Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
9C_435/2024
Arrêt du 2 décembre 2024
IIIe Cour de droit public
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Parrino, Président,
Moser-Szeless et Beusch.
Greffier : M. Feller.
Participants à la procédure
Hoirie de feu A.A.________, soit:
1. B.A.________,
2. C.A.________,
3. D.A.________,
toutes les trois représentées par M e Vincent Solari, avocat,
recourantes,
contre
Administration fiscale cantonale du canton de Genève,
rue du Stand 26, 1204 Genève,
intimée.
Objet
Impôts cantonaux et communaux du canton de Genève et impôt fédéral direct, périodes fiscales 2009-2014,
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 10 juin 2024 (A/4412/2022-ICCIFD ATA/701/2024).
Faits :
A.
A.a. A.A.________ exerçait le métier d'huissier judiciaire en raison individuelle. Il était marié à B.A.________, avec laquelle il a eu deux filles, C.A.________ et D.A.________.
A.b. À la suite de deux contrôles menés les 29 juillet 2011 et 21 août 2014 (pour les périodes fiscales respectives 2006 à 2009 et 2010 à 2013), l'Administration fédérale des contributions (ci-après: l'AFC) a ordonné l'ouverture d'une enquête de droit pénal administratif à l'encontre d'A.A.________. Elle a constaté notamment qu'il ne tenait aucun livre de caisse, mais uniquement un livre auxiliaire, dans lequel des recettes soumises à la TVA ne figuraient pas. Il ressortait également desdits contrôles que des montants imposables avaient été versés sur un compte bancaire auprès de la banque Raiffeisen, qui ne figurait pas dans la comptabilité de l'intéressé. Alors que la procédure a pris fin par une ordonnance de classement rendue le 18 décembre 2019 (du fait de la prescription pénale), l'AFC a entre-temps informé l'Administration fiscale cantonale de la République et canton de Genève (ci-après: l'Administration fiscale cantonale) qu'A.A.________ avait manqué de déclarer une partie de son chiffre d'affaires et l'entier de ses avoirs bancaires.
A.c. Le 26 juin 2017, l'Administration fiscale cantonale a informé les époux de l'ouverture à leur encontre d'une procédure de rappel d'impôt pour les années 2007 à 2015, d'une procédure pour soustraction d'impôt pour les années 2007 à 2014 et d'une procédure pour tentative de soustraction d'impôt pour l'année 2015.
À plusieurs reprises, dont par courrier du 24 août 2020, l'Administration fiscale cantonale a requis des époux qu'ils fournissent des relevés de comptes bancaires et le grand livre du compte chiffre d'affaires pour les années 2007 à 2013, sans qu'ils donnent entièrement suite à cette demande. Après le décès d'A.A.________, le 16 octobre 2020, l'Administration fiscale cantonale a octroyé à ses héritières, soit B.A.________ et ses deux filles, un dernier délai au 13 septembre 2021 pour qu'elles fournissent les documents sollicités le 24 août 2020.
Le 9 septembre 2022, l'Administration fiscale cantonale a informé les héritières (ci-après: les contribuables) que les procédures de soustraction avaient pris fin sans amende pour les années fiscales 2007 à 2015 et sans redressement pour l'année 2015. Elle leur a par ailleurs notifié des bordereaux de rappel d'impôt pour les années fiscales 2007 à 2014, tant en matière d'impôt fédéral direct (IFD) - sous réserve de l'année fiscale 2014 - qu'en matière d'impôt cantonal et communal (ICC). Entre autres éléments, elle a pris en considération les corrections (reprises) sur le chiffre d'affaires pour les années 2009 à 2014 suivantes:
2009
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2010
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2011
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2012
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2013
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2014
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344'528 fr.
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393'249 fr.
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339'708 fr.
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287'752 fr.
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359'685 fr.
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0 fr.
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A.d. Par décision du 23 nov embre 2022, l'Administration fiscale cantonale a partiellement admis les réclamations des contribuables en lien avec leur fortune (ICC) et a confirmé, pour le surplus, les décisions de taxation. Elle leur a adressé des bordereaux rectificatifs pour l'ICC.
