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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
1E.13/2002 /col 
 
Arrêt du 2 décembre 2002 
Ire Cour de droit public 
 
Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président du Tribunal fédéral, 
Aeschlimann, Reeb, 
greffier Jomini. 
 
M.V.________, 
C.V.________, 
A.V.________, 
P.________, 
recourants, 
tous représentés par Me Jean-Daniel Borgeaud, avocat, boulevard des Tranchées 16, case postale 328, 1211 Genève 12, 
 
contre 
 
Etat de Genève, 
intimé, représenté par Me David Lachat, avocat, rue du Rhône 100, case postale 3403, 1211 Genève 3, 
Commission fédérale d'estimation du 1er arrondissement, p.a. M. Jean-Marc Strubin, Président-suppléant, Tribunal de 
1ère Instance, case postale 3736, 1211 Genève 3. 
 
Expropriation, droits de voisinage 
 
recours de droit administratif contre la décision de la Commission fédérale d'estimation du 1er arrondissement du 27 mai 2002. 
 
Faits: 
A. 
La parcelle n° 1601 du registre foncier, sur le territoire de la commune de Vernier, appartient en copropriété pour une demie à P.________, et pour l'autre demie à C.V.________ et M.V.________. La première part de copropriété a été grevée d'un usufruit en faveur de L.________, mère de P.________; la seconde part est grevée d'un usufruit en faveur de A.V.________, mère de C.V.________ et M.V.________ et veuve d'E.V.________. La première part de copropriété a été acquise par P.________ en 1973; la seconde part avait été acquise par E.V.________ en 1955. La succession de ce dernier a été partagée en 1997. 
La parcelle n° 1601, d'une surface de 174 m2, est bâtie. Cet immeuble fait partie d'un ensemble de constructions anciennes du village de Vernier. Il est situé à environ un kilomètre et demi de l'extrémité sud-ouest de la piste de l'aéroport international de Genève. 
 
C.V.________ et M.V.________ sont encore copropriétaires de la parcelle n° 1604, de 78 m2, également bâtie, contiguë à la parcelle n° 1601. Ce bien-fonds est grevé d'un usufruit en faveur de A.V.________. E.V.________ était, jusqu'à son décès, propriétaire de cette parcelle. 
B. 
Par une lettre datée du 2 septembre 1992, adressée au département des travaux publics de la République et canton de Genève, E.V.________ et P.________ ont annoncé qu'ils demandaient une indemnité "pour les nuisances de l'aéroport" sur les parcelles n° 1601 et n° 1604. A cette lettre étaient jointes deux formules intitulées "schéma d'une demande d'indemnité", contenant certaines indications relatives aux immeubles précités et à la moins-value subie. La lettre a été remise au bureau de poste de Vernier, comme envoi recommandé. Elle est parvenue au département cantonal le 4 septembre 1992 avec la date du 3 septembre 1992 sur l'estampille postale (à 8 ou 9 heures). 
C. 
Le 11 septembre 1992, le Conseiller d'Etat chargé du département des travaux publics a proposé à E.V.________ et P.________ de suspendre l'examen de leur demande jusqu'à ce que soient connues certaines décisions du Tribunal fédéral dans des causes alors pendantes. La lettre précisait que la suspension, proposée également à de nombreux autres propriétaires fonciers intéressés, "n'entraîner[ait] pas la prescription de [leur] demande" car elle "vis[ait] uniquement à prévenir une multitude de procédures coûteuses, lesquelles pourraient être évitées selon les décisions rendues par le Tribunal fédéral, qui feront jurisprudence dans un sens ou dans l'autre". E.V.________ et P.________ ont accepté cette suspension. 
D. 
Le Tribunal fédéral a rendu, à partir de 1995, plusieurs décisions de principe au sujet de l'expropriation des droits de voisinage dans les environs de l'aéroport de Genève (cf. arrêt du 12 juillet 1995 in: ATF 121 II 317; décision du 10 octobre 1995 in: ATF 121 II 350; arrêts du 24 juin 1996 in: ATF 122 II 337, 349; arrêt du 23 septembre 1998 in: ATF 124 II 543). 
E. 
Le 23 décembre 1999, le secrétaire adjoint du département cantonal de l'aménagement, de l'équipement et du logement (DAEL, ayant les attributions de l'ancien département des travaux publics) a écrit à E.V.________, en proposant un entretien, afin d'"examiner concrètement la demande" d'indemnité, "avec le désir d'aboutir à une solution satisfaisante pour toutes les parties". 
F. 
Par un acte du 19 juin 2000 adressé à la Commission fédérale d'estimation du 1er arrondissement (ci-après: la Commission fédérale), M.V.________, C.V.________, P.________, A.V.________ et L.________ ont précisé leurs conclusions, en tant que copropriétaires et usufruitiers de la parcelle n° 1601: ils demandaient en substance que l'Etat de Genève soit astreint à réaliser l'isolation phonique de leur bâtiment et à leur verser une indemnité d'expropriation de 118'500 fr., avec intérêts au taux usuel. 
 
