Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
2D_19/2023
Arrêt du 3 avril 2024
IIe Cour de droit public
Composition
Mme et MM. les Juges fédéraux Hänni, Juge présidant, Donzallaz et Kradolfer.
Greffière : Mme Jolidon.
Participants à la procédure
A.________ SA,
représentée par Maîtres Luc André et Benedetta S. Galetti,
recourante,
contre
Direction de l'économie, de l'emploi et de la formation professionnelle du canton de Fribourg,
boulevard de Pérolles 25, 1700 Fribourg.
Objet
Indemnité cantonale pour cas de rigueur COVID-19,
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Fribourg, IIIème Cour administrative, du 23 juin 2023 (603 2022 43).
Faits :
A.
A.________ SA, dont le siège est à U.________, a pour but l'exploitation d'établissements sanitaires, médicalisés ou sécurisés. Elle est détenue à 100 % par la société B.________ SA, sise à V.________, et qui est elle-même détenue par la société C.________ SA, dont le siège se trouve à U.________.
D.________ AG, située à W.________, avait pour but social l'exploitation d'hôpitaux privés. Son unique actionnaire était, depuis octobre 2019, la société B.________ SA. En décembre 2020, avec effet rétroactif au 1
er juillet 2020, les actifs et passifs de D.________ AG ont été transférés par contrat de fusion par absorption à A.________ SA et la société a été radiée du registre du commerce. Les activités précédemment effectuées par D.________ AG à W.________, à savoir l'exploitation d'une clinique privée, ont été poursuivies sous le nom de E.________.
B.
B.a. Le 23 septembre 2021, A.________ SA a déposé auprès de la Direction de l'économie, de l'emploi et de la formation professionnelle du canton de Fribourg (ci-après: la Direction de l'économie) une demande d'aide financière pour cas de rigueur Covid-19 en procédure allégée pour les activités de la E.________.
Après avoir instruit la cause, la Direction de l'économie a rejeté cette demande, le 3 février 2022, au motif qu'une des conditions posées pour percevoir une telle aide n'était pas réalisée: la E.________ ne représentait pas un secteur d'activité, au sens de la réglementation applicable, de A.________ SA.
B.b. Par arrêt du 23 juin 2023, la IIIe Cour administrative du Tribunal cantonal du canton de Fribourg (ci-après: le Tribunal cantonal) a rejeté le recours de A.________ SA à l'encontre de la décision du 3 février 2022 de la Direction de l'économie. La disposition topique permettait d'accorder une aide financière, si les activités d'une entreprise étaient clairement délimitées; l'interprétation de cette disposition montrait qu'elle imposait des secteurs d'activités réellement différents les uns des autres au sein d'une même entreprise; or, la E.________ était une clinique privée qui exerçait une activité comparable à celle des autres cliniques appartenant à A.________ SA.
C.
Agissant par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, A.________ SA demande, sous suite de frais et dépens, d'annuler l'arrêt du 23 juin 2023 du Tribunal cantonal et, statuant à nouveau, de lui octroyer une aide pour cas de rigueur d'un montant de 3'322'267 fr., pour les activités de la E.________; subsidiairement, de renvoyer la cause à la Direction de l'économie pour une nouvelle décision en ce sens qu'elle lui accorde cette aide.
La Direction de l'économie et le Tribunal cantonal concluent au rejet du recours. Le Secrétariat d'État à l'économie a expressément renoncé à se déterminer.
La recourante a persisté dans ses conclusions, par écriture du 26 octobre 2023.
Considérant en droit :
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 148 I 160 consid. 1). Toutefois, conformément à l' art. 42 al. 1 et 2 LTF , lorsque les conditions de recevabilité ne ressortent pas à l'évidence de l'arrêt attaqué ou du dossier de la cause, la partie recourante doit exposer en quoi celles-ci sont réunies, en particulier en quoi l'arrêt attaqué est une décision pouvant faire l'objet d'un recours, sous peine d'irrecevabilité (ATF 145 I 121 consid. 1; 142 V 395 consid. 3.1).
1.1. La recourante forme un recours constitutionnel subsidiaire devant le Tribunal fédéral. Cette voie de droit n'étant ouverte que lorsque le recours en matière de droit public est exclu (art. 113 LTF), il convient d'examiner en premier lieu si ce dernier est ouvert en l'espèce.
1.2. La recevabilité d'un recours doit en règle générale être examinée, à défaut de disposition contraire, selon les règles en vigueur lors du prononcé de la décision attaquée (cf. ATF 147 I 333 consid. 1.2.3 et les arrêts cités). La Direction de l'économie a rejeté la demande d'aide financière de la recourante en date du 3 février 2022. Les différents textes légaux topiques dans leur version à cette date sont donc applicables.
1.3. A teneur de l'art. 83 let. k LTF, le recours en matière de droit public est irrecevable contre les décisions en matière de subventions auxquelles la législation ne donne pas droit.
1.3.1. Le Tribunal fédéral a déjà jugé que les aides financières à fonds perdus accordées par les cantons aux entreprises dans le but de maintenir leur activité en relation avec l'épidémie de Covid-19 constituaient des subventions au sens de l'art. 83 let. k LTF (arrêts 2C_59/2023 du 22 juin 2023 consid. 1.6; 2C_835/2022 du 7 mars 2023 consid.1.2; 2C_711/2022 du 9 décembre 2022 consid. 1.2; 2C_401/2022 du 2 novembre 2022 consid. 1.2; 2C_8/2022 du 28 septembre 2022 consid. 1.2).
L'aide financière dont la recourante requiert l'allocation est fondée sur la loi fribourgeoise du 14 octobre 2020 approuvant les mesures urgentes du Conseil d'État visant à surmonter l'épidémie de COVID-19 (loi Covid-19/FR; RS/FR 821.40.11) et l'ordonnance fribourgeoise sur les mesures économiques destinées à lutter contre les effets du coronavirus par un soutien aux cas de rigueur (OMECR COVID-19/FR; RS/FR 821.40.63). A teneur de l'art. 1 OMECR COVID-19/FR, l'État peut octroyer un soutien financier aux entreprises qualifiées de "cas de rigueur" en raison de la crise du coronavirus (al. 1); les mesures de soutien en faveur des cas de rigueur peuvent notamment prendre la forme de contributions non remboursables (soutiens à fonds perdu) (al. 2). Est donc en cause une subvention au sens de la jurisprudence susmentionnée.
1.3.2. Selon la jurisprudence, il existe un droit à la subvention au sens de l'art. 83 let. k LTF lorsque la législation elle-même précise de manière suffisamment concrète les conditions d'octroi de la prestation, sans laisser à l'appréciation des autorités d'application le soin de déterminer si un montant sera ou non alloué (ATF 145 I 121 consid. 1.2; 138 II 191 consid. 4.2.4; arrêt 2C_711/2022 susmentionné consid. 1.3.1). Il est sans importance que l'acte fondant le droit aux subventions soit une loi ou une ordonnance ou que la reconnaissance d'un droit découle de plusieurs actes, telles une loi et son ordonnance d'application (ATF 129 V 226 consid. 2.2; arrêts 2C_711/2022 susmentionné consid. 1.3.1; 2C_8/2022 susmentionné consid. 1.3.1; 2C_403/2021 du 20 septembre 2021 consid. 1.3; 2C_69/2020 du 22 octobre 2020 consid. 2.5.1). Si les conditions d'octroi sont suffisamment précises, il existe un droit à la subvention même si l'autorité dispose, dans le cadre de ces dispositions, d'une certaine marge de manoeuvre, notamment pour fixer le montant de l'aide (ATF 110 Ib 297 consid. 1; arrêt 2C_711/2022 du 9 décembre 2022 consid. 1.3.1; 2C_229/2015 du 31 mars 2016 consid. 1.2.2).
Le Tribunal fédéral a jugé, dans plusieurs affaires, que des aides financières pour cas de rigueur destinées aux entreprises, en lien avec l'épidémie de Covid-19, constituaient des subventions auxquelles la législation ne donnait pas droit (cf. arrêts 2C_142/2022 du 15 décembre 2023 consid. 1.4; 2C_711/2022 du 9 décembre 2022 consid. 1.2 - 1.4; 2C_401/2022 du 2 novembre 2022 consid. 1; 2C_8/2022 du 28 septembre 2022 consid. 1.1 - 1.3). Dans d'autres cas, il n'a pas examiné si le droit cantonal offrait un droit aux aides financières, faute de motivation suffisante du recours (arrêts 2C_969/2022 du 12 avril 2023 consid. 1.3.4; 2C_835/2022 de 7 mars 2023 consid. 1.5; 2C_631/2022 du 8 novembre 2022 consid. 1.3).
1.3.3. En l'espèce, l'art. 1 al. 1 OMECR COVID-19/FR (cf. supra consid. 1.3.1) constitue une disposition potestative, puisqu'il mentionne que cette ordonnance régit les conditions dans lesquelles l'État peut octroyer un soutien financier aux entreprises concernées. De plus, l'art. 22 OMECR COVID-19/FR prévoit expressément qu'il n'existe aucun droit à l'obtention du soutien financier prévu par cette ordonnance, quelle que soit sa forme. Le point de savoir si les dispositions cantonales prises dans leur ensemble donnent droit aux subventions en cause, malgré la teneur de ces dispositions (cf. supra consid. 1.3.2), n'est pas évident. Aucun élément ressortant de l'arrêt attaqué, des écritures de la recourante ou des déterminations des autorités déposées devant la Cour de céans ne permet de trancher cette question qui nécessiterait une analyse détaillée des dispositions cantonales applicables, dispositions que le Tribunal fédéral n'examine pas librement (cf. art. 95 LTF).
Au demeurant, l'art. 17d OMECR COVID-19/FR, applicable aux entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 5 millions de francs, renvoie aux art. 12 de la loi fédérale du 25 septembre 2020 sur les bases légales des ordonnances du Conseil fédéral visant à surmonter l'épidémie de Covid-19 (loi Covid-19; RS 818.102) et 8b de l'ordonnance fédérale du 25 novembre 2020 concernant les mesures pour les cas de rigueur destinées aux entreprises en lien avec l'épidémie de Covid-19 (ordonnance Covid-19 cas de rigueur, OMCR 20; RS 951.262). Or, selon la jurisprudence, ni l'art. 12 loi Covid-19, qui fixe les principes régissant les aides financières pour cas de rigueur versées par la Confédération, ni l'ordonnance Covid-19 cas de rigueur, qui met en oeuvre ces principes, ne confèrent un droit à l'octroi des aides financières concernées, ces textes ne faisant que fixer les conditions minimales pour que la Confédération participe financièrement aux programmes de soutien aux entreprises mis en place par les cantons (cf. arrêts 2C_356/2023 du 28 mars 2024 consid. 1.3.2; 2C_142/2022 susmentionné consid. 1.4.1 et les arrêts cités).
Au surplus, la recourante mentionne dans son mémoire que les dispositions topiques excluent un droit à ces subventions et qu'en conséquence elle forme un recours constitutionnel subsidiaire devant le Tribunal fédéral.
1.3.4. En conclusion, la voie du recours en matière de droit public n'entre pas en considération.
1.4. Il convient dès lors d'examiner si le recours déposé devant le Tribunal fédéral remplit les conditions de recevabilité du recours constitutionnel subsidiaire.
1.4.1. Selon l'art. 115 LTF, a qualité pour former un recours constitutionnel subsidiaire quiconque a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire (let. a) et a un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée (let. b).
L'intérêt juridiquement protégé requis par l'art. 115 let. b LTF peut être fondé sur le droit cantonal ou fédéral ou directement sur un droit fondamental particulier. La notion d'intérêt juridiquement protégé au sens de l'art. 115 al. 1 let. b LTF est étroitement liée aux motifs de recours prévus par l'art. 116 LTF, en ce sens que la partie recourante doit être titulaire d'un droit constitutionnel dont elle invoque une violation (ATF 140 I 285 consid. 1.2; 135 I 265 consid. 1.3).
1.4.2. La recourante se plaint de violations du droit à un traitement équitable (art. 29 Cst.), de l'interdiction de l'arbitraire (art. 9 Cst.) et du principe de l'égalité entre concurrents directs ( art. 27 et 94 Cst. ).
Quand bien même elle n'aurait pas qualité pour agir au fond, la recourante peut se plaindre, par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, de la violation de ses droits de partie équivalant à un déni de justice formel ("Star-Praxis"; cf. ATF 146 IV 76 consid. 2; 141 IV 1 consid. 1.1; 137 II 305 consid. 2) et elle possède, sous cet angle, un intérêt juridiquement protégé au sens de l'art. 115 al. 1 let. b LTF.
Comme on vient de le voir, l'intéressée ne démontre pas disposer d'un droit à l'octroi de la subvention litigieuse (cf. supra consid. 1.3), alors qu'il lui incombait d'alléguer les éléments propres à fonder sa qualité pour recourir (cf. supra consid. 1). On ne peut donc admettre que la recourante possède un tel intérêt pour se plaindre de manière indépendante de la violation du principe d'arbitraire, qui ne fonde pas une position juridique protégée invocable dans le cadre d'un recours constitutionnel subsidiaire (ATF 147 I 189 consid. 1.2.1; 133 I 185 consid. 6; arrêt 2C_490/2022 du 7 mars 2023 consid. 2.2). Il ne sera donc pas entré en matière sur ce grief.
En revanche, le principe d'égalité entre concurrents directs, qui va plus loin que le principe général d'égalité de l'art. 8 al. 1 Cst. (sur l'absence d'intérêt juridiquement protégé à invoquer la violation du principe général de l'égalité de droit dans le recours constitutionnel subsidiaire: cf. ATF 138 I 305 consid. 1.3), confère un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification de l'arrêt attaqué, dans le cadre d'un recours constitutionnel subsidiaire (cf. arrêt 2D_53/2020 du 31 mars 2023 consid. 1.3.2, non publié in ATF 149 I 146).
1.4.3. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le recours constitutionnel subsidiaire, en tant que la recourante invoque une violation de l'art. 29 Cst. (droit à un traitement équitable) et des art. 27 et 94 Cst. (principe d'égalité entre concurrents directs).
2.
2.1. Le recours constitutionnel subsidiaire ne peut être formé que pour violation des droits constitutionnels (art. 116 LTF). En vertu de l'art. 106 al. 2 LTF, applicable par renvoi de l'art. 117 LTF, les griefs y relatifs doivent être invoqués et motivés par le recourant, à savoir expressément soulevés et exposés de manière claire et détaillée, en précisant en quoi consiste la violation (cf. ATF 148 I 104 consid. 1.5; 143 II 283 consid. 1.2.2; 139 I 229 consid. 2.2). Le recourant ne peut donc se borner à critiquer la décision attaquée comme il le ferait en instance d'appel, où l'autorité de recours jouit d'une libre cognition; il ne peut, en particulier, se contenter d'opposer sa thèse à celle de l'autorité cantonale, mais doit remettre en cause les considérants de la décision attaquée sous des aspects relevant des droits constitutionnels (ATF 134 II 349 consid. 3).
Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 118 al. 1 LTF). Il peut néanmoins rectifier ou compléter les constatations de cette autorité si les faits ont été constatés en violation d'un droit constitutionnel (art. 118 al. 2 LTF en avec l'art. 116 LTF), ce que le recourant doit démontrer d'une manière circonstanciée et précise, conformément aux exigences de motivation posées à l'art. 106 al. 2 LTF (par renvoi de l'art. 117 LTF; ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2).
2.2. En l'occurrence, il ne sera pas tenu compte de la présentation des faits contenue dans le recours, qui s'écarte en partie de celle de l'arrêt attaqué, dès lors que le recours ne contient pas de grief portant sur l'état de fait tel que retenu par le Tribunal cantonal. Le Tribunal fédéral jugera donc exclusivement sur la base des faits établis dans l'arrêt entrepris.
3.
Dans un grief d'ordre formel, la recourante cite l'art. 29 al. 1 Cst. et estime que son droit à un traitement équitable n'a pas été respecté. Elle souligne que le Tribunal cantonal ne se serait pas prononcé sur un argument qu'elle avait soulevé devant lui, à savoir qu'avec la fusion, opérée en 2020 avec D.________ AG, elle avait acquis tous les droits et obligations de la société absorbée y compris le droit incontestable de celle-ci d'obtenir une aide financière pour l'année 2020.
3.1. Selon la jurisprudence, l'autorité qui ne traite pas un grief relevant de sa compétence, motivé de façon suffisante et pertinent pour l'issue du litige, commet un déni de justice formel proscrit par l'art. 29 al. 1 Cst. (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 et les arrêts cités). Quant au droit d'être entendu, garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., il implique notamment, pour l'autorité, l'obligation de motiver sa décision, afin que le destinataire puisse la comprendre, l'attaquer utilement s'il y a lieu et que l'autorité de recours puisse exercer son contrôle. Le juge doit ainsi mentionner, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que la partie intéressée puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 143 IV 40 consid. 3.4.3; 142 I 135 consid. 2.1). Il ne doit toutefois pas se prononcer sur tous les moyens des parties; il peut se limiter aux questions décisives pour l'issue du litige (ATF 147 IV 249 consid. 2.4; 142 II 154 consid. 4.2).
3.2. Les juges précédents ont examiné si les conditions posées à l'obtention de l'aide financière requise par la recourante étaient remplies. A cet effet, ils ont procédé à l'interprétation des art. 12 al. 2ter de la loi Covid-19 ("Si les activités d'une entreprise sont clairement délimitées, différentes aides doivent pouvoir être versées, pour autant que ces aides ne se recoupent pas"), applicable par renvoi du droit cantonal, et 2a OMCR 20, afin de déterminer si les activités de la E.________ relevaient d'un secteur d'activités clairement délimité, au sens de ces dispositions. Ils en ont conclu que le seul critère déterminant à cet égard était la nature de l'activité exercée ou des prestations offertes: pour admettre l'existence d'un "secteur" au sens de la réglementation, il fallait une diversité des activités économiques exercées; or, la E.________ était une clinique privée qui exerçait une activité comparable aux autres cliniques du groupe de la recourante; à la suite de la fusion, la situation tant juridique qu'économique avait changé: la E.________ était devenue une des multiples cliniques appartenant à la recourante et elle avait perdu son indépendance et, par conséquent, la possibilité d'obtenir une aide financière pour son activité; son chiffre d'affaires et son résultat, seuls déterminants pour établir son droit à une aide financière, s'étaient fondus dans ceux de la recourante. On déduit de cette motivation que les juges précédents, prenant en compte la fusion en cause, ont estimé que l'argument de la recourante résumé ci-dessus n'était pas pertinent, seule l'étant la notion de "secteur" d'activités clairement délimité. Le Tribunal cantonal a donc traité le grief soulevé par la recourante et n'a pas commis de déni de justice. S'il n'a pas pris en compte tous les arguments avancés dans ce cadre, ce point ne saurait constituer une violation de l'obligation de motiver.
