Wichtiger Hinweis:
Diese Website wird in älteren Versionen von Netscape ohne graphische Elemente dargestellt. Die Funktionalität der Website ist aber trotzdem gewährleistet. Wenn Sie diese Website regelmässig benutzen, empfehlen wir Ihnen, auf Ihrem Computer einen aktuellen Browser zu installieren.
Zurück zur Einstiegsseite Drucken
Grössere Schrift
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_132/2022  
 
 
Arrêt du 3 mars 2023  
 
Cour de droit pénal  
 
Composition 
Mme et MM. les Juges fédéraux Denys, Juge présidant, Koch et Hurni. 
Greffière : Mme Paris. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Donia Rostane, avocate, 
recourant, 
 
contre  
 
Ministère public de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, 
intimé. 
 
Objet 
Ordonnance de classement; indemnité, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours, du 10 décembre 2021 (ACPR/866/2021 P/11116/2020). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par ordonnance du 29 octobre 2021, le Ministère public de la République et canton de Genève a renoncé à toute poursuite pénale (art. 53 CP) à l'encontre de A.________, lequel n'avait pas versé les contributions d'entretien dues pour ses enfants entre novembre 2019 et août 2020. Il a considéré que le prénommé avait fourni tous les efforts que l'on pouvait raisonnablement attendre de lui pour compenser le tort causé en remboursant en une fois la totalité des arriérés. Il a ainsi ordonné le classement de la procédure (art. 319 al. 1 let. e et 8 CPP), tout en mettant les frais à la charge de A.________ et en lui refusant toute indemnité, dès lors que le motif de classement impliquait nécessairement la commission de l'acte illicite (art. 426 al. 2 CPP et 430 al. 1 let. a CPP). 
 
B.  
Par arrêt du 10 décembre 2021, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève a rejeté le recours interjeté par A.________ contre cette ordonnance, qu'elle a confirmée. 
 
C.  
A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 10 décembre 2021. Il conclut, avec suite de frais et dépens, à sa réforme en ce sens que les frais de procédure doivent être mis à la charge de l'État exclusivement et qu'une indemnité de 5'498 fr. 25 pour la procédure de première instance et de 6'179 fr. 30 pour la procédure de recours doivent lui être octroyées. Subsidiairement, il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision. En tout état, il conclut à l'octroi d'une indemnité de 2'500 fr. au sens de l'art. 429 CPP et sollicite le bénéfice de l'assistance judiciaire. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours en matière pénale déposé au Tribunal fédéral a trait à la mise des frais de la procédure pénale à la charge du recourant et à son droit à des indemnités ensuite du classement de la procédure. En ce sens, le recours est recevable (cf. arrêts 6B_1291/2021 du 13 septembre 2022 consid. 1; 6B_1090/2020 du 1er avril 2021 consid. 1; 6B_1462/2020 du 4 février 2021 consid. 1). 
 
2.  
Le recourant conteste la mise à sa charge des frais de procédure et le refus d'une indemnité, malgré le classement de la procédure. 
 
2.1. En vertu de l'art. 426 al. 2 CPP, lorsque la procédure fait l'objet d'une ordonnance de classement ou que le prévenu est acquitté, tout ou partie des frais de procédure peuvent être mis à sa charge s'il a, de manière illicite et fautive, provoqué l'ouverture de la procédure ou rendu plus difficile sa conduite.  
Selon l'art. 429 al. 1 CPP, si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s'il bénéficie d'une ordonnance de classement, il a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure (let. a) et à une réparation du tort moral subi en raison d'une atteinte particulièrement grave à sa personnalité, notamment en cas de privation de liberté (let. c). L'autorité pénale peut réduire ou refuser l'indemnité lorsque le prévenu a provoqué illicitement et fautivement l'ouverture de la procédure ou a rendu plus difficile la conduite de celle-ci (art. 430 al. 1 let. a CPP). L'art. 430 al. 1 let. a CPP est le pendant de l'art. 426 al. 2 CPP en matière de frais. La question de l'indemnisation (art. 429 à 434 CPP) doit être traitée après celle des frais (arrêts 6B_380/2021 du 21 juin 2022 consid. 2.4.2; 6B_15/2021 du 12 novembre 2021 consid. 4.1.2; 6B_1090/2020 du 1er avril 2021 consid. 2.1.2). Dans cette mesure, la décision sur les frais préjuge de la question de l'indemnisation (ATF 147 IV 47 consid. 4.1; 144 IV 207 consid. 1.8.2 p. 211; 137 IV 352 consid. 2.4.2 p. 357). En d'autres termes, si le prévenu supporte les frais en application de l'art. 426 al. 1 ou 2 CPP, une indemnité est en règle générale exclue, alors que le prévenu y a, en principe, droit si l'État supporte les frais de la procédure pénale (ATF 144 IV 207 consid. 1.8.2 p. 211; 137 IV 352 consid. 2.4.2 p. 357). 
 
2.2. Selon l'art. 8 CPP, le ministère public et les tribunaux renoncent à toute poursuite pénale, lorsque le droit fédéral le prévoit, notamment lorsque les conditions visées aux art. 52, 53 et 54 CP sont remplies. D'après l'art. 8 al. 4 CPP, dans ces cas, ils rendent une ordonnance de non-entrée en matière ou de classement. L'art. 53 CP prévoit, dans sa version en vigueur depuis le 1er juillet 2019, que lorsque l'auteur a réparé le dommage ou accompli tous les efforts que l'on pouvait raisonnablement attendre de lui pour compenser le tort qu'il a causé, l'autorité compétente renonce à le poursuivre, à le renvoyer devant le juge ou à lui infliger une peine s'il encourt une peine privative de liberté d'un an au plus avec sursis, une peine pécuniaire avec sursis ou une amende (let. a); si l'intérêt public et l'intérêt du lésé à poursuivre l'auteur pénalement sont peu importants (let. b), et si l'auteur a admis les faits (let. c).  
 
2.3. Lorsqu'une ordonnance de non-entrée en matière ou de classement est rendue en application notamment de l'art. 53 CP, il se justifie de mettre les frais à la charge du prévenu. En effet, cette disposition repose sur la prémisse selon laquelle l'auteur a commis un acte illicite, pour lequel il a causé un "dommage" ou un "tort". A cet égard, la loi prévoit certes que le ministère public et les tribunaux rendent, le cas échéant, une ordonnance de non-entrée en matière ou de classement (cf. art. 8 al. 4 CPP). Cette décision, en ce qu'elle n'emporte pas condamnation et ne se prononce pas sur la culpabilité, ne porte pas atteinte à la présomption d'innocence dont bénéficie le prévenu. Néanmoins, compte tenu de l'acte illicite nécessairement commis et en dépit duquel une non-entrée en matière ou un classement est prononcé, une mise à sa charge des frais s'avère en tous les cas justifiée (ATF 144 IV 202 consid. 2.3 p. 206; arrêt 6B_1018/2019 du 23 octobre 2019 consid. 3).  
 
2.4. La cour cantonale a constaté que le recourant avait été condamné par ordonnance du 24 mai 2019 au versement mensuel de 350 fr. à chacun de ses enfants, sans condition résolutoire. En instance d'appel, après que le départ de la mère avec les enfants au Portugal avait été discuté, le recourant avait précisé que dans sa conception, son engagement à payer les contributions d'entretien n'existerait que pour autant que les enfants demeurent à Genève. Constatant que tel était le cas en l'état, la Cour d'appel civile genevoise avait, par arrêt du 24 septembre 2019, confirmé l'ordonnance entreprise en tant qu'elle statuait sur l'entretien des enfants. Ce n'était que par jugement du 28 juin 2021 que le juge du divorce avait pris acte de la renonciation par la mère à toute prétention financière en lien avec les enfants, mettant ainsi fin aux obligations correspondantes. Dans ces circonstances, la cour cantonale a considéré qu'en cessant de verser les contributions d'entretien dès le mois de novembre 2019, le recourant avait contrevenu à ses obligations découlant du droit de la famille et n'avait pas respecté une décision judicaire. Ce faisant, il avait eu un comportement illicite et fautif, à tout le moins par négligence, lequel avait provoqué l'ouverture de la procédure. Le recourant ayant toutefois réparé le dommage en versant a posteriori les montants dus, il se justifiait de classer la procédure en application de l'art. 53 CP et de mettre les frais à sa charge.  
 
2.5. Le recourant soutient en premier lieu que le classement "n'aurait pas nécessité l'application de l'art. 53 CP". Sous couvert d'une violation de l'art. 217 CP, il reproche en particulier à la cour cantonale d'avoir retenu qu'il avait commis un acte illicite en cessant de payer les contributions d'entretien dès le mois de novembre 2019. Selon lui, celles-ci n'étaient plus dues pendant la période litigieuse dès lors que ses enfants étaient domiciliés au Portugal alors qu'il avait conditionné le paiement des pensions à la résidence de ses enfants en Suisse, ce qui ressortait dûment du considérant 5 de l'arrêt de la Cour d'appel civile du 24 septembre 2019.  
 
2.6. En l'espèce, il ressort du jugement du 28 juin 2021 auquel se réfère la cour cantonale que les enfants du recourant étaient bien domiciliés au Portugal durant la période litigieuse (cf. jugement de la 4ème Chambre du Tribunal de première instance genevois consid. 26 p. 7). Or si la Cour d'appel civile genevoise a certes, dans son arrêt du 24 septembre 2019, mentionné le souhait du recourant de s'acquitter de son obligation d'entretien à la condition que ses enfants résident à Genève, elle a néanmoins confirmé l'ordonnance du 24 mai 2019 en tant qu'elle condamnait le recourant au paiement d'une contribution d'entretien - sans condition résolutoire - tant dans sa motivation que dans son dispositif (cf. consid. 5.2.4 et dispositif de l'arrêt du 24 septembre 2019 de la chambre civile de la Cour de justice genevoise; art. 105 al. 2 LTF). La cour cantonale était donc fondée à retenir que le versement des contributions d'entretien était toujours dû en novembre 2019 et qu'en s'abstenant de les verser, le recourant avait commis un acte illicite. Dans la mesure où le recourant avait réparé le tort causé, elle pouvait classer la procédure en application de l'art. 53 CP. Mal fondé, le grief du recourant doit être rejeté.  
 
3.  
Le recourant se plaint d'une violation de l'art. 21 CP
 
3.1. Conformément à l'art. 21 CP, quiconque ne sait ni ne peut savoir au moment d'agir que son comportement est illicite n'agit pas de manière coupable. Le juge atténue la peine si l'erreur était évitable.  
L'erreur sur l'illicéité vise le cas où l'auteur agit en ayant connaissance de tous les éléments constitutifs de l'infraction, et donc avec intention, mais en croyant par erreur agir de façon licite (ATF 129 IV 238 consid. 3.1; cf. ATF 141 IV 336 consid. 2.4.3 et les références). Les conséquences pénales d'une erreur sur l'illicéité dépendent de son caractère évitable ou inévitable. L'auteur qui commet une erreur inévitable est non coupable et doit être acquitté (art. 21, première phrase, CP). Tel est le cas s'il a des raisons suffisantes de se croire en droit d'agir (ATF 128 IV 201 consid. 2). Une raison de se croire en droit d'agir est "suffisante" lorsqu'aucun reproche ne peut être adressé à l'auteur du fait de son erreur, parce qu'elle provient de circonstances qui auraient pu induire en erreur toute personne consciencieuse (ATF 128 IV 201 consid. 2; 98 IV 293 consid. 4a). En revanche, celui dont l'erreur sur l'illicéité est évitable commet une faute, mais sa culpabilité est diminuée. Il restera punissable, mais verra sa peine obligatoirement atténuée (art. 21, seconde phrase, CP). L'erreur sera notamment considérée comme évitable lorsque l'auteur avait ou aurait dû avoir des doutes quant à l'illicéité de son comportement (ATF 121 IV 109 consid. 5) ou s'il a négligé de s'informer suffisamment alors qu'il savait qu'une réglementation juridique existait (ATF 120 IV 208 consid. 5b). Savoir si une erreur était évitable ou non est une question de droit (cf. ATF 75 IV 150 consid. 3; arrêt 6B_428/2021 du 18 novembre 2021 consid. 2.1 et les références). La réglementation relative à l'erreur sur l'illicéité repose sur l'idée que le justiciable doit faire tout son possible pour connaître la loi et que son ignorance ne le protège que dans des cas exceptionnels (ATF 129 IV 238 consid. 3.1). 
Le renseignement ou l'instruction par une autorité compétente peut suffire pour admettre l'erreur sur l'illicéité (ATF 116 IV 56 consid. 3a p. 68 s.; 98 IV 279 consid. 2a p. 287 s.). Celui qui s'adresse à un conseiller juridique en raison de la nature particulièrement complexe du problème peut se voir reconnaître le bénéfice de l'erreur sur l'illicéité à la double condition que le conseiller se soit prononcé en faveur des actes commis ensuite par l'auteur et qu'il ait examiné sous tous leurs aspects juridiques l'ensemble des éléments de faits connus par l'auteur (ATF 98 IV 293 consid. 4a p. 303). 
 