Le même jour, M.V.________, C.V.________ et A.V.________ ont précisé leurs conclusions concernant la parcelle n° 1604; ils demandaient également l'isolation phonique du bâtiment existant, ainsi qu'une indemnité de 29'100 fr., avec intérêts au taux usuel. 
 
Ces actes ont été communiqués à l'Etat de Genève, lequel a écrit à la Commission fédérale, le 21 juin 2000, qu'à l'occasion d'un "premier examen du dossier", il lui apparaissait que les prétentions des expropriés "pourraient être prescrites", leur demande d'indemnité datée du 2 septembre 1992 ayant été mise à la poste le 3 septembre 1992. 
 
L'audience de conciliation a eu lieu le 26 juin 2000. D'après le procès-verbal, les parties se sont accordées "à considérer que la valeur des biens expropriés en 1985 était de 600'000 fr."; elles ont pour le reste requis la poursuite de l'instruction. 
 
Le 15 août 2000, l'Etat de Genève a invoqué formellement l'exception de prescription; à titre subsidiaire, il a fait valoir que les conditions mises à l'octroi d'une indemnité pour l'expropriation de droits de voisinage n'étaient pas réunies. 
 
Le même jour, M.V.________ et consorts ont communiqué à la Commission fédérale leurs explications au sujet des circonstances de l'envoi de la lettre d'E.V.________ et P.________ datée du 2 septembre 1992. Ils se référaient notamment à une lettre du 3 août 2000 adressée à leur avocat par l'office de poste de Vernier, contenant les indications suivantes à propos d'opérations parfois effectuées lors du dépôt d'une lettre recommandée aux guichets de cet office: 
"Peu avant la fermeture des guichets de 18 h, il se peut que des clients se trouvant dans la file d'attente, effectuent la remise de lettres recommandées après 18 h. Dans ce cas, comme le véhicule des transports du centre postal de Montbrillant passe entre 18h15-18h20, le personnel de guichet indique à l'expéditeur que son envoi ne partira malheureusement pas le jour même; nous gardons son envoi et c'est seulement le lendemain matin que l'envoi sera oblitéré et expédié. Il va sans dire que cette procédure demeure exceptionnelle et qu'elle se produit trois ou quatre fois par an car, en général, nous réussissons à expédier tous les envois déposés au guichet, le jour même." 
Le 24 avril 2001, la Commission fédérale a demandé à la direction de La Poste Suisse (réseau postal et vente, région Ouest, à Lausanne) s'il existait une pièce permettant d'établir la date exacte du dépôt de l'envoi recommandé. Le 2 mai 2001, cette entreprise a répondu qu'elle n'avait plus le registre de dépôt de septembre 1992 de l'office postal de Vernier; à l'époque, l'archivage des registres de dépôt était régi par l'art. 229 de l'ordonnance (1) relative à la loi sur le service des postes (actuellement abrogée - cf. art. 13 let. a de l'ordonnance du 29 octobre 1997 sur la poste [OPO; RS 783.01]), qui prévoyait une durée de conservation de un à cinq ans, selon l'appréciation de l'entreprise des PTT. 
 
