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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1C_529/2021  
 
 
Arrêt du 2 septembre 2022  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président, 
Haag et Merz. 
Greffier : M. Kurz. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Laurent Damond, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Direction générale de l'environnement du canton de Vaud, 
Unité droit et études d'impact, avenue de Valmont 30b, 1014 Lausanne, 
Municipalité de Lutry, 
Le Château, case postale 190, 1095 Lutry. 
 
Objet 
Prise en charge des frais de réfection après un glissement de terrain 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud, du 4 août 2021 (AC.2020.0021). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.________ est propriétaire des parcelles n° s 5850, 5851, 5852 5853 et 5854 de la commune de Lutry, dans un secteur situé entre l'autoroute A9 au nord, la bretelle d'accès au sud (DP 36 appartenant à l'Etat de Vaud) et le ruisseau du Mâcheret à l'est (DP 214, également à l'Etat de Vaud). Les parcelles sont régies par un plan partiel d'affectation (PPA) "Les Brûlées" de 2014. Le périmètre se trouve, selon la carte des phénomènes du canton de Vaud, dans une zone de glissement de terrain actif et, selon la carte des dangers naturels, en zone de glissements superficiels spontanés (niveau de danger faible à résiduel) et en zone de glissements profonds permanents (niveau de danger moyen à faible). L'étude réalisée lors de l'adoption du PPA (rapport du bureau d'ingénieurs B.________ de 2010) avait considéré que le secteur était constructible malgré ces risques et préconisait des mesures de renforcement de la stabilité des sols. Ces mesures sont reprises dans le règlement du PPA (RPPA, art. 30). Entre septembre 2016 et avril 2019, cinq immeubles d'habitation ont été construits sur les parcelles nos 5850, 5851, 5852 puis 5853, ces projets étant subordonnés à l'adoption de mesures constructives visant à sécuriser les bâtiments. 
Au mois de janvier 2018, après de fortes intempéries et alors que des chantiers étaient en cours sur les parcelles 5850 à 5853, un double glissement de terrain est survenu sur les parcelles n° s 5854, DP 36 et 214 ainsi que 3519, cette dernière, propriété de la commune de Lutry, étant située en aval. Le ruisseau du Mâcheret avait subi d'importants dégâts nécessitant des travaux urgents. Selon le rapport préliminaire du bureau B.________ de février 2018, les remblais provenant de l'excavation du bâtiment en construction sur la parcelle n° 5853 avaient partiellement glissé; la surcharge, associée à l'absence de drainage, avait provoqué le glissement sur ce secteur nord (parcelle n° 5854). L'absence de drainage expliquait aussi le second glissement au sud (parcelles n° s 3519, DP 36 et 214). En dates des 28 août et 6 novembre 2018, le même bureau a rendu son rapport d'expertise finale, considérant que les charges fixées dans le rapport de 2010 n'avaient pas été respectées, ce qui avait conduit à une mise en charge excessive des sols et au déclenchement des deux glissements. La responsabilité du maître de l'ouvrage était engagée. 
 
 
B.  
En novembre et décembre 2018, la municipalité de Lutry a mis à la charge de A.________ les frais d'entretien du domaine public communal, soit des factures de 38'000 fr., 7'500 fr. et 16'500 fr. Le 17 décembre 2018 la Direction générale de l'environnement du canton de Vaud, Division ressources en eau et économie hydraulique (DGE-EAU) a mis à la charge de A.________ les frais de réparation du pont, de renforcement de la rive droite et du lit du ruisseau du Mâcheret, soit 15'779.60 fr., réservant les travaux complémentaires de terrassements, remise en état des ouvrages de renforcement du lit du ruisseau, réfection du pont et de sa fondation. Les travaux en question ont été réalisés au printemps 2019 et les factures y afférentes, pour un total de 80'721.65 fr., ont également été mises à la charge de A.________ par une nouvelle décision du 17 janvier 2020. L'intéressé a recouru contre ce prononcé auprès de la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal vaudois (CDAP). 
 
C.  
Par arrêt du 4 août 2021, la CDAP a partiellement admis le recours. Le bureau B.________ disposait de l'indépendance et de l'impartialité nécessaires et il ne se justifiait pas de mettre en oeuvre les deux autres expertises requises par le recourant (ingénieur civil sur la question des causes de l'éboulement et des coûts de remise en état, station météorologique s'agissant de l'importance des précipitations en janvier 2018). Le recourant, destinataire de l'autorisation de construire sur la parcelle n° 5853, n'avait pas produit le rapport de synthèse exigé par l'ECA et attestant de la réalisation des mesures préconisées à l'art. 30 RPPA, notamment le drainage des eaux de surface. Le stockage des remblais de chantier sur un site déjà instable et l'absence de drainage étaient les causes principales du glissement de terrain. Le recourant avait violé son devoir de diligence au sens de l'art. 3 de la loi fédérale sur la protection des eaux (LEaux, RS 814.20) et devait être considéré comme perturbateur par comportement et par situation. En tant que propriétaire des parcelles constituant une source de danger pour le ruisseau, l'Etat de Vaud avait en outre réalisé des aménagements sur le cours d'eau et on pouvait douter que toutes les précautions avaient été prises. Il encourait une légère part de responsabilité, évaluée en équité à 15%. La décision de la DGE-EAUX a été réformée en ce sens que les frais mis à la charge du recourant ont été réduits de 15% et fixés à 68'613.40 fr. 
 
