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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
9C_612/2023  
 
 
Arrêt du 3 avril 2024  
 
IIIe Cour de droit public  
 
Composition 
M. et Mmes les Juges fédéraux Parrino, Président, 
Moser-Szeless et Scherrer Reber. 
Greffier : M. Cretton. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par M e Annick Mbia, avocate, 
recourante, 
 
contre  
 
Office de l'assurance-invalidité du canton de Fribourg, impasse de la Colline 1, 1762 Givisiez, 
intimé. 
 
Objet 
Assurance-invalidité (évaluation de l'invalidité), 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Fribourg du 21 août 2023 (605 2022 206, 605 2022 207). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.________, réfugiée érythréenne née en 1973, est arrivée en Suisse en juillet 2014 et y est admise provisoirement depuis mars 2016. Elle travaille comme femme de ménage pour différents particuliers depuis le 1er février 2018. Elle a sollicité des prestations de l'assurance-invalidité le 10 janvier 2020. Pendant l'instruction, l'Office de l'assurance-invalidité du canton de Fribourg (ci-après: l'office AI) a recueilli l'avis des médecins traitants, confié une expertise psychiatrique au docteur B.________ (rapport du 14 octobre 2021) et réalisé une enquête économique sur le ménage (rapport du 15 février 2022). Par décision du 2 novembre 2022, il a nié le droit de l'assurée à une rente. Il a notamment retenu une capacité de travail de 50 % dans l'activité habituelle et appliqué la méthode mixte d'évaluation de l'invalidité. 
 
B.  
Saisie d'un recours de A.________ contre cette décision, la I e Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Fribourg l'a rejeté par arrêt du 21 août 2023. 
 
C.  
A.________ forme un recours en matière de droit public contre cet arrêt. Elle en demande l'annulation et conclut, principalement, à l'octroi d'une rente calculée selon la méthode ordinaire d'évaluation de l'invalidité et, subsidiairement, au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour instruction complémentaire au sens des considérants. Elle a déposé deux contrats de travail datés des 17 janvier et 17 août 2023, ainsi qu'une convention de bénévolat signée le 28 août 2023 et produit une note d'honoraires. Elle requiert en outre l'assistance judiciaire pour la procédure fédérale. 
L'office AI a déclaré ne pas avoir de remarques particulières à formuler et l'Office fédéral des assurances sociales ne s'est pas déterminé. L'assurée a déposé une écriture supplémentaire. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Déposée après l'échéance du délai de recours (art. 100 al. 1 LTF), non prolongeable (art. 47 al. 1 LTF), l'écriture de la recourante du 27 novembre 2023 ne peut être prise en considération dans la mesure où il ne s'agit pas d'observations relatives à la réponse de l'office intimé mais, selon ses propres termes, d'"un bref complément au recours" (cf. p. ex. arrêts 9C_87/2022 du 8 juillet 2022 consid. 1; 9C_23/2021 du 25 octobre 2021 consid. 2). 
 
2.  
L'assurée a produit pour la première fois devant le Tribunal fédéral des contrats de travail datés des 17 janvier et 17 août 2023 avec des entreprises actives dans le secteur du nettoyage afin de démontrer ses qualifications professionnelles ainsi qu'une convention de bénévolat signée le 28 août 2023 pour établir son intégration. 
Elle n'expose cependant pas en quoi la production des contrats mentionnés et les allégués y relatifs seraient recevables au regard des exigences légales en matière de production de preuves nouvelles devant le Tribunal fédéral (cf. art. 99 al. 1 LTF; ATF 143 V 19 consid. 1.2). Elle n'explique plus particulièrement pas pourquoi elle n'a pas pu produire en instance cantonale ces pièces établies avant le prononcé de l'arrêt attaqué le 21 août 2023. La seule issue de la procédure précédente, défavorable à la recourante, ne peut en tout cas pas suffire pour admettre des faits ou moyens de preuve nouveaux qui auraient pu être invoqués à l'époque ("faux nova"). Cela résulte de la portée contraignante pour le Tribunal fédéral des faits établis par la juridiction de première instance (cf. ATF 134 V 223 consid. 2.2.1; arrêt 9C_952/2015 du 2 mai 2016 consid. 1). Par ailleurs, la convention de bénévolat a été établie après le prononcé de l'arrêt attaqué. Il s'agit d'un "vrai nova" inadmissible devant le Tribunal fédéral (cf. ATF 143 V 19 consid. 1.2). Les différents actes évoqués n'ont donc pas à être pris en considération dans la présente procédure. 
 
3.  
Le recours en matière de droit public (au sens des art. 82 ss LTF) peut être formé pour violation du droit (circonscrit par les art. 95 et 96 LTF). Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est limité ni par l'argumentation de la partie recourante ni par la motivation de l'autorité précédente. Il statue sur la base des faits établis par cette dernière (art. 105 al. 1 LTF). Cependant, il peut rectifier les faits ou les compléter d'office s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Le recourant ne peut critiquer les faits que s'ils ont été constatés de façon manifestement inexacte ou contraire au droit et si la correction d'un tel vice peut influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). 
 
4.  
Le litige porte sur le droit de la recourante à une rente de l'assurance-invalidité. Compte tenu des motifs et des conclusions du recours, il s'agit en particulier de déterminer si, comme le soutient l'assurée, elle doit être considérée comme ayant un statut de personne active ou, ainsi que l'a retenu le tribunal cantonal, un statut mixte de personne active à 35 % et de ménagère à 65 %. 
 
5.  
L'acte attaqué cite les dispositions légales et la jurisprudence indispensables à la résolution du litige, en particulier celles portant sur la notion d'invalidité (art. 7 et 8 al.1 LPGA en lien avec l'art. 4 al. 1 LAI), le droit à la rente (art. 28 LAI) et les méthodes d'évaluation de l'invalidité (ordinaire, spécifique et mixte; art. 28a LAI en lien avec l'art. 16 LPGA et les art. 27 et 27bis RAI; ATF 137 V 334 consid. 3.2) au regard du statut de la personne assurée (ATF 144 I 28 consid. 2.3 et 2.4). Il expose aussi la jurisprudence portant sur le degré de vraisemblance auquel les faits doivent être établis en matière d'assurances sociales (ATF 126 V 353 consid. 5b; cf. aussi ATF 141 V 15 consid. 3.1), le rôle des médecins en matière d'assurance-invalidité (ATF 125 V 256 consid. 4; cf. aussi ATF 140 V 193 consid. 3.2) ainsi que la valeur probante des rapports médicaux (ATF 125 V 351 consid. 3a; cf. aussi ATF 134 V 231 consid. 5.1) et des rapports d'enquête à domicile (ATF 128 V 93). Il suffit d'y renvoyer. 
 
6.  
Les premiers juges ont confirmé le statut de la recourante (mixte) ainsi que la clé de répartition des champs d'activité (activité lucrative 35 % et ménage 65 %) retenus par l'office intimé. 
Ils ont concrètement constaté que les éléments figurant au dossier ne permettaient pas d'éclaircir la situation professionnelle de l'assurée avant son arrivée en Suisse mais que son curriculum vitae démontrait qu'elle avait travaillé comme femme de ménage pour des particuliers dès le mois de février 2018 et qu'elle avait progressivement augmenté son taux d'activité pour atteindre neuf heures par semaine (21,5 %). Ils ont admis la difficulté (ou l'impossibilité) pour la recourante de trouver du travail avant l'obtention du permis F en mars 2016. Ils ont encore relevé que l'assurée avait toujours manifesté sa volonté de travailler à plein temps si son état de santé le lui avait permis, aussi bien à l'office intimé qu'à l'expert psychiatre, le fait qu'elle devait s'occuper de son enfant n'étant pas retenu comme un obstacle. Ils ont toutefois indiqué que, bien que voulant travailler à 100 %, la recourante n'avait pas pu augmenter son taux d'occupation à plus de neuf heures par semaine. Ils ont lié cette impossibilité à des facteurs extra-médicaux comme le fait qu'elle ne parlait pas français, le manque d'intégration ou l'absence de formation. 
 
7.  
La recourante conteste seulement le choix de la méthode d'évaluation de l'invalidité. 
Elle soutient en substance que, si elle avait été en bonne santé, elle aurait nécessairement travaillé à 100 % en raison de sa situation financière précaire. Elle rappelle en évoquant des données statistiques que l'éducation de son fils de douze ans n'est pas un obstacle à l'exercice d'une activité professionnelle à temps complet, pas plus que son âge (cinquante ans). Elle considère en outre que ses soi-disant difficultés linguistiques (elle conteste ne pas savoir parler français après neuf ans de présence en Suisse) et manque d'intégration (elle soutient être bien intégrée et faire du bénévolat dans une association) évoqués par les premiers juges ainsi que l'absence de formation ne l'ont pas jamais empêchée d'exercer le métier de femme de ménage à l'entière satisfaction de ses différents employeurs. Elle reproche dès lors à la juridiction cantonale d'avoir arbitrairement apprécié les faits et les preuves et d'avoir violé le doit fédéral en retenant qu'il était établi au degré de la vraisemblance prépondérante qu'en bonne santé, elle n'aurait jamais travaillé à plus de 35 %. 
 
8.  
Pour déterminer la méthode d'évaluation de l'invalidité applicable dans un cas particulier, il faut à chaque fois se demander ce que l'assuré aurait fait si l'atteinte à la santé n'était pas survenue (cf. ATF 137 V 334 consid. 3.2). Il convient par conséquent de procéder à une évaluation hypothétique incluant la prise en compte des choix également hypothétiques que l'assuré aurait faits (cf. ATF 144 I 28 consid. 2.4). Pour concrétiser une telle évaluation, il y a lieu de prendre en considération des éléments tels que la situation financière du ménage, l'éducation des enfants, l'âge de l'assuré, ses qualifications professionnelles, sa formation, ses affinités et ses talents personnels (ATF 137 V 334 consid. 3.2). 
En l'espèce, n'accordant pas ou que peu de poids à la situation financière (précaire) et familiale (sans obligation parentale contraignante) de la recourante, à sa volonté (constante) exprimée de travailler à plein temps ou à l'augmentation progressive de son taux d'occupation, qu'il avait pourtant dûment constatés, le tribunal cantonal s'est finalement fondé sur les seuls critères de l'absence de connaissance du français ainsi que de formation et le manque d'intégration pour retenir un statut mixte de personne active à 35 % et de ménagère à 65 %. Sur la base de cette appréciation, qui doit être qualifiée de sélective et d'arbitraire, des faits (sur cette notion, cf. ATF 140 III 264 consid. 2.3; 139 III 334 consid. 3.2.5 et les références), les premiers juges n'ont pas cherché à déterminer ce que l'assurée aurait fait si elle avait été en bonne santé, mais se sont bornés à entériner la situation effective, c'est-à-dire de retenir le taux d'activité mis concrètement en valeur par la recourante alors qu'elle était déjà atteinte dans sa santé, ce qui est contraire à l'évaluation hypothétique exigée sous l'angle juridique. Il est certes possible que les difficultés linguistiques et le manque d'intégration (critères au demeurant contestés) ainsi que l'absence de formation aient pu influencer négativement la possibilité d'augmenter le taux d'occupation. Ces éléments ne permettent toutefois aucunement de conclure au degré de la vraisemblance prépondérante (cf. ATF 137 V 334 consid. 3.2 in fine) que, compte tenu de leur existence, l'assurée se serait contentée de travailler à 35 % et de s'occuper de son ménage pour le surplus, si elle était restée en bonne santé. Il convient dès lors de reconnaître à la recourante un statut de personne active à plein temps. 
 
