Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
9C_453/2023
Arrêt du 3 mai 2024
IIIe Cour de droit public
Composition
M. et Mmes les Juges fédéraux Parrino, Président, Moser-Szeless et Scherrer Reber.
Greffier : M. Berthoud.
Participants à la procédure
A.________,
représentée par Me Jean-Michel Duc, avocat,
recourante,
contre
Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud,
avenue du Général-Guisan 8, 1800 Vevey,
intimé.
Objet
Assurance-invalidité,
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 8 juin 2023 (AI 82/22 - 161/2023).
Faits :
A.
A.________, née en 1972, bénéficiaire d'une rente entière de l'assurance-invalidité depuis le 1
er juin 2020, a requis l'octroi d'une allocation pour impotent de cette assurance le 20 janvier 2021. Elle a indiqué qu'elle avait besoin de soins médicaux dispensés quotidiennement par le Centre B.________ de U.________ depuis décembre 2020 pour la nutrition par cathéter et d'un accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie, dans la mesure où son époux assumait la totalité des tâches ménagères.
L'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud (ci-après: l'office AI) a mis en oeuvre une enquête destinée à évaluer l'impotence de l'assurée. Dans son rapport du 30 septembre 2021, l'enquêtrice a retenu que l'assurée avait besoin d'aide pour l'accomplissement de deux actes ordinaires de la vie (manger et faire sa toilette) et de soins permanents depuis décembre 2020.
Dans un projet de décision du 1
er décembre 2021, l'office AI a informé A.________ qu'il entendait lui octroyer une allocation pour impotent de degré faible depuis ce jour-là. Le 10 janvier 2022, à la demande de l'assurée, l'administration lui a accordé un délai au 11 février suivant pour compléter ses objections, précisant qu'aucune nouvelle prolongation ne serait accordée. Le 9 février 2024, l'assurée a sollicité une ultime prolongation du délai, de deux mois, requête à laquelle l'office AI a opposé un refus le 24 février suivant. Le 1
er mars 2022, il a alloué à l'assurée une allocation pour impotent de degré faible à partir du 1er décembre 2021.
B.
A.________ a déféré cette décision au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, qui l'a déboutée par arrêt du 8 juin 2023.
C.
L'assurée interjette un recours en matière de droit public contre cet arrêt. Elle conclut principalement à sa réforme en ce sens qu'une allocation pour impotent de degré moyen lui soit accordée dès le 1er janvier 2020. Subsidiairement, elle conclut à l'annulation de l'arrêt du 8 juin 2023 et de la décision au 1
er mars 2022, la cause étant renvoyée à l'office AI pour nouvelle instruction et nouvelle décision.
Par ordonnance du 17 octobre 2023, le Tribunal fédéral a rejeté la demande d'assistance judiciaire également présentée par la recourante. En réaction, A.________ s'est déterminée le 31 octobre 2023, en déposant un livre dont elle est l'auteur.
Considérant en droit :
1.
Le recours en matière de droit public peut être formé pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF . Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il fonde par ailleurs son raisonnement sur les faits retenus par la juridiction de première instance (art. 105 al. 1 LTF) sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). La partie recourante qui entend s'écarter des faits constatés doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF sont réalisées sinon un état de fait divergent ne peut être pris en considération.
2.
Le livre produit par la recourante devant le Tribunal fédéral le 31 octobre 2023 constitue une pièce nouvelle qui ne résulte pas de la décision de l'autorité précédente. Cette pièce est dès lors irrecevable (cf. art. 99 al. 1 LTF).
3.
3.1. Compte tenu des motifs et conclusions du recours, le litige porte sur l'octroi d'une allocation pour impotent de degré moyen au lieu d'une allocation pour impotent de degré faible dès le 1er décembre 2021. La conclusion de la recourante tendant à être mise au bénéfice de la prestation en cause déjà à partir du 1er janvier 2020 est dépourvue de toute motivation (cf. art. 42 al. 1 et 2 LTF ), de sorte qu'elle est irrecevable dans cette mesure.
3.2. L'arrêt attaqué expose de manière complète les règles relatives à la notion d'impotence et à son évaluation (art. 9 LPGA; art. 42 LAI; art. 37 et 38 RAI ). Il suffit d'y renvoyer.
4.
4.1. Dans un premier grief, la recourante se prévaut d'une violation de son droit d'être entendue en lien avec l'établissement du rapport d'enquête ménagère, en particulier du fait de n'avoir pas eu accès aux notes personnelles de l'enquêtrice.
4.2. À la lumière de la jurisprudence rendue à ce sujet et connue de son mandataire (cf. arrêts 9C_557/2021 du 20 octobre 2022 consid. 5.2.2 et 9C_399/2021 du 20 juillet 2022 consid. 3), ce grief est est mal fondé. Un rapport d'enquête (à domicile) n'a pas à être soumis séance tenante à la personne assurée pour lecture et approbation; il suffit, comme en l'espèce, qu'elle puisse - durant la procédure administrative - être mise en situation de prendre connaissance dudit rapport, de s'exprimer par écrit à son sujet et d'accéder à la totalité du dossier.
5.
5.1. La recourante se plaint ensuite d'une violation de son droit d'être entendue en lien avec l'art. 57a al. 3 LAI. Elle soutient qu'elle aurait dû bénéficier d'une prolongation du délai de 30 jours pour se déterminer sur le préavis de l'intimé comme elle l'avait requis. À son avis, il faudrait distinguer d'une part le délai légal pour déposer des objections ("délai pour objecter"), qu'elle a respecté et, d'autre part le délai destiné à compléter ses objections, qui découlerait d'un "usage" (ce qui ne lui a pas été accordé). Le refus de l'office AI de lui accorder la (deuxième) et "ultime prolongation sollicitée" occulterait l'existence, à ce stade de la procédure, d'une inégalité de traitement entre les assurés et les assureurs, ces derniers disposant de ressources importantes pour obtenir des avis médicaux, dont elle ne bénéficie pas. Son droit d'être entendue n'aurait dès lors pas été respecté en raison du refus de l'office AI de lui accorder une prolongation de délai pour compléter ses objections.
5.2. Selon l'art. 57a al. 3 LAI (en vigueur depuis le 1
er janvier 2021; RO 2020 5137), les parties peuvent faire part de leurs observations concernant le préavis dans un délai de 30 jours. Se référant aux travaux préparatoires (cf. Message du Conseil fédéral du 2 mars 2018 concernant la modification de la LPGA [FF 2018 1597, 1636]), l'instance précédente a retenu que le législateur ne voulait pas prolonger le délai de préavis de 30 jours, lequel a dès lors été inscrit dans la loi.
L'argumentation de la recourante ne met pas en évidence que les premiers juges auraient méconnu la portée de l'art. 57a al. 3 LAI, ni qu'ils auraient mal compris les raisons pour lesquelles le législateur a instauré cette règle légale, voire que celui-ci entendait faire une distinction entre un "délai pour objecter" et un "délai pour compléter ses objections". Cela étant, il n'est pas nécessaire de se prononcer plus avant sur le changement législatif qui a modifié le système du délai d'ordre qui prévalait avant l'adoption de l'art. 57a al. 3 LAI (cf. art. 73ter al. 1 aRAI; ATF 143 V 71 consid. 4.3.5). En effet, la recourante a été en mesure de produire, devant la juridiction cantonale, les pièces médicales dont elle ne disposait pas encore à l'échéance de la prolongation du délai que lui avait accordé l'office AI pour se déterminer sur le préavis du 1er décembre 2021. Elle a donc eu l'occasion de se prononcer et de produire des moyens de preuve devant une autorité de recours de première instance dotée d'un plein pouvoir d'examen (cf. art. 61 let. c LPGA). Dans ces circonstances, à supposer que le droit d'être entendue de la recourante ait été violé, les premiers juges ont guéri cette atteinte (sur les conditions d'une telle guérison, ATF 137 I 195 consid. 2.3.2 et les références). Le grief tiré de la violation du droit d'être entendue est dès lors également mal fondé.
6.
6.1. Sur le fond, la recourante conteste l'évaluation du degré de l'impotence. D'une part, elle s'en prend au rapport d'enquête du 30 septembre 2021 qu'elle juge dénué de force probante. Elle indique que l'enquête en cause s'est déroulée à son domicile, qu'elle a duré environ 45 minutes et s'est présentée sous la forme d'une simple discussion dans le séjour de l'appartement, mais que l'enquêtrice n'a ni visité l'appartement ni pris connaissance de sa configuration. D'autre part, elle fait grief aux premiers juges de n'avoir pas tenu compte des avis médicaux qu'elle avait produits, établissant ainsi les faits de manière arbitraire. Elle se plaint encore que l'aide exigible de la part de ses proches a été surévaluée.
6.2. En ce qui concerne tout d'abord le moyen relatif à l'absence de visite de l'appartement, la recourante n'indique pas en quoi les constatations de l'enquêtrice en auraient été affectées, de sorte que son argument n'est pas pertinent.
Quant à la prise en considération des rapports médicaux des médecins traitants de la recourante, la juridiction cantonale a exposé les raisons pour lesquelles elle s'est écartée des avis des docteurs C.________, spécialiste en médecine interne, du 11 février 2022, D.________, spécialiste en médecine interne et en gastroentérologie, du 8 mars 2022, et E.________, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, du 20 octobre 2021, en dépit des limitations fonctionnelles dûment attestées. Or la recourante n'expose pas en quoi l'appréciation de l'instance précédente serait arbitraire, en particulier en ce qui concerne les constatations des premiers juges selon lesquelles elle est capable d'effectuer des tâches ménagères légères essentielles et qu'elle a besoin d'aide seulement pour les tâches lourdes qui demeurent ponctuelles. Il ne suffit pas de citer des extraits des rapports médicaux pour mettre en évidence le caractère manifestement inexact ou insoutenable de l'appréciation cantonale, la recourante se limitant à tirer ses propres constatations des évaluations médicales, ce qui relève d'une argumentation largement appellatoire.
Enfin, la recourante fait valoir en vain l'absence d'une évaluation précise de l'aide exigible de ses proches pour en déduire que la juridiction cantonale aurait surévalué celle-ci. Les constatations cantonales permettent en effet de connaître avec suffisamment de précision pour quelles tâches les premiers juges ont considéré que l'aide de l'époux et de la belle-fille de la recourante était soit déjà concrètement apportée soit pouvait être exigée de leur part (entre autres tâches, courses et soutien plus important pour le ménage). En invoquant la reconversion professionnelle avec l'aide de l'assurance-invalidité que son conjoint allait apparemment entreprendre ou l'apprentissage de sa belle-fille, la recourante ne démontre pas que les constatations de la juridiction cantonale seraient manifestement inexactes, ne serait-ce déjà que parce que celle-ci a pris en considération les limitations fonctionnelles du conjoint ainsi que la formation de la fille de celui-ci. En tant que la recourante invoque ensuite des arrêts portant sur l'évaluation des tâches ménagères dans le cadre d'une enquête économique sur le ménage pour déterminer le degré d'invalidité au sens de l'art. 8 LAI, elle n'expose pas en quoi elle se trouverait dans une situation semblable, alors qu'on ne saurait dégager des arrêts cités (dont l'arrêt 9C_183/2008 du 18 mars 2009) une règle générale sur une quantification du temps dévolu aux activités ménagères mises à la charge des proches au titre de l'aide exigible.
7.
Ensuite de ce qui précède, le recours est entièrement mal fondé dans la mesure où il est recevable.
8.
La recourante, qui succombe, supportera les frais de la procédure (art. 66 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances sociales.
Lucerne, le 3 mai 2024
Au nom de la IIIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Parrino
Le Greffier : Berthoud