 
D.  
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande au Tribunal fédéral de réformer l'arrêt cantonal en ce sens que le recours est admis et la décision de la DGE-EAUX du 17 janvier 2020 est annulée. 
La cour cantonale se réfère à son arrêt, sans observations. La DGE conclut au rejet du recours. L'Office fédéral de l'environnement renonce à se déterminer. La municipalité de Lutry ne s'est pas déterminée. Le recourant a ensuite maintenu ses conclusions et la DGE a renoncé à des observations supplémentaires. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) prise en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF) dans une cause relevant du droit public (art. 82 let. a LTF), le recours est en principe recevable comme recours en matière de droit public, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. Le recourant a pris part à la procédure devant l'instance cantonale; il est particulièrement atteint par l'arrêt attaqué et a un intérêt digne de protection à sa modification, celui-ci mettant à sa charge la majeure partie des frais de réfection du ruisseau et de réparation du pont, pour un montant fixé en dernier lieu à 68'613.40 fr. Il a ainsi qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF
Les autres conditions de recevabilité sont réunies, si bien qu'il y a lieu d'entrer en matière sur le recours. 
 
2.  
Le recourant présente un "rappel du contexte et de l'objet du recours". Il invoque à ce propos une "violation des dispositions matérielles résultant de l'état de fait, dans le respect des exigences posées par la LTF et la jurisprudence y relative". 
Le recourant ne peut critiquer les constatations de fait ressortant de la décision attaquée que si celles-ci ont été effectuées en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ou de manière manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire, et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF; ATF 145 V 188 consid. 2; 142 II 355 consid. 6). Conformément à l'art. 106 al. 2 LTF, la partie recourante doit expliquer de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées. A défaut, il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge de celui qui est contenu dans l'acte attaqué (ATF 145 V 188 consid. 2; 137 II 353 consid. 5.1). Il y a arbitraire (art. 9 Cst.) dans l'établissement des faits ou l'appréciation des preuves si le juge n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, s'il a omis, sans raison sérieuse, de tenir compte d'un moyen important propre à modifier la décision attaquée ou encore si, sur la base des éléments recueillis, il a fait des déductions insoutenables (cf. ATF 146 IV 88 consid. 1.3.1; 144 II 281 consid. 3.6.2). Le recourant ne peut pas se borner à contredire les constatations litigieuses par ses propres allégations ou par l'exposé de sa propre appréciation des preuves; il doit indiquer de façon précise en quoi ces constatations sont arbitraires (ATF 133 II 249 consid. 1.4.3). 
Le rappel des faits présenté par le recourant recoupe entièrement la partie en fait de l'arrêt attaqué. Le recourant n'indique nullement sur quels points il entendrait se distancer des faits constatés, ni en quoi ces constatations seraient arbitraires. Le grief tiré de l'établissement inexact des faits et de l'appréciation arbitraire des preuves doit partant être déclaré irrecevable et le Tribunal fédéral statuera exclusivement sur la base des faits retenus par la cour cantonale (art. 105 al. 1 LTF). 
 
3.  
Invoquant son droit d'être entendu, le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir refusé d'entendre comme témoins les participants à la séance du 19 avril 2018 durant laquelle le recourant avait reconnu une part de responsabilité, les autorités ayant de leur côté admis la prise en charge des frais inhérents à la remise en état et à l'aménagement du cours d'eau. Le recourant soutient aussi qu'une expertise judiciaire aurait dû être ordonnée, les expertises figurant au dossier ne se prononçant pas sur la question de l'accumulation ou du déplacement de terre et son influence sur le sinistre. Un rapport de l'institut météorologique aurait aussi dû être requis afin de connaître les quantités de précipitations dans les jours précédant le sinistre. 
 
3.1. Le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., comprend notamment le droit pour la personne intéressée de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou, à tout le moins, de s'exprimer sur son résultat lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre. Selon la jurisprudence, le droit d'être entendu n'empêche toutefois pas l'autorité de mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient pas l'amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1; 140 I 285 consid. 6.3.1).  
 
3.2. La cour cantonale a relevé qu'il n'existait pas de procès-verbal de la séance du 19 avril 2018. Le recourant a produit une déclaration d'un représentant d'un bureau d'ingénieurs selon lequel il avait été convenu, en présence des autorités communales et cantonales, que le recourant admettait une part de responsabilité, que les frais de remise en état seraient pris en charge "par qui de droit" et qu'en aucun cas les coûts ne seraient entièrement pris en charge par le recourant. Le recourant ne prétend toutefois pas qu'une décision formelle aurait été prise à ce propos, ou que les conditions d'une protection de sa bonne foi seraient réunies (ATF 143 V 95 consid. 3.6.2; 137 II 182 consid. 3.6.2). Dans la mesure où il avait été décidé peu auparavant de mettre en oeuvre une expertise pour définir les responsabilités, il n'est pas vraisemblable qu'un tel engagement ait été pris par les autorités sans même attendre le résultat de cette expertise. La cour cantonale pouvait dès lors considérer sans arbitraire que l'administration des preuves requises ne l'amènerait pas à une solution différente sur ce point.  
 
3.3. Le bureau B.________, qui était déjà intervenu en 2010 dans le cadre de l'élaboration du PPA pour fixer les conditions à la constructibilité des parcelles, s'est prononcé à deux reprises sur les causes du sinistre. Dans son rapport préliminaire de février 2018, il a constaté que des remblais d'excavation avaient été stockés sur la parcelle n° 5853 et qu'en l'absence de drainage pour collecter les eaux de chantier, il en était résulté une charge excessive. Cette appréciation est confirmée dans le rapport final du 28 août - respectivement 6 novembre - 2018. L'expert s'est prononcé après deux visites sur place; il était également intervenu lors des mesures d'urgence prises en janvier 2018; il s'est entretenu avec les voisins et le personnel de chantier et bénéficiait ainsi d'une connaissance suffisante des lieux pour se prononcer sur l'existence et l'emplacement des remblais opérés sur la parcelle n° 5853, ainsi que leur rôle dans le glissement de terrain. On ne voit dès lors pas en quoi de nouvelles constatations auraient été à même de revenir sur les conclusions de l'expert. Contrairement aux exigences de motivation (cf. ci-dessus consid. 2), le recourant ne critique du reste pas les explications de la cour cantonale qui l'ont amenée à se contenter du rapport du bureau B.________ et à renoncer à la mise en oeuvre d'une autre expertise.  
Il en va de même s'agissant de la quantité de précipitations dans les jours précédant le sinistre. Il n'est pas contesté que le glissement de terrain a eu lieu après d'importantes précipitations, mais il est également établi que la présence des remblais et l'absence des drainages recommandés sont les causes de l'évènement, indépendamment de la quantité exacte de précipitations dans les jours précédant le sinistre. 
L'appréciation anticipée de la cour cantonale ne prête donc pas le flanc à la critique et le refus d'instruire sur ces différents points ne viole pas le droit d'être entendu du recourant. 
 
3.4. Se plaignant d'un défaut de motivation, le recourant reproche à la cour cantonale de ne pas avoir tenu compte de l'amortissement des installations dès lors que la réfection du terrain et du cours d'eau a été effectuée à leur valeur à neuf. La cour cantonale a considéré (consid. 5e de l'arrêt attaqué) que les travaux urgents ainsi que les mesures d'assainissement étaient limités à ce qui était nécessaire pour achever la remise en état et éviter la survenance de nouveaux dégâts. La cour cantonale s'est ainsi prononcée sur le caractère nécessaire des travaux et a rejeté l'argument selon lequel il se serait agi d'interventions somptuaires ou d'embellissement. Le droit d'être entendu du recourant a également été respecté sur ce point.  
 
3.5. Le recourant estime enfin que l'abattement de 15% consenti par la cour cantonale serait arbitraire et insuffisamment motivé, et aurait dû être déterminé par une expertise. Les raisons de cet abattement sont toutefois exposées dans l'arrêt attaqué (consid. 5d) : du fait de leur emplacement en zone de glissement actif de catégorie 2B, les parcelles constituaient un risque pour le cours d'eau; en outre, on pouvait douter que toutes les précautions liées à l'instabilité du terrain avait été prises par l'Etat de Vaud lors des aménagements réalisés sur le cours d'eau. Propriétaire des parcelles, l'Etat constituait donc un perturbateur par situation. Le recourant ne conteste pas le fait que la cour cantonale a statué, sur ce point, en équité. Dès lors qu'aucune responsabilité de l'Etat ne ressort du rapport d'expertise, seule une très faible réduction pouvait entrer en ligne de compte; compte tenu du pouvoir d'appréciation qu'il convient de reconnaître à l'autorité cantonale, laquelle peut se fonder dans ce domaine non pas sur des preuves strictes mais sur une vraisemblance prépondérante (ATF 144 II 332 consid. 4.1.2; arrêt 1C_524/2014 du 24 février 2016 consid. 11), la réduction opérée en faveur du recourant n'apparaît pas arbitraire ni insuffisamment motivée.  
 
4.  
Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté, dans la mesure où il est recevable. Conformément à l'art. 66 al. 1 LTF, les frais judiciaires sont mis à la charge du recourant. L'Etat de Vaud a agi sans avocat et n'a donc pas droit à des dépens. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 4'000 fr., sont mis à la charge du recourant. Il n'est pas alloué de dépens. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, à la Direction générale de l'environnement du canton de Vaud, à la Municipalité de Lutry, à la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud, et à l'Office fédéral de l'environnement. 
 
 
Lausanne, le 2 septembre 2022 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Kneubühler 
 
Le Greffier : Kurz