Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
4A_78/2024
Arrêt du 3 juin 2025
Ire Cour de droit civil
Composition
Mmes et MM. les Juges fédéraux
Hurni, président, Kiss, Denys, Rüedi et May Canellas.
Greffier: M. O. Carruzzo.
Participants à la procédure
État de Libye,
représenté par Mes Catherine A. Kunz, Matthias Scherer, Laura Azaria, Augustin Barrier et Maël Deschamps, avocats,
recourant,
contre
1. A.________,
2. B.________,
3. C.________,
4. D.________,
5. E.________,
6. F.________,
7. G.________,
8. H.________,
9. I.________,
10. J.________,
11. K.________,
12. L.________,
13. M.________,
14. N.________,
15. O.________,
16. P.________,
17. Q.________,
18. R.________,
19. S.________,
tous représentés par Mes Xavier Favre-Bulle et Hanno Wehland, avocats,
intimés.
Objet
arbitrage international,
recours en matière civile contre la sentence rendue le 22 décembre 2023 par un Tribunal arbitral avec siège à Genève (CPA n. 2019-41).
Faits :
A.
A.a. En 1952, la société T.________ Limited (ci-après: T.________) a été constituée en Libye. T.________ était la filiale libyenne du groupe U.________, créé en 1928 à (...). Elle a oeuvré dans divers secteurs économiques, tels que l'import-export, l'agriculture et l'immobilier. T.________ a contribué à la croissance significative de l'économie libyenne entre 1965 et 1970. Elle détenait plusieurs biens immobiliers en Libye.
A.b. En septembre 1969, le colonel Mouammar Kadhafi a fomenté un coup d'État et renversé le roi Idriss. Il a alors initié une campagne de nationalisation à large échelle.
Peu de temps après l'arrivée au pouvoir du colonel Kadhafi, l'un des actionnaires de T.________, V.________, a été placé en détention et maintenu en captivité jusqu'en mars 1971, avant d'être exclu du territoire libyen. À la suite du placement en détention du prénommé, les actionnaires de T.________, tous issus de la même famille, ont
de facto perdu le contrôle de ladite société.
Le 7 septembre 1970, la loi n. 108 (ci-après: la Loi de 1970) a formalisé la nationalisation de T.________ qui a vu ses actifs être transférés à l'État libyen. Cette loi reconnaissait aux associés de T.________ le droit à une indemnisation sous la forme de remise de bons du trésor libyen à 15 ans d'échéance après détermination du montant de l'indemnisation par un comité chargé d'inventorier et d'évaluer les actifs de T.________.
Après la promulgation de la Loi de 1970, les avoirs de T.________ ont été transférés à diverses entités de l'État libyen.
A.c. Après la nationalisation de T.________, plusieurs comités ont été créés successivement par les autorités libyennes pour inventorier et évaluer les actifs des sociétés nationalisées, y compris ceux de la société précitée:
- le comité de liquidation, institué le 13 septembre 1970;
- le comité de compensation créé en 1972, à une date indéterminée;
- le comité de compensation créé le 1er mars 2006 par le décret n. 37 de 2006;
- le comité de supervision institué par décret d'avril 2006;
- le comité créé le 13 septembre 2009 par le décret n. 417.
A.d. Dès 1971, les actionnaires de T.________ et leurs héritiers ont cherché à obtenir l'indemnisation prévue par la Loi de 1970. À cette fin, ils ont envoyé plusieurs lettres à divers membres du gouvernement libyen, dont le colonel Kadhafi lui-même. Ils ont également engagé des experts chargés d'évaluer les actifs de T.________ au moment de la nationalisation.
Le 30 mai 1995, les deux actionnaires encore en vie de T.________ ont initié une procédure devant le Tribunal de première instance de Tripoli. Ils cherchaient à faire condamner le gouvernement libyen à leur remettre un rapport d'évaluation des actifs de T.________ au sens de la Loi de 1970 ou, subsidiairement, si un tel document n'existait pas, à obtenir la désignation par la justice d'un panel d'experts pour obtenir un inventaire desdits actifs et les évaluer.
Le 12 septembre 1996, le Tribunal de première instance de Tripoli a condamné les autorités libyennes à soumettre tout rapport d'évaluation des actifs de T.________ dans un délai de deux mois.
Le gouvernement libyen n'a pas remis le moindre document dans le délai imparti, mais a soulevé deux exceptions d'incompétence.
Le 11 octobre 1999, l'expert nommé par le tribunal, M. W.________, a rendu son rapport dans lequel il a évalué les avoirs de T.________ au moment de l'adoption de la Loi de 1970.
Le 18 mai 2000, le Tribunal de première instance de Tripoli, par jugement déclaratoire, a écarté les deux exceptions d'incompétence soulevées par le gouvernement libyen et adopté le rapport établi par l'expert.
Par arrêt du 12 mai 2001, la Cour d'appel de Tripoli a rejeté l'appel que les demandeurs avaient formé à l'encontre dudit jugement aux fins de revoir à la hausse le montant de l'évaluation des avoirs de T.________ retenu dans le rapport de l'expert.
En mars et août 2002, les héritiers des actionnaires de T.________ ont réclamé à l'État de Libye le paiement dudit montant, mais ils n'ont reçu aucune réponse de la part de celui-ci.
En novembre 2006 et juin 2007, les autorités libyennes ont introduit deux recours - fondés sur des motifs distincts - devant la Cour suprême de Libye en vue d'obtenir l'annulation de l'arrêt de la Cour d'appel du 12 mai 2001 et, par voie de conséquence, du jugement déclaratoire du 18 mai 2000. La Cour suprême de Libye a rejeté les deux recours par arrêt du 16 mai 2009.
A.e. Le 2 décembre 2002, plusieurs héritiers des anciens actionnaires de T.________, dont les ressortissants libanais A.________, B.________, C.________, D.________, E.________, F.________, G.________, H.________, I.________, J.________, K.________, L.________, M.________, N.________ et O.________ ainsi que les nationaux jordaniens P.________, Q.________, R.________ et S.________ (ci-après: les 19 héritiers ou les demandeurs), ont engagé une procédure de nature administrative à l'encontre de plusieurs autorités libyennes devant la division administrative de la Cour d'appel de Tripoli. Ils soutenaient, en substance, que l'État défendeur n'avait pas respecté son obligation fondée sur l'art. 2 de la Loi de 1970 de leur octroyer une compensation équitable, raison pour laquelle ils réclamaient le paiement d'un montant correspondant à celui articulé dans le rapport W.________ et repris dans le jugement déclaratoire du 18 mai 2000.
Le 16 novembre 2005, la Direction générale des affaires juridiques du pouvoir libyen a établi une note, intitulée "Legal Memorandum concerning the assets of X.________", qui prévoyait notamment ce qui suit:
"The heirs of the concerned person brought an administrative challenge before the judiciary under... They were able through it to obtain a preliminary judgment appointing an expert to assess the properties. And indeed the expert completed his work and appended his report to the case. He assessed the assets of the concerned person at eight hundred and fifty million Libyan Dinars. The heirs requested a decision granting them that amount on the basis that they have not received compensation and that the compensation committees have not assessed it.
(...).
It is established that jurisdiction over compensation rests with the compensation committees. However, the fact that these committees do not have an actual existence may compel the Courts to rule on the merits given that the Courts have general jurisdiction. In accordance with the principle that the Courts are not subject to any authority except their conscience and the Law, the Courts may grant the Claimants' requests, especially because the Administration (the State) is incapable of proving that it has met its obligation to constitute the compensation committees and pay such compensation pursuant to these committees' assessment.
[The committee created by the Minister of Justice] considered the question of reconstituting these committees [
in apprehension of/in order to prevent] the judgments which may be rendered in this regard, considering that these committees have the right to assess the compensation, whereas the 'Revolutionary Command Council' or the General People's Committee [i.e., the Government] can decide whether to enforce the committee's assessment or not. Moreover, if the committee's decision is approved, it will be considered final and subject to no further means of challenge in any way whatsoever....".
En cours de procédure, les autorités libyennes ont contesté la compétence de l'autorité saisie.
Par décision du 3 janvier 2011, la section administrative de la Cour d'appel de Tripoli a rejeté, pour des raisons de compétence, la demande introduite en décembre 2002. Elle a estimé que le litige relevait de la compétence exclusive des tribunaux civils libyens. Elle a en outre relevé que de nouveaux comités d'indemnisation avaient été créés en 2006 et que leurs activités se poursuivaient, raison pour laquelle les autorités libyennes n'avaient pas nié le droit des demandeurs à une indemnisation.
Le 13 août 2012, les héritiers des actionnaires de T.________ ont appelé de cette décision devant la Cour suprême de Libye.
Statuant le 27 septembre 2016, la Cour suprême de Libye a rejeté l'appel formé par les demandeurs. En bref, elle a estimé que la section administrative de la Cour d'appel de Tripoli avait décliné à bon droit sa compétence pour connaître du litige concerné.
B.
B.a. L'Organisation de la Coopération Islamique (autrefois connue sous le nom d'Organisation de la Conférence Islamique; ci-après: OCI), qui compte plus de cinquante États membres, vise notamment à sauvegarder et promouvoir les intérêts du monde musulman.
L'Accord sur la promotion, la protection et la garantie des investissements entre États membres de l'OCI (ci-après: l'Accord OCI) a été conclu le 5 juin 1981. Ce traité multilatéral est entré en vigueur le 23 septembre 1986. Il a été signé par une quarantaine d'États membres de l'OCI et ratifié par une trentaine d'entre eux, dont la Libye, le Liban et la Jordanie. Ledit traité a été rédigé en français, en anglais et en arabe, chaque version étant authentique (art. 25 de l'Accord OCI).
En tant qu'il intéresse la présente procédure de recours, l'Accord OCI contient notamment les dispositions suivantes:
"
Article 1:
Aux fins de cet Accord, les termes suivants auront les significations ci-contre à moins que le contexte ne leur confère une acceptation autre:
2.
Parties Contractantes : États membres de l'Organisation de la Conférence Islamique signataires de l'Accord et pour lesquels cet Accord est devenu effectif;
3.
État Hôte : Toute Partie Contractante où le capital, parvenu par une voie légale, se trouve investi ou qui permet à l'investisseur d'employer son capital sur son territoire;
4.
Capital : Tous les avoirs (comprenant tout ce qui peut être évalué en monnaie) appartenant à une Partie Contractante ou à ses ressortissants, qu'il s'agisse de personnes physiques ou morales, et se trouvant dans les territoires d'une autre Partie Contractante, soit par suite d'un transfert ou d'une réalisation sur place, qu'ils soient biens meubles ou immeubles, en monnaie ou en nature, sous forme corporelle ou incorporelle, avec tous les droits et réclamations qui s'y rapportent y compris les bénéfices découlant des biens et actions en indivis, ainsi que les biens incorporels.
5.
Investissement : L'emploi du capital dans l'un des domaines autorisés dans le territoire d'une Partie Contractante en vue de réaliser un revenu rémunérateur ou le transfert du capital à cette fin vers ce territoire conformément aux dispositions de cet Accord;
6.
Investisseur : Le gouvernement de l'une des Parties Contractantes ou toute personne physique ou morale appartenant à une Partie Contractante et possédant un capital qu'elle investi (sic) dans le territoire d'une autre Partie Contractante. L'appartenance à une Partie Contractante sera définie comme suit :
a)
Personne physique :
Tout individu jouissant de la nationalité d'une Partie Contractante conformément aux dispositions de la loi sur la nationalité en vigueur dans le territoire de cette Partie Contractante;
(...) "
"
Article 8:
1. Les investissements (recte: investisseurs) appartenant à n'importe quelle Partie Contractante jouiront, dans le contexte de l'activité économique où ils auront engagé leurs investissements sur le territoire d'une autre Partie Contractante, d'un traitement qui ne sera pas inférieur à celui octroyé aux investisseurs appartenant à un autre État non partie dudit accord dans le cadre de cette même activité. Ils auront les mêmes droits et privilèges que ceux reconnus à ces derniers.
2. Les dispositions du paragraphe 1 ne sont applicables à aucun traitement préférentiel accordé à une Partie Contractante dans les domaines ci-après:
a) droits et privilèges accordés par une Partie Contractante aux investisseurs appartenant à une autre Partie Contractante en vertu d'un accord international, d'une loi ou de mesures préférentielles particulières;
b) droits et privilèges résultant d'un accord international en vigueur ou à conclure par une Partie Contractante quelconque et prévoyant une union douanière ou en échange d'exonération fiscale;
c) droits et privilèges accordés par une Partie Contractante à un projet spécifique en raison de son importance particulière pour cette Partie Contractante."
"Article 12:
L'État Hôte garantira à l'investisseur la liberté de disposer de son capital investi soit par vente totale ou partielle soit par liquidation, cession ou donation, soit par tout autre moyen. Toutefois, pour que l'investissement en question puisse continuer à bénéficier des dispositions du présente (sic) Accord, il est essentiel que la cession du capital investi soit effectuée au profit d'un investisseur relevant d'un État Contractant et ce, après accord préalable du pays hôte."
"
Article 16:
La Partie Contractante s'engage à autoriser l'investisseur à recourir à sa justice nationale pour se plaindre d'une mesure prise contre lui par les autorités de ce pays, pour récuser la non-conformité de cette mesure avec les dispositions et les lois intérieures en vigueur ou pour se plaindre contre la non-adoption par cette autorité d'une mesure quelconque qu'elle aurait dû prendre en sa faveur que cette plainte concerne ou non l'application des dispositions du présent Accord à la relation entre l'investisseur et l'État Hôte.
Toutefois, si l'investisseur choisit de recourir aux tribunaux nationaux ou à l'arbitrage il ne pourra pas après avoir recouru à l'un (sic) de ces deux instances recourir à l'autre."
"
Article 17:
En attendant la création d'un organisme pour le règlement des litiges résultant de cet Accord, les litiges qui pourraient se présenter seront réglés par consiliation (sic) ou par voie d'arbitrage conformément aux règles suivantes:
1.
La Conciliation
a) Au cas où les deux parties en litige sont convenues de recourir à la conciliation, l'accord devrait inclure une description du litige, les demandes des deux parties en litige et le nom du conciliateur choisi par les deux parties. Les parties concernées pourraient demander au Secrétaire Général de choisir le conciliateur;
b) La tâche du conciliateur se limitera au rapprochement des différents points de vue et aux propositions susceptibles d'aboutir à une solution acceptable aux parties concernées. Le conciliateur présentera dans le délai déterminé par la réalisation de sa tâche un rapport qui sera notifié aux parties concernées. Ce rapport ne pourra être opposé aux deux parties au cas où le litige est porté devant les instances judiciaires.
2.
L'Arbitrage
a) Si les deux parties en litige ne sont pas parvenues à un accord par suite de leur recours à la conciliation ou si le conciliateur ne réussit pas à présenter son rapport dans le délai déterminé, ou si les deux parties ne s'accordent pas sur les solutions proposées, chaque partie aura le droit de recourir au tribunal arbitral pour trancher le litige.
b) Les mesures d'arbitrage commencent par une notification faite par la Partie qui formule une demande d'arbitrage à l'autre partie en litige, expliquant le caractère du litige et le nom de l'arbitre qu'elle nommera. L'autre partie devra, dans un délai de soixante jours, à partir de la date à laquelle la notification a été émise, informer la partie qui a formulé la demande d'arbitrage du nom de l'arbitre choisi par elle. Les deux parties devront choisir, dans un délai de soixante jours à partir de la date à laquelle le dernier des deux arbitres a été nommé, un arbitre qui présidera le tribunal arbitral et qui aura une voix prépondérante au cas où il y aurait égalité de voix. Si l'une des parties ne désigne pas son arbitre ou si les deux arbitres ne sont pas d'accord sur le choix de l'arbitre à voix prépondérante dans les délais impartis, chaque partie pourra adresser une demande au Secrétaire Général [de l'OCI] afin de constituer ou de compléter la composition du tribunal arbitral.
c) Le tribunal arbitral se réunira, pour la première fois à la date et au lieu spécifiés par l'arbitre à voix prépondérante. Le tribunal décidera ensuite des lieu et date de ses réunions et tranchera sur les autres questions relevant de sa compétence.
d) Les jugements du tribunal seront définitifs et sans appel et les deux parties seront tenues de respecter ces jugements et de les exécuter. Ces jugements auront force de chose jugée. Les parties contractantes seront engagées à les exécuter sur leurs territoires respectifs qu'elles soient ou non partie au litige, et que l'investisseur contre lequel le jugement a été rendu soit l'un de leurs ressortissants ou résident ou non résident. Les Parties Contractantes devront considérer ces jugements comme définitifs devant être mis en exécution à l'instar des jugements adoptés par leurs tribunaux nationaux."
B.b. Le 20 novembre 2018, les 19 héritiers, se fondant sur l'art. 17 de l'Accord OCI, ont initié une procédure d'arbitrage à l'encontre de l'État de Libye. Ils ont désigné le Prof. Y.________ en qualité d'arbitre.
L'État défendeur a désigné son arbitre en la personne du Prof. Z.________.
Le 30 avril 2019, les demandeurs ont prié le Secrétaire général de l'OCI de procéder à la nomination du président du Tribunal arbitral en en vertu de l'art. 17 par. 2 let. b) de l'Accord OCI, étant donné que les arbitres choisis par les parties n'étaient pas parvenus à en désigner un.
Le Secrétaire général de l'OCI n'ayant pas répondu à leur requête, les 19 héritiers ont fait appel au Secrétaire général de la Cour Permanente d'Arbitrage (CPA) le 10 juin 2019 afin qu'il désigne une autorité chargée de nommer le président du tribunal arbitral, sur la base des art. 7 al. 3 et 6 al. 2 du Règlement d'arbitrage de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international de 1976 (ci-après: le Règlement CNUDCI). Pour justifier pareille démarche, ils ont soutenu que la clause de la nation la plus favorisée ("most-favored-nation clause" [MFN Clause]; ci-après: clause NPF) de l'art. 8 de l'Accord OCI leur permettait de se prévaloir de l'Accord signé le 19 avril 2004 entre le Gouvernement de la République française et la Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (ci-après: le TBI [traité bilatéral de protection des investissements] France-Libye), entré en vigueur le 29 janvier 2006, traité dont l'art. 7 par. 3 permettait l'application des dispositions du Règlement CNUDCI.
Le 19 juin 2019, l'État défendeur s'est opposé à la requête formulée par ses adversaires, en soutenant qu'il n'avait jamais consenti à l'application du Règlement CNUDCI ni à l'implication de la CPA dans le processus de nomination des arbitres. Il a fait valoir que l'art. 8 par. 1 de l'Accord OCI n'était pas susceptible de conduire à l'application du Règlement CNUDCI.
Le 16 juillet 2019, le Secrétaire général de la CPA a désigné le Prof. A1.________ en tant qu'autorité de nomination conformément aux dispositions topiques du Règlement CNUDCI, tout en précisant que l'État défendeur conserverait la possibilité de faire valoir ultérieurement ses objections relatives à la régularité de la constitution du tribunal arbitral.
Le 6 septembre 2019, le Prof. A1.________ a nommé l'avocate B1.________ présidente du Tribunal arbitral.
Le 10 octobre 2019, l'État défendeur a confirmé son intention de contester la régularité de la constitution du tribunal arbitral. Le lendemain, il a manifesté une nouvelle fois son opposition à l'application du Règlement CNUDCI.
Dans l'acte de mission du 6 novembre 2019, le Tribunal arbitral a fixé le siège de l'arbitrage à Genève et a désigné l'anglais comme langue de la procédure. Il a en outre fait savoir aux parties que la procédure d'arbitrage obéirait aux dispositions du Règlement CNUDCI, sans préjudice de la décision qu'il lui appartiendrait de rendre ultérieurement au sujet des objections formulées à cet égard par l'État défendeur.
En cours de procédure, l'État défendeur a soulevé l'exception d'incompétence du Tribunal arbitral, qu'il a fondée sur plusieurs motifs alternatifs.
Invité à se déterminer sur la bifurcation de la procédure préconisée par le Tribunal arbitral, l'État défendeur a proposé, le 15 novembre 2019, que son objection concernant la composition du Tribunal arbitral ne soit tranchée qu'à la fin de l'arbitrage. Le même jour, les demandeurs ont maintenu leur position selon laquelle cette question devait être tranchée séparément.
Le 25 novembre 2019, le Tribunal arbitral a fait savoir aux parties qu'il n'entendait pas limiter la procédure à l'examen de certains aspects déterminés de l'affaire.
Le Tribunal arbitral a tenu une audience à La Haye du 6 au 10 décembre 2021.
Le 28 juin 2023, le Tribunal arbitral, avec l'accord des parties, a autorisé la production de la sentence rendue le 9 juin 2023, à la majorité, par un tribunal arbitral siégeant à La Haye, dans une cause connexe opposant deux héritières françaises des actionnaires de T.________ à l'État de Libye
(C1.________
et D1.________ contre État de Libye; ci-après: l'affaire connexe).
Par sentence du 22 décembre 2023, le Tribunal arbitral, statuant à la majorité de ses membres, s'est déclaré compétent pour connaître du litige divisant les parties. Sur le fond, il a condamné l'État défendeur à verser aux demandeurs la somme de 73'750'140.67 dollars américains (USD), augmentée des intérêts courant dès le prononcé de la sentence. Les motifs qui étayent cette décision seront examinés plus loin dans la mesure utile à la compréhension des critiques dont celle-ci est la cible.
L'arbitre désigné par l'État défendeur a formulé une opinion dissidente.
C.
Le 1er février 2024, l'État de Libye (ci-après: le recourant) a formé un recours en matière civile aux fins d'obtenir l'annulation de ladite sentence. Il a en outre requis l'anonymisation de toute information permettant d'identifier les parties, la décision attaquée ou le traité applicable.
Le 26 février 2024, le Tribunal arbitral a rendu une sentence rectificative, au terme de laquelle il a notamment corrigé le montant de l'indemnisation figurant dans le dispositif de sa sentence du 22 décembre 2023.
Par ordonnance du 4 avril 2024, le recourant a été invité, sur demande des 19 héritiers (ci-après: les intimés), à verser le montant de 190'000 fr. à la Caisse du Tribunal fédéral à titre de sûretés en garantie de leurs dépens. Il s'est exécuté en temps utile.
Dans leur mémoire de réponse, les intimés ont conclu au rejet du recours.
Le Tribunal arbitral n'a pas déposé d'observations sur le recours.
Le recourant a déposé une réplique spontanée, suscitant le dépôt d'une duplique de la part des intimés.
Considérant en droit:
1.