3.3. Il découle de ces éléments que les juges précédents n'ont pas violé l'art. 29 Cst.
4.
Sous le titre "Violation des art. 8, 27 et 94 Cst. ", la recourante, après avoir résumé ces principes, présente une motivation répartie sous quatre rubriques, à savoir "La violation du libre choix de la forme juridique", "Le principe de la prééminence de la substance sur la forme", "La fusion de décembre 2020 et le transfert à titre universel", ainsi que "L'inégalité de traitement entre concurrents directs".
4.1. L'art. 27 Cst. garantit la liberté économique (al. 1), en particulier le libre choix d'une profession, le libre accès à une activité lucrative privée et son libre exercice (al. 2). Selon l'art. 94 al. 1er Cst., la Confédération et les cantons respectent le principe de la liberté économique. Alors que l'art. 27 Cst. garantit la liberté économique dans sa dimension individuelle, l'art. 94 Cst. protège celle-ci dans sa dimension systémique ou institutionnelle, en tant que principe fondamental du système économique suisse fondé sur une économie de marché (ATF 148 II 121 consid. 7.2; 145 I 183 consid. 4.1.1; 143 II 425 consid. 4.2; 143 I 403 consid. 5.1; 142 I 162 consid. 3.2.1), imposant à l'État de respecter les éléments essentiels du mécanisme de la concurrence (ATF 143 I 403 consid. 5.2; 140 I 218 consid. 6.2). Ces deux aspects sont étroitement liés et ne sauraient être abordés séparément (ATF 148 II 121 consid. 7.2; 145 I 183 consid. 4.1.1; 143 I 388 consid. 2.1). Par ailleurs, ni l'exigence de neutralité en matière de concurrence ni la liberté économique ne confèrent en principe de droit à une prestation de la part de l'État (ATF 138 II 398 consid. 3.9.2, 191 consid. 4.4.1; 132 V 6 consid. 2.5.2; arrêt 2C_749/2021 du 16 mars 2022 consid. 5.1), les droits fondamentaux ayant avant tout une fonction de défense contre les atteintes causées par l'État (cf. ATF 144 I 50 consid. 4.1; 138 I 225 consid. 3.5; 135 I 113 consid. 2.1).
La liberté économique, garantie par les art. 27 et 94 Cst. , comprend le principe d'égalité entre personnes appartenant à la même branche économique - lequel offre une protection plus étendue que celle de l'art. 8 Cst. -, en vertu duquel les mesures étatiques qui ne sont pas neutres sur le plan de la concurrence entre concurrents directs sont prohibées. On entend par concurrents directs les membres de la même branche économique qui s'adressent avec les mêmes offres au même public pour satisfaire les mêmes besoins (ATF 148 II 121 consid. 7.1; 147 V 423 consid. 5.1.3; 145 I 183 consid. 4.1.1).
4.2. Dans les rubriques "La violation du libre choix de la forme juridique" et "La fusion de décembre 2020 et le transfert à titre universel", la recourante fait valoir que l'arrêt attaqué viole sa liberté de choisir la forme juridique, en l'espèce la fusion par absorption; selon elle, la seule raison pour laquelle une aide financière lui a été refusée tient au fait que le groupe a choisi de procéder à une fusion par absorption. Elle explique les effets d'une telle fusion et en conclut que d'un point de vue économique et juridique la recourante était légitimée à obtenir l'aide financière litigieuse.
Avec ces arguments, la recourante fait valoir uniquement sa liberté économique, qui comprend effectivement le choix de la forme juridique de la personne morale exerçant l'activité économique (ATF 138 II 456 consid. 16). Or, la liberté économique est de nature essentiellement défensive, en ce sens qu'elle limite les pouvoirs de l'État, et ne confère aucun droit à une prestation positive de l'État (cf. supra consid. 4.1). La jurisprudence n'a jusqu'ici déduit de la liberté économique un droit (conditionnel) à une prestation positive de l'État qu'en lien avec des demandes d'utilisation accrue du domaine public (cf. ATF 130 I 26 consid. 4.1 p. 41; 128 II 292 consid. 5 p. 297; 127 I 84 consid. 4b), ce qui n'est pas en cause ici. Le grief tombe, par conséquent, à faux.
4.3. Dans la rubrique "Le principe de la prééminence de la substance sur la forme", la recourante avance que les juges précédents n'ont pas appliqué correctement l'art. 5a al. 1 OMECR COVID-19/FR, dans la mesure où ils ont considéré que cette disposition n'exigeait pas de tenir compte de la réalité économique concrète; le Tribunal cantonal aurait ainsi refusé à tort de prendre en considération l'entreprise que constituait la E.________ avant et après la fusion.
Avec une telle argumentation, l'intéressée se plaint en réalité, non pas de la violation de sa liberté économique, mais d'une application arbitraire du droit cantonal, ce qu'elle ne peut faire dans le cadre du présent recours constitutionnel subsidiaire (cf. supra consid. 1.4.2). Il ne sera donc pas entré en matière sur ce moyen.
4.4. Finalement, la recourante invoque une violation du principe d'égalité entre concurrents directs. Elle relève qu'elle est traitée différemment que ses concurrentes au seul motif qu'elle a décidé de se restructurer et de fusionner tous ses établissements à partir de 2018; tout propriétaire d'un établissement hospitalier qui serait exploité "sous forme séparée", comme l'était la E.________ jusqu'en 2020, ou d'un groupe qui exploiterait ses établissements sous formes de filiales séparées par établissement pourrait demander et obtenir une aide financière.
La recourante oublie que, à l'instar de la liberté économique, l'exigence de neutralité en matière de concurrence ne confère en principe pas de droit à une prestation de la part de l'État (cf. supra consid. 4.1 et 4.2). Il est vrai que récemment le Tribunal fédéral a admis l'application du principe d'égalité entre concurrents directs, à savoir entre des prestataires de services touristiques en lien avec le droit au versement d'une "subvention discrétionnaire" ("Ermessenssubvention", "sovvenzioni di natura discrezionale") provenant des recettes communales de la taxe de séjour (cf. arrêt 2D_53/2020 susmentionné consid. 4, non publié in ATF 149 I 146). Quoi qu'il en soit, in casu, la recourante se plaint d'une violation purement hypothétique dudit principe et ne démontre en aucune manière que tel serait le cas. De plus, à supposer que ses concurrentes directes aient perçu une aide financière, c'est qu'elles en remplissaient les conditions légales. Le refus de l'aide, au motif que les activités de la E.________ ne constituent pas un secteur d'activités clairement délimité au sens de l'art. 12 al. 2ter loi Covid-19 (applicable par renvoi de l'art. 17d OMECR COVID-19/FR) et 2a OMCR 20, est la conséquence de choix stratégique et économique de la société, du rachat de D.________ AG (et de la radiation de cette société au registre du commerce), de la forme juridique qu'a prise cette acquisition, à savoir la fusion par absorption, et des dates auxquelles celle-ci a été réalisée. On ne perçoit pas là de distorsion de concurrence. Il découle de ces éléments que le Tribunal cantonal n'a pas violé le principe d'égalité entre concurrents directs et le grief est rejeté.
5.
Au regard de ce qui précède, le recours est rejeté.
Les frais judiciaires sont mis à la charge de la recourante qui succombe (cf. art. 66 al. 1 et al. 5 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 20'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires de la recourante, à la Direction de l'économie, de l'emploi et de la formation professionnelle et au Tribunal cantonal du canton de Fribourg, IIIème Cour administrative, ainsi qu'au Secrétariat d'État à l'économie SECO.
Lausanne, le 3 avril 2024
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
La Juge présidant : J. Hänni
La Greffière : E. Jolidon