Les parties ont été invitées à se déterminer. Le 23 mai 2001, l'Etat de Genève a confirmé ses conclusions précédentes, en persistant à invoquer la prescription. Le 11 juin 2001, M.V.________ et consorts ont précisé leurs conclusions: ils ont demandé, en plus des mesures d'isolation phonique, le paiement d'une indemnité d'expropriation arrêtée à 135'000 fr., intérêts en sus; ils ont partant contesté la prescription de leurs prétentions, en faisant valoir que l'Etat de Genève avait invoqué cette exception de manière abusive. 
G. 
Le 27 mai 2002, la Commission fédérale a admis l'exception de prescription et débouté les expropriés de toutes leurs conclusions; elle a mis les frais et dépens de la procédure d'estimation à la charge de l'Etat de Genève. Elle a considéré en substance que l'échéance du délai de prescription pour faire valoir des prétentions à une indemnité d'expropriation (dies ad quem) était fixée au 2 septembre 1992, et que la demande déposée le 3 septembre 1992 était tardive. L'Etat de Genève n'avait pas commis d'abus de droit en invoquant cette exception. 
H. 
Agissant par la voie du recours de droit administratif, M.V.________, C.V.________, P.________ et A.V.________ demandent au Tribunal fédéral d'annuler la décision de la Commission fédérale et, statuant à nouveau, de leur reconnaître le droit à une indemnité pour l'expropriation formelle des droits de voisinage puis de renvoyer l'affaire à l'autorité inférieure. A titre subsidiaire, ils reprennent leurs conclusions soumises le 11 juin 2001 à la Commission fédérale. Les recourants se plaignent d'une violation des règles du droit fédéral concernant la preuve de l'observation du délai de prescription. A ce propos, ils se réfèrent à une déclaration écrite faite le 12 août 2002 par A.V.________, veuve d'E.V.________, selon laquelle son mari savait qu'il devait remettre la demande d'indemnité à la poste le 2 septembre 1992 au plus tard, qu'il attendait pour cela des documents d'un architecte, lesquels lui étaient parvenus ce jour-là, qu'il avait ensuite recueilli la signature du copropriétaire P.________ puis qu'il s'était rendu avant la fin de la journée à l'office de poste de Vernier; le récépissé de l'envoi recommandé n'a cependant pas été retrouvé après le décès d'E.V.________. Les recourants prétendent également que le dies a quo de ce délai quinquennal n'a jamais été fixé de manière stricte, qu'il faut admettre qu'il correspond au 3 septembre 1987, et donc qu'il est parvenu à échéance le 3 septembre 1992. Ils font enfin valoir que l'expropriant aurait invoqué abusivement l'exception de prescription, violant ainsi les art. 2 CC et 9 Cst. 
 
L'Etat de Genève conclut au rejet du recours de droit administratif. 
 
La Commission fédérale a renoncé à répondre au recours. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
Le recours de droit administratif est recevable contre une décision prise par une commission fédérale d'estimation (art. 77 al. 1 LEx, art. 115 al. 1 OJ). En vertu de l'art. 78 al. 1 LEx, l'exproprié, partie principale à la procédure, a qualité pour recourir. 
 
En septembre 1992, les auteurs de la demande étaient E.V.________ et P.________; le premier était copropriétaire de la parcelle n° 1601 et propriétaire de la parcelle n° 1604, tandis que le second était copropriétaire de la parcelle n° 1601. M.V.________ et C.V.________ ont ensuite succédé à E.V.________, décédé, en tant que copropriétaires de ces parcelles. Les trois copropriétaires actuels doivent ainsi être considérés comme les expropriés et ils ont, en tant que tels, qualité pour recourir. S'agissant de A.V.________, usufruitière, cette question peut demeurer indécise. Il y a donc lieu d'entrer en matière. 
2. 
Il ressort clairement de la décision attaquée que la Commission fédérale a statué sur les conclusions des propriétaires de la parcelle n° 1601; la décision contient en effet des indications complètes au sujet de ce bien-fonds. La situation est en revanche moins claire en ce qui concerne la parcelle n° 1604, à laquelle il n'est que brièvement (dans la partie "faits") ou implicitement fait référence. On pourrait donc se demander si, s'agissant de cette seconde parcelle, la décision attaquée a mis fin à la procédure d'estimation. Cette question peut toutefois demeurer indécise, vu l'issue de la procédure de recours. 
3. 
Les recourants prétendent que, le 3 septembre 1992, le délai de prescription n'était pas encore échu. Selon eux, il faudrait retenir la date du 3 septembre 1987 comme dies a quo. 
D'après la jurisprudence du Tribunal fédéral, l'expropriant ne saurait opposer la prescription aux propriétaires voisins qui ont annoncé leurs prétentions dans les cinq ans suivant la publication, le 2 septembre 1987, de la décision d'approbation du plan des zones de bruit de l'aéroport de Genève; en revanche la prescription est en principe acquise quand les prétentions ont été produites une fois échu ce délai quinquennal (ATF 124 II 543 consid. 5c/cc p. 555; arrêt 1E.6/1999 du 24 décembre 1999, non publié, dans la cause J. c. Aéroport International de Genève, consid. 3c/cc; arrêt 1E.1/2002 du 10 octobre 2002 dans la cause Etat de Genève c. S., destiné à la publication, consid. 2.9). Ce délai correspond au délai prévu à l'art. 44 al. 3 de la loi fédérale sur l'aviation (LA; RS 748.0), dans lequel ceux qui se plaignent de restrictions de la propriété foncière par un plan des zones de bruit (cf. art. 42 ss LA) doivent agir s'ils prétendent à une indemnité pour expropriation matérielle (ATF 124 II 543 consid. 3c/cc p. 555). Le texte légal, clair, prévoit que "l'intéressé doit faire valoir ses prétentions dans les cinq années qui suivent la publication du plan de zone": l'art. 44 al. 3 LA n'a donc pas, comme le proposent les recourants, à être interprété sur la base du droit cantonal car c'est bien le jour de la publication, et non pas le lendemain de celui-ci, qui est déterminant. S'agissant de l'échéance, il convient d'appliquer par analogie, en droit public fédéral de l'expropriation, la règle de l'art. 77 al. 1 ch. 3 CO: un délai fixé par années est échu le jour qui, dans la dernière année, correspond par son quantième au dies a quo (cf. ATF 125 V 37 consid. 4a p. 40 - cet arrêt mentionne en outre, au consid. 4b, la réglementation de l'art. 4 al. 2 de la Convention européenne sur la computation des délais [RS 0.221.122.3], qui aboutit au même résultat). En l'occurrence, le délai quinquennal était donc bel et bien échu le 3 septembre 1992, alors qu'il ne l'était pas la veille. 
4. 
Les recourants reprochent à l'expropriant de n'avoir pas apporté la "preuve stricte" du fait que la demande datée du 2 septembre 1992 aurait été postée le 3 septembre 1992. 
De jurisprudence constante, le sceau de la poste indiquant la date de la remise à l'office de poste vaut en principe comme preuve de cette date, également contre l'expéditeur; c'est pourquoi si l'expéditeur fait valoir qu'il a déposé la lettre la veille, il lui appartient de le prouver (ATF 92 II 215; 82 III 101; cf. également ATF 98 Ia 247 consid. 2 p. 249; Pierre Moor, Droit administratif, vol II, 2e éd., Berne 2002 p. 268). L'expéditeur a ainsi le droit à la contre-preuve; en d'autres termes, il a la faculté d'établir l'existence de faits susceptibles d'infirmer le bien-fondé des allégations formant l'objet de la preuve principale (cf. ATF 126 III 315 consid. 4a p. 317, ad art. 8 CC). En l'espèce, la Commission fédérale a admis que l'expropriant se prévale, comme preuve principale, de la date figurant sur l'estampille postale (3 septembre 1992) et elle a retenu que les recourants n'étaient pas parvenus à apporter la preuve (ou contre-preuve) que la demande datée du 2 septembre 1992 avait été postée le jour même. Par cette argumentation, la Commission fédérale n'a pas violé les règles du droit fédéral sur la répartition du fardeau de la preuve (cf. art. 8 CC par analogie; cf. également ATF 128 II 231 consid. 2.4.2.3 in fine p. 238). 
5. 
Les recourants critiquent la décision de l'Etat de Genève d'invoquer le caractère tardif de l'annonce de leurs prétentions; selon eux, il serait abusif et contraire à la bonne foi d'exciper de la prescription huit ans après le début de la procédure. 
5.1 Tous les organes de l'Etat doivent agir conformément aux règles de la bonne foi (art. 9 Cst.; cf. André Grisel, Traité de droit administratif, Neuchâtel 1984, vol. I p. 389). Il en va en particulier ainsi dans les cas où une autorité a la possibilité d'invoquer la prescription à l'encontre de prétentions d'un administré (cf. Attilio R. Gadola, Verjährung und Verwirkung im öffentlichen Recht, AJP/PJA 1995 p. 56). 
5.2 Les recourants se réfèrent à la jurisprudence selon laquelle on peut reprocher au débiteur un abus de droit (art. 2 al. 2 CC) lorsqu'il se prévaut de la prescription après avoir amené astucieusement le créancier à ne pas agir en temps utile, ou encore après avoir eu un comportement incitant le créancier à renoncer à entreprendre des démarches juridiques pendant le délai de prescription (ATF 113 II 264 consid. 2e p. 269; arrêt du TFA B 32/01 du 24 septembre 2002 destiné à la publication in ATF 128 V, consid. 4a, et les arrêts cités; cf. également ATF 124 II 543 consid. 7 p. 558). Or on ne saurait en l'espèce reprocher à l'expropriant d'avoir incité les propriétaires voisins de l'aéroport à différer leurs démarches; de même, avant le 3 septembre 1992, l'expropriant n'avait pas laissé entendre qu'il renoncerait à invoquer la prescription. 
5.3 L'expropriant a soulevé cette exception près de huit ans après l'échéance du délai de prescription. Il disposait pourtant, dès le 4 septembre 1992, de l'enveloppe avec l'estampille datée du 3 septembre 1992, qu'il pouvait invoquer pour prouver le dépôt tardif de la demande; il aurait du reste pu, d'emblée, signaler l'inobservation du délai quinquennal de l'art. 44 al. 3 LA. Il ne s'en est cependant prévalu que le 21 juin 2000, et encore sous une forme hypothétique. Finalement, ce n'est que le 15 août 2000 qu'il a formellement soulevé l'exception de prescription. 
 