D'après l'art. 54 al. 1 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le Tribunal fédéral rédige son arrêt dans une langue officielle, en règle générale dans la langue de la décision attaquée. Lorsque cette décision est rédigée dans une autre langue (ici l'anglais), le Tribunal fédéral utilise la langue officielle choisie par les parties. Devant le Tribunal arbitral, celles-ci ont opté pour l'anglais, alors que, dans la procédure fédérale, elles ont employé le français. Conformément à sa pratique (cf. ATF 142 III 521 consid. 1), le Tribunal fédéral rendra par conséquent son arrêt dans la langue du recours, c'est-à-dire le français.
2.
Dans le domaine de l'arbitrage international, le recours en matière civile est recevable contre les décisions de tribunaux arbitraux aux conditions prévues par les art. 190 à 192 de la loi fédérale sur le droit international privé du 18 décembre 1987 (LDIP; RS 291), conformément à l'art. 77 al. 1 let. a LTF.
Le siège de l'arbitrage se trouve à Genève. L'une des parties au moins n'avait pas son domicile en Suisse au moment déterminant. Les dispositions du chapitre 12 de la LDIP sont dès lors applicables (art. 176 al. 1 LDIP).
3.
Qu'il s'agisse de l'objet du recours, de la qualité pour recourir, du délai de recours, des griefs invoqués ou encore des conclusions prises par le recourant, aucune de ces conditions de recevabilité ne fait problème en l'espèce. Rien ne s'oppose donc à l'entrée en matière. Demeure toutefois réservé l'examen de la recevabilité, sous l'angle de leur motivation, des critiques formulées par l'intéressé.
4.
La partie recourante demande au Tribunal fédéral d'anonymiser "toute information permettant d'identifier le recourant, les intimés, la sentence ou l'Accord" [OCI] dans la version de l'arrêt qui sera publiée sur internet et, le cas échéant, au recueil officiel. Elle ne motive toutefois pas cette requête. La Cour de céans ne discerne pas davantage ce qui justifierait de procéder à une anonymisation aussi étendue que celle sollicitée par le recourant, raison pour laquelle il n'y a pas lieu d'accéder à sa requête. Elle considère, par ailleurs, qu'il n'est pas possible de maintenir anonyme l'identité du recourant, eu égard aux circonstances tout à fait singulières de la cause en litige.
5.
5.1. Le recours en matière d'arbitrage international ne peut être formé que pour l'un des motifs énumérés de manière exhaustive à l'art. 190 al. 2 LDIP. Le Tribunal fédéral n'examine que les griefs qui ont été invoqués et motivés conformément à l'art. 77 al. 3 LTF. Cette disposition institue le principe d'allégation (
Rügeprinzip) et consacre une obligation analogue à celle que prévoit l'art. 106 al. 2 LTF pour le grief tiré de la violation de droits fondamentaux ou de dispositions de droit cantonal et intercantonal (ATF 134 III 186 consid. 5). Les exigences de motivation du recours en matière d'arbitrage sont accrues. La partie recourante doit donc invoquer l'un des motifs de recours énoncés limitativement et montrer par une argumentation précise, en partant de la sentence attaquée, en quoi le motif invoqué justifie l'admission du recours (ATF 150 III 280 consid. 4.1 et les références citées). Les critiques appellatoires sont irrecevables (arrêt 4A_65/2018 du 11 décembre 2018 consid. 2.2). Comme la motivation doit être contenue dans l'acte de recours, la partie recourante ne saurait user du procédé consistant à prier le Tribunal fédéral de bien vouloir se référer aux allégués, preuves et offres de preuve contenus dans les écritures versées au dossier de l'arbitrage. De même, elle ne peut pas se servir de la réplique pour invoquer des moyens, de fait ou de droit, qu'elle n'a pas présentés en temps utile, c'est-à-dire avant l'expiration du délai de recours non prolongeable (art. 100 al. 1 LTF en liaison avec l'art. 47 al. 1 LTF), ou pour compléter, hors délai, une motivation insuffisante (ATF 150 III 280 consid. 4.1; arrêts 4A_558/2023 du 14 mai 2024 consid. 4.1; 4A_478/2017 du 2 mai 2018 consid. 2.2 et les références citées).
5.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits constatés dans la sentence attaquée (cf. art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut rectifier ou compléter d'office les constatations des arbitres, même si les faits ont été établis de manière manifestement inexacte ou en violation du droit (cf. l'art. 77 al. 2 LTF qui exclut l'application de l'art. 105 al. 2 LTF). Les constatations du tribunal arbitral quant au déroulement de la procédure lient aussi le Tribunal fédéral, qu'elles aient trait aux conclusions des parties, aux faits allégués ou aux explications juridiques données par ces dernières, aux déclarations faites en cours de procès, aux réquisitions de preuves, voire au contenu d'un témoignage ou d'une expertise ou encore aux informations recueillies lors d'une inspection oculaire (ATF 150 III 238 consid. 1.4; 140 III 16 consid. 1.3.1 et les références citées; arrêts 4A_54/2019 du 11 avril 2019 consid. 2.4; 4A_322/2015 du 27 juin 2016 consid. 3).
La mission du Tribunal fédéral, lorsqu'il est saisi d'un recours en matière civile visant une sentence arbitrale internationale, ne consiste pas à statuer avec une pleine cognition, à l'instar d'une juridiction d'appel, mais uniquement à examiner si les griefs recevables formulés à l'encontre de ladite sentence sont fondés ou non. Permettre aux parties d'alléguer d'autres faits que ceux qui ont été constatés par le tribunal arbitral, en dehors des cas exceptionnels réservés par la jurisprudence, ne serait plus compatible avec une telle mission, ces faits fussent-ils établis par les éléments de preuve figurant au dossier de l'arbitrage (arrêts 4A_486/2023 du 26 avril 2024 consid. 4.2; 4A_140/2022 du 22 août 2022 consid. 4.2). Cependant, le Tribunal fédéral conserve la faculté de revoir l'état de fait à la base de la sentence attaquée si l'un des griefs mentionnés à l'art. 190 al. 2 LDIP est soulevé à l'encontre dudit état de fait ou que des faits ou des moyens de preuve nouveaux sont exceptionnellement pris en considération dans le cadre de la procédure du recours en matière civile (ATF 138 III 29 consid. 2.2.1 et les références citées).
6.
Le recourant soutient, d'une part, que le Tribunal arbitral a été irrégulièrement composé (art. 190 al. 2 let. a LDIP) et, d'autre part, qu'il s'est déclaré à tort compétent pour connaître du litige divisant les parties (art. 190 al. 2 let. b LDIP). La Cour de céans examinera en premier lieu la question de la constitution prétendument irrégulière du tribunal arbitral. Il paraît en effet logique que l'on procède ainsi car un tribunal irrégulièrement constitué ne peut pas se prononcer valablement sur sa compétence (arrêt 4A_514/2010 du 1er mars 2011 consid. 2).
7.
Dans un premier moyen, le recourant, invoquant l'art. 190 al. 2 let. a LDIP, prétend que la présidente du Tribunal arbitral n'a pas été nommée selon les modalités prévues par l'Accord OCI, ce qui suffit à justifier l'annulation de la sentence querellée.
Afin de mieux saisir le sens des motifs avancés par le recourant à l'appui de son grief et des arguments que les intimés leur opposent, il convient d'abord de rappeler certains faits pertinents relativement au moyen en question et d'exposer les considérations émises par le Tribunal arbitral sur le problème considéré.
7.1. En l'occurrence, les demandeurs se sont fondés sur l'art. 17 de l'Accord OCI pour initier la procédure arbitrale. Conformément à cette clause, chacune des parties a nommé son arbitre. Les deux arbitres désignés n'étant pas parvenus à s'accorder sur le choix du troisième, les demandeurs ont fait appel au Secrétaire général de l'OCI le 30 avril 2019 pour remédier à cette situation. Sans réponse de ce dernier, ils ont requis, en date du 10 juin 2019, l'aide du Secrétaire général de la CPA. Le 16 juillet 2019, ce dernier a désigné le Prof. A1.________ et l'a chargé de nommer le troisième arbitre, conformément aux dispositions pertinentes du Règlement CNUDCI. Le 6 septembre 2019, le Prof. A1.________ a nommé Me B1.________ présidente du Tribunal arbitral. Enfin, le siège du Tribunal arbitral a été fixé à Genève par le Tribunal arbitral dans l'acte de mission du 6 novembre 2019.
7.2. Dans la sentence entreprise (n. 731-738), le Tribunal arbitral, examinant la régularité de sa constitution, considère qu'il n'y a pas lieu de remettre en cause la validité de la désignation de sa présidente opérée par le Prof. A1.________. Pour lui, le recours au mécanisme de nomination des arbitres prévu par les dispositions du Règlement CNUDCI était possible en vertu de l'art. 7 par. 3 du TBI France-Libye, applicable par le truchement de la clause NPF de l'art. 8 de l'Accord OCI.
Pour aboutir à ce résultat, le Tribunal arbitral souligne, à titre liminaire, que le point de savoir si une clause de règlement des différends plus favorable aux investisseurs figurant dans un traité déterminé peut être importée et appliquée via une clause NPF se trouvant dans un autre accord international est controversé en droit international des investissements. À son avis, cette question doit être résolue au cas par cas en procédant à l'interprétation de la clause NPF concernée, soit en l'occurrence l'art. 8 de l'Accord OCI.
Le Tribunal arbitral observe que l'art. 8 par. 1 de l'Accord OCI ne mentionne pas ni n'exclut expressément l'application de la clause NPF aux droits de nature procédurale. Cela étant, il considère que les termes "traitement" et "droits et privilèges" figurant à l'art. 8 par. 1 de l'Accord OCI ainsi que l'objet et le but dudit traité plaident en faveur d'une interprétation extensive de cette disposition consistant à retenir que la clause NPF considérée vise également les droits procéduraux. Le Tribunal arbitral souligne en outre que la version arabe de la disposition topique évoque "
tous les droits et privilèges". Se référant à la solution retenue par un autre tribunal arbitral en matière de protection des investissements (sentence du 25 janvier 2000 dans la cause CIRDI n. ARB/97/7,
Emilio Agustín Maffezini contre Royaume d'Espagne; ci-après: l'affaire
Maffezini), il estime qu'une clause NPF englobe aussi les dispositions sur le règlement des différends lorsqu'elle se rapporte à toutes les matières ("all maters").
Selon les arbitres, il n'existe pas davantage de considérations d'ordre public qui commanderaient d'exclure l'application du Règlement CNUDCI en l'espèce. À cet égard, le Tribunal arbitral souligne que le recours au Règlement de la CNUDCI aux fins de combler une lacune d'ordre procédural - qui a trait à la constitution du tribunal arbitral dans l'hypothèse où l'autorité de nomination prévue par le traité ne remplit pas la tâche qui lui est assignée - ne s'apparente aucunement à un remplacement global des règles de procédure convenues par les Parties Contractantes dans l'Accord OCI. La présente situation n'est ainsi pas comparable aux circonstances de l'affaire dans laquelle un tribunal arbitral a jugé que des motifs d'ordre public excluaient que des investisseurs puissent initier une procédure d'arbitrage devant le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI) en se fondant sur la clause NPF de l'art. 8 de l'Accord OCI (sentence du 3 avril 2020 dans la cause CIRDI n. ARB/17/10,
Itisaluna Iraq LLC et consorts contre République d'Irak; ci-après: l'affaire
Itisaluna). Rien n'indique par ailleurs que la mise en oeuvre d'une procédure arbitrale devrait échouer ou être retardée indéfiniment, lorsque l'autorité de nomination visée par l'art. 17 de l'Accord OCI, à savoir le Secrétaire général de l'OCI, ne remplit pas sa mission.
Le Tribunal arbitral estime, enfin, qu'il n'est nullement lié par l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 23 mars 2021 (n. 18/05756), au terme duquel celle-ci a annulé une sentence dans une affaire où le tribunal arbitral, constitué avec le concours du Secrétaire général de la CPA, avait conclu à la régularité de sa composition (sentence du 15 février 2018 dans la cause CPA n. 2017-21,
D.S. Construction FZCO contre État de Libye; ci-après: l'affaire
DS Construction).
7.3.
7.3.1. S'appuyant sur l'ATF 139 III 511 (consid. 4), le recourant soutient que la présidente du Tribunal arbitral n'a pas été nommée selon les modalités prévues par l'Accord OCI. Selon lui, la désignation de cette dernière n'était en effet pas conforme à l'art. 17 par. 2 let. b) dudit traité.
À suivre le recourant, outre le fait que les demandeurs n'avaient laissé qu'à peine plus d'un mois au Secrétaire général de l'OCI pour accomplir sa mission prévue par la disposition précitée avant de mettre en oeuvre la CPA, ils ont recouru à l'aide de cet organisme sans que l'intervention de celui-ci ne découlât de l'Accord OCI ni ne fût justifiée par les règles supplétives réservées à l'art. 179 al. 2 LDIP, violant ainsi l'art. 179 al. 1 LDIP. Selon le recourant, les intimés auraient dû explorer d'autres voies entrant dans le cadre de l'art. 17 de l'Accord OCI en vue de surmonter les difficultés de nomination d'un président. En particulier, ils auraient pu relancer le Secrétaire général de l'OCI afin qu'il y procède, ce qu'ils n'ont pas fait, voire s'accorder avec lui sur la fixation du siège de l'arbitrage, comme les parties l'ont fait ultérieurement, et bénéficier ainsi, le cas échéant, de l'aide du juge d'appui.
7.3.2. Se référant ensuite aux motifs invoqués par le Tribunal arbitral, dont il souligne la brièveté, le recourant reproche à ce dernier d'avoir fait l'impasse sur toute l'analyse au regard du droit suisse quand bien même la question de savoir si un tribunal arbitral a été dûment composé relève du chapitre 12 de la LDIP. Pour lui, le Tribunal arbitral a conclu à tort à l'existence d'une lacune dans le mécanisme de désignation des arbitres en cas d'inaction du Secrétaire général de l'OCI. Selon le recourant, ce mécanisme, tel qu'ancré à l'art. 17 de l'Accord OCI, est spécifique et autosuffisant si bien qu'il n'autorise de toute façon pas la réécriture de cette disposition même à la supposer lacunaire. L'art. 182 al. 2 LDIP accorde certes au Tribunal arbitral le pouvoir supplétif de fixer les règles relativement au déroulement de la procédure, mais pas celles touchant sa propre composition. Pour le recourant, la voie à suivre est bien plutôt la saisine du juge d'appui. Depuis le 1er janvier 2021, le nouvel art. 179 al. 2 LDIP prévoit du reste que le juge suisse est compétent pour trancher les difficultés relatives à la composition du tribunal arbitral même lorsque les parties n'ont pas fixé le siège de l'arbitrage. Sous l'angle du droit international, le recourant estime que le Tribunal arbitral ne pouvait guère davantage combler une prétendue lacune du mécanisme de nomination des arbitres, un tel pouvoir étant réservé aux États contractants selon la jurisprudence de la Cour Internationale de Justice (CIJ).
7.3.3. À titre subsidiaire, le recourant s'en prend à l'argumentation du Tribunal arbitral selon laquelle l'art. 8 de l'Accord OCI permettait d'importer les dispositions plus favorables d'un autre traité relatives au mécanisme de résolution des différends. De fait, sur la base de cette disposition conventionnelle instituant une clause NPF, le Tribunal arbitral s'est permis d'importer l'art. 7 par. 3 du TBI France-Libye, qui prévoit, entre autres possibilités, le règlement des différends par un tribunal arbitral ad hoc créé conformément au Règlement CNUDCI. Le recourant admet, avec le Tribunal arbitral, que le champ d'application de l'art. 8 de l'Accord OCI doit être déterminé selon les règles d'interprétation de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités (RS 0.111; ci-après: CV). En revanche, il conteste le résultat de cette interprétation, telle qu'elle a été faite par le Tribunal arbitral, pour les raisons résumées ci-après.
Tout d'abord, le recourant reproche au Tribunal arbitral de s'être focalisé sur les termes "traitement" ainsi que "droits et privilèges" figurant à l'art. 8 de l'Accord OCI et d'avoir fait abstraction du membre de phrase suivant: "dans le contexte de l'activité économique où ils auront engagé leurs investissements sur le territoire d'une autre Partie Contractante". Or, pour lui, eu égard à la définition de l'expression "activité économique" donnée par le dictionnaire de l'Académie française et par la Cour de justice de l'Union européenne, la clause citée ne concerne que les conditions dans lesquelles les investisseurs exercent des activités consistant à proposer à la vente des biens ou des services, autrement dit les conditions matérielles d'engagement et de protection des investissements (par exemple les règles sur l'expropriation ou le libre transfert des biens), à l'exclusion de celles ayant trait au mécanisme de règlement des différends, puisque ce dernier ne s'inscrit pas dans ce contexte-là. Ainsi en auraient jugé d'autres tribunaux arbitraux, en particulier celui qui a rendu le 8 décembre 2008 une sentence dans l'affaire Wintershall Aktiengesellschaft contre République d'Argentine (CIRDI n. ARB/04/14; ci-après: l'affaire
Wintershall). De même, à en croire le recourant, qui s'appuie notamment sur une sentence arbitrale rendue le 10 février 2012 dans la cause
ICS Inspection and Control Services Limited contre République d'Argentine (CPA n. 2010-9; ci-après: l'affaire
ICS Inspection), la disposition citée ne saurait s'appliquer ici, étant donné que la procédure d'arbitrage en tant que telle n'a aucun rapport avec le "territoire" libyen.
Ensuite, le recourant tire la même conclusion de l'interprétation contextuelle de l'art. 8 de l'Accord OCI. À son avis, cette disposition doit être interprétée en conjonction avec l'art. 17 dudit traité qui établit une procédure ad hoc spécifique et détaillée sur des éléments clés d'une procédure arbitrale. Il découle de cette interprétation contextuelle que l'intention des Parties Contractantes n'était pas de faire varier les modalités de la procédure d'arbitrage à la convenance des investisseurs ou selon le bon vouloir des tribunaux arbitraux. Au demeurant, l'importance de respecter la volonté des Parties Contractantes en présence d'une clause du genre de celle de l'art. 17 de l'Accord OCI aurait été rappelée dans la sentence rendue dans l'affaire
Maffezini.
Le recourant qualifie également de fallacieuse l'interprétation téléologique du Tribunal arbitral basée sur le but et l'objet de l'Accord OCI qui consistent à créer un climat favorable aux investissements. Le Tribunal arbitral se voit ainsi reprocher d'avoir monté en épingle l'un des considérants du préambule dudit traité. Cela reviendrait à dénaturer les termes clairs de l'art. 8 de l'Accord OCI en justifiant l'importation de toute disposition d'un traité tiers par le jeu de la clause NPF, autrement dit à réécrire les dispositions topiques de l'Accord OCI en violation des règles de la CV, sans compter que le préambule du traité concerné est bien plus équilibré que l'interprétation qu'en a faite le Tribunal arbitral.
7.3.4. Le recourant soutient, enfin, que l'arrêt rendu le 23 mars 2021 par la Cour d'appel de Paris dans l'affaire DS Construction confirme le bien-fondé de son grief même si le Tribunal arbitral a balayé d'un revers de main la référence à cette décision au motif qu'elle a été rendue au regard du droit français, inapplicable en l'espèce. À cet égard, il commence par un bref rappel des faits de cette affaire en vue de mettre en lumière sa similarité avec la présente cause. Il résume ensuite les considérants dudit arrêt dans lequel la Cour d'appel de Paris a exclu que l'art. 17 de l'Accord OCI ait pu investir la CPA du pouvoir de remédier à la carence du Secrétaire général de l'OCI, a dénié à un tribunal arbitral non encore constitué le droit d'exercer son pouvoir de fixer des règles de procédure supplétives, a indiqué qu'il appartenait au juge d'appui de trancher la difficulté relative à la constitution du tribunal arbitral et a refusé l'importation du Règlement CNUDCI par le jeu de la clause NPF de l'art. 8 de l'Accord OCI.
7.4.
7.4.1. De leur côté, les intimés réfutent la thèse selon laquelle le Tribunal arbitral n'aurait pas été composé régulièrement. Ils reprochent à leur adversaire d'avoir passé sous silence les circonstances spécifiques qui ont conduit le Secrétaire général de la CPA à agir dans cette affaire. Les intimés font tout d'abord valoir que les parties se sont mises d'accord sur les modalités de la nomination d'un arbitre président à la suite d'une proposition du recourant. Ils se réfèrent sur ce point à un courriel que celui-ci leur a adressé le 14 mars 2019, dans lequel il leur suggère que le choix de l'arbitre président soit laissé à la discrétion des arbitres et que chaque arbitre ait le droit de conférer à propos de ce choix avec la partie qui l'a nommé. À les en croire, ils auraient accepté de bonne foi cette proposition de leur partie adverse qui leur avait donné l'impression, par ce courrier électronique, d'être prête à avancer avec la procédure de nomination de l'arbitre président.
Les intimés font ensuite grief au recourant d'avoir essayé de bloquer cette procédure en refusant de communiquer avec l'arbitre nommé par lui. À cet égard, ils citent un extrait d'un courriel du 30 avril 2019 dans lequel l'arbitre désigné par eux expliquait que la raison de l'impasse dans laquelle se trouvait la procédure de nomination de l'arbitre président tenait à la réticence des conseils du recourant à discuter des candidats potentiels au poste d'arbitre président avec l'arbitre nommé par cette partie. Les intimés ajoutent que leur adversaire n'a pas donné la moindre explication quant à cette réticence, que ce soit durant la procédure d'arbitrage ou devant le Tribunal fédéral, ce qui démontrerait qu'il cherchait à bloquer la composition du Tribunal arbitral.
Les intimés soutiennent, par ailleurs, que le recourant, bien qu'il sût parfaitement que le Secrétaire général de l'OCI ne nommerait un arbitre président que sur demande de sa part, s'est refusé à formuler une telle demande. Selon eux, cette connaissance était basée sur la pratique du Secrétaire général de l'OCI, telle qu'elle apparaissait dans au moins trois affaires précédentes. Aussi, pour les intimés, le recourant était tout à fait conscient que le Secrétaire général de l'OCI n'agirait que s'il lui en faisait lui-même la demande, ce qu'il s'est abstenu de faire dans une tentative évidente d'empêcher la constitution du Tribunal arbitral.
