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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
6B_193/2018  
 
 
Arrêt du 3 juillet 2018  
 
Cour de droit pénal  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Denys, Président, Oberholzer et Pont Veuthey, Juge suppléante. 
Greffier : M. Dyens. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par Me Olivier Peter, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
Ministère public de la République et canton de Genève, 
intimé. 
 
Objet 
Ordonnance de non-entrée en matière (viol, contrainte sexuelle); in dubio pro duriore; obligation de mener une enquête effective, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours, du 16 janvier 2018 (ACPR/29/2018 P/3243/2017). 
 
 
Faits :  
 
A.   
Par ordonnance du 15 novembre 2017, le Ministère public de la République et canton de Genève a décidé de ne pas entrer en matière sur la plainte pénale déposée par A.________ le 21 novembre 2017 contre X.________. 
 
B.   
Statuant sur recours d'A.________ à l'encontre de l'ordonnance précitée, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève l'a rejeté par arrêt du 16 janvier 2018. 
Les faits exposés par A.________, ressortissante tunisienne née en 1983, sont en substance les suivants. La prénommée a déposé plainte pénale contre X.________ pour viol et contrainte sexuelle. Elle travaillait comme femme de ménage au sein de la B.________ et résidait dans une chambre au 6 ème étage d'un immeuble dont la conciergerie était assurée par X.________. Ce dernier disposait, en cette qualité, des clés de sa chambre.  
Selon les déclarations d'A.________, X.________ a, au mois de mars 2016, ouvert la porte de la chambre d'A.________ alors qu'elle regardait la télévision. Elle avait eu très peur. Il sentait fort l'alcool et lui a demandé de ne pas parler. Toujours selon A.________, il l'a déshabillée avant de se déshabiller à son tour et l'a poussée sur le canapé. Il a touché ses parties génitales avec ses mains. Elle lui a demandé de cesser mais il l'a pénétrée vaginalement avec son pénis. Elle ne se souvient plus s'il a éjaculé. Il s'est rhabillé et lui a demandé de garder le silence. Elle a déclaré avoir parlé de cet épisode " au bureau " et " Madame " avait été très fâchée. Durant le même mois, X.________ est revenu à trois reprises dans sa chambre en adoptant le même comportement. 
A.________ est tombée enceinte à la suite de ces viols. Au quatrième mois de grossesse, elle est allé voir X.________ afin de le lui annoncer et lui demander de l'argent pour nourrir et habiller leur futur enfant. X.________ n'a rien voulu savoir et a refusé de l'aider. Elle a accouché d'un garçon en janvier 2017. Selon ses dires, elle n'a pas déposé plainte plus tôt car elle avait peur et ne connaissait pas le système judiciaire suisse. 
Entendu le 14 mars 2017 par la police en qualité de prévenu, X.________ a contesté les faits qui lui sont reprochés. Il a reconnu avoir eu une relation intime avec A.________ pendant quelque temps. Ils se voyaient quand ils pouvaient, soit trois à quatre fois dans le mois, car ils avaient tous les deux des horaires contraignants. Il l'avait connue à travers sa tante " C.________ ", qui travaillait avec lui à l'ambassade. Leurs rapports se limitaient à des " frottis " jusqu'à l'éjaculation avec un préservatif entre les cuisses d'A.________. Il n'y avait jamais eu de pénétration, sauf un seul épisode, le 15 juillet 2016, où il n'avait pas mis de préservatif et avait éjaculé entre ses cuisses. Lorsqu'il avait appris qu'elle était enceinte, il avait proposé, par l'intermédiaire d'" C.________ ", de faire un test ADN, mais, selon ses dires, celui-ci avait été refusé par A.________ et sa famille. 
 
C.   
A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt de la Chambre pénale de recours du 21 novembre 2017. Elle conclut, principalement, au constat d'une violation de l'obligation de procéder à une enquête effective découlant des art. 3 et 8 CEDH, à l'annulation de l'arrêt entrepris et de l'ordonnance de non entrée en matière et au renvoi de la cause au Ministère public afin qu'il instruise les faits objets de la procédure. Subsidiairement, elle conclut à l'annulation de l'arrêt querellé et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Elle sollicite également l'octroi de l'assistance judiciaire. 
 
D.   
Invités à se déterminer, la cour cantonale s'est référée aux considérants de son arrêt, tandis que le ministère public a conclu au rejet du recours. A.________ a renoncé à répliquer. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 142 IV 196 consid. 1 p. 197). 
Selon l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 5 LTF, la partie plaignante qui a participé à la procédure de dernière instance cantonale est habilitée à recourir au Tribunal fédéral, si la décision attaquée peut avoir des effets sur le jugement de ses prétentions civiles. Constituent de telles prétentions celles qui sont fondées sur le droit civil et doivent en conséquence être déduites ordinairement devant les tribunaux civils. Il s'agit principalement des prétentions en réparation du dommage et du tort moral au sens des art. 41 ss CO (ATF 141 IV 1 consid. 1.1 p. 4). 
Selon l'art. 42 al. 1 LTF, il incombe au recourant d'alléguer les faits qu'il considère comme propres à fonder sa qualité pour recourir. Lorsque le recours est dirigé contre une décision de non-entrée en matière ou de classement de l'action pénale, la partie plaignante n'a pas nécessairement déjà pris des conclusions civiles. Quand bien même la partie plaignante aurait déjà déclaré des conclusions civiles (cf. art. 119 al. 2 let. b CPP), il n'en reste pas moins que le procureur qui refuse d'entrer en matière ou prononce un classement n'a pas à statuer sur l'aspect civil (cf. art. 320 al. 3 CPP). Dans tous les cas, il incombe par conséquent à la partie plaignante d'expliquer dans son mémoire au Tribunal fédéral quelles prétentions civiles elle entend faire valoir contre l'intimé. Comme il n'appartient pas à la partie plaignante de se substituer au ministère public ou d'assouvir une soif de vengeance, la jurisprudence entend se montrer restrictive et stricte, de sorte que le Tribunal fédéral n'entre en matière que s'il ressort de façon suffisamment précise de la motivation du recours que les conditions précitées sont réalisées, à moins que l'on puisse le déduire directement et sans ambiguïté compte tenu notamment de la nature de l'infraction alléguée (ATF 141 IV 1 consid. 1.1 p. 4 s. et les arrêts cités). 
En l'espèce, les infractions dénoncées, à savoir des viols et des actes de contraintes sexuelles, constituent de graves infractions contre l'intégrité sexuelle, qui sont susceptibles de fonder des prétentions en réparation d'un tort moral. La nature des infractions alléguées par la recourante permet par conséquent d'admettre sa qualité pour recourir. 
 
2.   
Par son conseil, la recourante se plaint d'une appréciation arbitraire des faits et reproche à la cour cantonale d'avoir omis de prendre en compte la situation de fragilité (importante surdité, retard mental, analphabétisme) et de précarité qui est la sienne. Elle se plaint en outre d'une violation du principe " in dubio pro duriore " et d'une violation de l'obligation de mener une enquête effective, qu'elle fonde sur les art. 3 et 8 CEDH
 
2.1. Conformément à l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis. Selon la jurisprudence, cette disposition doit être appliquée conformément à l'adage " in dubio pro duriore " (arrêt 6B_1456/2017 du 14 mai 2018 consid. 4.1 et les références citées). Celui-ci découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et 2 al. 1 CPP en relation avec les art. 309 al. 1, 319 al. 1 et 324 CPP; ATF 138 IV 86 consid. 4.2 p. 91) et signifie qu'en principe, un classement ou une non-entrée en matière ne peuvent être prononcés par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un pouvoir d'appréciation que le Tribunal fédéral revoit avec retenue. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave. En effet, en cas de doute s'agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de se prononcer (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1 p. 243; 138 IV 86 consid. 4.1.2 p. 91 et les références citées).  
Dans les procédures où l'accusation repose essentiellement sur les déclarations de la victime, auxquelles s'opposent celles du prévenu et lorsqu'il n'est pas possible d'estimer que certaines dépositions sont plus crédibles que d'autres, le principe " in dubio pro duriore " impose en règle générale, au stade de la clôture de l'instruction, que le prévenu soit mis en accusation (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.2 p. 243 et les arrêts cités; arrêt 6B_1177/2017 du 16 avril 2018 consid. 2.1). En amont, une telle configuration exclut aussi, en principe, une décision de non-entrée en matière. Cela vaut en particulier lorsqu'il s'agit de délits commis typiquement " entre quatre yeux " pour lesquels il n'existe souvent aucune preuve objective. Il peut toutefois être renoncé à une mise en accusation lorsque la partie plaignante fait des dépositions contradictoires, rendant ses accusations moins crédibles ou encore lorsqu'une condamnation apparaît au vu de l'ensemble des circonstances a priori improbable pour d'autres motifs (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.2 p. 243; arrêt 6B_874/2017 du 18 avril 2018 consid. 5.1). Suivant les circonstances, les mêmes motifs peuvent aussi permettre, en particulier si la crédibilité de la partie plaignante est d'emblée remise en question par des éléments manifestement probants, de rendre une décision de non-entrée en matière. 
 
2.2. En l'espèce, la cour cantonale relève à juste titre que la parole de la recourante s'oppose à celle de l'intimé, s'agissant d'agressions sexuelles alléguées qui se seraient déroulées à huis clos, en l'absence de témoins directs susceptibles de corroborer l'une ou l'autre version. La cour cantonale évoque, compte tenu de cette configuration, la nécessité, de se fonder sur la constance et la crédibilité des déclarations des parties, d'une part, et, d'autre part, sur les circonstances ayant entourés les faits dénoncés.  
Ce faisant et compte tenu de la jurisprudence précitée, la cour cantonale met elle-même en exergue la nécessité de clarifier les circonstances du cas d'espèce et d'instruire la présente cause. Ce constat s'impose dès lors que l'arrêt querellé ne pointe aucun élément qui permettrait sans équivoque, au stade initial de la procédure et en l'absence d'instruction, de dénier tout crédit aux déclarations de la recourante ou même de leur conférer un crédit moindre qu'à celles de l'intimé. Dans ces circonstances, les juges précédents ne pouvaient admettre que les conditions d'une non-entrée en matière, telles que rappelées plus haut, étaient remplies. Le grief qu'articule la recourante sous l'angle du principe " in dubio pro duriore " s'avère par conséquent fondé. Le recours doit dès lors être admis et la cause renvoyée à l'autorité inférieure afin qu'elle ordonne l'ouverture d'une instruction. 
 
3.   
Compte tenu de ce qui précède, le grief d'arbitraire dans l'établissement des faits soulevé par la recourante se trouve à ce stade privé d'objet, puisqu'une instruction doit être ouverte. Il en va de même du grief qu'elle soulève en se prévalant des art. 3 et 8 CEDH
 
4.   
La recourante obtient gain de cause. Elle ne supportera pas de frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Elle peut prétendre à de pleins dépens (art. 68 al. 1 LTF). Cela rend sans objet sa demande d'assistance judiciaire. X.________ n'a pas été invité à se déterminer devant le Tribunal fédéral. Son droit d'être entendu sera suffisamment respecté dans le cadre du renvoi. 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision. 
 
2.   
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
3.   
Le canton de Genève versera au conseil de la recourante une indemnité de 3'000 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours. 
 
 
Lausanne, le 3 juillet 2018 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Denys 
 
Le Greffier : Dyens