En proposant une suspension de la cause, le 11 décembre 1992, et en laissant s'écouler un si long délai avant ce qu'il a lui-même qualifié de "premier examen du dossier" en été 2000 - sa seule autre démarche dans cette affaire avait été de proposer, six mois plus tôt, un entretien - , l'expropriant a mis les recourants dans une situation où il leur était particulièrement difficile, voire impossible, d'apporter la contre-preuve d'une remise effective de leur demande à la poste la veille de la date mentionnée sur l'estampille. Or, des explications données dans le recours de droit administratif par la veuve d'E.V.________, il ressort des indices sérieux que ce dernier avait pris les dispositions nécessaires pour remettre son envoi à la poste le 2 septembre 1992; d'après les allégations des recourants et les déclarations de l'entreprise postale, un dépôt de l'envoi au guichet de l'office de Vernier, en fin de journée le 2 septembre 1992, n'est pas totalement exclu. Pour le prouver, les recourants auraient pu requérir la production du registre de dépôt de l'office de poste; or, en raison de l'écoulement du temps, cette preuve n'est plus disponible. De même, la version d'E.V.________ ne peut plus être recueillie directement et, après son décès, il semble impossible aux recourants d'offrir d'autres preuves (récépissé, témoins éventuels). 
 
Certes, on ne peut pas reprocher à l'expropriant un abus de droit parce qu'il a excipé de la prescription huit ans après le dépôt de la demande d'indemnité. L'Etat était confronté, depuis l'été 1992 en tout cas, à un très grand nombre de demandes d'indemnités fondées sur les nuisances de l'aéroport. Ces affaires spécialement complexes n'ont pas pu être traitées rapidement. Il n'en demeure pas moins que, dans les circonstances très particulières de l'espèce, on doit considérer que la longue suspension de la procédure jusqu'à ce que la cause soit soumise au juge compétent a privé les recourants de la possibilité de prouver l'observation du délai de prescription. Dans l'incertitude quant aux circonstances exactes du dépôt de la demande, il serait dès lors contraire aux règles de la bonne foi de ne pas entrer en matière sur les prétentions des intéressés pour ce seul motif. 
6. 
Il s'ensuit que la décision attaquée, qui rejette la demande d'indemnité à cause de la prescription, doit être annulée, pour violation du droit fédéral. L'affaire doit être renvoyée à la Commission fédérale, pour nouvelle décision sur le fond (art. 114 al. 2 OJ). 
 
Les frais et dépens de la présente procédure de recours sont mis à la charge de l'expropriant (art. 116 al. 1, 1re phrase LEx). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours de droit administratif est admis, dans la mesure où il est recevable, la décision attaquée est annulée et l'affaire est renvoyée pour nouvelle décision à la Commission fédérale d'estimation du 1er arrondissement. 
2. 
Un émolument judiciaire de 1'500 fr. est mis à la charge de l'Etat de Genève. 
3. 
Une indemnité de 1'500 fr., à payer à titre de dépens à M.V.________, C.V.________, P.________ et A.V.________, pris solidairement, est mise à la charge de l'Etat de Genève. 
4. 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la Commission fédérale d'estimation du 1er arrondissement. 
Lausanne, le 2 décembre 2002 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le président: Le greffier: