Eidgenössisches Versicherungsgericht
Tribunal fédéral des assurances
Tribunale federale delle assicurazioni
Tribunal federal d'assicuranzas
Cour des assurances sociales
du Tribunal fédéral
Cause
{T 0/2}
U 5/05
Arrêt du 3 avril 2006
IIIe Chambre
Composition
MM. les Juges Ferrari, Président, Meyer et Seiler. Greffière : Mme Berset
Parties
Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, recourante,
contre
S.________, intimé, représenté par la
Fédération suisse pour l'intégration des handicapés (FSIH), place Grand-Saint-Jean 1, 1003 Lausanne
Instance précédente
Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne
(Jugement du 14 mai 2004)
Faits:
A.
S.________, né en 1967, travaillait en qualité de nettoyeur de ventilation au service de l'entreprise X.________ SA. A ce titre, il était assuré contre les accidents professionnels et non professionnels par la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA).
Le 16 septembre 1993, il a été victime d'un accident de la circulation lui occasionnant diverses fractures aux membres inférieurs (rotule, malléole interne, cuboïde tarsien gauches, astragale droite).
A l'issue d'un (deuxième) séjour à la Clinique Y.________, sa capacité de travail a été évaluée à 50 % pour des activités en position assise, dès le 9 février 1995 (rapport de sortie du 15 février 1995). Dans un rapport du 7 août 1995 adressé à la CNA, le docteur F.________, médecin associé au service d'orthopédie et de traumatologie de l'appareil moteur de l'hôpital Z.________ (intégré par la suite au Centre hospitalier W.________), a déclaré que la capacité de travail de l'assuré était totale dans une activité adaptée. Le 2 février 1998, le docteur M.________, chef de clinique du même service, a conclu à une capacité de travail de 50 % dans une activité sédentaire. Dans un rapport d'examen médical final du 4 août 1999, le docteur G.________, médecin d'arrondissement de la CNA, a estimé que l'assuré présentait une pleine capacité de travail dans une activité adaptée (position alternée, debout/assis, avec de courts déplacements seulement, excluant les terrains inégaux, les positions accroupies et les montées ou descentes d'escaliers/d'échelles). Le 20 décembre 1999, le docteur F.________ a établi un rapport à l'attention du centre d'observation médicale de l'assurance-invalidité (COMAI).
Par décision du 7 février 2000, confirmée sur opposition le 11 mai 2000, la CNA a alloué à l'assuré une rente fondée sur un taux d'invalidité de 30 %, dès le 1er novembre 1999 et une indemnité pour atteinte à l'intégrité de 10 % (9'720 fr.).
B.
S.________ a recouru contre la décision sur opposition de la CNA devant le Tribunal des assurances du canton de Vaud, en concluant à l'octroi d'une rente de 64, 64 % ainsi que d'une indemnité pour atteinte à l'intégrité de 20 %.
Dans le cadre de l'instruction, le docteur P.________, médecin-chef adjoint de la Clinique V.________ a été invité à se prononcer sur la capacité de travail de l'assuré (rapport du 21 mai 2003). Selon ce médecin, la composante psychiatrique à l'origine de l'incapacité de travail pouvait être évaluée à 20 % (sur les 50 % fixés de manière globale par ses prédécesseurs, cf. let. D ci-après). Par ailleurs, un lien de causalité naturelle entre les affections psychiques et l'accident en cause semblait pouvoir être retenu.
Par jugement du 14 mai 2004, le Tribunal des assurances a admis très partiellement le recours. Il a réformé la décision attaquée, en ce sens que l'assuré a droit à une rente basée sur une incapacité de gain de 38,24 %, dès le 1er novembre 1999, et l'a confirmée pour le surplus. Il a également renvoyé la cause à la CNA pour qu'elle fixe le montant de la rente basée sur un taux de 38,24 %.
C.
La CNA interjette recours de droit administratif contre ce jugement, dont elle demande l'annulation, en concluant à la confirmation de sa décision sur opposition du 11 mai 2000.
S.________ conclut au rejet du recours. L'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer.
D.
Dans une procédure parallèle, l'assuré a déposé une demande de prestations de l'assurance-invalidité. Au cours de l'instruction de cette demande, l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud (office AI) a confié une expertise à la Clinique V.________, agissant comme COMAI. Dans leur rapport du 6 mars 2000, les experts ont fixé globalement à 50 % la capacité de travail de l'assuré dans une activité adaptée. Par décision du 19 février 2001, l'office AI a refusé d'allouer une rente d'invalidité à l'assuré. Cette décision a été confirmée par le Tribunal des assurances du canton de Vaud (jugement du 2 décembre 2002). Saisi d'un recours, le Tribunal fédéral des assurances l'a admis, annulé le jugement et la décision incriminés et renvoyé la cause à l'office AI pour nouvelle décision au sens des considérants. Il a retenu en bref qu'il n'y avait aucun motif pertinent de s'écarter des conclusions du rapport du COMAI (arrêt du 26 mai 2003, cause I 143/03).
Considérant en droit:
1.
Le litige porte sur le droit de l'intimé à une rente d'invalidité de la recourante, plus particulièrement sur le taux d'invalidité entrant dans le calcul de celle-ci.
2.
La loi fédérale du 6 octobre 2000 sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003, entraînant la modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine de l'assurance-accidents. Conformément au principe selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 130 V 445), le droit litigieux est régi par les dispositions de la LAA en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002, pour la période courant jusqu'à cette date, et par les nouvelles dispositions introduites par la LPGA, pour la période postérieure.
3.
Le jugement entrepris expose correctement les dispositions légales (dans leur teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002) et les principes jurisprudentiels régissant la notion d'invalidité et son évaluation, ainsi que la valeur probante des rapports médicaux. Dans la mesure où ces notions n'ont pas été modifiées par l'entrée en vigueur de la LPGA, on peut renvoyer aux considérants de la juridiction cantonale sur ces points (cf. ATF 130 V 343, 119 V 470 consid. 2b; SVR 2003 IV no 35 p. 107; RAMA 2001 no U 410 p. 73).
4.
4.1. Se fondant sur l'expertise du COMAI du 6 mars 2000 ainsi que sur le rapport du 21 mai 2003 du docteur P.________, les premiers juges ont retenu que l'intimé présentait une diminution de la capacité de travail de 30 % attribuable aux lésions physiques, lesquelles étaient en relation de causalité naturelle et adéquate avec l'accident. En ce qui concerne les affections psychiques, ils ont admis la présence d'un lien de causalité naturelle mais nié l'existence d'une relation de causalité adéquate.
4.2. La recourante conteste tout d'abord la valeur probante de l'appréciation du docteur P.________. En s'appuyant sur les rapports des docteurs F.________ (des 7 août 1995 et 20 décembre 1999) et G.________ (du 4 août 1999), elle allègue que l'intimé présente une capacité de travail de 100 % dans une activité adaptée.
4.3. La recourante ne saurait être suivie pour plusieurs motifs. Tout d'abord, dans la cause I 143/03, le Tribunal fédéral des assurances a admis la valeur probante de l'expertise du COMAI du 6 mars 2000, fixant globalement à 50 % l'incapacité de travail de l'intimé en raison d'un certain nombre d'atteintes somatiques et psychiques. Invité par la juridiction cantonale à évaluer le taux d'incapacité de travail attribuable aux seules affections psychiques, en sa qualité de médecin de la Clinique V.________ (COMAI), le docteur P.________ - dont la CNA n'a pas contesté l'interpellation - l'a estimé à 20 %. Dûment motivée, son appréciation qui explicite et complète l'expertise du COMAI, est convaincante. De toute manière, ni les rapports du docteur F.________, ni celui du docteur G.________ ne sont de nature à remettre en cause les conclusions des experts du COMAI/Clinique V.________ et/ou celles du docteur P.________ en particulier. En effet, dans son premier rapport, au demeurant très succinct et non motivé, le docteur F.________ laisse seulement entendre comme possible une reprise d'une activité adaptée à 100 %. Dans son deuxième rapport, le docteur F.________ relativise la portée de cette évaluation en exposant qu'une activité offrant des alternances de postures avec restriction dans la déambulation resterait possible à ses yeux, tout en renvoyant pour de plus amples informations aux résultats de l'appréciation théorico-professionnelle réalisée dans les centres de l'AI. Quoi qu'en dise la recourante, on ne saurait inférer des avis du docteur F.________ (notamment du deuxième) que l'intimé présente une capacité de travail de 100 % dans une activité adaptée. Quant aux conclusions du docteur G.________ du 4 août 1999, elles apparaissent désormais isolées, dès lors qu'elles ne se concilient ni avec celles du docteur M.________ (du 2 février 1998), ni avec celles des experts du COMAI/Clinique V.________ (du 6 mars 2000 et 21 mai 2003) ni même avec celles du docteur F.________ (du 20 décembre 1999). Dès lors, la recourante ne peut reprocher au Tribunal des assurances d'avoir admis que l'intimé présentait une incapacité de travail de 30 % sous l'angle somatique.
Par ailleurs, la recourante ne remet pas en question l'appréciation de la juridiction cantonale relative aux troubles psychiques de l'intimé (causalité naturelle admise, causalité adéquate niée) de sorte qu'il n'est pas nécessaire de revenir sur ces points.