9.  
 
9.1. Il reste à déterminer les effets de ce statut sur l'éventuel droit à la rente de la recourante, en déterminant les éléments nécessaires selon les art. 28a LAI en relation avec les art. 7 et 16 LPGA, au besoin en complétant la constatation des faits de la juridiction cantonale (cf. art. 105 al. 2 LTF).  
 
9.2. Bien que la juridiction cantonale ait considéré que l'office intimé s'était montré généreux avec l'assurée en retenant un empêchement de 55 % pour la part active de ses activités (avant pondération), elle ne s'est pas distanciée de cette appréciation. Il n'y a pas lieu de s'en écarter. Ensuite, dès lors que l'administration a fixé le début de l'incapacité de travail déterminante au 16 février 2021 et que le délai d'attente est d'une année (art. 28 al. 1 let. b LAI), le droit de l'assurée à une rente d'invalidité fondée sur un taux de 55 % a pris naissance au plus tôt dès le 16 février 2022 (art. 28b al. 2 LAI dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2022 [cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1]).  
 
9.3. L'administration a encore fait allusion à une amélioration de la situation médicale qui permettrait la reprise d'une activité lucrative à plein temps à partir de février 2022, sans en tirer toutefois de conséquence concrète. Cette appréciation semble reposer sur l'avis du docteur B.________ mais n'est cependant pas convaincante et n'a dès lors pas à être reprise. En effet, dans son complément d'expertise, l'expert psychiatre est revenu sur le taux d'incapacité de travail de 50 % qu'il avait déterminé préalablement au seul motif que le rapport d'enquête ménagère avait retenu un empêchement minime (de 4.1 %). Il en a déduit "une amélioration estimée depuis le 15.02.2022". Or il lui aurait appartenu, en sa qualité d'expert, d'établir une éventuelle amélioration de l'atteinte psychique sur la base de ses propres observations médicales et non en reprenant les indications de l'enquête ménagère, qui ne reprenaient que de manière incomplète les conclusions médicales au dossier. On précisera à cet égard que l'office intimé dispose de la possibilité d'examiner en tout temps une prestation de rente sous l'angle de l'art. 17 LPGA.  
 
9.4. En conséquence de ce qui précède, il convient de reconnaître le droit de la recourante à une rente d'invalidité fondée sur un taux de 55 % à partir du 16 février 2022 sans limitation dans le temps, la rente devant être versée à partir du 1er jour de ce mois (cf. art. 29 al. 3 LAI). Le recours est bien fondé, l'arrêt entrepris et la décision administrative devant être annulés en conséquence.  
 
10.  
Vu l'issue du litige, les frais judiciaires et les dépens doivent être mis à la charge de l'office intimé (art. 66 al. 1 et 68 al. 1 LTF). La demande d'assistance judiciaire est dès lors sans objet. La recourante a produit une note de frais et d'honoraires détaillée pour un montant de 1'884 fr. 80. Ce montant n'apparaît pas excessif compte tenu de la nature du litige, de sorte qu'il convient de le lui allouer. La cause est renvoyée à la juridiction cantonale pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure antérieure (art. 67 et 68 al. 5 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est admis. L'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Fribourg, I e Cour des assurances sociales, du 21 août 2023 ainsi que la décision de l'Office de l'assurance-invalidité du canton de Fribourg du 2 novembre 2022 sont annulés. La recourante a droit à une rente de l'assurance-invalidité de 55 % à partir du 1er février 2022. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge de l'intimé. 
 
3.  
L'intimé versera à l'avocate de la recourante la somme de 1'884 fr. 80 à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral. 
 
4.  
La cause est renvoyée au Tribunal cantonal du canton de Fribourg, I e Cour des assurances sociales, pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure cantonale. 
 
5.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du canton de Fribourg, I e Cour des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances sociales. 
 
 
Lucerne, le 3 avril 2024 
 
Au nom de la IIIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Parrino 
 
Le Greffier : Cretton