Les intimés expliquent ensuite que, le 10 juin 2019, 41 jours après avoir sollicité le Secrétaire général de l'OCI de procéder à la nomination d'un arbitre président et n'avoir obtenu aucune réponse de l'intéressé, ils ont invoqué la clause NPF de l'art. 8 de l'Accord OCI, combinée avec l'art. 7 par. 3 du TBI France-Libye, pour demander au Secrétaire général de la CPA de désigner une autorité de nomination conformément aux dispositions pertinentes du Règlement CNUDCI. Sur ce point, les intimés relèvent que leur adversaire n'a jusqu'ici jamais mis en doute le fait que le Secrétaire général de l'OCI avait définitivement omis d'agir dans la procédure d'arbitrage, partant qu'il avance un argument irrecevable en soutenant pour la première fois devant le Tribunal fédéral qu'ils n'auraient pas laissé le temps à l'intéressé d'accomplir sa mission. Ils affirment aussi que l'art. 7 al. 2 let. b et al. 3 du Règlement CNUDCI requiert uniquement qu'une demande de nomination reste sans réponse pendant 30 jours, sans qu'il y ait lieu de démontrer le caractère définitif de l'absence de nomination. Quoi qu'il en soit, ce caractère-là a été constaté souverainement par le Tribunal arbitral et les circonstances du cas n'autorisaient, selon les intimés, aucun doute à ce sujet, étant donné qu'une tentative supplémentaire de leur part eût été vouée à l'échec.
Les intimés soulignent aussi que le Secrétaire général de la CPA, dont le rôle consiste à assurer que la composition d'un tribunal arbitral ad hoc soumis au Règlement CNUDCI ne puisse être bloquée par une partie récalcitrante, a pris sa décision en connaissance de tous les éléments pertinents avancés par les parties.
7.4.2. Les intimés soutiennent par ailleurs que leur adversaire ne décrit pas correctement le raisonnement tenu par le Tribunal arbitral à propos de la question de sa composition. Selon eux, le recourant reprocherait à tort au Tribunal arbitral d'avoir eu l'intention et la faculté de combler à sa guise des lacunes de l'Accord OCI, alors que le Tribunal arbitral, après avoir établi que la clause NPF figurant dans ledit traité devait
a priori s'appliquer, a simplement vérifié qu'aucun motif d'ordre public ne s'opposait à l'application de cette clause en l'espèce. Autrement dit, le Tribunal arbitral ne s'est pas fondé sur l'existence d'une lacune à l'art. 17 par. 2 let. b) de l'Accord OCI pour appliquer directement le Règlement CNUDCI à titre supplétif, mais pour démontrer que rien ne s'opposait en l'occurrence à l'application de ce règlement par le truchement de la clause NPF.
7.4.3. Les intimés s'en prennent, en outre, à l'argument du recourant selon lequel ils auraient dû mettre en oeuvre un juge d'appui en l'espèce. À leur avis, cet argument est irrecevable dans la mesure où il va à l'encontre de la position adoptée par le recourant devant le Tribunal arbitral qui consistait à dire que tout blocage dans le processus de constitution du Tribunal arbitral devait être résolu dans le cadre du mécanisme prévu par l'Accord OCI plutôt que par le recours à des acteurs externes. En tout état de cause, pareil argument devrait être rejeté car les intimés n'auraient pas pu faire intervenir le juge d'appui suisse sur la base de l'art. 179 al. 2 LDIP. En effet, d'après les intimés, la nouvelle version de l'art. 179 al. 2 LDIP, qui permet à une partie de saisir un juge d'appui en Suisse même si le siège de l'arbitrage n'a pas encore été fixé, ne s'applique que depuis le 1er janvier 2021. Avant cette date, cette intervention ne pouvait avoir lieu que si un siège arbitral avait déjà été fixé en Suisse, condition qui n'était pas réalisée en l'espèce lorsqu'il s'était agi de constituer le Tribunal arbitral en 2019. Il est du reste peu probable, selon les intimés, que le recourant, qui avait adopté une attitude de blocage, leur eût prêté la main en vue de la fixation d'un siège de l'arbitrage.
7.4.4. Les intimés dénient, par ailleurs, au recourant le droit d'invoquer le mécanisme de nomination d'un arbitre président prévu par l'art. 17 par. 2 let. b) de l'Accord OCI, pareil argument constituant à leur avis un abus de droit. Selon eux, leur adversaire a violé ses obligations à leur égard, en s'abstenant non seulement de communiquer avec l'arbitre qu'il avait nommé, mais aussi en refusant d'exprimer son consentement vis-à-vis du Secrétaire général de l'OCI pour que celui-ci nomme un arbitre président. De surcroît, le recourant aurait activement proposé des modalités de nomination d'un arbitre président par les deux autres arbitres, en incitant les intimés à accepter cette proposition, pour violer ensuite cet accord afin de faire échouer la procédure de nomination. L'histoire procédurale démontrerait encore qu'il a cherché à garder en réserve l'argument du mécanisme de nomination prévu par l'art. 17 par. 2 let. b) de l'Accord OCI pour le cas où la décision finale du Tribunal arbitral lui serait défavorable, en particulier en s'opposant à la bifurcation préconisée par le Tribunal arbitral et en demandant que son objection concernant la composition du Tribunal arbitral ne soit tranchée qu'à la fin de l'arbitrage. Selon les intimés, le recourant s'est ainsi rendu coupable d'un abus de droit et son comportement constitue un venire contra factum proprium.
7.4.5. Les intimés s'emploient également à démontrer que l'application par le Tribunal arbitral de la clause NPF de l'art. 8 de l'Accord OCI était justifiée. Ils estiment que ladite clause permettait en l'occurrence de légitimer l'application du Règlement CNUDCI. Pour eux, le règlement en question leur est plus favorable que l'art. 17 de l'Accord OCI dans la mesure où il permet de remédier à l'inaction de l'autorité prévue dans cette disposition.
Les intimés font ensuite valoir que les précédents invoqués par le recourant au soutien de son argumentation ne lui sont d'aucun secours. Ils analysent longuement la portée de l'arrêt rendu le 23 mars 2021 par la Cour d'appel de Paris dans l'affaire
DS Constructionet énumèrent un certain nombre de points sur lesquels les faits de l'affaire en question se distingueraient de ceux de la présente cause. Après avoir résumé l'argumentation des juges français, les intimés expliquent pourquoi, selon eux, le raisonnement de la Cour d'appel de Paris ne saurait être partagé et ne change donc rien à l'interprétation correcte que le Tribunal arbitral a faite de l'art. 8 de l'Accord OCI.
Les intimés contestent enfin la pertinence des décisions d'autres tribunaux arbitraux sélectionnées par le recourant en soulignant qu'aucune d'entre elles n'a été rendue sur la base de l'Accord OCI. S'agissant notamment de l'affaire
Wintershall, ils relèvent, d'une part, que le traité bilatéral d'investissement applicable dans cette cause contenait une clause NPF beaucoup plus étroite que celle de l'art. 8 de l'Accord OCI et, d'autre part, que l'investisseur avait invoqué cette clause pour contourner l'exigence d'un recours préalable aux tribunaux nationaux, exigence n'existant pas en l'espèce. De même, les intimés mettent en évidence, entre autres motifs, le caractère incomparable à la présente clause NPF de celles dont il avait été question dans diverses causes, dont l'affaire
ICS Inspection. S'agissant enfin de la sentence rendue dans l'affaire Maffezini, les intimés admettent certes qu'elle avait trait à une clause similaire à l'art. 8 de l'Accord OCI, encore qu'elle fût invoquée par l'investisseur afin de contourner une exigence de recours préalable aux tribunaux nationaux. Toutefois, ladite sentence n'est, selon eux, d'aucun secours au recourant, puisque le tribunal arbitral a confirmé sa compétence après avoir admis que la clause NPF s'étendait bel et bien au mécanisme de résolution des différends entre investisseurs et États.
7.5. Dans sa réplique, le recourant rappelle que son premier moyen invoqué à l'appui du grief fondé sur l'art. 190 al. 2 let. a LDIP a trait à l'absence de conformité à l'art. 179 LDIP du processus de nomination de la présidente du Tribunal arbitral. Il rétorque que la thèse de l'abus de droit que lui opposent les intimés prend appui sur une série d'allégations qui s'écartent des faits constatés dans la sentence attaquée et violent ainsi l'art. 105 al. 1 LTF. En tout état de cause, la thèse d'un abus de droit ne saurait prospérer à son avis. Selon lui, il serait indéniable qu'il avait oeuvré à la constitution du Tribunal arbitral, sans avoir opté pour une stratégie de blocage et sans tendre aucun piège à son adverse partie.
Le recourant reproche encore au Tribunal arbitral d'avoir enfreint l'art. 179 LDIP en redéfinissant les modalités de sa propre constitution alors qu'il n'était pas autorisé à le faire, nonobstant l'existence ou non d'une éventuelle lacune. Peu importe dès lors, selon lui, la position adoptée par les intimés au sujet de la portée de la constatation du Tribunal arbitral quant au caractère lacunaire de l'art. 17 de l'Accord OCI. Il ajoute que les intimés auraient déformé sa position à propos du mécanisme de recours au juge d'appui, qui ne constituerait au demeurant pas un nouvel argument irrecevable. À son avis, il aurait échappé aux intimés que l'intervention du Secrétaire général de la CPA n'était pas la seule alternative à l'éventuelle inaction du Secrétaire général de l'OCI et qu'il existait d'autres solutions compatibles avec l'art. 17 de l'Accord OCI, telles que la voie diplomatique, pour remédier à cette situation. De toute façon, pour le recourant, la mise en oeuvre du Secrétaire général de la CPA à titre d'autorité de désignation supplétive était inadmissible au regard du droit international public. Il en veut pour preuve l'extrait suivant d'un avis consultatif de la CIJ du 18 juillet 1950 dans l'interprétation de traités de paix: "L'inefficacité d'une procédure de règlement des différends, en raison de l'impossibilité de fait de constituer la commission prévue par les traités, est une chose; la responsabilité internationale en est une autre. On ne répare pas les conséquences d'un manquement à une obligation conventionnelle en créant une commission qui ne serait pas celle que les traités ont eue en vue. La Cour est appelée à interpréter les traités, non à les réviser." (Interprétation des traités de paix conclus avec la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie, deuxième phase, avis consultatif du 18 juillet 1950, CIJ Recueil 1950, p. 12). Ce principe aurait d'ailleurs été repris par des tribunaux arbitraux en matière d'investissement, notamment dans l'affaire
Wintershall.
Le recourant soutient, enfin, que l'art. 8 de l'Accord OCI ne permet pas d'importer un autre mécanisme de nomination des arbitres. Il reprend ici, en substance, l'argumentation développée dans son mémoire de recours et critique certaines assertions figurant dans la réponse de ses adversaires, en particulier celles ayant trait à l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Paris dans l'affaire
DS Construction.
7.6. Dans leur duplique, les intimés maintiennent leur position et s'emploient à réfuter, point par point, les allégations factuelles et les thèses juridiques présentées dans la réplique.
7.7. Les arguments avancés par les parties ayant été exposés ci-dessus, il convient d'en examiner les mérites.
7.7.1. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, le grief tiré de la composition irrégulière du tribunal arbitral visé par l'art. 190 al. 2 let. a LDIP inclut aussi l'hypothèse dans laquelle le tribunal arbitral a été constitué en violation de la convention des parties (ATF 139 III 511 consid. 4). Par conséquent, la présente affaire doit être jugée dans ce cadre-là. Il s'agit de déterminer en l'espèce si l'Accord OCI, dûment interprété, autorisait ou non les intimés à requérir l'aide de la CPA afin de compléter la constitution du Tribunal arbitral qui a rendu la sentence attaquée. Il n'est pas question d'aller au-delà de cette mission ni de déterminer, abstraitement, la manière de remédier aux différents vices susceptibles d'affecter la composition d'un tribunal arbitral.
7.7.2. L'interprétation de l'Accord OCI doit s'effectuer conformément aux art. 31 ss CV, qui codifient en substance le droit coutumier international (ATF 150 III 89 consid. 4.2.2 et les références citées; 149 III 131 consid. 6.4.2 et les références citées; 145 II 339 consid. 4.4.1).
L'art. 31 par. 1 CV prévoit qu'un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but. En plus du contexte (cf. art. 31 par. 2 CV), il sera tenu compte, selon l'art. 31 par. 3 CV, de tout accord ultérieur intervenu entre les parties au sujet de l'interprétation du traité ou de l'application de ses dispositions (let. a); de toute pratique ultérieurement suivie dans l'application du traité par laquelle est établi l'accord des parties à l'égard de l'interprétation du traité (let. b) et de toute règle pertinente de droit international applicable dans les relations entre les parties (let. c). Les travaux préparatoires et les circonstances dans lesquelles le traité a été conclu constituent des moyens complémentaires d'interprétation lorsque l'interprétation donnée conformément à l'art. 31 CV laisse le sens ambigu ou obscur ou conduit à un résultat qui est manifestement absurde ou déraisonnable (cf. art. 32 CV).
L'art. 31 par. 1 CV fixe un ordre de prise en compte des éléments de l'interprétation, sans toutefois établir une hiérarchie juridique obligatoire entre eux. Le sens ordinaire du texte du traité constitue le point de départ de l'interprétation. Ce sens ordinaire des termes doit être dégagé de bonne foi, en tenant compte de leur contexte et à la lumière de l'objet et du but du traité. L'objet et le but du traité correspondent à ce que les parties voulaient atteindre par le traité. L'interprétation téléologique garantit, en lien avec l'interprétation selon la bonne foi, l'"effet utile" du traité. Lorsque plusieurs significations sont possibles, il faut choisir celle qui permet l'application effective de la clause dont on recherche le sens, en évitant d'aboutir à une interprétation en contradiction avec la lettre ou l'esprit des engagements pris. Un État contractant doit partant proscrire tout comportement et toute interprétation qui aboutiraient à éluder ses engagements internationaux ou à détourner le traité de son sens et de son but (ATF 150 III 89 consid. 4.2.2; 149 III 131 consid. 6.4.2; 147 II 1 consid. 2.3; 144 II 130 consid. 8.2.1 et les références citées; arrêts 4A_80/2018 du 7 février 2020 consid. 3.1.2; 4A_65/2018, précité, consid. 2.4.2).
Selon l'art. 33 par. 1 CV, le texte d'un traité authentifié en plusieurs langues fait en principe foi dans chacune de ces langues (art. 33 par. 1 CV). Les termes d'un traité sont présumés avoir le même sens dans les divers textes authentiques (art. 33 par. 3 CV).
7.7.3. Même si elle n'ignore pas la place importante que les sentences arbitrales rendues dans le domaine de la protection internationale des investissements occupent dans les ouvrages spécialisés, la Cour de céans s'attachera à déterminer elle-même le sens à donner à certains termes du traité international concerné, en tenant compte le cas échéant de la doctrine et en s'inspirant, éventuellement, des solutions dégagées par d'autres autorités juridictionnelles, étant précisé que les décisions rendues dans d'autres litiges arbitraux d'investissement par des tribunaux arbitraux ou étatiques ne lient pas le Tribunal fédéral (ATF 150 III 89 consid. 4.2.1; 149 III 131 consid. 6.4.1; 144 III 559 consid. 4.4.2). Cette dernière remarque s'applique aussi à l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Paris dans l'affaire
DS Construction. Le Tribunal fédéral n'est pas lié par cette décision. Il n'importe, dès lors, que les considérations émises ci-après puissent s'écarter des motifs retenus par ce tribunal étatique français.
7.7.4. À la lumière des moyens d'interprétation prévus par l'art. 31 CV, la Cour de céans considère que la solution adoptée par le Tribunal arbitral dans la sentence querellée résiste aux critiques dont elle est la cible de la part du recourant.
Interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but, l'art. 17 par. 2 de l'Accord OCI ne permet pas de déterminer ce qui doit se passer si le Secrétaire général de l'OCI ne remplit pas la fonction que lui attribue cette disposition. Contrairement à des systèmes d'arbitrage hautement institutionnalisés, qui incorporent des règles de procédure précises, la clause pertinente de l'Accord OCI ne formule que des règles rudimentaires et incomplètes concernant les arbitrages ad hoc, dans l'attente de la création d'un organisme spécifique pour le règlement des différends résultant dudit traité que réserve le chapeau de l'art. 17 de l'Accord OCI. Aussi ne saurait-on admettre que cette clause établirait un " système clos et autosuffisant ", étant précisé que celle-ci ne fait nulle mention d'une autorité supplétive appelée à pallier l'éventuelle inaction du Secrétaire général de l'OCI. Au demeurant, rien ne permet d'affirmer que l'on aurait affaire en l'occurrence à un silence qualifié des Parties Contractantes en ce sens que ces dernières auraient consciemment voulu sanctionner l'inaction du Secrétaire général de l'OCI par l'impossibilité de mener une procédure arbitrale jusqu'à son terme. Il convient ainsi d'admettre, avec le Tribunal arbitral, que l'art. 17 par. 2 de l'Accord OCI établissant le mécanisme de constitution du tribunal arbitral est effectivement lacunaire.
Pour combler cette lacune, le Tribunal arbitral s'est appuyé sur la clause NPF de l'art. 8 de l'Accord OCI, ce qui lui a permis d'appliquer le Règlement CNUDCI par le truchement de l'art. 7 par. 3 du TBI France-Libye. Dans la sentence entreprise, il a souligné, à juste titre, que le point de savoir si une clause NPF peut être utilisée pour importer dans un traité les dispositions de règlement des différends d'un autre accord international est l'objet de controverses. Les tribunaux arbitraux et les auteurs qui se sont penchés sur la question sont partagés à ce sujet (cf. parmi d'autres: sentence du 25 janvier 2000 dans l'affaire
Maffezini; sentence du 3 août 2004 dans la cause CIRDI n. ARB/02/8,
Siemens A.G. contre République d'Argentine; sentence du 15 novembre 2004 dans la cause CIRDI n. ARB/02/13,
Salini Costruttori S.p.A. et Italstrade S.p.A. contre Jordanie; sentence du 8 février 2005 dans la cause CIRDI n. ARB/03/24,
Plama Consortium Limited contre République de Bulgarie; sentence du 21 avril 2006 dans la cause SCC [Institut d'arbitrage de la Chambre de commerce de Stockholm] n. 080/2004,
Vladimir et Moïse Berschader contre Fédération de Russie; sentence du 8 décembre 2008 dans l'affaire
Wintershall; sentence du 21 juin 2011 dans la cause CIRDI n. ARB/07/17,
Impregilo S.p.A. contre République d'Argentine; sentence du 10 février 2012 dans l'affaire
ICS Inspection; sentence du 3 juillet 2013 dans la cause CIRDI n. ARB/11/20,
Garanti Koza LLP contre Turkménistan; sentence du 18 juillet 2013 dans la cause CPA n. 2011-06,
ST-AD GmbH contre République de Bulgarie; sentence du 29 octobre 2019 dans la cause CPA n. 2017-18,
Enrique Heemsen et Jorge Heemsen contre Venezuela; REINISCH/SCHREUER, International Protection of Investments, 2020, chapitre 5, n. 337 ss; STEPHAN W. SCHILL, Chapter 18: Maffezini v. Plama: Reflections on the Jurisprudential Schism in the Application of Most-Favored-Nation Clauses to Matters of Dispute Settlement, in Kinnear et al. [édit.], Building International Investment Law: The First 50 Years of ICSID, 2015, p. 251 ss; SCOTT VESEL, Clearing a Path Through a Tangled Jurisprudence: Most-Favored-Nation Clauses and Dispute Settlement Provisions in Bilateral Investment Treaties, in Yale Journal of International Law 2007 p. 125 ss; ZACHARY DOUGLAS, The MFN Clause in Investment Arbitration: Treaty Interpretation Off the Rails, in Journal of International Dispute Settlement 2011 p. 97 ss; IOANNIS KONSTANTINIDIS, Deciphering the OIC Investment Agreement in Light of the Itisaluna v. Republic of Iraq Award, in International Review of Law 2022 p. 260 ss et les références citées; MOHAMED S. ABDEL WAHAB, Itisaluna and Others v Iraq: The OIC Agreement Conundrum: Consent to ICSID Arbitration and the MFN Clauses Saga, in Revue CIRDI 2021 p. 10 ss et les références citées).
En l'occurrence, il n'appartient pas à la Cour de céans d'apporter une réponse générale et définitive à cette question, mais uniquement de déterminer si la solution retenue en l'espèce par le Tribunal arbitral est compatible ou non avec la clause topique de l'Accord OCI. Comme l'art. 8 dudit traité ne mentionne pas mais n'exclut pas non plus formellement l'application de la clause NPF aux droits procéduraux, il convient de rechercher si la disposition concernée, dûment interprétée, inclut ou non de telles garanties procédurales, y compris celles ayant trait au mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États.
Après avoir examiné attentivement la question litigieuse, le Tribunal fédéral considère que la clause NPF de l'art. 8 de l'Accord OCI ne vise pas uniquement les garanties
matérielles offertes aux investisseurs. Il faut en effet admettre que le terme "traitement" et l'expression "droits et privilèges" qui y figurent englobent autant les droits matériels que les garanties procédurales accordés à d'autres investisseurs. Comme l'a relevé le Tribunal arbitral, sans être contredit par le recourant, la portée très large des termes de l'art. 8 de l'Accord OCI apparaît encore plus clairement dans la version authentique en langue arabe de cette clause NPF où il est question de "tous les droits et privilèges" des investisseurs des États tiers. La possibilité pour un investisseur étranger de faire valoir ses prétentions devant une juridiction neutre, telle qu'un tribunal arbitral, peut ainsi entrer dans la catégorie des "droits et privilèges" visés par ladite clause. Pareille faculté correspond du reste à l'objet et au but de l'Accord OCI, rappelés dans son préambule, à savoir "créer et [de] promouvoir un climat propice à l'investissement". La Cour de céans considère par ailleurs que l'expression "dans le contexte de l'activité économique" et le terme "territoire", qui figurent à l'art. 8 de l'Accord OCI et dont le recourant donne une interprétation trop formaliste, ne modifient pas cette appréciation. Rien ne vient en effet étayer la thèse du recourant pour qui, par l'expression "dans le contexte de l'activité économique", les Parties Contractantes auraient entendu restreindre la portée de la clause NPF aux conditions dans lesquelles les investisseurs exercent des activités consistant à proposer à la vente des biens ou des services, c'est-à-dire aux conditions matérielles d'engagement et de protection des investissements. Quant au terme "territoire" figurant dans la clause précitée, force est d'admettre que cette notion n'est pas une condition qui s'appliquerait à la procédure d'arbitrage puisqu'elle ne vise manifestement que les investissements.
Le Tribunal fédéral observe également que l'art. 8 par. 2 de l'Accord OCI, qui contient une série d'exceptions à l'applicabilité de la clause NPF, ne mentionne aucunement les droits procéduraux ou les mécanismes de résolution des différends, ce qui plaide aussi en faveur de la solution retenue par le Tribunal arbitral dans la sentence entreprise. L'applicabilité de la clause NPF n'est au demeurant pas exclue par l'art. 8 par. 2 let. a) de l'Accord OCI car la France, signataire du TBI France-Libye, n'est pas une Partie Contractante au sens de l'art. 1 (2) de l'Accord OCI.
Par ailleurs, le Tribunal fédéral ne considère pas que le simple fait que l'art. 17 de l'Accord OCI prévoie un mécanisme de règlement des différends - rudimentaire - constituerait une indication que la clause NPF n'aurait pas vocation à s'appliquer en cette matière. Pareille conclusion est de surcroît difficilement compatible avec celle à laquelle la Commission du droit international est parvenue dans un rapport final de 2015 du groupe d'étude sur la clause NPF où il est indiqué, en substance, que le simple fait qu'un traité contient une clause spécifique sur un sujet particulier ne peut pas être considéré comme une indication que la clause NPF figurant dans ce traité ne s'applique pas à propos du même sujet (rapport final du groupe d'étude sur la clause de la nation la plus favorisée de 2015, n. 115).
La Cour de céans admet certes, avec le Tribunal arbitral, que des considérations d'ordre public peuvent, suivant les circonstances, conduire à exclure la possibilité d'importer certains droits procéduraux par le truchement de l'art. 8 de l'Accord OCI. Tel n'est toutefois pas le cas en l'espèce. En l'occurrence, le recours à l'aide du Secrétaire général de la CPA, via l'application conjointe des dispositions du TBI France-Libye et du Règlement CNUDCI, n'avait pas pour but de substituer à la procédure arbitrale instituée par l'art. 17 de l'Accord OCI la réglementation essentiellement différente d'une institution d'arbitrage reconnue soumise à un régime singulier, tel le CIRDI, comme dans l'affaire Itisaluna, mais visait uniquement à permettre de désigner un arbitre président pour que la procédure arbitrale pendante puisse aller de l'avant. Autrement dit, il n'était pas question en l'espèce de remplacer intégralement les règles adoptées par les Parties Contractantes de l'Accord OCI, mais simplement d'apporter un complément au mécanisme de constitution du tribunal arbitral pour pallier l'inaction du Secrétaire général de l'OCI et l'absence de mention d'une autorité supplétive dans le traité en question. Ainsi, il ne s'agissait pas en l'espèce d'interférer avec un système d'arbitrage institutionnalisé ayant fait ses preuves, mais seulement de compléter une norme lacunaire, par le truchement de la clause NPF de l'art. 8 de l'Accord OCI, pour éviter un déni de justice que les Parties Contractantes ne pouvaient raisonnablement avoir voulu. Aussi le recourant invoque-t-il à tort divers principes du droit international public pour reprocher au Tribunal arbitral de s'être substitué aux Parties Contractantes en révisant les termes de l'Accord OCI et en modifiant de son propre chef un mécanisme prétendument autosuffisant, ce qu'il n'est à l'évidence pas. Sur la base de la clause NPF de l'art. 8 de l'Accord OCI, le Tribunal arbitral était ainsi en droit d'importer l'art. 7 par. 3 du TBI France-Libye, lequel renvoie notamment aux dispositions du Règlement CNUDCI.
Le Tribunal fédéral observe, enfin, que la mise en oeuvre d'un juge d'appui suisse n'entrait visiblement pas en ligne de compte en l'espèce, étant donné que le siège de l'arbitrage n'a été fixé en Suisse qu'une fois la présidente du Tribunal arbitral désignée. De plus, le nouvel art. 179 al. 2 LDIP, entré en vigueur le 1er janvier 2021, qui permet aux parties de saisir un juge d'appui en Suisse lorsqu'elles n'ont pas déterminé le siège de l'arbitrage, était inapplicable
ratione temporis. Quant aux autres solutions évoquées par le recourant, telles que la voie diplomatique ou encore un accord des parties pour fixer le siège du Tribunal arbitral dans un pays permettant le recours à un juge d'appui, rien ne permet d'affirmer qu'elles auraient abouti et qu'elles auraient effectivement permis de faire avancer concrètement la procédure d'arbitrage. Au demeurant, de telles mesures auraient nécessité la collaboration active du recourant. Or, comme le démontrent les intimés de façon convaincante dans leurs écritures, ce dernier a plutôt adopté une attitude visant à entraver la constitution du Tribunal arbitral, attitude qui s'inscrit dans le contexte plus large du refus répété, voire systématique, du Secrétaire général de l'OCI de remplir la mission que lui confie l'art. 17 par. 2 let. b) de l'Accord OCI (cf. MOUAWAD/KHOURY, Investment Arbitration under Multilateral Treaties in the Middle East, in Bahrain Chamber for Dispute Resolution [BCDR] 2016 p. 259 s. et la référence citée; KATIA BENNADJI, The PCA's Assistance in the Constitution of an Arbitral Tribunal: Last breath for Investor-State OIC Arbitrations?, Kluwer Arbitration Blog, 15 avril 2019, p. 2; SCOTT VESEL, Will the Future See More Investment Arbitrations Taking Place in the Middle East?, in BCDR 2016 p. 274; GAVER/KUMTEPE, Checking in on the OIC Investment Agreement: New Arbitrations, But Slow Progress on Creating A Permanent Dispute Settlement Mechanism, Kluwer Arbitration Blog, 17 mars 2023, p. 1 s.).
Au vu de ce qui précède, la Cour de céans juge que le Tribunal arbitral a été régulièrement composé et que le grief considéré doit être rejeté.
8.
Dans un second moyen, fondé sur l'art. 190 al. 2 let. b LDIP et divisé en cinq branches, le recourant soutient que le Tribunal arbitral a admis à tort sa compétence. Par souci de clarté, les cinq branches du grief d'incompétence seront examinées sous des chiffres distincts. La Cour de céans résumera, à chaque fois, les motifs par lesquels le Tribunal arbitral a écarté l'exception d'incompétence concernée. Elle exposera ensuite les positions respectives des parties sur le problème considéré avant d'examiner les mérites de leurs arguments.
9.
Dans la première branche du grief d'incompétence, le recourant reproche au Tribunal arbitral de s'être déclaré à tort compétent ratione temporis.
9.1. Dans la sentence attaquée (n. 530-559), le Tribunal arbitral, au moment d'apprécier sa compétence
ratione temporis, examine si le litige qui lui est soumis est né avant l'entrée en vigueur de l'Accord OCI en Jordanie le 25 février 1999 et au Liban le 6 mars 2005. Il constate que les événements qui sont au coeur de la procédure d'arbitrage se sont certes produits avant ces deux dates. Cela étant, il considère, à la majorité de ses membres, qu'il n'existait pas de "litige" au sens de l'art. 17 de l'Accord OCI avant l'entrée en vigueur dudit traité dans les deux États en question.
Pour aboutir à semblable conclusion, le Tribunal arbitral relève tout d'abord que le terme "litige" ("
dispute ") n'est pas défini dans l'Accord OCI et qu'il y a dès lors lieu de l'interpréter à l'aide des moyens d'interprétation de la CV. À ce titre, il convient notamment de tenir compte des règles pertinentes de droit international conformément à l'art. 31 par. 3 let. c) CV. Pour le Tribunal arbitral, la notion de "litige" doit être interprétée à la lumière de l'arrêt rendu le 30 août 1924 par la Cour permanente de justice internationale (CPJI) dans l'affaire
Mavrommatis Palestine Concessions (ci-après: l'affaire
Mavrommatis), arrêt dans lequel le différend a été défini comme "un désaccord sur un point de droit ou de fait, une contradiction, une opposition de thèses juridiques ou d'intérêts entre deux personnes". Le Tribunal arbitral observe que les versions anglaise et française de cette décision ne sont pas identiques, puisque la définition du différend, en langue anglaise, ne fait pas mention du terme "contradiction " ("a dispute is a disagreement on a point of law or fact, a conflict of legal views or of interests between two persons"). Selon le Tribunal arbitral, lorsque l'on considère le texte français, qui fait autorité, il apparaît que tous les critères permettant de conclure à l'existence d'un différend selon la définition de la CPJI ("désaccord", "contradiction", "opposition") exigent qu'un argument contraire soit formulé de manière expresse ("When the authoritative French text is considered, it becomes apparent that all of the criteria for a matter to become a "dispute" under PCIJ's definition ["désaccord", "contradiction", "opposition"] require an opposing argument to be positively articulated."; sentence, n. 534). Le Tribunal arbitral estime que la CIJ et plusieurs tribunaux d'investissement ont confirmé ce point de vue. Un différend ou un litige nécessite donc la formulation de prétentions juridiques par les deux parties, suivie d'une communication entre elles de leurs points de vue respectifs indiquant un désaccord spécifique sur un point de fait ou de droit. Cette communication doit inclure une forme d'opposition expresse; il ne suffit pas que la partie adverse se contente de garder le silence ("A "dispute" therefore specifically requires a formulation of legal claims by both parties, followed by a communication of these views between the parties indicating a specific disagreement of fact or law. This communication must include some form of positive opposition: it is not enough for the opposing party to simply remain silent."; sentence, n. 536). Le Tribunal arbitral considère que la décision rendue en 2022 par la CIJ dans une affaire mettant aux prises la Gambie et le Myanmar (arrêt du 22 juillet 2022 dans la cause "Application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, Gambie contre Myanmar", Exceptions préliminaires) ne modifie pas cette appréciation, quand bien même ladite autorité a indiqué que, dans certaines circonstances, l'on peut inférer du silence d'une partie l'existence d'un litige.
Analysant ensuite l'ensemble des circonstances pertinentes de la présente cause, le Tribunal arbitral souligne que le litige divisant les parties ne porte pas sur le principe même du droit des demandeurs à une indemnisation. Il appert en effet que la Loi de 1970, adoptée lors de la nationalisation de T.________, consacrait un tel droit. Dès 1971, les actionnaires de T.________ et leurs descendants ont entrepris diverses démarches aux fins d'obtenir l'indemnisation à laquelle ils pouvaient prétendre en vertu de ladite loi, en faisant essentiellement pression sur le gouvernement libyen et en engageant des procédures judiciaires. L'État défendeur ne s'est jamais opposé expressément à la demande d'indemnisation des demandeurs. En réalité, dans plusieurs documents établis jusqu'en 2005, il a même reconnu le droit des demandeurs à une telle indemnisation, y compris dans une note juridique préparée par la Direction des affaires juridiques à l'attention du Premier ministre libyen, dans laquelle il était écrit que la constitution de comités d'indemnisation conduirait évidemment au paiement d'une indemnisation ("[t]he constitution of compensation committees will of course lead to the payment of compensation.").
Selon le Tribunal arbitral, la véritable source du litige n'est donc pas le droit des demandeurs à une indemnisation, mais l'absence de dédommagement dans les faits. À son avis, l'État défendeur n'a pas manifesté expressément son opposition au paiement d'une indemnisation en faveur des demandeurs lors de la procédure initiée en 1995 devant les autorités judiciaires libyennes, laquelle tendait à obtenir une estimation de la valeur des actifs de T.________. Il s'est en effet borné à remettre en cause la compétence du tribunal saisi et a soutenir que l'action avait été introduite tardivement. En date des 4 mars et 14 août 2002, les intimés ont certes transmis des demandes de paiement à diverses autorités libyennes, qui sont restées sans réponse. Le Tribunal arbitral considère toutefois que ce silence ne constituait objectivement pas une opposition aux prétentions formulées par les demandeurs, étant donné que l'État concerné a adopté d'autres mesures tendant à reconnaître leur droit à une indemnisation, notamment en constituant de nouveaux comités d'indemnisation à partir de 2006.
Le Tribunal arbitral observe que les demandeurs ont encore introduit, le 2 décembre 2002, devant la section administrative de la Cour d'appel de Tripoli, une requête visant à contester "un acte administratif négatif et à obtenir le paiement d'une dette impayée, de dommages-intérêts et d'intérêts légaux" ("Petition to Challenge a Negative Administrative Act and Demand for Payment of an Outstanding Debt, Damages, and Statutory Interest") dirigée contre diverses entités étatiques libyennes. Dans leur réponse, les autorités libyennes n'ont pas remis en cause le droit des demandeurs à une indemnisation, mais ont soutenu que l'autorité administrative saisie n'était pas compétente. Selon le Tribunal arbitral, les agissements de l'État défendeur ne pouvaient pas être assimilés à une opposition expresse aux prétentions des demandeurs tendant au paiement d'une indemnité compensatoire, dans la mesure où toutes les communications échangées jusqu'alors entre les parties laissaient encore entendre que les droits des demandeurs seraient satisfaits. À la suite de cette procédure, l'État concerné a du reste créé un nouveau comité d'indemnisation en 2006 chargé d'évaluer le montant dû aux demandeurs, confirmant ainsi que le défendeur considérait apparemment toujours que ceux-ci devaient être dédommagés.
Bien qu'il soit difficile de déterminer précisément le moment à partir duquel les demandeurs ont compris que le recourant n'était pas disposé à leur verser une indemnisation, nonobstant les diverses assurances fournies par lui à cet égard durant de nombreuses années, le Tribunal arbitral estime que la manifestation suffisante d'un tel refus n'a pu intervenir au plus tôt qu'en novembre 2006 lorsque l'État défendeur a saisi la Cour suprême de Libye aux fins d'obtenir l'annulation des décisions rendues dans le cadre de la procédure d'estimation des avoirs de T.________. Cela étant, il observe néanmoins que l'État concerné a adopté un nouveau décret en janvier 2009, qui consacrait une fois de plus le droit des demandeurs à une indemnisation. Il apparaît ainsi que l'État défendeur ne s'était toujours pas opposé expressément aux prétentions des demandeurs à ce moment-là, soit bien après l'entrée en vigueur de l'Accord OCI en Jordanie et au Liban.
La singularité des faits de la présente affaire ne réside pas dans le silence de l'État défendeur, mais plutôt dans les démarches entreprises par lui aux fin d'indiquer que les demandeurs pouvaient prétendre à une indemnisation et que celle-ci leur serait versée par le truchement de ses entités administratives. En agissant comme il l'a fait et en adoptant plusieurs décrets instituant des comités d'indemnisation successifs, l'État concerné n'est pas demeuré silencieux, mais a réaffirmé, au contraire, de manière continue, le droit des demandeurs à obtenir une indemnisation. Il ne saurait dès lors se soustraire à ses responsabilités en arguant que le présent différend aurait surgi d'une manière ou d'une autre alors qu'il persistait à reconnaître le droit des demandeurs à une telle indemnisation.
En dépit du temps écoulé depuis l'adoption de la Loi de 1970, les demandeurs pouvaient ainsi être amenés à croire qu'ils seraient dédommagés. Un litige n'aurait pas pu survenir dans ces circonstances, du moins jusqu'à ce qu'il devienne clair que les demandeurs ne seraient, en réalité, pas indemnisés. Selon le Tribunal arbitral, l'arrêt rendu le 27 septembre 2016 par la Cour suprême de Libye constituait la première indication objective donnée par le défendeur selon laquelle les demandeurs devaient s'en remettre exclusivement à un système de comités d'indemnisation pour obtenir réparation, lequel s'était révélé totalement inefficace. Ce n'est que lorsque les comités d'indemnisation ont à plusieurs reprises failli à leurs obligations et que les demandeurs n'avaient plus aucun recours à disposition auprès d'autres instances pour obtenir réparation qu'un litige pouvait raisonnablement être considéré comme étant né.
Au terme de son analyse, le Tribunal arbitral, statuant à la majorité de ses membres, conclut ainsi que le litige divisant les parties n'a surgi qu'après l'entrée en vigueur de l'Accord OCI en Jordanie et au Liban, raison pour laquelle il est compétent
ratione temporis. Dans ces conditions, il estime qu'il n'est pas nécessaire de trancher la question de savoir s'il s'agit d'un nouveau litige ou d'une "recristallisation" de celui-ci. Par souci de complétude, il expose les raisons pour lesquelles il ne partage pas l'avis des arbitres majoritaires ayant retenu une solution contraire dans la sentence rendue le 9 juin 2023 dans l'affaire connexe sur la base du TBI France-Libye.
9.2.
9.2.1. Dans son mémoire du 1er février 2024, le recourant revient, en premier lieu, sur les faits pertinents à ses yeux. À cet égard, il rappelle que la Loi de 1970 a formalisé la nationalisation de T.________ qui a vu ses actifs être transférés à l'État libyen. Il observe que la législation en question reconnaissait aux actionnaires de T.________ le droit à une indemnisation sous la forme de remise de bons du trésor libyen à 15 ans d'échéance après détermination du montant de l'indemnisation par un comité chargé d'inventorier et d'évaluer les actifs de T.________. Le recourant souligne que, dès 1971, les ascendants des intimés, puis les intimés eux-mêmes, ont réclamé l'indemnisation prévue par cette loi. À cette fin, ceux-ci ont envoyé huit lettres au recourant, via son ancien dirigeant ou des membres du gouvernement libyen, voire par l'entremise de l'ambassade du Liban à Tripoli. Les associés de T.________ ont engagé des experts aux fins d'évaluer leurs actifs au moment de la nationalisation de T.________, lesquels ont rendu divers rapports. Le recourant rappelle que plusieurs comités ont été créés successivement en vue notamment d'inventorier et d'évaluer les actifs de T.________. Il revient ensuite en détail sur les diverses procédures judiciaires initiées par les associés de T.________ et leurs descendants à l'encontre des autorités libyennes. Le recourant conclut cette chronologie factuelle par la constatation que plus de vingt ans de procédures l'ont opposé aux intimés devant les juridictions libyennes avant l'ouverture, le 20 novembre 2018, de la procédure arbitrale qui les divise.
9.2.2. Sur le plan juridique, le recourant conteste ensuite l'interprétation qui a été faite par le Tribunal arbitral du terme "litige" de l'art. 17 de l'Accord OCI, la jugeant contraire aux règles d'interprétation de la CV. Selon lui, il convient d'abord de partir du sens ordinaire de ce mot, tel qu'il ressort notamment du dictionnaire de l'Académie française. Or, la définition qu'en donne celle-ci ne suggère nullement que les parties devraient avoir expressément formulé des positions antagonistes pour qu'un litige puisse être considéré comme né. Il en irait de même du contexte, ainsi que de l'objet et du but de cette disposition. Il faut donc admettre qu'un "litige" au sens de l'art. 17 de l'Accord OCI existe dès lors que les parties sont en désaccord, le désaccord pouvant se matérialiser par le silence d'une partie opposé aux revendications de l'autre, voire par le fait que la partie débitrice, qui a reconnu le droit du créancier à son égard, ne donne pas satisfaction à ce dernier. En revanche, selon le recourant, une interprétation correcte du terme "litige" n'autorisait pas à conclure, comme l'a fait le Tribunal arbitral, que la naissance d'un litige suppose l'opposition expresse d'une partie ("an opposing argument to be positively articulated") à une prétention formulée par l'autre partie. Pour lui, une telle interprétation revient à ajouter une condition inexistante à l'art. 17 de l'Accord OCI. Elle s'explique par un biais méthodologique, le Tribunal arbitral ayant omis d'interpréter le terme en question selon son sens ordinaire et préféré en établir la signification au regard des règles pertinentes du droit international qui n'auraient dû être mobilisées qu'à titre subsidiaire et qui n'étaient de surcroît pas applicables aux relations entre les parties, contrairement à l'exigence formulée à l'art. 31 par. 3 let. c) CV. Au demeurant, l'interprétation critiquée conduirait au résultat absurde de priver les investisseurs de leur droit d'agir en justice sur le fondement de l'Accord OCI dans le cas où la partie étatique demeurerait silencieuse ou reconnaîtrait de manière générale le bien-fondé de la réclamation de l'investisseur sans pour autant y faire droit.
Le recourant reproche encore au Tribunal arbitral d'avoir appliqué de manière inexacte les règles pertinentes du droit international, lesquelles confirmeraient pourtant l'interprétation textuelle et contextuelle du terme "litige". Il conteste tout d'abord que l'on puisse tirer quoi que ce soit de l'arrêt rendu le 30 août 1924 par la CPJI dans l'affaire
Mavrommatis du mot "contradiction" utilisé dans la version française de cette décision. Le recourant ajoute que, dans l'affaire connexe, jugée sur le fondement du TBI France-Libye, le tribunal arbitral est arrivé à la même conclusion que lui au sujet du même mot. Il passe ensuite en revue un certain nombre de décisions de la CIJ qui le conforteraient dans son interprétation, également partagée par la doctrine et les tribunaux arbitraux en matière d'investissement ainsi que par l'arbitre Z.________ dans son opinion dissidente.
Le recourant stigmatise en outre la volte-face du Tribunal arbitral qui, au beau milieu de son raisonnement, se serait écarté des décisions de la CIJ sur l'existence d'un litige au seul motif qu'il ne serait pas resté silencieux mais aurait reconnu le droit des intimés à être indemnisés, volte-face qui l'a amené à considérer qu'un litige serait né en l'espèce en 2016, au moment où la Cour suprême libyenne avait rendu son arrêt. Selon lui, il aurait échappé au Tribunal arbitral que doctrine et jurisprudence admettent qu'un litige puisse naître même lorsque le défendeur a reconnu sa responsabilité. À en croire le recourant, les règles de droit international pertinentes confirment qu'un litige au sens de l'art. 17 de l'Accord OCI existe dès l'instant où il y a désaccord entre les parties, même si l'une d'elles reste silencieuse aux revendications de l'autre, voire y acquiesce sans pour autant lui donner satisfaction.
9.2.3. Sur la base des constatations factuelles résumées par lui et de son interprétation du terme "litige", le recourant, partant du présupposé - admis tant par lui que par les intimés durant la procédure d'arbitrage - selon lequel l'Accord OCI ne prévoit le recours à l'arbitrage que pour les litiges nés après son entrée en vigueur (i.e. le 25 février 1999 pour la Jordanie et le 6 mars 2005 pour le Liban), en conclut que le Tribunal arbitral était incompétent ratione temporis, dès lors qu'un litige concernant l'absence d'indemnisation des intimés existait manifestement depuis 1971 et, à tout le moins, depuis 1995.
9.3.
9.3.1. Dans leur réponse, les intimés critiquent l'argumentation développée par leur adversaire. Interprétant le terme "litige" de l'art. 17 de l'Accord OCI conformément à l'art. 31 CV, ils considèrent qu'il s'agit d'une notion qui est définie par une prétention et par un fondement. Pour eux, un "litige", selon le sens ordinaire du terme, est nécessairement un désaccord sur quelque chose et implique donc un objet précis. Dans le contexte d'une clause de résolution des différends, le terme en question est généralement compris par référence à un objet particulier. Cela ressort notamment du principe de l'autorité de la chose jugée (
res iudicata), qui est reconnu comme un principe général du droit international public et qui s'applique s'il y a identité de parties (
partes), de prétention (
petitum) et de cause de la demande (
causa petendi). Un litige est donc défini par la prétention d'une partie, que l'autre conteste, et par la cause de cette prétention, c'est-à-dire son fondement juridique. L'art. 17 de l'Accord OCI met à la disposition des investisseurs une voie procédurale leur permettant de faire valoir les droits substantiels qui leur sont accordés sur la base des standards matériels contenus au chapitre III dans lequel il figure aussi.
Selon les intimés, l'argumentation du recourant visant à prouver que le litige est survenu avant l'entrée en vigueur de l'Accord OCI se base sur une notion du "litige" qui ne tient pas compte de la cause des prétentions formulées par eux et qui ignore la spécificité du fondement juridique d'une prétention basée sur un traité international, telle qu'elle a été mise en évidence par le Tribunal fédéral dans l'arrêt 4A_34/2015 du 6 octobre 2015 (consid. 3.2.2 [publié in ATF 141 III 495]). En l'espèce, contrairement aux affirmations du recourant, le fondement juridique des prétentions des intimés n'est pas la Loi de 1970, ni l'absence effective d'indemnisation selon cette loi, mais bien plutôt la violation par le recourant des normes matérielles de l'Accord OCI. De même, tous les faits sous-jacents à cette violation se sont produits de 2006 à 2016, c'est-à-dire après l'entrée en vigueur dudit traité en Jordanie et au Liban.
9.3.2. Les intimés fournissent ensuite un certain nombre de raisons les incitant à penser que l'interprétation proposée par le recourant du terme "litige" ne conduirait pas à retenir que l'art. 17 de l'Accord OCI ne s'appliquerait pas aux litiges survenus avant l'entrée en vigueur de cette disposition. Selon eux, l'argumentation du recourant repose sur l'idée erronée que l'Accord OCI contient une disposition similaire à l'art. 11 du TBI France-Libye. En effet, ledit TBI n'use pas du terme "litige" mais du mot "différend" à son art. 11 par. 2 où il est précisé que "le présent Accord n'est pas applicable aux différends soulevés avant son entrée en vigueur". Il n'est donc pas possible d'appliquer à l'interprétation du terme "litige" le raisonnement qui a été tenu au sujet du mot "différend" dans la sentence rendue le 9 juin 2023 dans l'affaire connexe sur la base de l'art. 11 par. 2 du TBI France-Libye.
Pour les intimés, la position selon laquelle les litiges survenus avant l'entrée en vigueur de l'Accord OCI ne tombent pas sous le coup de l'art. 17 dudit traité ne peut se justifier que sur la base de leur propre interprétation du terme "litige". Il faut avoir à l'esprit, à cet égard, que le but d'un mécanisme de résolution des différends tel que celui contenu à l'art. 17 de l'Accord OCI est de garantir aux investisseurs une voie procédurale pour faire valoir les droits matériels à eux conférés par ledit traité devant un for neutre. Or, le champ d'application temporel des normes de protection de tels droits est restreint, en ce sens que la violation des obligations qu'elles imposent doit être postérieure à l'entrée en vigueur du traité qui les contient pour que l'investisseur puisse s'en prévaloir contre l'État hôte. Dès lors, un investisseur ne devrait pouvoir bénéficier d'un mécanisme comme celui contenu à l'art. 17 de l'Accord OCI que par rapport à des violations survenues après que ledit traité lui était devenu applicable. En d'autres termes, dès lors que le "litige" visé par ladite disposition est défini par la cause de la prétention de l'investisseur, à savoir le non-respect de l'Accord OCI, et qu'une telle violation ne saurait exister avant que ce traité ne s'applique à l'investisseur, il ne peut y avoir de "litige", au sens de l'art. 17 de l'Accord OCI, qu'après l'entrée en vigueur dudit traité.
Pour les intimés, l'argumentation du recourant est fondamentalement incohérente. L'incohérence consiste à interpréter le terme "litige" sans tenir compte du fait que la cause de celui-ci est la violation de l'Accord OCI (et non pas simplement "l'absence d'indemnisation effective"), tout en prétendant que l'art. 17 dudit traité ne s'applique pas à un litige au seul motif qu'une revendication similaire (mais basée sur un autre fondement juridique et sur d'autres faits) existait déjà avant l'entrée en vigueur de l'Accord OCI. Qui plus est, l'interprétation proposée par le recourant serait contraire au but et à l'objet dudit traité, parce qu'elle empêcherait les intimés de faire valoir devant un for international les droits de nature matérielle que leur confère l'Accord OCI.
9.3.3. Il suit de là, pour les intimés, que le présent litige tombait sous le coup de l'art. 17 de l'Accord OCI, en tant qu'il se basait sur une violation de l'Accord OCI postérieure à l'entrée en vigueur de celui-ci, et que le Tribunal arbitral était dès lors compétent ratione temporis pour en connaître. Pour le cas où pareille conclusion serait écartée, les intimés estiment que la Cour de céans devrait renvoyer la cause au Tribunal arbitral afin qu'il examine la question, laissée ouverte par lui, d'une éventuelle "recristallisation" du litige.
9.4. Dans sa réplique, le recourant maintient qu'une interprétation correcte de l'art. 17 de l'Accord OCI conduit inéluctablement à la conclusion que le litige soumis au Tribunal arbitral est survenu avant l'entrée en vigueur dudit traité et qu'il échappe, partant, à la compétence ratione temporis du Tribunal arbitral. Selon lui, l'interprétation des intimés du terme "litige", par référence au fondement juridique invoqué, contreviendrait à l'art. 31 CV et aboutirait au résultat saugrenu qu'il faudrait conclure à l'inexistence d'un litige alors que les demandeurs ont réclamé une indemnisation depuis 1971.
Pour le recourant, l'interprétation des intimés ne trouve aucun ancrage dans le texte ou le contexte de l'art. 17 de l'Accord OCI, tant il est vrai, d'une part, qu'un simple désaccord suffit à engendrer un "litige" selon le sens ordinaire à donner à ce terme et, d'autre part, que l'Accord OCI ne contient aucune référence au principe de l'autorité de la chose jugée. Ce principe, que les intimés invoquent pour restreindre la portée du terme en question, ne constitue du reste pas une règle pertinente de droit international visée par l'art. 31 par. 3 let. c) CV. Au demeurant, les sources citées par les intimés, en particulier l'extrait d'un article écrit par leur propre conseil, ne seraient pas propres à étayer leur thèse. Il est de toute façon admis, d'après le recourant, que la solution retenue dans l'affaire
Mavrommatis fait règle en la matière. Or, ladite solution confirme son interprétation, tout comme la pratique arbitrale. Quant à l'arrêt 4A_34/2015 du Tribunal fédéral, il n'a, selon le recourant, rien à voir avec la compétence temporelle. De surcroît, l'interprétation téléologique de l'art. 17 de l'Accord OCI, faite par les intimés sur la base de généralités exprimées dans le préambule dudit traité, ne saurait dénaturer le sens évident que revêt le terme "litige" pour tout un chacun.
Selon le recourant, les intimés, après avoir admis comme lui devant le Tribunal arbitral que les investisseurs ne peuvent recourir à l'arbitrage que pour les litiges nés après l'entrée en vigueur de l'Accord OCI, font volte-face devant le Tribunal fédéral et soutiennent que l'art. 17 de ce traité couvre aussi les litiges nés avant l'entrée en vigueur de celui-ci. Pour le recourant, les intimés ne peuvent rien déduire du fait que l'art. 11 par. 2 du TBI France-Libye exclut
expressis verbis les différends nés avant l'entrée en vigueur du traité. D'une part, l'art. 17 de l'Accord OCI contient en effet, lui aussi, un membre de phrase permettant de tirer la même conclusion
a contrario ("les litiges qui pourraient se présenter"). D'autre part, cette conclusion résulte déjà du principe de non-rétroactivité des traités codifié à l'art. 28 CV. Les intimés tentent d'ailleurs, en vain, de détourner ce principe par d'autres biais, tels que la règle qui limite dans le temps la responsabilité de l'État pour fait internationalement illicite ou encore celle de l'effet utile. Au demeurant, leur tentative de contourner la restriction temporelle de la compétence du Tribunal arbitral en se référant au fondement juridique de leur demande a déjà été sanctionnée, selon le recourant, à de nombreuses reprises par les tribunaux arbitraux d'investissement, n'ayant réussi qu'une seule fois dans l'affaire
Jan de Nul N.V. et Dredging International N.V. contre Égypte (sentence du 16 juin 2006 dans la cause CIRDI n. ARB/04/13), décision fortement critiquée.
Le recourant affirme, en conclusion, avoir démontré que, selon son interprétation correcte de ce terme, le "litige" est né en l'espèce en 1971 et, au plus tard, dès 1995, les procédures subséquentes invoquées par les intimés n'en étant que le continuum. Selon lui, point n'est dès lors besoin d'analyser la question d'une éventuelle recristallisation du litige puisqu'il s'agit du même litige, né bien avant l'entrée en vigueur de l'Accord OCI, ni, partant, de renvoyer la cause au Tribunal arbitral sur ce point.
9.5. Dans leur duplique, les intimés soulignent que, lorsque le recourant prétend n'avoir jamais accepté que le terme "litige" soit défini par rapport à un fondement juridique, cette affirmation est en contradiction directe avec la position adoptée par lui dans son recours. Ils expliquent, par ailleurs, qu'ils n'ont invoqué le principe de l'autorité de la chose jugée que pour illustrer leur thèse selon laquelle, dans le contexte d'une clause de résolution des différends, le terme en question est généralement compris par référence à un objet particulier, ce qui correspond à la règle universellement acceptée de la triple identité appliquée pour examiner l'exception de chose jugée.
Selon les intimés, le recourant n'explique pas pourquoi la décision rendue dans l'affaire
Mavrommatis, dont le Tribunal arbitral a tenu compte, devrait impacter l'interprétation faite par eux du terme "litige" utilisé à l'art. 17 de l'Accord OCI. En outre, il dénierait à tort l'importance que revêt en l'occurrence la distinction faite par le Tribunal fédéral entre les contract claims et les treaty claims.
Les intimés ne voient pas davantage en quoi le principe de la non-rétroactivité des traités serait mis en danger par leur interprétation de la notion de "litige" et contestent aussi avoir fait une volte-face. Ils remettent aussi en cause la pertinence des précédents, cités dans l'opinion dissidente de l'arbitre Z.________, parce que, à l'instar de la sentence rendue le 9 juin 2023 dans l'affaire connexe, les décisions citées se basent sur des clauses similaires à l'art. 11 par. 2 du TBI France-Libye. S'agissant de la définition du "litige" au sens de l'art. 17 de l'Accord OCI donnée par le recourant, les intimés mettent en évidence le fait qu'elle ne permet pas de déterminer le moment de la naissance du litige en question et qu'elle étale celui-ci sur une période de 25 ans. Ils précisent aussi que, quoi qu'en dise le recourant, leur demande d'arbitrage ne visait pas à obtenir une indemnisation au titre de la Loi de 1970, mais bien plutôt du chef des violations de l'Accord OCI commises par lui.
Les intimés persistent enfin à soutenir que l'affaire devrait être retournée au Tribunal arbitral, afin qu'il examine le problème de la "recristallisation", si d'aventure le Tribunal fédéral devait admettre le bien-fondé du grief d'incompétence
ratione temporis.
9.6. Les positions respectives des parties ayant été exposées, il convient d'examiner les mérites de leurs arguments. Avant toutes choses, il convient toutefois de rappeler certains principes.
9.6.1. Saisi du grief d'incompétence, le Tribunal fédéral examine librement les questions de droit qui déterminent la compétence ou l'incompétence du tribunal arbitral (ATF 149 III 131 consid. 6.4.1; 146 III 142 consid. 3.4.1; 133 III 139 consid. 5). Il en va de même lorsqu'il est amené à interpréter le sens que revêtent certains termes utilisés dans un traité bilatéral ou multilatéral d'investissement (ATF 150 III 89 consid. 4.2.1; 149 III 131 consid. 6.4.1; 144 III 559 consid. 4.1; 141 III 495 consid. 3.2 et 3.5.1). Ainsi la Cour de céans a-t-elle par exemple été amenée à définir les notions de
contract claims, de
treaty claimset de clause parapluie au regard de certaines dispositions du Traité sur la Charte de l'énergie (TCE; RS 0.730.0; ATF 141 III 495 consid. 3.2) ou encore à déterminer le sens que revêtait le terme "investissement" utilisé dans un traité bilatéral d'investissement et à rechercher si l'activité déployée par le soi-disant investisseur entrait dans la définition de cette notion (ATF 146 III 142 consid. 3.4.2; 144 III 559 consid. 4.4).
Le Tribunal fédéral ne revoit cependant l'état de fait à la base de la sentence attaquée - même s'il s'agit de la question de la compétence - que si l'un des griefs mentionnés à l'art. 190 al. 2 LDIP est soulevé à l'encontre dudit état de fait ou que des faits ou des moyens de preuve nouveaux (cf. art. 99 al. 1 LTF) sont exceptionnellement pris en considération dans le cadre de la procédure du recours en matière civile (ATF 150 III 89 consid. 4.2.1; 149 III 131 consid. 6.4.1; 144 III 559 consid. 4.1; 142 III 220 consid. 3.1; 140 III 477 consid. 3.1; 138 III 29 consid. 2.2.1).
9.6.2. À titre liminaire, le Tribunal fédéral tient à souligner qu'il n'y a pas lieu de définir ici, une fois pour toutes et de façon abstraite, la notion de " litige " en matière d'arbitrage d'investissement. À cet égard, il observe que cette question est régulièrement débattue en pratique, comme en attestent les nombreuses décisions et opinions doctrinales citées par les parties au soutien de leurs thèses respectives. Pour délimiter les contours exacts de la notion de " litige " dans une cause déterminée, il sied bien plutôt de privilégier une approche au cas par cas, en recherchant le sens qu'il convient de donner à cette notion sur la base du traité international considéré, à l'aide des moyens d'interprétation prévus par la CV. La Cour de céans estime que le point de savoir si un litige entre ou non dans le champ d'application temporel d'un traité international nécessite en outre un examen minutieux de l'ensemble des circonstances de la cause. Il faut en effet bien voir qu'il n'est pas toujours évident de tracer la limite, sur le plan chronologique, entre les faits sous-jacents au litige et la cristallisation de celui-ci, surtout lorsque les éléments à prendre en considération s'étendent sur plusieurs décennies.
9.6.3. Après avoir examiné attentivement les positions antagonistes des parties, la Cour de céans considère que le résultat auquel a abouti le Tribunal arbitral en admettant sa compétence
ratione temporis résiste aux critiques émises par le recourant.
Force est d'emblée de relever que l'Accord OCI ne contient pas de disposition aussi explicite que l'art. 11 par. 2 du TBI France-Libye, qui énonce que cet " Accord n'est pas applicable aux différends soulevés avant son entrée en vigueur ". Dans le chapeau de l'art. 17 de l'Accord OCI, il n'est question que des " litiges qui pourraient se présenter " en attendant la création d'un organisme pour le règlement des " litiges résultant de cet Accord ". L'Accord OCI est ainsi bien moins clair que le TBI France-Libye sur la question de son applicabilité dans le temps. La formulation de l'art. 17 de l'Accord OCI ne saurait plaider
a priorien faveur de l'effet rétroactif dudit traité, eu égard notamment à l'art. 28 CV qui établit la présomption inverse. Au demeurant, les deux parties semblent déduire du chapeau de l'art. 17 de l'Accord OCI que ce traité ne vise pas les litiges nés avant son entrée en vigueur, même si les intimés cherchent à contextualiser leur reconnaissance de cet effet. Leur entente s'arrête toutefois là, chacune d'elles divergeant d'opinion sur la manière de définir le mot " litige ".
En bref, le recourant, jugeant non pertinent l'avis du Tribunal arbitral - tiré du mot " contradiction " utilisé dans la version française de l'arrêt rendu dans l'affaire
Mavrommatis - selon lequel un litige nécessite l'opposition
expresse d'une partie, soutient que le désaccord des parties peut se matérialiser soit par le silence, soit par l'inaction d'une partie face aux revendications de son adversaire. Les intimés contestent, pour leur part, la pertinence de pareil critère, le sens du terme controversé devant être recherché, à leur avis, en ayant égard au fait que le terme en question a trouvé sa place dans une clause de résolution des différends.
Sans doute l'interprétation proposée par le recourant apparaît-elle défendable sur le vu de la définition ordinaire du terme " litige ", telle qu'elle ressort des dictionnaires de langue française et des précédents invoqués par l'intéressé. Cependant, le Tribunal fédéral estime qu'il convient, en l'occurrence, de retenir l'interprétation suggérée par les intimés, qui garantit l'effet utile de l'art. 17 de l'Accord OCI, en permettant aux demandeurs d'avoir accès à un tribunal devant lequel ils peuvent faire valoir les droits matériels que leur confère ledit traité. Il admet, avec les intimés, que le terme "litige" figurant à l'art. 17 de l'Accord OCI ne doit pas être interprété
in abstracto, mais doit être replacé dans son contexte, c'est-à-dire une clause de résolution des différends insérée dans un traité d'investissement multilatéral. Replacé dans un tel contexte, le terme litigieux est généralement compris par référence à un objet particulier. En l'espèce, la Cour de céans considère que le chapeau de l'art. 17 de l'Accord OCI, en accolant les mots " résultant de cet accord " au terme " litiges ", établit un lien direct entre le litige et son origine. Quoi qu'en dise le recourant, l'accent que les intimés mettent en l'occurrence sur le fondement juridique de leur demande, comme moyen permettant de cerner l'objet particulier du litige et l'origine de celui-ci, apparaît justifié.
Sur un plan plus général, il sied de rappeler que le contentieux des investissements internationaux, phase procédurale de la protection des investisseurs étrangers contre les actes de l'État hôte portant atteinte à leurs droits, fait appel à une distinction fondamentale entre les
contract claimset les
treaty claims : les premières sont des réclamations que les investisseurs élèvent en se fondant sur le contrat qu'ils ont conclu avec l'État d'accueil ou avec une autre personne publique dépendant de cet État; les secondes sont celles qui se basent sur un traité conclu entre l'État national des investisseurs et l'État d'accueil pour la protection réciproque de leurs investisseurs. Les traités sur la protection des investissements, qu'ils soient bilatéraux ou multilatéraux, contiennent des engagements matériels repris de la pratique antérieure des juridictions internationales en matière de droit international général, tels que l'exigence d'un traitement loyal et équitable, la prohibition des mesures discriminatoires ou l'interdiction des expropriations et nationalisations sans indemnité. Ces traités contiennent surtout une clause juridictionnelle en vertu de laquelle chaque État accepte par avance, au profit des investisseurs nationaux de l'autre État ou des autres États qui investissent sur son territoire, que les litiges relatifs à l'investissement soient portés contre lui par l'investisseur devant un tribunal arbitral indépendant. Les
contract claims, en revanche, sont exorbitantes du traité de protection des investissements et de ses clauses juridictionnelles. Elles relèvent des tribunaux nationaux de l'État d'accueil ou, si le contrat d'investissement contient une clause compromissoire, du tribunal arbitral désigné par cette clause. Le risque est grand, pour l'investisseur qui se plaint d'une violation du contrat passé avec l'État d'accueil, de voir ses
contract claims laissées sans réponse ou d'être éconduit par les tribunaux de ce même État, trop conciliants à l'égard d'une corporation de droit public dont ils sont un organe, voire d'être contraint d'agir devant un tribunal arbitral manquant d'indépendance (ATF 141 III 495 consid. 3.2.2 et les références citées).
En l'occurrence, la thèse du recourant, selon laquelle on serait en présence d'un seul et même litige ayant vu le jour en 1971 et ayant pour unique objet l'absence d'indemnisation des intimés, ne saurait être suivie. En effet, elle fait fi de ce que les intimés, après avoir tenté longuement mais sans succès d'obtenir, sur la base exclusive du droit interne libyen, une indemnisation auprès des autorités de cet État, ont saisi un tribunal arbitral international indépendant pour qu'il constate la violation par le recourant de diverses dispositions matérielles de l'Accord OCI garantissant leurs investissements et qu'il le condamne à les dédommager de ce chef. Autrement dit, le litige soumis au Tribunal arbitral revêtait bel et bien un caractère nouveau, car il avait pour objet la violation imputée à l'État défendeur de normes matérielles de l'Accord OCI et constituait, partant, un " litige résultant de cet Accord " au sens de l'art. 17 dudit traité. Le Tribunal fédéral admet en outre que les faits sous-jacents aux violations formant l'objet des
treaty claims des intimés se sont produits de 2006 à 2016 (dysfonctionnement des comités d'indemnisation créés en 2006 et 2009; comportement illicite adopté par l'organe représentant les intérêts de l'État concerné devant la Cour d'appel de Tripoli, singulièrement au cours de l'année 2007; dénis de justice commis en 2011 et 2016 par la Cour d'appel de Tripoli et la Cour suprême de Libye privant les demandeurs de toute possibilité d'obtenir satisfaction dans l'ordre juridique libyen), c'est-à-dire après l'entrée en vigueur de l'Accord OCI pour la Jordanie (en 1999) et le Liban (en 2005).
Au vu de ce qui précède, la Cour de céans, même si elle ne fait pas nécessairement siennes toutes les considérations émises par le Tribunal arbitral sur la question litigieuse, n'en juge pas moins que celui-ci s'est déclaré à juste titre compétent pour connaître du différend qui lui était soumis.
10.
Dans une deuxième branche du grief d'incompétence, le recourant soutient que les intimés, en choisissant de mettre en oeuvre les juridictions libyennes, dans un premier temps, ont irrévocablement renoncé à leur droit de présenter leurs griefs à son encontre devant un tribunal arbitral pour un prétendu manquement à se conformer à la Loi de 1970. Dès lors, en entrant néanmoins en matière sur leur demande, le Tribunal arbitral aurait méconnu l'option irrévocable établie à l'art. 16 par. 2 de l'Accord OCI ("fork-in-the-road provision"; ci-après: la clause d'option irrévocable).
10.1. Dans la sentence entreprise (n. 724-730), le Tribunal arbitral considère, à la majorité de ses membres, que la clause d'option irrévocable figurant à l'art. 16 par. 2 de l'Accord OCI ne l'empêche pas de connaître du différend qui lui est soumis. Il souligne que les tribunaux arbitraux ont adopté des approches différentes lorsqu'ils ont dû examiner si des clauses de ce genre excluaient ou non leur compétence. Pour le Tribunal arbitral, la question de savoir si la clause d'option irrévocable est susceptible de trouver application doit être résolue à la lumière de l'ensemble des circonstances de la cause et des spécificités de la disposition du traité applicable.
Pour déterminer si la clause d'option irrévocable figurant à l'art. 16 de l'Accord OCI s'applique en l'espèce, le Tribunal arbitral considère qu'il y a lieu d'examiner si le litige porté devant lui englobe les mêmes actes ou omissions que ceux qui ont été dénoncés dans le cadre des procédures judiciaires initiées devant les tribunaux de l'État défendeur. Se référant à la solution retenue dans la sentence rendue le 8 mai 2008 dans l'affaire
Victor Pey Casado et Fondation Presidente Allende contre République du Chili ( CIRDI n. ARB/98/2; ci-après: l'affaire
Pey Casado), il estime qu'une clause d'option irrévocable ne déploie aucun effet lorsque le fondement de la demande soumise au tribunal arbitral inclut, par exemple, une allégation de déni de justice ou d'autres faits internationalement illicites commis par la juridiction nationale.
En l'espèce, le Tribunal arbitral observe que l'action en justice introduite en 1995 devant le Tribunal de première instance de Tripoli tendait à obtenir une évaluation des actifs de T.________. Quant à la procédure initiée en 2002 auprès de la section administrative de la Cour d'appel de Tripoli, elle visait à déterminer si le fait pour le gouvernement de l'État défendeur de ne pas avoir mis en place un système efficace de comités d'indemnisation constituait un "acte administratif négatif" ("The Administrative Court Proceedings beginning in 2002 revolved around, and were dismissed on, the narrow jurisdictional basis of whether the failure of the Libyan government to set up an effective compensation committee system constituted a negative administrative act."; sentence, n. 729). Dans le cadre du présent arbitrage, les demandeurs ont, en revanche, réclamé le paiement d'une compensation financière sur la base d'allégations de violations de l'Accord OCI en raison du comportement adopté par les pouvoirs exécutif et judiciaire de l'État défendeur, notamment dans les procédures initiées en 1995 et en 2002. Selon le Tribunal arbitral, les actes et omissions imputés à l'État libyen en lien avec l'absence de mise en place d'un système efficace de comités d'indemnisation n'étaient pas pleinement couverts pas les précédentes procédures judiciaires conduites devant les juridictions internes de l'État concerné. Au terme de son raisonnement, la majorité du Tribunal arbitral conclut que l'art. 16 de l'Accord OCI ne l'empêche pas de connaître du différend divisant les parties.
10.2. À l'encontre de ce raisonnement, le recourant fait valoir que le Tribunal arbitral aurait mal interprété les notions de "mesure" et de "plainte" figurant à l'art. 16 par. 1 de l'Accord OCI, plus précisément le sens littéral de ces termes. Il lui aurait, en outre, échappé que, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, l'application d'une clause d'option irrévocable ne dépend pas du point de savoir si l'État a versé ou non une indemnité dans un cas concret (arrêt 4A_172/2023 du 11 janvier 2024 consid. 5.4.1). Le Tribunal arbitral aurait, de surcroît, ajouté à l'Accord OCI une condition qu'il ne contient pas en excluant l'application de ladite clause au seul motif que la demande qui lui était soumise comprenait d'autres actes ou omissions de l'État libyen que ceux dont les intimés s'étaient plaints devant les juridictions de ce pays. En réalité, il aurait dû, selon le recourant, se limiter à rechercher si les procédures conduites devant les juridictions libyennes et la procédure arbitrale procédaient de la même "mesure", et non pas des mêmes actes ou omissions.
Pour le recourant, le Tribunal arbitral s'est ainsi fondé sur un critère erroné pour en déduire que l'art. 16 par. 2 de l'Accord OCI ne s'applique pas lorsque le fondement de l'action devant le tribunal arbitral est un déni de justice ou tout autre acte ou omission de l'État hôte. La sentence rendue dans l'affaire Pey Casado, que le Tribunal arbitral invoque à l'appui de cette décision, ne lui serait d'aucun secours car la portée de la clause d'option irrévocable contenue dans le traité applicable dans l'affaire en question était plus restreinte que celle de l'Accord OCI.
Le recourant soutient enfin que, si les intimés se sont plaints devant le Tribunal arbitral des actes ou omissions du pouvoir judiciaire libyen dans l'application de la Loi de 1970, il n'en demeure pas moins que cette plainte portait sur la même " mesure " que celle ayant fait l'objet de la procédure étatique. À son avis, le fait que les demandes fondées sur le prétendu déni de justice commis par les juridictions libyennes étaient intrinsèquement liées à celles concernant la demande d'indemnisation des intimés n'était pas un critère pertinent selon l'art. 16 de l'Accord OCI et ne permettait donc pas aux intimés de s'affranchir de l'irrévocabilité de leur choix.
10.3. Dans leur réponse, les intimés s'attachent à réfuter le grief du recourant touchant l'application de la clause d'option irrévocable figurant à l'art. 16 par. 2 de l'Accord OCI.
Procédant tout d'abord à une interprétation de l'art. 16 par. 2 de l'Accord OCI selon le sens ordinaire des mots utilisés dans leur contexte, les intimés notent que cette disposition ne contient pas le terme " mesure " sur lequel le recourant assoit sa thèse. À leur avis, l'objet de l'interprétation n'est pas ce mot-là, mais plutôt les termes " to raise a complaint " utilisés dans la version anglaise de la clause d'option irrévocable qu'ils traduisent par " faire valoir sa prétention " au lieu de l'expression " recourir à " figurant dans la version française du traité. Selon les intimés, ces mots doivent être interprétés en accord avec la définition proposée par eux du " litige " et, partant, se définissent par référence à une prétention spécifique et au fondement juridique de cette prétention.
Analysant ensuite le but réel d'une clause comme celle de l'art. 16 par. 2 de l'Accord OCI, les intimés expliquent pourquoi, selon eux, cette clause ne s'applique qu'en cas d'identité entre le litige soumis au tribunal arbitral et celui précédemment porté devant les juridictions libyennes. Ils tentent ensuite de démontrer que cette condition n'était pas réalisée en l'espèce.
En tout état de cause, les intimés concluent que la clause d'option irrévocable n'est de toute manière pas applicable dans le cas concret, étant donné que les tribunaux libyens se sont déclarés incompétents et n'ont donc pas statué au fond sur la cause qui leur avait été soumise. En effet, le but d'une telle clause est d'éviter qu'un investisseur puisse commencer des procédures parallèles ou obtenir des jugements qui se contredisent sur le fond. Or, semblable risque n'existe pas lorsque, comme c'est ici le cas, une juridiction nationale rejette le recours d'un investisseur sans même avoir examiné le fond du litige.
10.4. Dans sa réplique, le recourant conteste l'interprétation faite par les intimés de la clause d'option irrévocable. Déclarant avoir démontré que l'art. 16 de l'Accord OCI interdit à un investisseur de " recourir " à l'arbitrage après avoir " recouru " aux juridictions libyennes, dès lors que sa plainte vise l'adoption ou la non-adoption d'une même " mesure ", il reproche aux intimés d'avoir remplacé indûment " se plaindre d'une mesure " par " soumettre un litige " pour restreindre le champ d'application de la clause d'option irrévocable. Selon lui, les intéressés auraient méconnu les principes d'interprétation des traités en remplaçant le terme " recourir " figurant à l'art. 16 par. 2 de l'Accord OCI, par " faire valoir sa prétention " et en analysant cette disposition sans égard à son premier alinéa pour contester qu'une identité de plainte puisse résulter de la " non-adoption " d'une même " mesure ". Les intimés auraient également erré en important leur propre notion du " litige ", tirée de l'art. 17 de l'Accord OCI, à l'art. 16 par. 2 dudit traité pour définir un litige aux fins de l'application de la clause d'option irrévocable par référence à son fondement juridique. Or, admettre cette manière de faire reviendrait à permettre à l'investisseur de réclamer réparation sur le fondement d'une prétendue violation d'un traité d'investissement devant un tribunal arbitral après avoir tenté sa chance sur un autre fondement devant les juridictions nationales. Au contraire, une analyse du sens ordinaire des termes de l'art. 16 de l'Accord OCI, faite à la lumière de leur contexte, démontre, selon le recourant, que cette disposition prive les investisseurs de recours à l'arbitrage si une plainte contre la non-adoption d'une même " mesure " a déjà été présentée aux juridictions libyennes.
Le recourant ne voit pas non plus dans l'interprétation téléologique de l'art. 16 de l'Accord OCI faite par les intimés, lesquels n'invoquent à son avis pas d'éléments jurisprudentiels et doctrinaux solides à son appui, de quoi modifier son point de vue.
Pour le recourant, le " litige " soumis aux juridictions libyennes est donc le même que celui porté devant le Tribunal arbitral. En effet, les intimés ont engagé, dès 2002, une procédure devant les juridictions libyennes tendant à obtenir une indemnisation aux termes de la Loi de 1970, puis se sont plaints de la non-adoption de la même "mesure" devant le Tribunal arbitral. Celui-ci aurait donc dû décliner sa compétence en vertu de l'art. 16 par. 2 de l'Accord OCI. Enfin, contrairement à l'opinion des intimés, cette disposition s'applique même si les juridictions libyennes se sont déclarées incompétentes.
10.5. Dans leur duplique, les intimés reprennent, pour l'essentiel, les arguments qu'ils ont développés dans leur réponse. Selon eux, il n'y aurait aucunement lieu d'importer le langage de l'art. 16 par. 1 dans l'art. 16 par. 2 de l'Accord OCI, ce second paragraphe devant être interprété en conformité avec l'art. 17 dudit traité. En outre, contrairement à ce que prétend le recourant, leur interprétation ne priverait pas la clause d'option irrévocable de tout effet, car cette clause trouverait à s'appliquer s'ils avaient invoqué sans succès une violation de l'Accord OCI devant les juridictions libyennes. En pareille hypothèse, les demandeurs auraient été privés du droit de recourir à l'arbitrage pour tenter de faire constater par le Tribunal arbitral l'existence de la violation niée par les tribunaux libyens. Pour le surplus, les intimés persistent à soutenir que la jurisprudence arbitrale et la doctrine sont majoritairement de leur côté, s'agissant de n'admettre l'application d'une clause d'option irrévocable qu'en cas de triple identité des parties, de la prétention litigieuse et de la cause de cette dernière.
10.6. L'argumentation développée par le recourant n'emporte pas la conviction.
Le Tribunal fédéral fait siens les arguments avancés par les intimés pour écarter l'interprétation trop large que le recourant fait de la clause d'option irrévocable de l'art. 16 par. 2 de l'Accord OCI, en rapprochant celle-ci de l'expression " se plaindre d'une mesure " ou de " la non-adoption d'une mesure " figurant à l'art. 16 par. 1 dudit traité. En particulier, il estime qu'il ne se justifie pas d'importer le langage de l'art. 16 par. 1 de l'Accord OCI dans le second paragraphe de cette disposition. L'art. 16 par. 1 de l'Accord OCI traite en effet d'une question distincte, puisqu'il consacre le droit pour l'investisseur de saisir les tribunaux nationaux de l'État hôte afin de contester l'adoption (ou la non-adoption) d'une mesure prise à son encontre par les autorités de cet État, indépendamment du point de savoir si l'action introduite trouve son fondement dans la violation des garanties matérielles de l'Accord OCI.
S'agissant de déterminer si l'art. 16 par. 2 de l'Accord OCI est susceptible de trouver application en l'espèce, le Tribunal fédéral considère qu'il y a lieu de tenir compte du but de cette clause qui est, selon lui, d'éviter qu'un investisseur puisse soumettre un même litige à deux autorités juridictionnelles distinctes, l'une étatique, l'autre arbitrale. Aussi ne saurait-on se dispenser d'examiner s'il existait, en l'occurrence, une identité de l'objet du litige entre les procédures étatiques conduites en Libye et la procédure d'arbitrage initiée ultérieurement par les demandeurs. Sur un plan plus général, la Cour de céans observe, au demeurant, que nombre de tribunaux arbitraux ont jugé que les clauses d'option irrévocable ne s'appliquent qu'en cas de triple identité des parties, de l'objet et de la cause (cf. parmi d'autres: sentence du 8 mai 2008 dans l'affaire
Pey Casado, n. 483; sentence du 11 septembre 2009 dans la cause CIRDI n. ARB/07/12,
Toto Costruzioni Generali S.p.A. contre République du Liban, n. 211; sentence du 30 novembre 2009 dans la cause CPA n. 2005-05/AA228,
Veteran Petroleum Limited (Cyprus) contre Fédération de Russie, n. 609; sentence du 25 juillet 2012 dans la cause CPA n. 2011-09,
Khan Resources Inc., Khan Resources B.V., CAUC Holding Company Ltd. contre Mongolie, n. 390; sentence 22 juillet 2019 dans la cause CCI n. 22236/ZF/AYZ,
Etrak Insaat Taahhüt Ve Ticaret Anonim Sirketi contre État de Libye, n. 108; sentence du 8 mars 2021 dans la cause SCC n. V 2017/060,
FREIF Eurowind Holdings Ltd. contre Royaume d'Espagne, n. 420; cf. aussi GIRSBERGER/VOSER, International Arbitration: Comparative and Swiss Perspectives, 4e éd. 2021, n. 1813a et les références citées; RADJAI/STIRNIMANN FUENTES, Investment Arbitration in Switzerland, in Manuel Arroyo [édit.], Arbitration in Switzerland: The Practitioner's Guide, 2e éd. 2018, n. 30 s., p. 1061 s.). Le Tribunal fédéral souligne par ailleurs qu'il peut y avoir des circonstances dans lesquelles l'investisseur n'a pas d'autre choix que de saisir d'abord les juridictions nationales contre une mesure administrative de l'État hôte s'il entend rechercher ensuite ce dernier sur le fondement du traité d'investissement. Autrement dit, l'introduction d'une action devant les tribunaux de l'État hôte de l'investissement peut, suivant les cas, se révéler nécessaire pour établir que celui-ci a violé les garanties matérielles d'un traité d'investissement.
En l'occurrence, la Cour de céans ne discerne pas ce qui justifierait l'application de la clause d'option irrévocable de l'art. 16 par. 2 de l'Accord OCI dans une situation où les demandeurs ont, en substance, prié le Tribunal arbitral de constater que l'État hôte avait violé ledit traité en refusant de connaître des requêtes d'indemnisation, fondées sur une loi édictée par cet État, qu'ils avaient soumises en vain à ses entités administratives, puis à ses autorités judiciaires. En plus de contredire le but de l'Accord OCI, qui est notamment de promouvoir un climat propice à l'investissement, l'application de la clause d'option irrévocable figurant à l'art. 16 par. 2 dudit traité en pareille hypothèse méconnaîtrait l'absence d'identité d'objet entre les procédures étatiques conduites en Libye et la procédure arbitrale introduite subséquemment. En l'occurrence, le Tribunal arbitral a en effet retenu, à juste titre, que le litige qu'il avait à traiter n'avait pas le même objet que la procédure d'évaluation des biens nationalisés de T.________ conduite en Libye et l'action de droit administratif soumise aux tribunaux étatiques libyens dans la mesure où les demandes présentées dans le cadre des procédures judiciaires menées en Libye ne couvraient pas l'ensemble des actes ou omissions invoqués devant le Tribunal arbitral ("the claims brought by the Claimants in the judicial proceedings in Libya did not encompass the full series of acts or omissions now brought before the Tribunal in the context of the present arbitration"; sentence, n. 729). Il suit de là que le Tribunal arbitral a exclu, à bon droit, l'application de l'art. 16 par. 2 de l'Accord OCI dans la présente espèce.
11.
Dans la troisième branche du grief d'incompétence, le recourant se plaint du fait que le Tribunal arbitral s'est déclaré compétent alors que son consentement à l'arbitrage ne serait pas établi.
11.1. Dans la sentence attaquée (n. 711-723), le Tribunal arbitral considère, à la majorité de ses membres, que l'art. 17 de l'Accord OCI contient une offre d'arbitrage valide, formulée par l'État concerné, que les demandeurs ont acceptée en introduisant leur requête d'arbitrage en novembre 2018. Pour aboutir à cette solution, il se fonde notamment sur le chapeau de l'art. 17 de l'Accord OCI. Soulignant que ladite disposition doit être interprétée conformément à son sens ordinaire ainsi qu'à l'objet et au but de l'Accord OCI, qui consistent à créer un climat favorable aux investissements, le Tribunal arbitral estime que la référence faite à l'arbitrage en tant que mode de règlement des différends démontre clairement que l'État défendeur a consenti à son utilisation pour résoudre d'éventuels différends résultant de l'Accord OCI. La mise en oeuvre d'une procédure d'arbitrage ne dépend ainsi pas de la conclusion d'un accord distinct autorisant le recours à ce mode de règlement des différends.
Pour le Tribunal arbitral, l'art. 17 par. 2 let. d) de l'Accord OCI indique qu'un investisseur peut être partie à une telle procédure d'arbitrage, ce qui confirme que l'offre d'arbitrage figurant dans ledit traité inclut l'arbitrage investisseur-État.
Le Tribunal arbitral souligne également que l'art. 16 par. 2 de l'Accord OCI offre aux "investisseur[s]" le choix de saisir les tribunaux nationaux de l'État hôte ou de recourir à l'arbitrage. À son avis, semblable faculté démontre que les investisseurs jouissent d'un véritable droit d'initier une procédure d'arbitrage sur la base de l'Accord OCI.
Poursuivant son analyse de la clause de résolution des différends figurant à l'art. 17 de l'Accord OCI, le Tribunal arbitral examine si la procédure de conciliation mentionnée dans cette disposition constitue un préalable obligatoire à l'arbitrage. À cet égard, il estime que le sens ordinaire de la clause considérée est ambigu. L'art. 17 par. 2 let. a) de l'Accord OCI prévoit que les parties auront le droit de recourir à l'arbitrage si elles "ne sont pas parvenues à un accord par suite de leur recours à la conciliation", ce qui semble plaider en faveur d'un préalable de conciliation obligatoire. Cependant, l'art. 17 par. 1 let. a) de l'Accord OCI, consacré à la procédure de conciliation, laisse entendre que celle-ci revêt un caractère facultatif ("Au cas où les deux parties en litige sont convenues de recourir à la conciliation"). De même, le chapeau de l'art. 17 de l'Accord OCI énonce que les litiges qui pourraient se présenter en lien avec ce traité seront réglés "par consiliation (sic) ou par voie d'arbitrage".
Le Tribunal arbitral considère, à la majorité de ses membres, que la clause en question exige des parties qu'elles essaient au moins de résoudre leur différend par la voie de la conciliation. Toutefois, si l'une d'elles refuse de s'engager dans ce processus ou si aucun accord n'est trouvé, l'arbitrage peut être initié. Selon le Tribunal arbitral, il est possible d'introduire une procédure d'arbitrage au cas où la poursuite du processus de conciliation se révélerait vaine. Si une tentative de conciliation est certes requise, le Tribunal arbitral estime que les demandeurs ont en l'occurrence respecté cette exigence. En notifiant le présent litige à leur adversaire le 5 avril 2018, les intimés ont en effet formulé une proposition visant à résoudre celui-ci par voie de conciliation. Le Tribunal arbitral souligne, à cet égard, qu'il n'y a pas de conditions particulières à respecter quant à la manière de proposer de recourir à une procédure de conciliation. En l'espèce, vu l'absence de réaction de l'État défendeur durant sept mois, les demandeurs pouvaient valablement initier une procédure d'arbitrage comme ils l'ont fait en novembre 2018.
11.2. Pour le recourant, l'art. 17 par. 2 let. a) de l'Accord OCI, dûment interprété, ne contient pas une offre inconditionnelle d'arbitrage dans la mesure où, d'une part, le recours à l'arbitrage est conditionné à une tentative préalable de conciliation et où, d'autre part, la conciliation n'est possible qu'en cas d'accord des parties litigantes. Le recourant en déduit que, faute d'un tel accord, son consentement à l'arbitrage n'est pas clairement établi.
11.3. Les intimés rétorquent que leur adversaire laisse intactes les considérations que le Tribunal arbitral a émises pour en déduire que l'art. 17 de l'Accord OCI contient une clause standard incluant une offre d'arbitrage que l'investisseur étranger peut accepter sans devoir conclure pour cela un accord séparé avec l'État hôte. Ils critiquent ensuite la thèse du recourant selon laquelle ladite disposition présuppose une tentative de conciliation. Pour eux, le fait que l'investisseur n'ait pas droit à la conciliation, celle-ci supposant un accord préalable des parties, implique plutôt qu'il doit avoir droit à l'arbitrage, puisque le chapeau de l'art. 17 de l'Accord OCI prévoit que les litiges seront réglés "par consiliation (sic) ou par voie d'arbitrage", c'est-à-dire par l'un ou l'autre moyen.
Quoi qu'il en soit, les intimés estiment avoir procédé à une tentative de conciliation suffisante en notifiant au recourant l'existence du litige, le 5 avril 2018, et en l'invitant à engager des discussions en vue de parvenir à un accord juste et équitable. Ils ajoutent que, sans réponse de l'intéressé pendant une période de sept mois, ils n'étaient pas obligés de faire d'autres tentatives à l'égard d'une partie qui n'était visiblement pas disposée à engager le processus de conciliation.
11.4. Dans sa réplique, le recourant fait valoir que ses adversaires se bornent à reprendre à leur compte la motivation du Tribunal arbitral sur le problème considéré. Les intimés soutiennent, dans leur duplique, que le recourant a accepté les arguments émis par eux dans leur réponse pour démontrer que son consentement à l'arbitrage est établi, étant donné que l'intéressé a laissé leurs explications intactes.
11.5.
11.5.1. De manière générale, il convient de distinguer deux types de clauses d'arbitrage dans les traités de protection des investissements: les unes sont de véritables offres que suffit à compléter leur acceptation par un investisseur étranger au moyen d'une requête d'arbitrage dirigée contre l'État d'accueil; les autres sont de simples incitations à l'arbitrage, qui exigent que l'État confirme son consentement dans un document postérieur, notamment en concluant avec l'investisseur une convention d'arbitrage (SOPHIE LEMAIRE, Note: Hesham T.M. Al-Warraq v. Republic of Indonesia, Award on Respondent's Preliminary Objections to Jurisdiction and Admissibility of the Claims, in Revue de l'Arbitrage 2014 p. 420 s.).
En l'occurrence, le Tribunal arbitral a exposé, de façon convaincante, les raisons pour lesquelles la clause d'arbitrage figurant à l'art. 17 de l'Accord OCI entre dans la première catégorie. A la lumière des moyens d'interprétation prévus par l'art. 31 CV, la Cour de céans juge que la solution retenue par le Tribunal arbitral ne prête pas le flanc à la critique. Elle fait siens les motifs pertinents énoncés sur la question litigieuse dans la sentence querellée pour aboutir à pareil résultat (n. 714-718). Le Tribunal fédéral considère que les quelques lignes que le recourant consacre à cette problématique dans ses écritures ne suffisent pas à dénier à l'art. 17 de l'Accord OCI la qualification de clause incluant une offre permanente d'arbitrage qui peut être acceptée par un investisseur étranger sans qu'il y ait besoin d'un accord séparé avec l'État hôte. En outre, il observe que plusieurs tribunaux arbitraux et divers auteurs ont souligné que l'art. 17 de l'Accord OCI contient une véritable offre d'arbitrer (sentence du 3 avril 2020 dans l'affaire
Itisaluna, n. 169 et 190; sentence du 23 décembre 2016 dans la cause CPA n. 2015-25,
Kontinental Conseil Ingénierie contre République du Gabon, n. 157 s.; sentence du 21 juin 2012 dans l'affaire
Hesham Talaat M. Al-Warraq contre République d'Indonésie, n. 81 [ci-après: l'affaire
Al-Warraq]; MOUAWAD/KHOURY, op. cit., p. 258 s.; ABEDIAN/EFTEKHAR, Consent to Investor-State Arbitration in the Second Largest International Investment Protection Agreement: The Correct Interpretive Approach to Article 17 of the OIC Investment Agreement, in Journal of International Arbitration 2018 p. 100; WALID BEN HAMIDA, A Fabulous Discovery: The Arbitration Offer under the Organization of Islamic Cooperation Agreement Related to Investment, in Journal of International Arbitration 2013 p. 653).
Par ailleurs, quoi qu'en dise le recourant, la Cour de céans ne discerne pas de raison pour laquelle le fait que l'ouverture de la procédure arbitrale soit prétendument conditionnée à une tentative préalable de conciliation, fût-elle obligatoire, serait de nature à remettre en cause la qualification retenue de la clause examinée. En effet, la violation d'un mécanisme conventionnel constituant un préalable obligatoire à l'arbitrage, telle la tentative de conciliation, n'implique pas pour autant la remise en cause du principe même de l'arbitrage, en l'occurrence l'arbitrage investisseur-État, non plus que du consentement donné d'avance à l'arbitrage par l'une des parties via la clause d'un traité d'investissement.
11.5.2. Dans la sentence attaquée, le Tribunal arbitral a considéré que la mise en oeuvre de la procédure de conciliation est un préalable obligatoire à l'arbitrage en vertu de l'art. 17 de l'Accord OCI. Cette question est controversée, comme l'illustrent les opinions contrastées émises sur ce point par les tribunaux arbitraux (sentence du 3 avril 2020 dans l'affaire
Itisaluna, n. 190; sentence du 21 juin 2012 dans l'affaire
Al-Warraq, n. 79; cf. aussi: ABDEL WAHAB, op. cit., p. 9 s.; ABEDIAN/EFTEKHAR, op. cit., p. 100 s.; TANNOUS/MAZLOM, Investment Arbitration under the OIC Investment Agreement: The Case for Reform, in BCDR 2022 p. 212 s. et les références citées; BEN HAMIDA, op. cit., p. 654). Elle peut toutefois souffrir de demeurer indécise en l'espèce. En l'effet, selon les constatations du Tribunal arbitral qui lient la Cour de céans, les intimés ont effectué une tentative de conciliation par une notification du 5 avril 2018 adressée au recourant, laquelle est demeurée sans réponse durant sept mois. Le Tribunal arbitral en a déduit que, dans ces circonstances, les intimés n'étaient pas obligés d'entreprendre d'autres démarches du même genre. Cette déduction juridique n'apparaît nullement critiquable. En tout état de cause, le recourant n'y fait pas la moindre allusion dans le passage de son mémoire consacré au problème du consentement à l'arbitrage, ce qui scelle le sort du grief examiné.
12.
Dans la quatrième branche de son grief fondé sur l'art. 190 al. 2 let. b LDIP, le recourant soutient que le Tribunal arbitral s'est déclaré à tort compétent ratione materiae.
12.1. Dans la sentence querellée (n. 393-419), le Tribunal arbitral, statuant à la majorité de ses membres, admet sa compétence pour connaître des prétentions élevées par les demandeurs. À titre liminaire, il retient que les actionnaires de T.________ avaient droit à une compensation à la suite de la nationalisation de T.________ en vertu de l'art. 2 de la Loi de 1970, ladite loi ayant entraîné la liquidation de la société en question. Au décès desdits actionnaires, leurs descendants ont hérité de plein droit de cette prétention.
Le Tribunal arbitral examine ensuite les notions d'"investissement" et de "capital" définies respectivement à l'art. 1 (5) et 1 (4) de l'Accord OCI. Il observe que les parties ne contestent pas le fait que T.________ a été constituée, puis nationalisée, avant l'entrée en vigueur de l'Accord OCI. Il reste à déterminer si un investissement effectué avant l'entrée en vigueur de l'Accord OCI bénéficie de la protection conférée par ce traité. Le Tribunal arbitral répond à cette question par l'affirmative. Pour aboutir à pareille conclusion, il relève, tout d'abord, que l'art. 1 (4) de l'Accord OCI contient une définition large du "capital", sans restriction temporelle, englobant "tous les avoirs" appartenant à un ressortissant de l'une des Parties Contractantes. En outre, il constate que l'art. 12 de l'Accord OCI dispose que l'État hôte est tenu de garantir à l'investisseur "la liberté de disposer de son capital investi". À son avis, l'usage du verbe "investir" au passé ("investi") suggère que la protection offerte par l'Accord OCI est censée s'étendre également au capital employé avant l'entrée en vigueur dudit traité. Même si l'art. 12 de l'Accord OCI n'est pas une disposition de nature juridictionnelle, il serait illogique, selon le Tribunal arbitral, de prévoir une garantie libellée en des termes aussi larges si ledit traité n'incluait pas la protection des investissements réalisés avant l'entrée en vigueur de celui-ci. Se référant à d'autres sentences rendues en matière d'arbitrage d'investissement, le Tribunal arbitral considère que les investissements effectués avant l'entrée en vigueur d'un traité international sont en principe protégés, lorsque celui-ci est muet à ce sujet. Une telle solution ne contrevient pas davantage au principe de la non-rétroactivité des traités ancré à l'art. 28 CV.
Le Tribunal arbitral retient, ensuite, que le droit déduit en justice par les demandeurs se rapporte à un "investissement" au sens de l'art. 1 (5) de l'Accord OCI, car il implique un "emploi du capital dans l'un des domaines autorisés dans le territoire d'une Partie Contractante en vue de réaliser un revenu rémunérateur". Selon le Tribunal arbitral, cette définition fait référence à l'emploi initial des actifs détenus par T.________ avant sa nationalisation, lesquels étaient clairement destinés à être utilisés en vue de réaliser un "revenu rémunérateur" conformément à l'art. 1 (5) de l'Accord OCI. Pour conclure à l'existence d'un "investissement" au sens de l'art. 1 (5) de l'Accord OCI, il n'est dès lors pas nécessaire que le capital soit réemployé postérieurement à l'entrée en vigueur dudit traité ou après un transfert de propriété. Une telle exigence ne ressort pas de l'art. 1 (5) de l'Accord OCI. Elle est également incompatible avec l'art. 12 dudit traité, lequel démontre une volonté claire de protéger le capital investi, même lorsque celui-ci est transféré passivement, notamment par voie successorale. Si seul le capital transféré après l'entrée en vigueur de l'Accord OCI devait être protégé par cet accord, comme le soutient le recourant, cela reviendrait à créer un obstacle purement formel qui pourrait être surmonté en transférant le capital en question à un tiers, avant de le restituer immédiatement à son précédent ayant droit.
Le Tribunal arbitral considère, en outre, que le droit des demandeurs à une indemnisation est le prolongement des investissements réalisés par les actionnaires de T.________ ("the Claimants' right to compensation is a continuation of the T.________ Shareholders' investments."; sentence, n. 412). La notion de "capital" définie à l'art. 1 (4) de l'Accord OCI vise tous les avoirs appartenant aux ressortissants d'une Partie Contractante ainsi que "tous les droits et réclamations qui s'y rapportent". En l'occurrence, la Loi de 1970 obligeait l'État défendeur à dédommager les actionnaires de T.________ en raison de l'expropriation de leurs actifs. Pareil droit repose sur l'investissement initial effectué par les actionnaires de T.________ lors de sa création en 1952. Il est en effet venu se substituer aux actifs que lesdits actionnaires détenaient par le truchement de T.________. Le fait que ce droit à une indemnisation repose sur la Loi de 1970 n'affecte ainsi pas le lien existant entre un tel droit et les investissements initiaux.
Ayant abouti à la conclusion que le droit à indemnisation invoqué par les demandeurs constitue un "investissement" bénéficiant de la protection conférée par l'Accord OCI, le Tribunal arbitral estime que son analyse pourrait s'arrêter là. Par souci de complétude, il souligne toutefois que l'investissement visé par l'art. 1 (5) de l'Accord OCI ne doit pas répondre à d'autres critères objectifs prétendument inhérents à la notion même d'investissement. En tout état de cause, il considère que les exigences en question - à savoir une contribution au développement économique de l'État hôte, une certaine durée et une prise de risque - sont remplies en l'espèce.
12.2. Le recourant rappelle, à titre liminaire, qu'il n'existe aucune définition abstraite de la notion d'investissement et que le sens de ce terme doit, par conséquent, être déterminé par voie d'interprétation selon les règles de la CV.
12.2.1. À l'en croire, comme l'Accord OCI définit séparément les termes "investissement" (art. 1[5]) et "capital" (art. 1[4]), le premier supposant l'emploi du second en vue de réaliser un revenu rémunérateur, force est d'admettre, sur la base d'une interprétation conjointe de ces deux notions, qu'étant donné le caractère dynamique de sa définition, l'"investissement" ne se résume pas à la possession d'un actif entrant dans la définition large de "capital", mais exige en plus que le détenteur de cet actif emploie celui-ci à la réalisation de revenus.
Selon le recourant, le Tribunal arbitral n'a certes pas méconnu en l'espèce cette condition mais il a considéré à tort qu'elle était réalisée. Son erreur serait d'avoir appliqué la condition de l'"emploi du capital" au capital initial des ascendants des demandeurs alors qu'il aurait dû rechercher si l'actif consistant en la prétention en indemnisation que les intimés avaient acquise des investisseurs initiaux par voie d'héritage avait fait l'objet d'un emploi sur le territoire libyen en vue de la réalisation de revenus, ce qui n'était pas le cas.
Contrairement au Tribunal arbitral, le recourant nie du reste qu'il y ait eu continuité juridique entre l'investissement initial, réalisé lors de la création de T.________, et le droit à indemnisation dont se prévalent les demandeurs, s'agissant d'actifs distincts. Il observe, à ce propos, que les intimés et leurs ascendants ont perdu tous les droits de propriété relatifs aux actions de T.________ et obtenu, en contrepartie, sur la base de la Loi de 1970, un droit à indemnisation entièrement nouveau n'ayant qu'un lien factuel avec la société nationalisée. En conséquence, le prétendu droit à indemnisation des demandeurs ne remplirait pas la condition d'"emploi du capital" de l'art. 1 (5) de l'Accord OCI, si bien que les intimés ne pourraient pas se prévaloir d'un investissement protégé par ledit traité.
12.2.2. Interprétant par ailleurs l'expression "conformément aux dispositions de cet Accord" figurant à l'art. 1 (5) de l'Accord OCI, le recourant en déduit que seuls les investissements réalisés après l'entrée en vigueur dudit traité sont protégés par celui-ci. Il y voit un cas d'application du principe de non-rétroactivité des traités ancré à l'art. 28 CV. Ainsi interprétée, la disposition en cause s'opposerait à la reconnaissance d'investissements effectués par les intimés puisque leur droit à indemnisation découlant de la Loi de 1970 est né avant l'entrée en vigueur de l'Accord OCI.
Contrairement au Tribunal arbitral, le recourant ne voit pas dans le terme "investi" tiré de l'art. 12 de l'Accord OCI une possibilité d'échapper à cette conséquence. En effet, cette disposition, qui constitue une clause classique de libre transfert du capital, ne saurait être utilisée, selon lui, pour étendre le champ d'application de l'art. 1 (5) de l'Accord OCI aux investissements ne répondant pas à la condition de postériorité posée par cet article.
12.3. Dans leur réponse, les intimés exposent les raisons pour lesquelles le Tribunal arbitral s'est déclaré, selon eux, à juste titre compétent
ratione materiae. Ils en invoquent quatre, à savoir le fait que l'art. 1 (5) de l'Accord OCI ne contient pas de définition "dynamique" du terme "investissement" (1), ni n'exclut la protection des investissements préexistants (2), le fait que le Tribunal arbitral a considéré à bon droit que le capital initial constituait un investissement suffisant (3) et, enfin la circonstance que le capital détenu par eux au moment de la violation imputée au recourant satisfait de toute manière aux exigences de la disposition citée (4).
Selon les intimés, il est établi, d'après les constatations non contestées du Tribunal arbitral, que:
- les ascendants des intimés détenaient les actions de T.________ jusqu'à la liquidation de cette société en 1970;
- la Loi de 1970, qui a formalisé cette liquidation, a octroyé aux actionnaires de T.________ le droit d'être indemnisés pour les biens nationalisés de ladite société;
- les demandeurs ont hérité de ce droit à une indemnisation des actionnaires décédés de T.________.
Les intimés réfutent la thèse du recourant selon laquelle, vu la prétendue définition "dynamique" du terme investissement au sens de l'art. 1 (5) de l'Accord OCI, il faudrait se demander, dans un premier temps, si l'actif en cause répond à la définition du "capital", puis, dans un second temps, examiner si ce capital a fait l'objet d'un "emploi". À cet égard, ils observent que la définition de l'investissement donnée dans l'Accord OCI n'est pas fondamentalement différente de celle contenue dans de nombreux autres traités. Aussi contestent-ils fermement l'affirmation de leur adversaire selon laquelle, pour être qualifié d'investissement au sens de l'art. 1 (5) de l'Accord OCI, le capital investi devrait nécessairement faire l'objet d'un emploi. Les intimés font remarquer, à ce sujet, que l'emploi du capital ne constitue que l'une des deux possibilités visées par cette clause, la seconde étant le "transfert du capital" vers le territoire d'une Partie Contractante afin de réaliser un revenu rémunérateur. Dans ce contexte, les intimés jugent que le capital transféré contribue au développement du pays d'accueil indépendamment de son emploi subséquent, ce qui est aussi une manière d'atteindre les buts invoqués par le recourant sur la base du préambule de l'Accord OCI (développement économique et social, promotion du niveau de vie des citoyens des États hôtes, etc.).
Les intimés font ensuite valoir que les principes énoncés dans la CV ne soutiennent nullement l'interprétation du recourant selon laquelle l'expression "conformément aux dispositions de cet Accord", figurant à l'art. 1 (5) de l'Accord OCI, apporterait une limitation temporelle à la protection des investissements et en exclurait tous ceux qui ont été effectués avant l'entrée en vigueur de cet accord. Se référant au texte des dispositions pertinentes de l'Accord OCI et au contexte dans lequel elles s'insèrent, en particulier à son art. 12 qui protège la liberté des investisseurs de disposer du "capital investi", ils en déduisent que le capital investi avant l'entrée en vigueur dudit traité est tout autant protégé que celui investi par la suite. Il est, en effet, évident, qu'un investissement ne peut pas être contraire aux dispositions de l'Accord OCI si celui-ci ne s'appliquait pas au moment où il a été effectué. La question est donc plutôt de savoir si l'investissement est conforme aux dispositions de l'Accord OCI au moment où celui-ci devient applicable. Or, selon les intimés, le recourant ne prétend pas que tel ne serait pas le cas.
Les intimés expliquent encore que refuser la protection aux investissements préexistants ne serait pas compatible avec l'objet et le but de l'Accord OCI, qui ne requièrent pas simplement de promouvoir les investissements futurs, mais également d'encourager les investisseurs à maintenir les investissements déjà existants sans les forcer à recourir à des transactions artificielles pour demeurer sous la protection du traité.
Les intimés admettent également, comme le Tribunal arbitral, que le capital initial constituait un investissement suffisant. Ils reconnaissent certes, avec le recourant, que l'investissement initial réalisé et le droit à une indemnisation dont ils se prévalent constituent deux actifs distincts juridiquement parlant. Cela n'enlève toutefois rien au fait que la Loi de 1970, en prévoyant l'indemnisation des actionnaires de T.________, a substitué un actif à un autre, assurant ainsi la continuité entre l'investissement original et le droit à une indemnisation lui ayant été substitué ex lege. Étant donné son origine, cette transformation ne saurait être contestée par le recourant, comme il le fait pourtant, au motif qu'elle ne constituerait pas un "emploi de capital".
Selon les intimés, l'interprétation faite par le recourant permettrait à l'État hôte d'exproprier des investisseurs par étapes afin d'échapper aux conséquences prévues par l'Accord OCI. Ainsi, après avoir exproprié un investissement original et accordé à l'investisseur une indemnité qu'il se serait toutefois abstenu de verser au créancier, l'État débiteur recherché par ce dernier pourrait se défendre en faisant valoir que le droit à une indemnisation formant la base juridique de la prétention impayée ne constitue pas un investissement faute d'avoir été employé dans une opération économique en vue de réaliser des revenus.
Les intimés citent et analysent encore un certain nombre de décisions de tribunaux arbitraux pour en déduire que la tentative du recourant de nier la continuité entre l'investissement et leur droit à une indemnisation se heurte aux opinions des juristes les plus éminemment qualifiés en droit international public.
Enfin, les intimés soutiennent, à titre subsidiaire, que, même s'il fallait admettre, avec le recourant, que le droit à une indemnisation devrait satisfaire lui-même aux exigences de l'art. 1 (5) de l'Accord OCI, cette condition serait remplie, l'emploi du capital consistant alors dans les frais et dépens qu'ils ont dû consentir pour la défense de leurs droits en Libye.
12.4. Le recourant fait valoir, dans sa réplique, que les intimés, contrairement à lui, ne sont pas parvenus à fournir une définition convaincante des termes "emploi du capital" figurant à l'art. 1 (5) de l'Accord OCI, mais se sont bornés à critiquer la sienne. En revanche, à l'instar du Tribunal arbitral, les demandeurs ont soutenu qu'il existerait une continuité entre l'emploi initial de capital par leurs ascendants, via T.________, et le droit à indemnisation créé par la Loi de 1970. Or, selon le recourant, un tel lien est inexistant dans la mesure où ladite loi a entraîné la liquidation de T.________ et, par conséquent, a mis fin à l'emploi du capital initial par les actionnaires de la société liquidée, à savoir les ascendants des intimés, le droit à indemnisation prévu par la loi en question étant autonome à l'égard de cette société.
Le recourant souligne que les intimés soutiennent, en désespoir de cause, que son interprétation de l'art. 1 (5) de l'Accord OCI lui permettrait de violer ledit traité en expropriant un investissement tout en octroyant à l'investisseur un droit à indemnisation, avant de refuser d'honorer sa dette de ce chef. Or, il n'en est rien parce que l'art. 10 par. 2 de l'Accord OCI, qui protège les investisseurs contre une expropriation de leur investissement sans juste compensation, s'applique à cette hypothèse. Pour le recourant, si les intimés n'ont pas invoqué cette disposition dans l'arbitrage, c'est qu'ils avaient conscience du fait que l'expropriation étant survenue avant l'entrée en vigueur de l'Accord OCI, ce dernier ne lui était pas applicable. C'est pour contourner artificiellement cet obstacle qu'ils ont choisi de présenter leur investissement comme étant le droit à indemnisation né de la Loi de 1970, droit qu'ils ont tenté de faire valoir devant les juridictions libyennes, plutôt que l'emploi de capital réalisé par leurs ascendants au moyen de T.________. Ainsi, aux yeux du recourant, cette situation particulière prive de toute pertinence leur références aux affaires
Mondev International Ltd. contre États-Unis d'Amérique (sentence du 11 octobre 2002, CIRDI n. ARB[AF]/99/2) ainsi que
Chevron Corporation (USA) et Texaco Petroleum Corporation contre Équateur (sentence du 1er décembre 2008), qui avaient trait à la question de la subsistance ou non d'un investissement après sa destruction ou son expropriation par l'État.
Le recourant s'oppose également à la tentative des intimés, qualifiée par lui d'absurde, de justifier après coup l'existence d'un investissement par les frais de procédure et les honoraires d'avocat consentis pour faire valoir leur droit à indemnisation devant les juridictions libyennes.
Quant à interpréter l'expression "transfert du capital à cette fin", formant la seconde possibilité d'investissement visée par l'art. 1 (5) de l'Accord OCI, comme le suggèrent les intimés, le recourant écarte cette option, au motif que ladite expression supposerait de démontrer qu'un transfert de capital a été opéré afin que le capital transféré fasse l'objet d'un "emploi... en vue de réaliser un revenu rémunérateur".
Le recourant s'oppose enfin à l'idée qu'un investissement puisse avoir été réalisé avant l'entrée en vigueur de l'Accord OCI, car cette thèse ne serait pas compatible avec l'expression "conformément aux dispositions de cet Accord" utilisée à l'art. 1 (5) de l'Accord OCI. Il en faudrait bien plus, selon lui, pour faire obstacle à la présomption, rappelée par cette expression et fondée sur le principe de non-rétroactivité des traités ancré à l'art. 28 CV, selon laquelle un traité ne s'applique qu'aux investissements effectués après son entrée en vigueur.
