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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
8C_690/2023  
 
 
Arrêt du 2 juillet 2024  
 
IVe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mmes les Juges fédéraux Wirthlin, Président, Maillard, Heine, Viscione et Scherrer Reber. 
Greffière : Mme Castella. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Jean-Michel Duc, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Caisse cantonale vaudoise de compensation AVS, rue des Moulins 3, 1800 Vevey, 
intimée. 
 
Objet 
Prestation complémentaire à l'AVS/AI, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 25 septembre 2023 (PC 1/23 - 32/2023). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A.________, né en 1968, est séparé de son épouse avec laquelle il a eu deux enfants. Du 15 septembre 2008 au 30 septembre 2017, il a travaillé en tant que conseiller à la clientèle au service de la B.________ SA, activité pour laquelle il était assuré pour la prévoyance professionnelle auprès de la Personalvorsorgestiftung C.________ (ci-après: la fondation de prévoyance C.________). Par la suite, il s'est annoncé à l'assurance-chômage. À compter du 1 er novembre 2019, il a bénéficié du soutien du Centre social régional de l'Ouest lausannois.  
 
A.b. Par décision du 21 avril 2022, l'Office AI du canton de Vaud a reconnu le droit du prénommé à une rente entière d'invalidité avec effet rétroactif au 1 er octobre 2020. Dans sa motivation, il indiquait que la demande de prestations était tardive, l'assuré présentant une incapacité de travail sans interruption notable depuis le 18 août 2017.  
 
A.c. Le 2 mai 2022, A.________ a déposé une demande de prestations complémentaires, en indiquant notamment qu'une demande de rente de la prévoyance professionnelle était en cours. Parmi les documents annexés à sa demande figurait un extrait de son compte de libre passage auprès de la Fondation institution supplétive LPP, faisant état d'un avoir de 141'531 fr. 93 au 31 décembre 2020.  
Par lettre du 28 juillet 2022, la fondation de prévoyance C.________ a rejeté la demande de rente d'invalidité de la prévoyance professionnelle, motif pris de l'absence de connexité matérielle et temporelle entre l'invalidité de l'intéressé et sa situation sur le plan médical pendant les rapports d'affiliation. 
Par quatre décisions du 21 octobre 2022, la Caisse cantonale de compensation AVS (ci-après: la caisse de compensation) a octroyé à l'assuré des prestations complémentaires à hauteur de 616 fr. mensuels pour la période du 1er octobre au 31 décembre 2020, puis de 838 fr. du 1er janvier 2021 au 30 avril 2022. En revanche, elle a nié le droit aux prestations complémentaires au-delà du 30 avril 2022, au motif que sa fortune mobilière de 144'037 fr. 30 dépassait alors le seuil de 100'000 fr. à partir duquel les personnes seules n'avaient pas droit aux prestations. 
L'assuré s'est opposé à ces décisions, soutenant en particulier qu'il ne pouvait pas disposer de la prestation de libre passage. Par décision du 24 novembre 2022, la caisse de compensation a rejeté l'opposition. 
 
B.  
L'assuré a déféré la décision sur opposition susmentionnée à la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud, se prévalant en particulier d'une procédure introduite à l'encontre de l'institution de prévoyance de son dernier employeur afin d'être mis au bénéfice d'une rente d'invalidité de la prévoyance professionnelle. Il a produit à cet égard une ordonnance de la même Cour des assurances sociales impartissant un délai à la Fondation institution supplétive LPP pour répondre à la demande en justice déposée par l'intéressé le 17 janvier 2023. 
Par arrêt du 25 septembre 2023, la Cour des assurances sociales a très partiellement admis le recours de l'assuré et a réformé la décision sur opposition du 24 novembre 2022 en ce sens que l'assuré a droit à des prestations complémentaires à hauteur de 838 fr. pour le mois de mai 2022 et que son droit aux prestations complémentaires est supprimé à compter du 1 er juin 2022 seulement.  
 