B.
B.a. Par jugement du 21 août 2023, le Tribunal administratif de première instance de la République et canton de Genève (ci-après: le TAPI) a partiellement admis le recours des contribuables s'agissant du rappel d'impôt pour l'année 2007, au motif que la prescription du droit de taxer pour l'année 2007 était acquise tant en matière d'IFD que d'ICC. Il a rejeté le recours pour le surplus.
B.b. Statuant le 10 juin 2024 sur le recours des contribuables, la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative (ci-après: la Cour de justice), l'a admis partiellement et a annulé les bordereaux de rappel d'impôt pour l'année 2008, tant en matière d'IFD que d'ICC. Elle a confirmé le jugement du 21 août 2023 pour le surplus.
C.
B.A.________, C.A.________ et D.A.________ interjettent un recours en matière de droit public contre cet arrêt. Elles concluent à son annulation partielle, à l'exception de l'annulation des bordereaux de rappel d'impôt ICC et IFD pour l'année 2008, ainsi qu'à l'annulation de la décision sur réclamation de l'Administration fiscale cantonale du 23 novembre 2022 et des bordereaux de rappel d'impôts relatifs aux années fiscales 2009 à 2013 en matière d'ICC et d'IFD ainsi qu'à l'année fiscale 2014 en matière d'ICC.
L'Administration fiscale cantonale et l'AFC concluent au rejet du recours.
Considérant en droit :
I. Recevabilité, pouvoir d'examen et objet du litige
1.
1.1. Le recours est dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) qui a été rendue en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF) dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF) ne tombant pas sous le coup de l'une des exceptions prévues à l'art. 83 LTF. Le recours dirigé contre cet arrêt est donc recevable comme recours en matière de droit public (cf. aussi art. 146 LIFD [RS 642.11]; art. 73 al. 1 LHID [RS 642.14]; ATF 134 II 186 consid. 1.3). Au surplus, le recours a été interjeté en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes prescrites (art. 42 LTF). Les héritières de feu A.A.________, destinataires de l'acte attaqué, ont la qualité pour recourir (art. 89 al. 1 LTF). Il convient donc d'entrer en matière sous réserve de ce qui suit.
1.2. Les conclusions des recourantes relatives à l'annulation de la décision sur réclamation du 23 novembre 2022 et des bordereaux de rappel d'impôt (ICC et IFD) y afférents sont irrecevables, en raison de l'effet dévolutif complet du recours auprès de la Cour de justice (ATF 136 II 539 consid. 1.2; arrêt 9C_709/2022 du 14 juillet 2023 consid. 1.2).
Par ailleurs, les recourantes concluent uniquement à l'annulation partielle de l'arrêt attaqué. Des conclusions purement cassatoires ne sont en principe pas suffisantes (art. 107 al. 2 LTF). On comprend toutefois à la lecture de leur mémoire de recours (cf. ATF 133 II 409 consid. 1.4.1) que les recourantes concluent à ce que l'arrêt de la Cour de justice du 10 juin 2024 soit réformé en ce sens que la décision sur réclamation du 23 novembre 2022 soit partiellement annulée en tant qu'elle porte sur les reprises à titre de chiffre d'affaires non déclaré pour les années 2009 à 2014.
1.3. La Cour de justice a rendu un seul arrêt valant pour l'IFD et l'ICC pour les périodes fiscales 2009 à 2014, ce qui est admissible (ATF 135 II 260 consid. 1.3.1). Partant, le dépôt d'un seul acte de recours est aussi autorisé, dans la mesure où les recourantes s'en prennent clairement aux deux catégories d'impôt (cf. ATF 135 II 260 consid. 1.3.2).
2.