12.5. Dans leur duplique, les intimés rappellent que l'Accord OCI ne contient pas d'obligation d'emploi de capital. Ils s'inscrivent également en faux contre l'affirmation du recourant d'après laquelle ils auraient soutenu que l'Accord OCI ne prévoit aucune limite temporelle. Ils ont, au contraire, précisé qu'un investisseur ne peut faire valoir que l'État hôte a violé les standards de protection contenus dans un traité que si cette violation est postérieure au moment où l'investisseur bénéficie de la protection du traité en question. En revanche, ils ont souligné que l'art. 1 (4) de l'Accord OCI contient une définition large de la notion de "capital", à laquelle la définition d'"investissement" donnée par l'art. 1 (5) dudit traité fait référence, et ce effectivement sans limitation temporelle. Selon les intimés, le principe de non-rétroactivité des traités n'entre pas en ligne de compte par le simple fait de répondre, en interprétant le terme "investissement" figurant dans un traité, à la question de savoir si ce traité protège ou non des investissements préexistants. Au reste, au considérant 6.4 de son arrêt 4A_461/2019 du 2 novembre 2020, le Tribunal fédéral aurait déjà jugé que la protection sur la base d'un traité n'est pas limitée à des investissements effectués après l'entrée en vigueur du traité concerné.
12.6.
12.6.1. Il convient d'examiner, en premier lieu, si les investissements réalisés avant l'entrée en vigueur de l'Accord OCI peuvent bénéficier de la protection conférée par ledit traité.
En l'occurrence, le Tribunal arbitral a répondu à cette question par l'affirmative. Il a tiré cette conclusion en tenant compte du fait que l'art. 1 (4) de l'Accord OCI définit largement le " capital ", sans aucune limitation temporelle. Il a aussi pris en considération la circonstance selon laquelle l'art. 12 dudit traité garantit à l'investisseur la liberté de disposer de son " capital investi ", l'usage de ce verbe au participe passé suggérant que les Parties Contractantes avaient souhaité étendre cette garantie au capital ayant été investi avant l'entrée en vigueur de l'Accord OCI. La Cour de céans considère que la solution retenue par le Tribunal arbitral résiste aux critiques dont elle est la cible de la part du recourant. Elle admet, avec les intimés, que l'interprétation retenue par le Tribunal arbitral ne contrevient pas à l'art. 28 CV. Elle souligne également que plusieurs tribunaux arbitraux et divers auteurs ont estimé qu'un traité d'investissement n'excluant pas clairement les investissements effectués avant son entrée en vigueur est censé les inclure dans son champ d'application (sentence du 10 décembre 2008 dans l'affaire
Nordzucker AG contre République de Pologne, p. 37: " Thus, the fact that an investment which is made prior to the entry into force of the BIT is protected by that BIT appears to be the rule and an express statement in a BIT that it applies to investments made both prior and subsequent to the coming into force of the Treaty... is not requested to achieve that result. "; sentence du 31 mars 2003 dans la cause CIRDI n. ARB/01/1,
Yaung Chi Oo Trading Pte Ltd. contre Myanmar, n. 69-71; MCLACHLAN ET AL., International Investment Arbitration: Substantive Principles, 2e éd. 2017, p. 232; ZACHARY DOUGLAS, The International Law of Investment Claims, 2010, n. 632 et 637; DOLZER ET AL., Principles of International Investment Law, 3e éd. 2022, p. 50).
Le Tribunal fédéral observe que le recourant fait grand cas du dernier membre de phrase de l'art. 1 (5) de l'Accord OCI selon lequel les investissements doivent être réalisés "conformément aux dispositions de cet Accord". L'intéressé y voit une précision lourde de conséquence en ce qu'elle apporterait une "limitation temporelle à l'existence d'un investissement au sens de l'Accord et n'inclurait dans cette notion que les investissements réalisés après l'entrée en vigueur de celui-ci". La Cour de céans ne partage pas cet avis. Elle estime que le recourant sollicite le texte de la disposition citée par le fait d'en tirer pareille déduction. Aussi bien, dans le langage ordinaire déjà, dire qu'une chose doit être conforme à un règlement ne comporte a priori aucune connotation temporelle, tant il est vrai que l'examen d'un état de fait préexistant, effectué postérieurement à l'entrée en vigueur du règlement, peut entraîner la constatation que cet état de fait remplit ou non cette condition de conformité, nonobstant son antériorité. Si, par exemple, un règlement exige qu'un policier ait une taille minimale, le candidat à cette fonction qui n'atteindrait pas la limite prescrite ne pourrait réclamer qu'on ne lui applique pas cette condition du seul fait qu'il est né avant l'entrée en force dudit règlement.
Au vu de ce qui précède, le recourant ne saurait être suivi, lorsqu'il prétend que l'Accord OCI ne protégerait que les investissements réalisés après l'entrée en vigueur de celui-ci.
12.6.2. Il reste encore à examiner si l'on a affaire en l'espèce à un investissement bénéficiant de la protection conférée par l'Accord OCI.
À titre liminaire, il sied de rappeler qu'il n'existe, à ce jour, aucune définition abstraite, définitive et unanimement acceptée de la notion d'investissement dans les traités internationaux à caractère bilatéral ou multilatéral relatifs à la protection et à la promotion des investissements. Les tribunaux arbitraux, eux aussi, n'ont pas tous la même approche de ladite notion. L'investissement n'a du reste pas nécessairement la même signification sous l'angle du droit et sous celui de l'économie. Qui plus est, sa définition juridique varie d'un tribunal arbitral à l'autre, sans parler des multiples opinions doctrinales professées à son sujet (arrêts 4A_65/2018, précité, consid. 3.2.1.2.3 et les références citées). Il convient donc de privilégier une approche pragmatique de la question et, à partir du texte du traité examiné, interpréter cette notion de bonne foi suivant le sens ordinaire des termes pertinents considérés dans leur contexte ainsi qu'à la lumière de l'objet et du but du traité en question (arrêt 4A_65/2018, précité, consid. 3.2.1.2.3 et les références citées).
En l'occurrence, force est d'emblée de relever que la rédaction de l'Accord OCI laisse beaucoup à désirer, raison pour laquelle l'interprétation de nombre de ses dispositions, en particulier celles définissant le "capital" et l'"investissement", peut susciter d'intenses controverses. Cela étant, la Cour de céans juge convaincantes les considérations émises par le Tribunal arbitral afin de justifier l'admission de sa compétence
ratione materiae, tout comme la démonstration des intimés de ce que l'on a affaire en l'espèce à un investissement bénéficiant de la protection conférée par l'Accord OCI. À l'instar du Tribunal arbitral, elle considère en particulier que les éléments pertinents, pour décider ici de l'existence d'un "investissement" au sens de l'art. 1 (5) de l'Accord OCI, résident dans la manière dont la société T.________ a employé, à l'origine, sur le territoire libyen, le capital que lui avaient fourni les ascendants des intimés et le point de savoir si l'utilisation de ce capital tendait à l'obtention d'un revenu rémunératoire, ce qui est incontestable. Le Tribunal arbitral a également vu, à juste titre, dans le droit à indemnisation dont les intimés ont hérité, un prolongement des investissements effectués par les actionnaires de T.________.
Selon le Tribunal fédéral, c'est dès lors en pure perte que le recourant insiste sur la prétendue nécessité de distinguer entre la définition "dynamique" et la définition "statique" de l'investissement. Le recourant ne peut d'ailleurs pas être suivi lorsqu'il soutient que l'existence d'un investissement au sens de l'art. 1 (5) de l'Accord devrait être niée, au motif que les demandeurs n'ont pas employé eux-mêmes de capital sur le territoire libyen en vue de réaliser un revenu rémunérateur. On ne saurait en effet déduire de l'interprétation de l'Accord OCI l'exigence d'un remploi du capital, c'est-à-dire d'un réinvestissement, à la suite d'un transfert de propriété. Si l'on comprend bien le recourant, les héritiers des investisseurs originaires expropriés auraient dû réutiliser en Libye les droits acquis de leurs ascendants et contribuer de la sorte à la bonne marche de l'économie de ce pays par cette forme de réinvestissement. La Cour de céans ne voit cependant pas que l'on puisse (ré) investir un droit de réclamer une indemnisation et encore moins comment justifier de conditionner à pareille démarche la possibilité de bénéficier de la protection conférée par l'Accord OCI.
En l'occurrence, les ascendants des intimés ont perdu leurs biens à la suite de l'expropriation d'une société créée par eux en Libye. En contrepartie, l'État libyen leur a promis dans une loi spécifique de les indemniser par la remise de bons du trésor, une fois établi le montant des avoirs nationalisés. Leur prétention envers cet État s'est substituée à l'investissement originel. Quoi que soutienne le recourant, il existait un lien, sinon juridique, du moins organique ou de connexité, entre les deux éléments. Lorsque les ascendants des intimés sont décédés, ces derniers ont hérité de ce droit à indemnisation remplaçant l'investissement initial effectué. Comme l'Accord OCI s'applique aussi aux investissements effectués avant son entrée en vigueur, ledit traité protégeait également ce droit transmis
ex lege aux héritiers des premiers investisseurs. Aussi, à partir de 2005 (année de l'entrée en vigueur de l'Accord OCI au Liban) en tout cas, les demandeurs pouvaient-ils se prévaloir de la violation, par le recourant, des dispositions de l'Accord OCI imposant certains devoirs à l'État d'accueil en vue de protéger ce droit. Ils l'ont fait en initiant une procédure arbitrale contre le recourant en 2018. Dans ces circonstances singulières, la Cour de céans estime que le Tribunal arbitral a admis à bon droit sa compétence
ratione materiae.
13.
Dans la cinquième et dernière branche du grief d'incompétence, le recourant reproche au Tribunal arbitral d'avoir admis sa compétence
ratione personae à l'égard des intimés.
13.1. Dans la sentence entreprise (n. 447-463), le Tribunal arbitral se penche sur la notion d'"investisseur" définie à l'art. 1 (6) de l'Accord OCI. Selon cette définition, l'investisseur doit remplir deux conditions: il doit détenir la nationalité d'une Partie Contractante (i) et "posséd[er] un capital qu'[il] investi[t] dans le territoire d'une autre Partie Contractante" (ii). Il n'est pas contesté que les demandeurs sont des ressortissants libanais et jordaniens et qu'ils possédaient déjà cette nationalité lors de l'introduction de la procédure arbitrage, raison pour laquelle la première condition est satisfaite. Se référant notamment à l'objet et au but de l'Accord OCI, le Tribunal arbitral considère, s'agissant de la seconde exigence, que le capital investi demeure protégé, même en cas de changement de propriétaire, y compris lorsque le capital en question est transféré à des héritiers. Autrement dit, pour le Tribunal arbitral, qui se réfère une nouvelle fois à l'art. 12 de l'Accord OCI, le nouveau détenteur du capital investi n'est pas tenu d'avoir lui-même participé activement aux opérations économiques ayant conduit à l'investissement. Le Tribunal arbitral souligne que son interprétation de l'article 1 (6) de l'Accord OCI correspond à la conclusion qu'il a tirée sur la base de l'art. 1 (5) dudit traité selon laquelle un "investissement" inclut "tous les droits et réclamations" qui se rapportent au capital même lorsque celui-ci n'a pas été activement employé par l'investisseur. Ainsi, il n'est pas nécessaire que la partie qui détient actuellement l'investissement ait été directement impliquée dans l'emploi initial du capital afin de pouvoir bénéficier de la protection conférée par l'Accord OCI. Aucune participation active ou personnelle de l'investisseur n'est dès lors requise, solution qui, selon le Tribunal arbitral, correspond à l'objet et au but du traité concerné.
Selon le Tribunal arbitral, toute interprétation de l'article 1 (6) de l'Accord OCI d'après laquelle un investisseur devrait être activement impliqué dans les opérations économiques sous-jacentes à l'investissement aurait pour effet de limiter la protection offerte par ledit traité au détenteur initial de l'investissement. Partant, les futurs acquéreurs du capital investi ne bénéficieraient d'aucune protection, ce qui serait incompatible avec l'objectif énoncé dans le préambule de l'Accord OCI qui est de promouvoir un climat propice aux investissements. S'il reconnaît certes que la simple "détention passive" d'actifs a parfois été jugée insuffisante dans d'autres affaires pour admettre l'existence d'un investissement, le Tribunal arbitral souligne que la présente espèce est différente.
Pour les mêmes raisons qui l'ont amené à écarter l'objection d'incompétence
ratione materiae, le Tribunal arbitral estime, à la majorité de ses membres, que les demandeurs revêtent la qualité d'investisseur au sens de l'art. 1 (6) de l'Accord OCI, quand bien même l'investissement formant la base de leur demande a été réalisé avant l'entrée en vigueur dudit traité.
Poursuivant son analyse, le Tribunal arbitral considère que l'investissement des demandeurs présente un lien suffisant avec le territoire libyen. Cela vaut non seulement pour l'investissement initial effectué par les actionnaires de T.________, mais aussi pour le droit à indemnisation consécutif à la nationalisation de ladite société, droit dont les demandeurs ont hérité.
13.2. Le recourant fait valoir que le Tribunal arbitral aurait dû dénier aux demandeurs la qualité d'"investisseurs" au sens de l'art. 1 (6) de l'Accord OCI, faute pour eux d'avoir effectué un investissement actif comme l'exige cette disposition en utilisant les termes "possédant un capital qu'elle investi[t]". Pareille exigence résulterait d'ailleurs tant du texte de ladite clause que d'autres dispositions de l'Accord OCI, en particulier l'art. 8 dudit traité qui se réfère aux investisseurs ayant "engagé leurs investissements". À cet égard, le recourant conteste la thèse du Tribunal arbitral, basée sur l'objet et le but de l'Accord OCI tels que reflétés dans son préambule, selon laquelle il conviendrait d'empêcher que l'accès audit traité soit interdit à des personnes ayant hérité d'un actif, tels les intimés. Pour lui, il est en effet normal que l'Accord OCI restreigne la définition du terme "investisseur" aux seuls investisseurs actifs, puisque ceux-ci emploient du capital en vue de générer des revenus, mais qu'il ne protège pas les personnes ayant hérité d'un droit à indemnisation lié à une nationalisation survenue plusieurs décennies avant l'entrée en vigueur de l'Accord OCI.
Le recourant considère, en outre, que le Tribunal arbitral a accordé à tort du poids à la mention, faite à l'art. 12 de l'Accord OCI, selon laquelle les investissements cédés peuvent continuer à bénéficier de la protection offerte par ledit traité en cas de cession de l'investissement, sous réserve d'un accord de l'État hôte à la cession, condition qui ne serait quoi qu'il en soit pas réalisée en l'occurrence.
13.3. Les intimés rappellent que le Tribunal arbitral a considéré que l'art. 1 (6) de l'Accord OCI n'impose pas d'autres exigences que la nationalité de l'investisseur, l'existence d'un investissement et le pays dans lequel cet investissement peut être effectué, conditions réalisées par eux. Ils s'opposent dès lors à la tentative du recourant d'ajouter une exigence supplémentaire à l'art. 1 (6) de l'Accord OCI en déduisant du terme "investi[t]", y figurant, la nécessité d'une "action spécifique" de la part de l'investisseur, lequel devrait être "activement impliqué dans les opérations économiques qui sous-tendent l'investissement". Pour eux, ce verbe-là ne justifie pas semblable déduction, que le Tribunal fédéral a d'ailleurs écartée dans une affaire comparable (arrêt 4A_306/2019 du 25 mars 2020 consid. 3.4.2.7 [publié in ATF 146 III 142]).
Les intimés observent que leur adversaire voit encore une justification du bien-fondé de son interprétation dans l'usage répété de l'expression "capital investi" aux art. 1 (3), 2 et 12 de l'Accord OCI, qui révélerait prétendument le rôle actif que doivent jouer les investisseurs, ainsi qu'à l'art. 8 dudit traité qui serait encore plus explicite à cet égard. Ils rétorquent que les dispositions auxquelles se réfère le recourant contiennent des formulations passives n'impliquant aucunement un tel rôle et que l'art. 8 de l'Accord OCI, qui définit la clause NPF sans même utiliser le mot "investi", n'est d'aucun soutien à la thèse de l'intéressé.
Les intimés rappellent encore que l'art. 12 de l'Accord OCI prévoit, en substance, que le capital investi reste protégé nonobstant son transfert à un tiers, à la condition que ce dernier relève d'un "État Contractant" et que le pays hôte ait donné son accord préalable. Le Tribunal arbitral y a vu une incompatibilité avec l'affirmation du recourant selon laquelle un investisseur devrait être activement impliqué dans les opérations économiques menant à l'investissement, étant donné que celui qui obtient un investissement par un transfert du capital investi n'aura précisément pas été actif dans la création originale de l'investissement. Les intimés font remarquer au recourant, lequel soutient que l'art. 12 de l'Accord OCI présuppose une "vente" qui implique généralement l'emploi par le nouvel investisseur du capital acquis, que l'art. 12 dudit traité ne se limite pas à la vente, mais englobe tout acte de disposition volontaire de la part de l'investisseur initial, autrement dit même les opérations qui, à l'instar de la donation, ne demandent aucune participation du bénéficiaire du transfert.
Les intimés ne voient pas non plus pourquoi une personne ayant hérité d'un investissement ne pourrait pas être protégée par l'Accord OCI, si l'on admet que l'un des buts de ce traité est de maintenir les investissements existants. En juger autrement reviendrait, selon eux, à encourager les détenteurs d'investissements se voyant refuser la protection de l'Accord OCI, soit à ne pas les maintenir, soit à contourner l'interdiction en recourant à des transactions artificielles.
13.4. Dans sa réplique, le recourant insiste sur le fait qu'en interprétant l'Accord OCI conformément à la CV et non pas à l'aide d'éléments extrinsèques, il est arrivé à la conclusion qu'un investisseur doit avoir effectué l'action d'investir pour bénéficier de la protection conférée par l'Accord OCI, ce qui n'a pas été le cas des intimés à son avis. Il ajoute que les conditions d'application de l'art. 12 de l'Accord OCI, en soi applicable aux cas de successions universelles, ne sont pas réalisées en l'espèce parce que le nouvel investisseur ne peut pas se contenter, comme les intimés, de conserver l'actif transféré, une fois le transfert opéré, mais doit l'employer en vue d'obtenir un revenu s'il souhaite conserver la qualité d'investisseur au sens de l'Accord OCI. Qui plus est, la validité d'un tel transfert est subordonnée à un "accord préalable du pays hôte". Or, les intimés ne nient pas n'avoir jamais reçu du recourant le moindre accord préalable au transfert par leurs ascendants du droit à indemnisation dont ils réclament l'application.
13.5. Les intimés soulignent, dans leur duplique, que le cas présent ne se distingue pas de la situation dont le Tribunal fédéral a eu à connaître dans la cause 4A_306/2019, contrairement à ce soutient leur adversaire. Ils font en outre valoir que l'argument en lien avec l'art. 12 de l'Accord OCI a été soulevé pour la première fois au stade de la réplique et qu'il est dès lors irrecevable. En tout état de cause, ils font remarquer que la suggestion du recourant d'appliquer la condition d'un "accord préalable" à une succession universelle causée par le décès des ayants droit est absurde, puisque même un État ne peut raisonnablement exiger qu'un investisseur lui demande sa permission avant de décéder.
13.6. Il est constant, et d'ailleurs incontesté, que les intimés, en leur qualité de ressortissants jordaniens et libanais, étaient, au jour de l'introduction de la procédurale arbitrale, le 20 novembre 2018, des personnes physiques appartenant à une Partie Contractante liée par l'Accord OCI. Les demandeurs remplissaient donc la première des deux conditions cumulatives fixées par l'art. 1 (6) de l'Accord OCI.
Le recourant conteste que l'on puisse tirer la même conclusion en ce qui concerne la seconde condition. Il le fait toutefois pour des motifs qui se recoupent, dans une très large mesure, avec ceux qu'il a invoqués à propos de la notion d'" investissement " au sens de l'art. 1 (5) de l'Accord OCI et, singulièrement, en raison de la prétendue exigence d'un emploi
actif, par les héritiers des premiers investisseurs, du capital que ces derniers leur avaient transféré à leur décès. Or, ces motifs ont été écartés plus haut lors de l'examen de la compétence
ratione materiae (cf. consid. 12.6.2). La Cour de céans estime qu'il doit en aller de même ici dans la mesure où ils se rapportent à la notion d'investisseur, étant donné que les exceptions d'incompétence
ratione materiaeet
ratione personae sont en l'occurrence intimement liées.
En tout état de cause, le Tribunal fédéral observe que l'intéressé fonde essentiellement son argumentation sur la lettre de certaines dispositions de l'Accord OCI, en voyant, en particulier, dans la tournure "possédant un capital qu'elle investi[t]", utilisée à l'art. 1 (6) dudit traité, un élément décisif au soutien de la thèse qu'il défend. Or, contrairement à ce que prétend le recourant, la Cour de céans ne considère pas que les dispositions en question refléteraient l'intention des Parties Contractantes de n'inclure dans la sphère de protection de |'Accord OCI que les investisseurs ayant activement réalisé un investissement. Dans un arrêt du 25 mars 2020 relatif à une affaire opposant une société espagnole à la République bolivarienne du Venezuela (cause 4A_306/2019), le Tribunal fédéral a du reste exposé ce qui suit:
"Rien ne permet de déduire de la formule "investis par des investisseurs" l'exigence d'un investissement actif devant impérativement avoir été effectué par l'investisseur lui-même en échange d'une contre-prestation. Bien au contraire, le TBI ne contient pas d'exigences allant au-delà de la détention par un investisseur d'une partie contractante d'actifs sur le territoire de l'autre partie contractante." (consid. 3.2.4.7 publié in ATF 146 III 142).
Bien que le recourant soutienne le contraire, la Cour de céans ne discerne pas de raison qui justifierait de retenir la solution inverse dans la présente espèce. Par conséquent, il y a lieu d'admettre que le Tribunal arbitral s'est reconnu à juste titre compétent
rationae personae.
Il suit de là que le grief d'incompétence doit être écarté dans toutes ses branches.
14.
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté. Le recourant, qui succombe, devra payer les frais de la procédure fédérale dont le montant arrêté tient aussi compte de l'ampleur considérable du travail qu'a nécessité le traitement de cette affaire complexe (art. 65 al. 2 et 66 al. 1 LTF). Il devra en outre verser des dépens aux intimés, créanciers solidaires de l'indemnité qui leur est due à ce titre ( art. 68 al. 1 et 2 LTF ). Ladite indemnité sera prélevée sur les sûretés fournies par le recourant.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 145'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Le recourant versera aux intimés, créanciers solidaires, une indemnité de 190'000 fr. à titre de dépens. Cette indemnité sera prélevée sur les sûretés déposées à la Caisse du Tribunal fédéral.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et au Tribunal arbitral avec siège à Genève.
Lausanne, le 3 juin 2025
Au nom de la I re Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Hurni
Le Greffier : O. Carruzzo