C.  
A.________ forme un recours en matière de droit public contre cet arrêt, en concluant à sa réforme dans le sens de l'octroi de prestations complémentaires à partir du 1er juin 2022. À titre subsidiaire, il conclut à l'annulation de l'arrêt cantonal et au renvoi de la cause à l'instance précédente pour nouvel examen et nouveau jugement. 
L'intimée conclut au rejet du recours. L'Office fédéral des assurances sociales (OFAS) a renoncé à se déterminer. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours est dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière de droit public (art. 82 ss LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF). Il a été déposé dans le délai (art. 100 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. Il est donc recevable. 
 
2.  
Le litige porte sur le point de savoir si la juridiction cantonale a violé le droit fédéral en niant le droit du recourant aux prestations complémentaires à compter du 1er juin 2022. 
 
3.  
 
3.1. La cour cantonale a considéré que le recourant avait la possibilité de demander le versement de son capital de prévoyance sur la base de l'art. 16 al. 2 OLP (RS 831.425); un tel retrait était exigible de sa part compte tenu de son devoir d'atténuer les conséquences du dommage causé par le fait de toucher des prestations complémentaires. Le recourant se prévalait certes de l'opposition de son épouse au retrait, mais il n'alléguait ni n'établissait que l'absence de son consentement aurait été soumise à un juge, conformément à la faculté conférée par l'art. 16 al. 3 OLP. Enfin, les juges cantonaux ont considéré que le dépôt d'une demande de rente d'invalidité de la prévoyance professionnelle n'excluait pas la prise en compte du capital de libre passage à titre de fortune dans le calcul des prestations complémentaires, du moins pas tant qu'aucune rente d'invalidité n'était versée. Se référant à la jurisprudence du Tribunal fédéral, ils ont précisé qu'une prestation de sortie était effectuée valablement même s'il apparaissait après coup que celle-ci n'aurait pas dû être versée parce que le cas de prévoyance "invalidité" s'était déjà produit auparavant et que la restitution d'une prestation de sortie était admissible après la survenance du risque de prévoyance "invalidité" (ATF 135 V 13 consid. 3.). En outre, l'ancienne institution de prévoyance obligée de verser des prestations d'invalidité après avoir transféré la prestation de sortie à une institution de libre passage n'était pas tenue d'obtenir la restitution de la prestation de sortie (ATF 141 V 197 consid. 5.3).  
Par conséquent, la prise en compte de l'avoir de prévoyance du recourant, supérieur au seuil de 100'000 fr. de l'art. 9a al. 1 let. a LPC (RS 831.30), conduisait à la suppression de son droit aux prestations complémentaires à compter du 1er juin 2022. En effet, la prise en compte du capital de prévoyance ne pouvait intervenir qu'à compter du mois suivant l'entrée en force de la décision de l'assurance-invalidité, rendue en l'occurrence le 21 avril 2022 et entrée en force au plus tôt le 23 mai 2022. 
 
3.2. De son côté, le recourant conteste que l'ouverture d'une action en vue d'obtenir une rente d'invalidité de la prévoyance professionnelle n'exclue pas la prise en compte du capital de libre passage à titre de fortune dans le calcul des prestations compensatoires. Il soutient en substance que son invalidité serait survenue pendant les rapports de prévoyance et que les ATF 135 V 13 et 141 V 197, auxquels se sont référés les premiers juges, n'auraient pas de lien avec la question litigieuse.  
 
4.  
 
4.1. Selon une jurisprudence constante, seuls les revenus effectivement perçus et les valeurs patrimoniales existantes dont le bénéficiaire de prestations peut disposer sans restriction peuvent être pris en compte dans l'évaluation du droit aux prestations complémentaires, dans la mesure où celles-ci ont pour but de couvrir les besoins vitaux courants. Demeure réservé le cas de la renonciation à des revenus ou à des valeurs patrimoniales (ATF 146 V 331 consid. 5.5; 127 V 248 consid. 4a; 110 V 17 consid. 3; arrêts 9C_447/2016 du 1er mars 2017 consid. 4.2.1; 9C_333/2016 du 3 novembre 2016 consid. 3; 9C_901/2014 du 16 mars 2015 consid. 3.4.1; 9C_846/2010 du 12 août 2011 consid. 4.2.2 et les références). En d'autres termes, la prise en compte d'une valeur patrimoniale dans le cadre de l'art. 11 al. 1 let. c LPC (relatif à la prise en compte de la fortune dans les revenus déterminants) repose sur la fiction qu'elle peut être transformée en tout temps en fortune liquide et consommée en tant que telle. Toutefois, si la conversion en liquidités n'est pas possible ou si l'accès à celles-ci est refusé, la prise en compte n'a pas lieu (arrêt 9C_831/2016 du 11 juillet 2017 consid. 5.1 et les références).  
 
4.2. Aux termes de l'art. 16 al. 2 OLP, si l'assuré perçoit une rente entière d'invalidité de l'assurance fédérale et si le risque d'invalidité n'est pas assuré à titre complémentaire au sens de l'art. 10 al. 2 et 3, deuxième phrase, la prestation de vieillesse lui est versée plus tôt sur sa demande. Lorsque l'assuré est marié ou lié par un partenariat enregistré, le versement de la prestation de vieillesse en capital n'est autorisé que si le conjoint ou le partenaire enregistré donne son consentement écrit; s'il n'est pas possible de recueillir ce consentement ou s'il est refusé, l'assuré peut en appeler au tribunal civil (al. 3).  
Le capital de libre passage que l'ayant droit aux prestations complémentaires pourrait percevoir en vertu de l'art. 16 al. 2 OLP doit être imputé comme élément de fortune non seulement en cas de versement effectif mais déjà lorsque le versement est légalement admissible (ATF 146 V 331 consid. 3 et 4; voir aussi ATF 140 V 201 consid. 2.2). Le Tribunal fédéral a ainsi jugé que le droit au versement au sens de l'art. 16 al. 2 OLP d'un avoir provenant d'un compte de libre passage naissait au moment de l'entrée en force de la décision d'octroi d'une rente entière de l'assurance-invalidité (ATF 146 V 331 consid. 5). Il convient toutefois de relever que, dans les arrêts susmentionnés, l'ayant droit aux prestations complémentaires ne prétendait pas à l'allocation d'une rente d'invalidité de la prévoyance professionnelle et la prise en compte, en tant que telle, du capital de libre passage n'était pas litigieuse. Ainsi, dans l'ATF 146 V 331, seul était litigieux le point de savoir si l'on pouvait prendre en compte de manière rétroactive le droit au versement d'un avoir provenant d'un compte de libre passage au sens de l'art. 16 al. 2 OLP
 
4.3. Quant aux jurisprudences sur lesquelles se sont fondés les premiers juges, elles ont été rendues en matière de prévoyance professionnelle et il faut admettre, avec le recourant, qu'elles n'offrent pas une réponse directe et explicite à la question litigieuse en l'espèce de savoir si le capital de libre passage doit être considéré, du point de vue des prestations complémentaires, comme de la fortune disponible sans restriction, lorsque l'ayant droit prétend au versement d'une rente d'invalidité de la prévoyance professionnelle. Ainsi, dans l'ATF 135 V 13, le Tribunal fédéral a reconnu la validité d'une prestation de sortie, même s'il apparaissait après coup qu'elle n'aurait pas dû être versée parce que le cas de prévoyance "invalidité" s'était déjà produit auparavant; il a également considéré qu'une restitution de la prestation était admissible après la survenance du risque de prévoyance "invalidité" (consid. 3.1-3.6). Dans l'ATF 141 V 197, il a jugé qu'une ancienne institution de prévoyance obligée de verser des prestations d'invalidité après avoir transféré la prestation de sortie à une institution de libre passage n'était pas tenue d'obtenir de cette institution la restitution de la prestation de sortie (consid. 5.3).  
Cela étant, si le retrait de l'avoir de libre passage du recourant ne constitue pas en soi un obstacle à la reconnaissance ultérieure de son droit éventuel à une rente d'invalidité de la prévoyance professionnelle, il n'en reste pas moins que, le cas échéant, l'absence de restitution de l'avoir de prévoyance sera sanctionnée par une réduction des prestations d'invalidité (ATF 141 V 197 consid. 5.3; 135 V 13 consid. 3.4 et 3.5; cf. art. 3 al. 3 LFLP [RS 831.42]). Or il n'est pas exigible du recourant qu'il retire son capital de libre passage, si cela a pour conséquence de prétériter son droit à une rente d'invalidité non réduite de la prévoyance professionnelle. Certes, le Tribunal fédéral a reconnu la possibilité pour l'assuré de rembourser par ses propres ressources la prestation de sortie afin de percevoir des prestations d'invalidité non réduites (cf. ATF 141 V 197 consid. 5.6). Il est toutefois douteux en l'espèce que le recourant sera en mesure de le faire, dès lors que l'avoir de libre passage servira à couvrir ses besoins vitaux courants. A cela s'ajoute que la Fondation institution supplétive LPP, partie à une procédure judiciaire portant sur son éventuel devoir de verser une rente de la prévoyance professionnelle, ne sera vraisemblablement pas encline à verser au recourant l'avoir de libre passage avant de connaître l'issue de cette procédure. 
 
4.4. Il s'ensuit en l'espèce que l'avoir figurant sur le compte de libre passage du recourant ne doit pas être pris en compte dans l'évaluation de son droit aux prestations complémentaires, cela jusqu'à droit connu sur la procédure relative à son droit éventuel à une rente de la prévoyance professionnelle. Ensuite, si le recourant se voit dénier le droit à une rente d'invalidité de la prévoyance professionnelle, il n'y aura plus d'obstacle à la prise en considération de l'avoir de prévoyance dans le calcul des prestations complémentaires. A contrario, en cas de paiement rétroactif de rentes d'invalidité du deuxième pilier, devra être pris en compte dans l'année civile pour laquelle une prestation complémentaire a été payée le montant de la rente arriérée afférent à la même période, afin d'éviter tout risque de surindemnisation (ATF 146 V 331 consid. 5.4; arrêt 9C_907/2013 et 9C_37/2014 du 29 août 2014 consid. 6.2; voir aussi URS MÜLLER, Rechtsprechung des Bundesgerichts zum ELG, 3e éd. 2015, n. 441). Aussi le recourant pourra-t-il être tenu de restituer les éventuelles prestations complémentaires versées en trop, dans un but de rétablissement de l'ordre légal (cf. ATF 122 V 134).  
 
4.5. En conclusion, le droit au versement selon l'art. 16 al. 2 OLP ne doit pas être pris en compte dans l'évaluation du droit aux prestations complémentaires lorsqu'un assuré fait valoir de manière active son droit à une rente d'invalidité du deuxième pilier. Sont réservées les situations - non réalisées en l'espèce - où l'assuré ne concrétise pas son intention d'obtenir la rente d'invalidité du deuxième pilier ou si, après un examen sommaire des circonstances, ses prétentions apparaissent clairement mal fondées.  
 
5.  
Vu les considérants qui précèdent, l'arrêt cantonal doit être annulé en tant qu'il supprime le droit du recourant aux prestations complémentaires à compter du 1er juin 2022 et la cause renvoyée à l'intimée pour nouvelle décision à compter de cette date. Ce faisant, elle ne devra pas tenir compte de l'avoir figurant sur le compte de libre passage auprès de la Fondation institution supplétive LPP, cela jusqu'à droit connu sur la procédure relative au droit du recourant à une rente d'invalidité de la prévoyance professionnelle. 
 
6.  
Le renvoi ordonné revient à donner gain de cause au recourant, de sorte que les frais judiciaires doivent être mis à la charge de l'intimée (art. 66 al. 1 LTF). Celle-ci versera par ailleurs une indemnité de dépens au recourant (art. 68 al. 1 LTF). La cause est renvoyée au Tribunal cantonal pour nouvelle décision sur les dépens de la procédure antérieure (art. 68 al. 5 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est partiellement admis. L'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, du 25 septembre 2023, est annulé en tant qu'il supprime le droit du recourant aux prestations complémentaires à compter du 1er juin 2022. La cause est renvoyée à l'intimée pour qu'elle rende une nouvelle décision sur le droit du recourant aux prestations complémentaires à compter du 1er juin 2022. Le recours est rejeté pour le surplus. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de l'intimée. 
 
3.  
L'intimée versera au recourant la somme de 2'800 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral. 
 
4.  
La cause est renvoyée au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, pour nouvelle décision sur les dépens de la procédure antérieure. 
 
5.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances sociales. 
 
 
Lucerne, le 2 juillet 2024 
 
Au nom de la IVe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Wirthlin 
 
La Greffière : Castella