5.
5.1. Reste à examiner la comparaison des revenus dont la CNA conteste l'adéquation. A cet égard, on rappelera qu'il convient de se placer au moment de la naissance possible du droit à la rente, les revenus avec et sans invalidité étant par ailleurs déterminés par rapport au même moment (ATF 129 V 223 consid. 4.2). En l'occurrence, l'intéressé ayant droit à une rente dès le 1er novembre 1999, la comparaison des revenus doit se faire au regard de la situation à cette date.
5.2. L'évaluation du revenu de personne invalide au moyen des descriptions de poste de travail (ci-après: DPT) à laquelle a procédé l'administration - qui a été reprise et complétée par la juridiction cantonale - ne saurait être suivie. En effet, selon la jurisprudence, l'assureur doit notamment indiquer le nombre total de postes de travail pouvant entrer en considération pour l'assuré d'après le type de handicap (ATF 129 V 472). Cette exigence n'a pas été satisfaite en l'espèce, de sorte qu'il n'est pas possible d'apprécier en connaissance de cause le choix et la représentativité des postes choisis. Cela constitue un motif suffisant pour écarter les données salariales résultant des DPT en tant que base de calcul pour fixer le revenu d'invalide de l'assuré.
Aussi en l'absence d'un revenu effectivement réalisé, y a-t-il lieu de se référer aux données statistiques, telles qu'elles résultent des enquêtes sur la structure des salaires de l'Office fédéral de la statistique pour estimer le revenu d'invalide (ATF 126 V 76 sv. consid. 3b/aa et bb). On se réfère alors à la statistique des salaires bruts standardisés, en se fondant toujours sur la médiane ou valeur centrale. En l'occurrence, le salaire de référence est celui auquel peuvent prétendre les hommes effectuant des activités simples et répétitives dans le secteur privé en 1998, à savoir 4'268 fr. par mois (Office fédéral de la statistique, Enquête sur la structure des salaires 1998, TA1, p. 25, niveau de qualifications 4). Il convient cependant de tenir compte de l'évolution de l'indice des salaires nominaux (de 104.4 en 1998 à 104.8 en 1999, pour les hommes effectuant une activité non qualifiée ou semi-qualifiée; Evolution des salaires en 2002, table T1.1.93, p. 32). Par ailleurs, les salaires bruts standardisés sont calculés sur la base d'un horaire de travail de 40 heures par semaine, soit une durée hebdomadaire inférieure à la moyenne usuelle dans les entreprises en 1999 (41,8 heures; La Vie économique 12/2002, table B 9.2, p. 88). Les adaptations nécessaires conduisent à un montant de 4'477 fr. 15 par mois, soit 3'134 fr. pour une activité exercée à 70 %. Enfin, il convient d'en retrancher le 15 % afin de tenir compte des circonstances liées à la personne de l'assuré et susceptibles de limiter ses perspectives salariales (en l'espèce, entrent plus particulièrement en considération sa nationalité et le passage à une occupation à temps partiel; cf. ATF 126 V 79 s consid. 5b/aa-cc). On obtient ainsi un revenu mensuel de 2'664 fr. pour l'année de référence.
5.3. La comparaison du revenu sans invalidité (non contesté) de 3'960 fr. par mois et du revenu d'invalide de 2'664 fr. conduit à une invalidité de 33 % (le taux de 32.72 % étant arrondi au pour cent supérieur [ATF 130 V 122 s. consid. 3.2; SVR 2004 UV no 12 p. 44]).
6.
L'intimé, qui obtient partiellement gain de cause, est représenté par un avocat de la Fédération suisse pour l'intégration des handicapés (FSIH). Il a droit à une indemnité de dépens partielle pour l'instance fédérale (art. 159 al. 1 en corrélation avec l'art. 135 OJ; ATF 122 V 278; SVR 1997 IV no 110 p. 341).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:
1.
Le recours est admis partiellement. Le jugement du Tribunal des assurances du canton de Vaud du 14 mai 2004 ainsi que la décision sur opposition de la recourante du 11 mai 2000 sont réformés en ce sens l'intimé a droit à une rente d'invalidité de 33 %, dès le 1er novembre 1999.
2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.
3.
La recourante versera à l'intimé la somme de 750 fr. (y compris la taxe à la valeur ajoutée) à titre de dépens pour l'instance fédérale.
4.
Le Tribunal des assurances du canton de Vaud statuera sur les dépens pour la procédure de première instance, au regard de l'issue du procès de dernière instance.
5.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.
Lucerne, le 3 avril 2006
Au nom du Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIIe Chambre: La Greffière: