Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
6B_1231/2021
Arrêt du 4 janvier 2022
Cour de droit pénal
Composition
M. et Mmes les Juges fédéraux Denys, Juge présidant, van de Graaf et Koch.
Greffière : Mme Kistler Vianin.
Participants à la procédure
A.________,
recourant,
contre
Ministère public de la République
et canton de Neuchâtel,
passage de la Bonne-Fontaine 41,
2300 La Chaux-de-Fonds,
intimé.
Objet
Ordonnance de classement (escroquerie, etc.),
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, Autorité de recours en matière pénale, du 14 septembre 2021 (ARMP.2021.97/sk).
Faits :
A.
Par ordonnance du 29 juillet 2021, le Ministère public neuchâtelois a classé la procédure pénale dirigée contre A.________ pour infractions aux art. 146 et 148a CP ainsi qu'à l'art. 73 de la loi neuchâteloise sur l'action sociale (LASoc; RSN 831.0) et mis les frais de la procédure à la charge de l'intéressé, par 830 francs.
B.
Par arrêt du 14 septembre 2021, l'Autorité de recours en matière pénale du Tribunal cantonal neuchâtelois a rejeté le recours formé par A.________ et confirmé l'ordonnance de classement, par substitution de motifs.
C.
Contre ce dernier arrêt cantonal, A.________ dépose un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral. En particulier, il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué " prononcé à charge en contradiction de l'ordonnance de classement ", à l'annulation " des frais de procédure à la charge du recourant de CHF 830 prononcée dans l'ordonnance de classement ", à la " rectification au sens de l'art. 98 CPP des notifications non conformes à l' art. 321 al. 1 let. a et b CPP dans l'ordonnance de classement ", ainsi qu'à l'octroi d'une indemnité au sens de l'art. 429 CPP de 3'000 fr. pour la réparation du tort moral et pour les dépenses occasionnées par la procédure pénale et les recours incidents. En outre, il sollicite l'assistance judiciaire.
Considérant en droit :
1.
Le recours est dirigé contre une décision de classer la procédure, prise par une autorité de dernière instance cantonale, mettant toutefois les frais de première instance à la charge du recourant. Dans cette mesure, celui-ci dispose d'un intérêt juridique à l'annulation de la décision et, partant, de la qualité pour recourir.
2.
Le recourant conteste la mise à sa charge des frais de l'ordonnance de classement.
2.1. Selon l'art. 426 al. 2 CPP, lorsque la procédure fait l'objet d'une ordonnance de classement ou que le prévenu est acquitté, tout ou partie des frais de procédure peuvent être mis à sa charge s'il a, de manière illicite et fautive, provoqué l'ouverture de la procédure ou rendu plus difficile la conduite de celle-ci.
La condamnation d'un prévenu acquitté à supporter tout ou partie des frais doit respecter la présomption d'innocence (art. 32 al. 1 Cst. et 6 § 2 CEDH), qui interdit de rendre une décision défavorable au prévenu libéré en laissant entendre que ce dernier serait néanmoins coupable des infractions qui lui étaient reprochées. Une condamnation aux frais n'est ainsi admissible que si le prévenu a provoqué l'ouverture de la procédure pénale dirigée contre lui ou s'il en a entravé le cours. À cet égard, seul un comportement fautif et contraire à une règle juridique, qui soit en relation de causalité avec les frais imputés, entre en ligne de compte (ATF 144 IV 202 consid. 2.2 p. 205; 119 Ia 332 consid. 1b p. 334; 116 Ia 162 consid. 2c p. 168).
Pour déterminer si le comportement en cause est propre à justifier l'imputation des frais, le juge peut prendre en considération toute norme de comportement écrite ou non écrite résultant de l'ordre juridique suisse pris dans son ensemble, dans le sens d'une application par analogie des principes découlant de l'art. 41 CO. Le fait reproché doit constituer une violation claire de la norme de comportement (ATF 144 IV 202 consid. 2.2 p. 205; 119 la 332 consid. 1b p. 334). Le comportement fautif peut être une "
faute procédurale ", c'est-à-dire un comportement qui a compliqué ou prolongé la procédure; il peut s'agir, par exemple, du défaut sans excuse de l'art. 205 al. 4 CPP ou du silence du prévenu, lorsqu'il est établi qu'il a obligé l'autorité à procéder à des investigations nombreuses et complexes, alors qu'il lui aurait été facile pour lui de se disculper (ATF 112 Ib 456 consid. 4 p. 511; cf. IRENE ARNOLD, Die Verfahrenskosten gemäss Schweizerischer Strafprozessordnung, 2018, p. 96).
Selon le principe de la causalité des frais, le comportement du prévenu doit être à l'origine des frais pour que ceux-ci puissent lui être imputés, s'il est mis, en particulier, au bénéfice d'une ordonnance de classement (JOËLLE FONTANA, Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, 2e éd., 2019, n° 2 ad art. 426). Cette condamnation se limitera aux frais que le comportement fautif a entraînés (ATF 116 Ia 162 consid. 2d/bb p. 171; arrêt 6B_215/2009 du 23 juin 2009 consid. 2.6).
2.2. La cour cantonale a constaté que le recourant avait refusé de donner suite au mandat de comparution que l'Office des relations et des conditions de travail neuchâtelois (ci-après: ORCT) lui avait adressé en vue d'une audition du 17 juin 2020, ainsi qu'au mandat de comparution que le ministère public neuchâtelois lui avait adressé en vue d'une audience du 27 avril 2021. En refusant de donner suite aux différents mandats de comparution, sans excuse valable, le recourant avait violé les art. 113 al. 1, dernière phrase, et 205 CPP. En effet, si le prévenu n'avait pas l'obligation de déposer contre lui-même, il était tenu de se soumettre aux mesures de contrainte prévues par la loi (art. 113 al. 1 CPP). La cour cantonale en a donc conclu que le recourant avait, de manière illicite et fautive, rendu plus difficile la conduite de la procédure qui était dirigée contre lui, au sens de l'art. 426 al. 2 CPP (jugement attaqué p. 10).
2.3.
2.3.1. Le recourant soutient que le ministère public ne l'aurait pas informé des infractions qui lui étaient reprochées (cf. art. 309 al. 3 CPP relatif à l'ouverture de l'instruction et 201 al. 2 let. c CPP relatif au mandat de comparution). Le ministère public lui aurait également refusé à tort tout accès au dossier.
2.3.2. Ces griefs ne sont pas fondés.
Le 11 août 2020, le ministère public neuchâtelois a ouvert une instruction pénale à l'encontre du recourant pour infractions aux art. 146 CP (escroquerie), 148a CP (obtention illicite de prestations d'une assurance sociale ou de l'aide sociale) et 73 de la loi cantonale sur l'action sociale (LASoc; RSN 831.0). Conformément à l'art. 309 al. 3 CPP, il a désigné les infractions qui étaient imputées au recourant dans l'ordonnance d'ouverture d'instruction.
Le mandat de comparution en vue de l'audience du 27 avril 2021 ne viole pas l'art. 201 CPP. Conformément à l'art. 201 al. 2 let. c CPP, l'autorité pénale peut déroger à l'obligation de mentionner le motif du mandat (notamment les infractions reprochées) si le but de l'instruction s'oppose à cette indication.
L'accès au dossier est garanti aux parties de manière générale par l'art. 107 al. 1 let. a CPP. L'art. 101 al. 1 CPP précise cependant que les parties peuvent consulter le dossier d'une procédure pénale pendante, au plus tard après la première audition du prévenu et l'administration des preuves principales par le ministère public, l'art. 108 CPP ainsi que l'art. 225 al. 2 CPP (consultation du dossier en matière de détention provisoire) étant réservés. Ainsi, le droit de consulter le dossier peut être limité avant la première audition du prévenu. Une consultation totale et absolue du dossier en début d'enquête pourrait en effet mettre en péril la recherche de la vérité matérielle (ATF 137 IV 172 consid. 2.3 p. 174 s.).
Le recourant ne peut donc se retrancher derrière le refus du ministère public de lui donner accès au dossier pour justifier sa non-comparution à l'audience du 27 avril 2021. Avec la cour cantonale, il faut admettre qu'en refusant de donner suite aux mandats de comparution de l'ORCT et du ministère public, sans excuses valables, le recourant a violé les art. 113 al. 1, dernière phrase, et 205 CPP et que, par son comportement, il a compliqué inutilement la procédure, puisqu'il a obligé le ministère public à rendre un mandat d'amener en vue de sa comparution. Le prononcé du mandat d'amener et la mise à contribution de la police ont généré des frais. La cour cantonale a retenu que ceux-ci étaient supérieurs à 830 francs. Dans ces conditions, la cour cantonale n'a pas violé l'art. 426 al. 2 CPP en mettant les frais à la charge du recourant par 830 francs.
Si, comme en l'espèce, le prévenu supporte les frais en application de l'art. 426 al. 2 CPP, une indemnité au sens de l'art. 429 CPP est exclue (cf. art. 430 al. 1 let. a CPP; ATF 144 IV 207 consid. 1.8.2 p. 211; 137 IV 352 consid. 2.4.2 p. 357; arrêt 6B_1090/2020 du 1er avril 2021 consid. 2.1.2). La conclusion du recourant tendant à l'allocation d'une indemnité selon l'art. 429 CPP d'un montant de 3'000 fr. doit donc être rejetée.
3.
Le recourant dénonce la violation de l' art. 321 al. 1 let. a et b CPP .
La cour cantonale a expliqué les raisons qui justifiaient la notification de l'ordonnance de classement au Service juridique de la Ville de Neuchâtel, à l'Office cantonal de l'assurance-chômage et à l'ORCT. Le recourant n'expose pas en quoi les considérants de l'arrêt attaqué seraient erronés. Son grief est insuffisamment motivé (art. 42 al. 2 LTF) et, partant, irrecevable.
4.
Le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable.
Comme ses conclusions étaient vouées à l'échec, l'assistance judiciaire ne peut être accordée (art. 64 al. 1 LTF). Le recourant devra donc supporter les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF), dont le montant sera toutefois fixé en tenant compte de sa situation financière.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'200 fr., sont mis à la charge du recourant.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, Autorité de recours en matière pénale.
Lausanne, le 4 janvier 2022
Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Juge présidant : Denys
La Greffière : Kistler Vianin