2.1. Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Selon l'art. 106 al. 2 LTF, toutefois, il n'examine la violation de droits fondamentaux, ainsi que celle de dispositions de droit cantonal et intercantonal, que si ce grief a été invoqué et motivé par les recourants, c'est-à-dire s'il a été expressément soulevé et exposé de façon claire et détaillée (ATF 146 I 62 consid. 3; 142 II 369 consid. 2.1). Le Tribunal fédéral examine en principe librement la conformité du droit cantonal harmonisé et de sa mise en pratique par les instances cantonales aux dispositions de la LHID, à moins que les dispositions de cette loi fédérale ne laissent une marge de manoeuvre aux cantons, auquel cas son pouvoir d'examen se limite aux griefs constitutionnels dûment invoqués (cf. ATF 144 II 313 consid. 5.3; 134 II 207 consid. 2).
2.2. Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF. La partie recourante ne peut critiquer les constatations de fait ressortant de la décision attaquée que si celles-ci ont été effectuées en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ou de manière manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire, et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF; ATF 147 I 73 consid. 2.1; 145 V 188 consid. 2; 142 II 355 consid. 6). Conformément à l'art. 106 al. 2 LTF, la partie recourante doit expliquer de manière circonstanciée en quoi ces deux conditions seraient réalisées. À défaut, il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge de celui qui est contenu dans l'acte attaqué (ATF 145 V 188 consid. 2; 137 II 353 consid. 5.1).
3.
En instance fédérale, les recourantes renoncent à contester la reprise concernant la fortune imposable de feu A.A.________ et de son épouse. Leur recours étant dirigé uniquement contre les reprises au titre de chiffres d'affaires non déclarés, il convient d'examiner si la Cour de justice a confirmé à juste titre l'évaluation du revenu fiscalement déterminant de feu A.A.________ et de son épouse pour les années 2009 à 2013 en matière d'IFD et d'ICC et pour l'année 2014 en matière d'ICC.
II. Grief formel
4.
4.1. Dans un grief de nature formelle, qu'il y a lieu d'examiner en premier lieu (cf. ATF 141 V 557 consid. 3), les recourantes reprochent à la Cour de justice d'avoir violé leur droit d'être entendues en ne se prononçant pas sur l'impossibilité pour elles de produire une comptabilité rectifiée de l'activité déployée il y a plus de dix ans par feu A.A.________ en tant qu'huissier judiciaire.
4.2. La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.) le devoir pour le juge de motiver sa décision, afin que le justiciable puisse la comprendre, la contester utilement s'il y a lieu et exercer son droit de recours à bon escient. Pour répondre à ces exigences, le juge doit mentionner, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (cf. ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 et les références; arrêt 9C_708/2022 du 10 octobre 2023 consid. 2.2).
4.3. Contrairement à ce que soutiennent les recourantes, il découle de l'arrêt entrepris que les juges précédents ont considéré qu'elles pouvaient remédier à l'absence d'une comptabilité établie en bonne et due forme en prouvant - en fonction des règles relatives au fardeau de la preuve - les déductions alléguées pour contester les reprises effectuées par l'Administration fiscale cantonale du chiffre d'affaires non déclaré par feu A.A.________. Le refus de la Cour de justice de considérer que ces preuves étaient probantes relève de l'appréciation qu'elle en a faites mais non pas d'un défaut de motivation sur les circonstances déterminantes pour établir les déductions invoquées. Le grief tiré de la violation du droit d'être entendu est infondé.
III. Impôt fédéral
5.
5.1. L'art. 16 LIFD prévoit que l'impôt sur le revenu a pour objet tous les revenus du contribuable, qu'ils soient uniques ou périodiques. En lien avec la liste exemplative des art. 17 à 23 LIFD, cette disposition exprime, pour l'imposition du revenu des personnes physiques, le concept de l'accroissement du patrimoine, respectivement de l'imposition du revenu global net ("Reinvermögenszugangstheorie"), ainsi que la règle selon laquelle tous les revenus du contribuable sont en principe imposables (ATF 143 II 402 consid. 5.1; 139 II 363 consid. 2.1).
5.2. Selon l'art. 58 al. 1 LIFD, auquel renvoie l'art. 18 al. 3 LIFD pour les contribuables qui tiennent une comptabilité en bonne et due forme, le bénéfice net imposable comprend en particulier le solde du compte de résultats, compte tenu du solde reporté de l'exercice précédent (let. a), ainsi que tous les prélèvements opérés sur le résultat commercial avant le calcul du solde du compte de résultats, qui ne servent pas à couvrir des dépenses justifiées par l'usage commercial (tels ceux énumérés ensuite; let. b). L'art. 58 al. 1 let. a LIFD énonce le principe de l'autorité du bilan commercial (ou principe de déterminance, "Massgeblichkeitsprinzip"), selon lequel le bilan commercial est déterminant en droit fiscal (cf. ATF 147 II 209 consid. 3.1.1).
5.3. Si un indépendant ne tient pas de comptabilité conformément à l'usage commercial, il doit au moins joindre à sa déclaration fiscale un état des actifs et des passifs, un relevé des recettes et des dépenses ainsi que des prélèvements et des apports privés (cf. art. 125 al. 2 let. b LIFD). Les exigences auxquelles doivent répondre les pièces comptables dépendent des circonstances du cas d'espèce, en particulier du type d'activité et de l'ampleur de cette dernière. Dans tous les cas, elles doivent être propres à garantir une saisie complète et fiable du revenu et de la fortune liés à l'activité lucrative indépendante et pouvoir être contrôlées dans des conditions raisonnables par les autorités fiscales (arrêt 2C_639/2022 du 14 octobre 2022 consid. 9.2 et les références). Ces exigences sont d'autant plus importantes lorsque le contribuable entend alléguer des faits de nature à éteindre ou à diminuer sa dette fiscale, qu'il lui incombe de prouver, conformément aux règles générales sur la répartition du fardeau de la preuve en droit fiscal (arrêt 2C_639/2022 du 14 octobre 2022 consid. 9.2 et les références; cf. sur ces exigences, art. 8 CC et ATF 146 II 6 consid. 4.2; 144 II 427 consid. 8.3.1; arrêt 9C_567/2023 du 12 septembre 2024 consid. 5.2).
5.4. En principe, on ne peut se fonder sur la comptabilité du contribuable en vertu du principe de déterminance que si l'exactitude des faits qui y sont consignés est garantie. L'autorité du bilan commercial tombe en revanche lorsque des normes impératives du droit commercial sont violées ou que des normes fiscales correctrices l'exigent (ATF 141 II 83 consid. 3; 137 II 353 consid. 6.2; arrêt 2C_370/2016 du 28 mars 2017 consid. 2.2 et les références). Tel est notamment le cas lorsque les livres ne sont pas tenus régulièrement du point de vue formel. En l'absence de comptabilité probante, l'administration fiscale est autorisée à effectuer une taxation par estimation également dans le cadre d'une procédure de rappel d'impôt (cf. arrêt 2C_370/2016 du 28 mars 2017 consid. 2.5 et les références). Elle peut également, sans violer l'art. 130 LIFD, se fonder sur les contrôles par pointage effectués par l'AFC en matière de TVA. Il s'agit en effet de données comptables qui peuvent être constatées aussi bien par l'AFC en matière de TVA que par les services de révision de l'Administration fiscale cantonale et que la première peut spontanément communiquer à la deuxième en application de l'art. 112 al. 1, 2e phrase, LIFD (cf. arrêt 2C_370/2016 du 28 mars 2017 consid. 2.5). Dans un tel cas, lorsqu'il s'agit d'arrêter un bénéfice imposable en l'absence de valeur probante de la comptabilité et que l'administration fiscale a déterminé ce montant selon l'art. 130 al. 2 LIFD, les exigences de preuve prennent de l'importance. Le montant fondé sur une telle estimation ne devra être écarté que s'il est manifestement inexact, ce qu'il incombe au contribuable de démontrer (cf. arrêt 2C_370/2016 du 28 mars 2017 consid. 2.2).
5.5. Selon l'art. 130 LIFD - applicable à la procédure de rappel d'impôt par le renvoi de l'art. 153 al. 3 LIFD -, l'autorité de taxation contrôle la déclaration d'impôt et procède aux investigations nécessaires (al. 1). Elle effectue la taxation d'office sur la base d'une appréciation consciencieuse si, malgré sommation, le contribuable n'a pas satisfait à ses obligations de procédure ou que les éléments imposables ne peuvent être déterminés avec toute la précision voulue en l'absence de données suffisantes. Elle peut prendre en considération les coefficients expérimentaux, l'évolution de fortune et le train de vie du contribuable (al. 2).
6.
La Cour de justice a confirmé le jugement du TAPI validant les reprises (fondées sur les données de l'AFC) fixées par l'Administration fiscale cantonale, au titre de revenu complémentaire imposable. Elle a considéré, en substance, que les recourantes n'avaient pas établi les déductions qu'elles invoquaient, de sorte que celles-ci ne pouvaient pas être retenues. Elle a constaté que les recourantes n'avaient fourni ni comptabilité ni, à tout le moins, un relevé de recettes et dépenses et qu'elles avaient failli à leur devoir de collaboration en ne transmettant pas tous les relevés postaux et bancaires requis. Quant aux pièces qu'elles avaient produites, la Cour de justice a considéré que les tableaux de synthèse avec les chiffres d'affaires pour les années 2008 à 2013 - incluant selon elles les honoraires facturés par feu A.A.________ après déduction des charges - ainsi que les factures détaillées correspondantes ne pouvaient pas être pris en compte et que les déductions n'avaient pas été dûment comptabilisées. À cet égard, elle a constaté que les factures, stockées sur plusieurs clés USB, avaient été enregistrées "en vrac" pour les périodes fiscales litigieuses, ce qui ne satisfaisait pas aux exigences de preuve requises pour faire valoir des déductions. Il n'incombait dès lors pas à l'intimée de trier les éléments imposables ou non imposables sur la base de ces factures, dont la production ne permettait pas de reconstituer de manière fiable et complète les montants imposables, ni de procéder à une vérification par sondage. Les juges précédents ont encore retenu que les recourantes ne pouvaient pas se fonder sur la pratique adoptée par l'Administration fiscale cantonale pour la taxation de la période fiscale 2007, en raison du principe de l'étanchéité des exercices comptables et des périodes fiscales.
7.
7.1. En tant que les recourantes contestent les reprises opérées par l'intimée d'après l'estimation des chiffres d'affaires non déclarés pour les périodes fiscales 2009 à 2014 en affirmant que ces reprises ne reposeraient sur aucun motif objectif, ni sur l'expérience de la vie ou sur le bon sens, au vu des pièces produites considérées à tort comme insuffisantes par les juges précédents, elles ne sauraient être suivies.
Les reprises opérées par l'intimée - et confirmées par la Cour de justice - sont fondées, conformément à l'art. 130 al. 2 LIFD (en relation avec l'art. 153 al. 3 LIFD), sur les montants contrôlés et repris par l'AFC en matière de TVA et sur les données chiffrées que cette dernière a transmises à l'Administration fiscale cantonale conformément à l'art. 112 al. 1 LIFD (consid. 5.4 supra). Dès lors qu'il s'agit en l'occurrence d'une situation où la comptabilité, qui fait défaut, ne dispose d'aucune valeur probante, il incombe aux recourantes de démontrer que les chiffres d'affaires supplémentaires retenus seraient manifestement inexacts, conformément aux principes rappelés ci-avant (consid. 5.3 supra). Or en se limitant à affirmer que les factures ou les déclarations fiscales d'un huissier seraient correctement établies du fait de la distinction notoire dans l'activité d'huissier judiciaire entre les honoraires et les montants encaissés en remboursement de frais, de débours ou pour le compte de tiers, les recourantes ne démontrent pas que l'estimation confirmée par les juges précédents des chiffres d'affaires supplémentaires serait arbitraire ou "clairement contraire à l'expérience de la vie ou du bon sens".
7.2.
7.2.1. Dans ce contexte, les recourantes font ensuite valoir en vain que comme les pièces qu'elles ont produites auraient une valeur probante suffisante, les reprises en cause seraient erronées parce qu'elles prendraient en compte des montants encaissés par feu A.A.________ en remboursement de frais ou pour le compte de tiers. Selon elles, même si feu A.A.________ avait omis de déclarer certains revenus facturés à ses clients, les chiffres d'affaires refléteraient cependant bien son activité et correspondraient aux montants effectivement facturés, même si ceux-ci avait ensuite été "minimisés" dans le cadre d'une soustraction "simple" d'impôt.
7.2.2. Contrairement à ce que soutiennent les recourantes, selon lesquelles même si les pièces transmises ne constitueraient pas une comptabilité en bonne et due forme, elles permettraient néanmoins de contester valablement les reprises en cause, l'appréciation qu'a faites la juridiction cantonale de ces éléments de preuve est dénuée d'arbitraire.
En l'occurrence, les recourantes ont produit plusieurs tableaux récapitulatifs des chiffres d'affaires - qu'elles qualifient à to rt, par une simple affirmation, de relevés de recettes et dépenses suffisants - accompagnés de factures. Or non seulement les recourante s ne contestent pas que feu A.A.________ n'avait pas déclaré l'entier de son revenu imposable mais, comme l'a constaté la Cour de justice, les pièces produites ne suffisent pas à démontrer que les déductions alléguées seraient justifiées et ne constituent pas des moyens de preuve fiables en l'absence d'autres éléments propres à les corroborer. En effet, comme les recourantes n'ont pas été en mesure de transmettre l'ensemble des relevés postaux et bancaires requis et que, selon les constatations de la juridiction cantonale dont il n'y a pas lieu de s'écarter, les pièces censées attester les frais déductibles n'étaient pas accompagnées d'éléments justificatifs, les tableaux et les factures produits ne suffisent pas à déterminer l'ensemble des éléments prétendument non imposables pris en considération dans l'estimation suivie.
7.2.3. Il n'est pas non plus arbitraire de constater, comme l'ont fait les juges cantonaux, que les factures transmises sous forme électronique (clés USB) avaient été produites en "vrac", de sorte que leur vérification par l'intimée aurait exigé un travail trop conséquent. Sur ce point, les recourantes se plaignent à tort d'une constatation arbitraire des faits en soutenant que les factures auraient été classées chronologiquement par année fiscale et que les tableaux récapitulatifs auraient été établis sous forme de livres de caisse contenant la totalité des honoraires facturés. Les clés USB comportent en effet des listes récapitulatives manuscrites mensuelles (et annuelles pour certaines périodes) de différents montants, accompagnées de nombreuses factures pour les périodes fiscales 2007 à 2014, sans aucun lien entre les différents documents. L'analyse de ces documents relèverait d'un travail de recoupement fastidieux, dès lors que les factures ne sont pas dans l'ordre des listes manuscrites, e t le contrôle de celles-ci s'écarterait des conditions raisonnables de vérification auxquelles est soumise l'activité de l'Administration fiscale cantonale (consid 5.3 supra). Les pièces produites - dont également les tableaux récapitulatifs correspondant à des postes associés à des montants, sans aucune explication - ne pouvaient dès lors être contrôlées dans des circonstances raisonnables. C'est donc à juste titre que les juges précédents ont considéré que l'intimée n'avait pas à procéder à une vérification par sondage, contrairement à ce que soutiennent les recourantes.
E nfin, en tant que les recourantes indiquent ne pas avoir pu établir une comptabilité exhaustive pour l'activité exercée il y a plus de dix ans par feu A.A.________, laquelle était de surcroît soumise au secret professionnel, il suffit de relever, d'une part, que l'Administration fiscale cantonale avait en premier lieu invité A.A.________ à lui fournir un décompte des montants non déclarés de chiffres d'affaires et des montants qui ne devraient pas être considérés comme tels (cf. par ex. courrier du 3 juillet 2019 au conseil de feu A.A.________), demande à laquelle celui-ci n'avait pas donné suite. D'autre part, on ne voit pas en quoi l'existence d'un secret professionnel exonérerait le contribuable concerné de l'obligation de fournir avec sa déclaration d'impôt les documents prévus par l'art. 125 al. 2 LIFD.
7.3. Les recourantes soutiennent encore que le principe d'étanchéité que leur oppose la Cour de justice s'appliquerait uniquement aux éléments comptables pris en compte dans le cadre d'une année fiscale déterminée, mais non pas pour apprécier les déductions requises du chiffre d'affaires supplémentaire. Dès lors que l'intimée avait accepté les déductions alléguées pour la période fiscale 2007, il aurait dû en aller de même pour les périodes fiscales ici litigieuses.
Les recourantes perdent de vue que les décisions de taxation n'ont en principe d'effet que pour la période fiscale qu'elles concernent et ne lient pas l'autorité de taxation pour les périodes ultérieures (ATF 140 II 157 consid. 8; arrêt 9C_89/2023 du 12 mars 2024 consid. 6.1). Par conséquent, le fait que l'intimée a admis les déductions alléguées pour la période 2007, respectivement qu'elle a, selon les recourantes, "été en mesure de procéder aux déductions qui s'imposaient du chiffre d'affaires additionnel" n'a pas d'influence sur les périodes fiscales postérieures, chacune devant être examinée individuellement. Par conséquent, c'est à juste titre que la Cour de justice a considéré que les recourantes ne pouvaient pas déduire du traitement de l'année fiscale 2007 un droit à la réduction du chiffre d'affaires pour les périodes fiscales subséquentes.
8.
Sur le vu de ce qui précède, les griefs des recourantes sont mal fondés et il convient de rejeter le recours en tant qu'il concerne l'IFD pour les périodes fiscales 2009 à 2013.
IV. Impôt cantonal et communal
9.
Les règles juridiquement pertinentes en l'espèce s'agissant de la notion de revenu et de son appréciation en matière d'IFD sont identiques à celles régissant ces questions pour les ICC, à savoir les art. 7, 8, 42 al. 2 et 46 al. 3 LHID, reprises en droit genevois aux art. 29 al. 2 et 37 de la loi genevoise du 4 octobre 2001 de procédure fiscale (LPFisc; RS/GE D 3 17) et, pour la période fiscale 2009, aux art. 1 et 3 de l'ancienne loi genevoise du 22 septembre 2000 sur l'imposition des personnes physiques - Impôt sur le revenu (revenu imposable; aLIPP-IV) ainsi que, pour les périodes fiscales 2010 à 2014, aux art. 17 et 19 de la loi genevoise du 27 septembre 2009 sur l'imposition des personnes physiques (LIPP; RS/GE D 3 08). La jurisprudence rendue en matière d'IFD est valable pour l'interprétation et l'application des dispositions cantonales harmonisées correspondantes (ATF 140 II 88 consid. 10). Les considérations relatives au rappel d'impôt en matière d'IFD sont dès lors applicables mutatis mutandis à l'ICC. Le recours est donc également mal fondé en ce qui concerne cet impôt pour les périodes fiscales 2009 à 2014.
V. Frais et dépens
10.
Vu l'issue du litige, les recourantes doivent supporter les frais judiciaires, solidairement entre elles ( art. 66 al. 1 et 4 LTF ) et n'ont pas droit à des dépens ( art. 68 al. 1 et 3 LTF ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté en tant qu'il concerne l'IFD pour les périodes fiscales 2009 à 2013, dans la mesure où il est recevable.
2.
Le recours est rejeté en tant qu'il concerne l'ICC pour les périodes fiscales 2009 à 2014, dans la mesure où il est recevable.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 11'000 fr., sont mis à la charge des recourantes.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, 4
ème section, et à l'Administration fédérale des contributions.
Lucerne, le 2 décembre 2024
Au nom de la IIIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Parrino
Le Greffier : Feller