvement malencontreux ou même l'absence de tout mouvement si elle n'avait eu la possibilité, notamment grâce à sa pratique des arts martiaux, d'adopter un comportement particulièrement adéquat. Dans ces circonstances, en prétendant qu'il encourt les foudres de la justice pour rien, pour une raison "kafkaïenne", le recourant montre un grave manque de prise de conscience, qui affaiblit considérablement la portée des excuses prononcées lors des débats. En effet, la jurisprudence considère que le comportement de l'auteur après les faits, duquel participent de telles excuses, est à prendre en considération dans la mesure où il dénote un véritable repentir ou pour le moins une prise de conscience ou montre que l'intéressé a tiré les enseignements qui s'imposaient, de sorte que l'on peut considérer qu'il s'abstiendra de commettre de nouvelles infractions (ATF 118 IV 337 consid. 2c p. 341). Tel n'est malheureusement pas le cas en l'espèce et le fait que le mémoire mentionne la victime en mettant ce terme entre guillemets montre bien que le recourant n'est même pas conscient du tort causé à celle-ci, qui est pourtant manifeste, même si elle a eu la chance d'avoir la vie sauve et de ne subir que des blessures superficielles. 
Compte tenu de l'ensemble de ces circonstances, on ne saurait considérer que l'autorité cantonale a abusé du large pouvoir d'appréciation dont elle disposait en confirmant la peine de 6 ans de réclusion infligée au recourant. 
4. 
Comme le pourvoi apparaissait d'emblée dénué de chances de succès, la requête d'assistance judiciaire doit être rejetée (art. 152 al. 1 OJ) et le recourant, qui succombe, en supportera les frais (art. 278 al. 1 PPF), dont le montant sera fixé en tenant compte de sa situation financière. 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le pourvoi est rejeté. 
2. 
La requête d'assistance judiciaire est rejetée. 
3. 
Un émolument judiciaire de 800 fr. est mis à la charge du recourant. 
4. 
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, à la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal et au Ministère public du canton de Vaud. 
Lausanne, le 2 juin 2006 
Au nom de la Cour de cassation pénale 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: La greffière: