Wichtiger Hinweis:
Diese Website wird in älteren Versionen von Netscape ohne graphische Elemente dargestellt. Die Funktionalität der Website ist aber trotzdem gewährleistet. Wenn Sie diese Website regelmässig benutzen, empfehlen wir Ihnen, auf Ihrem Computer einen aktuellen Browser zu installieren.
Zurück zur Einstiegsseite Drucken
Grössere Schrift
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
7B_34/2024  
 
 
Arrêt du 3 avril 2024  
 
IIe Cour de droit pénal  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Abrecht, Président, 
Kölz et Hofmann. 
Greffière : Mme Paris. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Hubert Theurillat, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
David Cuenat, 
Juge au Tribunal pénal du Tribunal de première, 
instance, chemin du Château 9, 2900 Porrentruy 
intimé, 
 
Ministère public de la République et canton du Jura, Le Château, 2900 Porrentruy. 
 
Objet 
Récusation, 
 
recours contre la décision du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Chambre pénale des recours, du 12 décembre 2023 (CPR 84/2023). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Par jugement du 25 février 2022, le Tribunal pénal de première instance du canton du Jura (ci-après: le Tribunal pénal) a reconnu A.________ coupable de délit manqué de meurtre par dol éventuel sur la personne de C.________ ainsi que d'infractions à la LCR et à la LStup. Il l'a condamné à une peine privative de liberté de 36 mois, dont 24 mois avec sursis pendant deux ans.  
 
A.b. Le 12 octobre 2023, la Cour pénale du Tribunal cantonal du canton du Jura a annulé le jugement du Tribunal pénal en raison de la composition irrégulière de celui-ci; les deux juges assesseures siégeant aux côtés du Président David Cuenat étaient également greffières au sein du Tribunal pénal, ce qui n'était pas compatible avec le droit à un tribunal indépendant.  
La cause a été renvoyée au Tribunal pénal pour nouvelle audience et nouveau jugement dans le sens des considérants. 
Le 23 octobre 2023, le Président a cité les parties à comparaître à une nouvelle audience de débats. Par avis du 24 octobre 2023, il les a informées de la nouvelle composition du Tribunal pénal appelée à statuer. 
 
B.  
Le 2 novembre 2023, A.________ a demandé la récusation du Juge David Cuenat appelé à siéger dans la nouvelle composition. Par décision du 12 décembre 2023, la Chambre pénale des recours du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura (ci-après: la Chambre pénale des recours) a rejeté ladite requête. 
 
C.  
A.________ interjette un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre la décision du 12 décembre 2023 en concluant principalement à sa réforme en ce sens que le Juge David Cuenat soit récusé. A titre subsidiaire, il demande le renvoi de la cause à l'autorité intimée pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures. L'autorité précédente a produit le dossier de la cause. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 146 IV 185 consid. 2). 
Une décision - rendue par une autorité cantonale statuant en tant qu'instance unique (art. 80 al. 2 in fine LTF) - relative à la récusation de magistrats pénaux peut faire immédiatement l'objet d'un recours en matière pénale, malgré son caractère incident (cf. art. 78 et 92 al. 1 LTF). Le recourant, prévenu dont la demande de récusation a été rejetée, a qualité pour recourir en vertu de l'art. 81 al. 1 LTF (cf. arrêts 7B_37/2023 du 16 novembre 2023 consid. 1; 1B_273/2023 du 26 mai 2023 consid. 2.1). Pour le surplus, le recours a été interjeté en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et les conclusions présentées sont recevables (art. 107 al. 2 LTF), de sorte qu'il y a lieu d'entrer en matière.  
2. 
2.1 Aux termes de l'art. 56 let. b CPP, toute personne exerçant une fonction au sein d'une autorité pénale est tenue de se récuser lorsqu'elle a agi à un autre titre dans la même cause, en particulier comme membre d'une autorité, conseil juridique d'une partie, expert ou témoin. Un magistrat est également récusable, selon l'art. 56 let. f CPP, "lorsque d'autres motifs, notamment un rapport d'amitié étroit ou d'inimitié avec une partie ou son conseil, sont de nature à le rendre suspect de prévention". Cette disposition a la portée d'une clause générale recouvrant tous les motifs de récusation non expressément prévus aux lettres précédentes. Elle correspond à la garantie d'un tribunal indépendant et impartial instituée par les art. 30 al. 1 Cst. et 6 par. 1 CEDH (ATF 144 I 234 consid. 5.2 p. 236; 143 IV 69 consid. 3.2 p. 74). 
2.2 Invoquant une violation des art. 6 CEDH, 56 CPP et 30 al. 1 Cst., le recourant reproche à l'autorité précédente d'avoir rejeté sa demande de récusation visant le Juge David Cuenat. 
2.3 La Chambre pénale des recours a constaté que le magistrat intimé, qui avait statué en qualité de Président lors du jugement du 25 février 2022, statuerait à nouveau en cette qualité lors des nouveaux débats. Or d'après la jurisprudence, la garantie du juge impartial ne commandait pas la récusation d'un juge au simple motif qu'il avait, dans une procédure antérieure - voire dans la même affaire - tranché en défaveur de l'intéressé; seules des circonstances exceptionnelles permettaient de justifier une récusation dans de tels cas, lorsque le magistrat avait fait clairement apparaître qu'il ne serait pas capable de revoir sa position et de reprendre la cause en faisant abstraction des opinions qu'il avait précédemment émises. Tel n'apparaissait pas être le cas en l'espèce; le recourant ne se prévalait d'aucune circonstance susceptible de démonter l'apparence d'une prévention du Juge Cuenat à son endroit et la cour cantonale n'en discernait aucune. Le recourant ne pouvait au demeurant rien tirer de l'affaire 6F_33/2023 dont il se prévalait, où une apparence de prévention de la magistrate en cause avait été retenue précisément en raison d'observations qu'elle avait émises laissant craindre une idée préconçue de culpabilité. 
2.4 Le raisonnement de la cour cantonale ne prête pas le flanc à la critique et le recourant ne développe aucune argumentation propre à le remettre en cause. 
Il ressort en effet de la jurisprudence que la garantie du juge impartial ne commande pas la récusation d'un juge au simple motif qu'il a, dans une procédure antérieure, tranché en défaveur de l'intéressé (cf. ATF 143 IV 69 consid. 3.1; arrêts 1B_105/2023 du 21 avril 2023 consid. 2; 1B_25/2022 du 18 mai 2022 consid. 2.2; voir également, concernant l'opinion d'un autre juge dans le cadre d'une juridiction collégiale, l'ATF 134 I 238 consid. 2.3 et les arrêts 1B_666/2021 du 21 avril 2022 consid. 2.4; 1B_293/2021 du 28 septembre 2021 consid. 4.1). Dans l'arrêt 1B_25/2022 consid. 2.3, le Tribunal fédéral a admis que la garantie du juge impartial n'exigeait pas la récusation d'un magistrat amené à statuer à nouveau dans le cadre de la reprise d'une cause à la suite de la récusation d'un autre membre du collège; il ne pouvait pas être déduit du simple fait que deux juges avaient déjà statué au fond lors du premier jugement et étaient appelés à statuer à nouveau dans la même affaire qu'ils ne seraient pas à même de revoir leur appréciation ou de faire abstraction des remarques du juge récusé. 
Aussi, compte tenu de la jurisprudence du Tribunal fédéral, la juridiction précédente était fondée à retenir que, sur le principe, le seul fait que le Juge Cuenat - qui avait siégé aux côtés des juges récusées - soit amené à statuer à nouveau dans la même cause ne commandait pas sa récusation. Or le recourant n'apporte aucun argument permettant de considérer que des circonstances exceptionnelles permettraient, en l'espèce, de justifier tout de même une récusation. Il ne fait pas état de comportements ou de déclarations du juge intimé qui viendraient démontrer une apparence de prévention de sa part à son endroit. Il ne ressort pas non plus de l'arrêt attaqué un quelconque motif objectif permettant de considérer que le magistrat intimé ne soit pas à même d'aborder les nouveaux débats en faisant abstraction des opinions déjà émises par les juges récusées lors du premier jugement. Enfin, comme l'a relevé à juste titre la juridiction précédente, l'arrêt 6F_33/2023 auquel se réfère le recourant ne lui est d'aucun secours; les circonstances étaient alors différentes, la juge amenée à statuer, dont la récusation avait été admise, ayant présenté des observations laissant craindre qu'elle ne serait pas à même de revoir sa position, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. 
2.5 Vu ce qui précède, la juridiction cantonale n'a pas violé le droit fédéral en rejetant la demande de récusation formée contre le magistrat intimé et le recours doit être rejeté. 
3. 
Le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens (art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, fixés à 3'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Ministère public de la République et canton du Jura, au Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Chambre pénale des recours, et à C.________. 
 
 
Lausanne, le 3 avril 2024 
 
Au nom de la IIe Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Abrecht 
 
La Greffière : Paris