3.2. La cour cantonale a considéré que le recourant ne pouvait se prévaloir d'une erreur sur l'illicéité car sa condamnation au paiement des contributions d'entretien par ordonnance du 24 mai 2019 était sans équivoque. Elle a par ailleurs écarté son argument selon lequel il aurait été conforté dans son erreur par son précédent conseil, lequel n'apparaissait pas vraisemblable.  
 
3.3. Le recourant ne conteste pas avoir été condamné par ordonnance du 24 mai 2019 au paiement des contributions d'entretien sans condition résolutoire. Il fait néanmoins valoir qu'il pouvait légitimement penser être en droit d'arrêter de les payer au moment où ses enfants avaient quitté la Suisse, dès lors qu'il avait, en instance d'appel, conditionné le paiement des pensions à la résidence des enfants à Genève, condition qui avait été entérinée par la Cour d'appel civile au considérant 5 de son arrêt du 24 septembre 2019. Le recourant ne saurait être suivi. En effet, la Cour d'appel civile a conclu le considérant 5 du jugement du 24 septembre 2019 dont le recourant se prévaut en confirmant l'ordonnance du 24 mai 2019 en tant qu'elle statuait sur la contribution d'entretien. Formulée comme suit: "Partant, le chiffre 5 du dispositif de l'ordonnance entreprise sera confirmé", sa conclusion était sans équivoque. De surcroît, faisant appel de l'ordonnance précitée, le recourant avait spécifiquement conclu à l'annulation des chiffres 2, 3, 5 et 8 du dispositif de cette ordonnance, ayant trait respectivement à l'attribution de la garde des enfants, le droit de visite, la contribution d'entretien et le rejet de "toutes autres conclusions" des parties. Ainsi, à la lecture du dispositif de l'arrêt cantonal, annulant le chiffre 3 de l'ordonnance attaquée et confirmant - explicitement - l'ordonnance pour le surplus, le recourant ne pouvait interpréter la décision de la Cour d'appel civile autrement que par le maintien de la contribution d'entretien telle que fixée par le tribunal de première instance. Pour le surplus, en tant que le recourant affirme avoir été induit en erreur par son précédent conseil, il se borne à faire valoir un argument déjà développé devant la cour cantonale qui l'a écarté pour défaut de vraisemblance, sans que le recourant n'expose - ni a fortiori ne démontre - en quoi son appréciation serait arbitraire. Dans ces conditions, la cour cantonale était fondée à retenir que le recourant ne pouvait se prévaloir d'une erreur sur l'illicéité au sens de l'art. 21 CP. Mal fondé, le grief doit être rejeté.  
 
4.  
Le recourant invoque une violation des art. 426 al. 2 CPP et 430 al. 1 let. a CPP. 
En l'espèce, conformément à la jurisprudence, lorsqu'une ordonnance de non-entrée en matière ou de classement est rendue en application notamment de l'art. 53 CP, une mise des frais à la charge du prévenu est justifiée (cf. consid. 2.3 supra). Dans la mesure où la cour cantonale était fondée à classer la procédure en application de l'art. 53 CP (cf. consid. 2.6 supra), elle n'a pas violé l'art. 426 al. 2 CPP en mettant les frais de la procédure à la charge du recourant. Dans ces circonstances, c'est également sans violation de l'art. 430 al. 1 let. a CPP qu'aucune indemnité ne lui a été allouée (cf. consid. 2.1 supra).  
 
5.  
Si, comme en l'espèce, le recourant supporte les frais en application de l'art. 426 al. 2 CPP, une indemnité au sens de l'art. 429 CPP est exclue (cf. consid. 2.1 supra). La conclusion du recourant tendant à l'allocation d'une indemnité selon l'art. 429 CPP d'un montant de 2'500 fr. doit donc être rejetée.  
 
6.  
Vu ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Comme il était dénué de chance de succès, la demande d'assistance judiciaire doit être rejetée (art. 64 al. 1 LTF). Le recourant, qui succombe, supporte les frais judiciaires, dont le montant sera fixé en tenant compte de sa situation financière, laquelle n'apparaît pas favorable (art. 65 al. 2 et 66 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
La demande d'assistance judiciaire est rejetée. 
 
3.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'200 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours. 
 
 
Lausanne, le 3 mars 2023 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Juge Présidant : Denys 
 
La Greffière : Paris