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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
9C_695/2008 
 
Arrêt du 4 février 2009 
IIe Cour de droit social 
 
Composition 
MM. les Juges U. Meyer, Président, 
Borella et Kernen. 
Greffière: Mme Moser-Szeless. 
 
Parties 
Office cantonal de l'assurance-invalidité, 
rue de Lyon 97, 1203 Genève, 
recourant, 
 
contre 
 
D.________, 
intimé, agissant par P.________ et B.________, rue de Beaumont 11, 1206 Genève. 
 
Objet 
Assurance-invalidité, 
 
recours contre le jugement du Tribunal cantonal des assurances sociales de la République et canton de Genève du 24 juin 2008. 
 
Faits: 
 
A. 
A.a D.________, ressortissant français né en 1993, vit avec ses parents à N.________ depuis le mois de novembre 2000. Il est atteint de strabisme, d'un retard psychomoteur et de troubles du langage. Par décision du 14 décembre 2004, l'Office cantonal genevois de l'assurance-invalidité (ci-après: l'office AI) lui a accordé des subsides pour la fréquentation de l'école X.________ où il suivait un enseignement spécialisé depuis le 23 août 2004, pour la période à compter de cette date jusqu'au 30 juin 2006. 
 
Par courrier daté du 2 mars 2005, B.________, mère de D.________, a demandé à l'office AI de prendre en charge à partir du mois d'août suivant la formation scolaire spéciale dispensée soit par l'école Y.________, soit par l'école Z.________. En réponse, l'office AI a informé les époux P.________ et B.________ que sa décision du 14 décembre 2004 était erronée, parce que les conditions d'assurance n'étaient pas remplies; en raison des règles de la bonne foi et compte tenu du fait que la mesure de formation scolaire spéciale avait déjà été prise en charge pour l'année scolaire écoulée, il continuait toutefois à verser les subsides pour l'école spéciale jusqu'au 30 juin 2006 ("communication du 18 juillet 2005"). 
A.b Le 6 décembre 2007, invoquant notamment l'application de l'Accord sur la libre circulation des personnes du 21 juin 1999 et d'un arrêt du Tribunal fédéral I 582/04 rendu le 2 février 2006 (et publié aux ATF 132 V 184), les époux P.________ et B.________ ont présenté une nouvelle demande de subsides pour la formation scolaire spéciale de leur fils (enseignement spécialisé au sein de l'école Z.________ depuis le 1er septembre 2006). Le 29 janvier 2008, l'office AI a refusé la mesure requise, au motif que l'établissement scolaire Z.________ n'était pas une école spécialisée reconnue par l'Office fédéral des assurances sociales (OFAS). 
 
B. 
Statuant le 24 juin 2008 sur le recours formé par les parents P.________ et B.________ pour leur fils contre cette décision, le Tribunal cantonal des assurances sociales de la République et canton de Genève l'a admis. Annulant la décision du 29 janvier 2008, il a renvoyé la cause à l'office AI "pour nouvelle décision dans le sens des considérants". 
 
C. 
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, l'office AI conclut à l'annulation du jugement cantonal "pour violation du droit d'être entendu" et au renvoi de la cause au Tribunal cantonal genevois des assurances sociales pour nouveau jugement. A titre subsidiaire, il requiert la confirmation de sa décision du 29 janvier 2008. Il a par ailleurs sollicité l'effet suspensif à son recours, ce qui lui a été accordé par ordonnance du 27 octobre 2008. 
 
D.________ conclut au rejet du recours, tandis que l'OFAS a renoncé à se déterminer. 
 
Considérant en droit: 
 
1. 
Le dispositif du jugement entrepris a pour objet l'annulation de la décision du 29 janvier 2008 et le renvoi de la cause au recourant pour nouvelle décision au sens des considérants (chiffres 2 et 3 du dispositif). Dans le dernier considérant de leur jugement (ch. 15 p. 9), les premiers juges ont reconnu que les parents de D.________ pouvaient "valablement se prévaloir du principe de la bonne foi pour obtenir la prise en charge d'une mesure de formation scolaire spéciale pour une école même non reconnue par l'OFAS, ce jusqu'à fin juin 2008". Le renvoi de la cause ordonné par la juridiction cantonale n'est assorti d'aucune instruction quant à des éléments de droit ou de fait qu'il appartiendrait encore au recourant d'éclaircir; il a pour seul but la mise en oeuvre de ce qui a été décidé par l'autorité judiciaire de première instance. L'arrêt cantonal ne laisse donc aucune latitude de décision au recourant, à qui il incombe de fixer l'étendue du droit ainsi reconnu. Par conséquent, même s'il renvoie la cause à l'administration pour nouvelle décision, l'arrêt dont est recours doit être qualifié de jugement final au sens de l'art. 90 LTF (cf. arrêt 9C_684/2007 du 27 décembre 2007 consid. 1.1 et les références, in SVR 2008 IV n° 39 p. 131). Il convient par conséquent d'entrer en matière sur le recours. 
 
2. 
Il est constant que les conditions du droit aux subsides pour la formation scolaire spéciale suivie par l'intimé à l'école Z.________ ne sont pas remplies, dès lors que cet établissement ne fait pas partie des écoles spécialisées reconnues par l'assurance-invalidité (ATF 109 V 10 consid. 2a p. 14 et les art. 19 et 26bis LAI, 24 RAI et 10 ss de l'Ordonnance du 11 septembre 1972 sur la reconnaissance d'écoles spéciales dans l'assurance-invalidité [ORESp; RS 831.232.41], dans leur teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2007, correctement exposée par le jugement entrepris auquel on peut renvoyer). 
Est en revanche litigieux le point de savoir si l'intimé pouvait se fonder sur le principe de la protection de la bonne foi pour se voir reconnaître le droit aux subsides en cause. 
 
3. 
3.1 Le droit à la protection de la bonne foi est expressément consacré à l'art. 9 Cst. Selon la jurisprudence, il permet au citoyen d'exiger que l'autorité respecte ses promesses et qu'elle évite de se contredire. Ainsi, un renseignement ou une décision erronés peuvent obliger l'administration à consentir à un administré un avantage contraire à la loi, si les conditions cumulatives suivantes sont réunies : 
1. il faut que l'autorité soit intervenue dans une situation concrète à l'égard de personnes déterminées; 
2. qu'elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de sa compétence; 
3. que l'administré n'ait pu se rendre compte immédiatement de l'inexactitude du renseignement obtenu; 
4. qu'il se soit fondé sur celui-ci pour prendre des dispositions qu'il ne saurait modifier sans subir un préjudice; 
5. que la loi n'ait pas changé depuis le moment où le renseignement a été donné (ATF 131 II 636 consid. 6.1, 129 I 170 consid. 4.1, 126 II 387 consid. 3a, 122 II 123 consid. 3b/cc, 121 V 66 consid. 2a; RAMA 2000 n° KV 126 p. 223). 
 
3.2 Admettant que les trois premières - et de manière implicite la cinquième - conditions relatives au principe de la protection de la bonne foi étaient réalisées, les premiers juges ont examiné la quatrième exigence. Selon eux, il apparaissait vraisemblable, au degré requis par la jurisprudence et selon l'expérience générale de la vie, que si les parents de l'intimé avaient su que les conditions d'assurance ne constituaient plus un obstacle pour eux, ils auraient donné leur préférence à l'école Y.________, reconnue par l'OFAS. Il y avait dès lors un lien de causalité suffisamment étroit entre le renseignement obtenu - l'absence de droit à un subside pour la formation scolaire spéciale - et le choix d'une école non reconnue par l'OFAS, mesure scolaire que les parents de l'enfant ne pouvaient modifier avant le terme de l'année scolaire 2008 (fin juin 2008). La prise en charge de la prestation requise devait donc être admise jusqu'à cette date, en vertu du principe de la protection de la bonne foi. 
 
3.3 Admettant que les conditions 1, 2 et 4 de ce principe étaient remplies, le recourant conteste la réalisation des conditions 3 et 5, au motif que sa décision du 18 juillet 2005 n'était pas inexacte et qu'un changement de jurisprudence (assimilable à un changement de loi) était intervenu avec l'ATF 132 V 184. Dans la mesure où il invoque, par ailleurs, son droit à la motivation de la décision en reprochant aux premiers juges de n'avoir pas dûment analysé ces deux exigences, ce grief se confond avec celui déduit de la violation du droit à la protection de la bonne foi. 
 
4. 
4.1 Par courrier du 18 juillet 2005, le recourant a averti l'intimé que sa décision initiale d'octroi des subsides pour la formation scolaire spéciale jusqu'au 30 juin 2006 était erronée, mais qu'il maintenait néanmoins la prise en charge de l'école spéciale jusqu'à cette date. Cet acte n'a pas eu pour effet de modifier la situation de l'intimé, qui a continué à bénéficier des prestations initialement accordées. Qu'il soit qualifié de décision administrative au sens de l'art. 5 PA ou de simple communication, il portait en tout état de cause sur des renseignements susceptibles d'induire l'administré en erreur. Encore faut-il, pour que celui-ci puisse invoquer le droit à la protection de la bonne foi, que les renseignements obtenus fussent erronés, ce qu'a admis la juridiction cantonale dans le cas d'espèce, mais ce que conteste le recourant. 
4.1.1 Dans l'ATF 132 V 184 auquel se réfère l'office AI, le Tribunal fédéral avait à se prononcer sur le droit d'un enfant mineur de parents français (dont l'un au moins travaillait en Suisse) à des mesures de formation scolaire spéciale. Celles-ci avaient été requises pour une période postérieure à l'entrée en vigueur, le 1er juin 2002, de l'Accord du 21 janvier 1999 entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (accord sur la libre circulation des personnes, ALCP; RS 0.142.112.681). Elles avaient été refusées, le 19 juin 2002, par l'organe de l'assurance-invalidité compétent, parce que l'enfant ne comptait pas une année de résidence en Suisse au moment où son atteinte à la santé avait nécessité pour la première fois un enseignement spécial. Le Tribunal fédéral a jugé qu'en application de l'art. 3 al. 6 de l'Annexe I à l'ALCP (principe de non-discrimination relatif à l'admission aux cours d'enseignement général, d'apprentissage et de formation professionnelle), l'enfant avait droit aux mesures de formation scolaire spéciale aux mêmes conditions qu'un mineur de nationalité suisse (c'est-à-dire sans égard à la non-réalisation de la condition d'assurance qui s'appliquait aux seuls ressortissants étrangers). La décision du 19 juin 2002, portant sur le refus de prestation au motif que l'assuré ne remplissait pas les conditions d'assurance, était dès lors contraire au droit. 
4.1.2 Quoi qu'en dise le recourant - qui fait de l'ATF 132 V 184 une lecture erronée et en déduit que les membres de la famille de travailleurs européens n'étaient pas couverts par l'ALCP jusqu'au prononcé de l'arrêt du 2 février 2006 -, l'administration aurait été tenue d'appliquer l'ALCP et, en particulier, l'art. 3 al. 6 de l'Annexe I, à la situation de l'intimé en juillet 2005. Entré en vigueur le 1er juin 2002, cet accord a suspendu la Convention franco-suisse de sécurité sociale (dans les limites prévues à l'art. 20 ALCP), à laquelle se réfère à tort le recourant pour établir la conformité au droit de sa décision du 18 juillet 2005. Au regard du principe de non-discrimination prévu par l'art. 3 al. 6 de l'Annexe I à l'accord, comme dans la situation dont a eu à juger le Tribunal fédéral dans l'ATF 132 V 184, il était erroné de nier le droit de l'intimé aux subsides pour formation scolaire spéciale en se fondant sur le défaut des conditions d'assurance (comme n'était pas conforme au droit le refus prononcé par l'administration le 19 juin 2002, à l'origine de l'arrêt fédéral du 2 février 2006). La décision ou les renseignements donnés par le recourant le 18 juillet 2005 étaient donc inexacts à la lumière des dispositions conventionnelles alors applicables. L'argumentation que l'office AI tire de l'exactitude de sa décision du 18 juillet 2005 est par conséquent mal fondée. 
 
4.2 En ce qui concerne la cinquième condition relative au principe de la protection de la bonne foi (supra consid. 3.1), il n'y a pas eu de changement de loi depuis le moment où le renseignement a été donné, le 18 juillet 2005 (sous réserve de la période courant à partir du 1er janvier 2008; infra consid. 5). Contrairement à ce que fait valoir le recourant, l'ATF 132 V 184 ne consacre pas non plus un changement de jurisprudence. Avec cet arrêt, le Tribunal fédéral n'a pas modifié une pratique judiciaire, mais appliqué une disposition de l'ALCP qu'il avait à interpréter pour la première fois et qui était applicable pour la Suisse dès le 1er juin 2002 pour une période postérieure à cette date. 
 
Quant à l'affirmation du recourant, selon laquelle le Tribunal fédéral aurait, avec l'arrêt cité, modifié "l'interprétation officielle acceptée par la Suisse" sur la portée de la distinction faite par la Cour de justice des Communautés européennes entre les droits propres et les droits dérivés des membres de la famille de personnes exerçant une activité lucrative par rapport au principe de l'égalité de traitement prévu par l'art. 3 par. 1 du règlement n° 1408/71 (RS 0.831.109.268.1), elle relève là aussi d'une lecture tronquée de l'ATF 132 V 184. Le Tribunal fédéral a précisément laissé ouvert le point de savoir quelle était la portée de cette distinction (consid. 5.2 et 5.3 de l'ATF 132 V 184), parce que le droit de l'enfant aux prestations litigieuses devait déjà être admis quant à son principe en application de l'art. 3 al. 6 de l'Annexe I à l'ALCP. Il a en revanche tranché cette question dans un arrêt ultérieur du 19 avril 2007 (ATF 133 V 320). 
 
4.3 Pour le reste, les parties ne contestent pas que les autres conditions posées à l'application du principe de la protection de la bonne foi soient réalisées. En particulier, on peut admettre, avec les premiers juges, l'existence d'un lien de cause à effet suffisant entre le renseignement erroné et les dispositions prises par les parents de l'intimé (quatrième condition, supra consid. 3.1). Il apparaît vraisemblable, selon l'expérience générale de la vie, que sans le renseignement obtenu, ils auraient choisi une école spécialisée reconnue par l'assurance-invalidité, afin de bénéficier des subsides prévus par la LAI (cf. ATF 121 V 65 consid. 2b p. 67). 
 
4.4 Il résulte de ce qui précède que la juridiction cantonale a admis le droit de l'intimé à la protection de la bonne foi et la prise en charge, en conséquence, des subsides en cause par l'assurance-invalidité pour la période du 1er septembre 2006 au 31 décembre 2007 de manière conforme au droit. 
 
5. 
En ce qui concerne la période subséquente, il y a lieu de relever que depuis le 1er janvier 2008, le domaine de la formation scolaire spéciale n'est plus du ressort de la Confédération, singulièrement de l'assurance-invalidité fédérale, mais des cantons (Message du Conseil fédéral du 7 septembre 2005 sur la législation d'exécution concernant la réforme de la péréquation financière et de la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons [RPT], FF 2005 5826 ch. 2.9.7.2). L'(ancien) art. 19 LAI a ainsi été abrogé dans le cadre de la réforme de la péréquation financière et de la nouvelle répartition des tâches entre la Confédération et les cantons (ch. 25 de la Loi fédérale du 6 octobre 2006 concernant l'adoption et la modification d'actes dans le cadre de la réforme de la péréquation financière et de la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons [RO 2007 5779, 5810]). En conséquence, l'assurance-invalidité n'est plus compétente pour accorder un droit à des mesures de formation scolaire spéciale pour une période postérieure au 31 décembre 2007. A cet égard, aucune mesure transitoire n'a été prévue, contrairement à ce que prétend l'intimé en invoquant une disposition transitoire sans rapport avec la réforme mentionnée et qui ne concerne pas la formation scolaire spéciale (mais les indemnités journalières au sens de l'art. 22 LAI; dispositions transitoires de la modification du 6 octobre 2006 de la LAI [5ème révision AI]). 
 
Compte tenu de l'abrogation de l'art. 19 aLAI au 31 décembre 2007 et du fait que la formation scolaire spéciale n'est plus depuis lors du ressort de l'assurance-invalidité, les conditions (2 et 5) relatives au droit à la protection de la bonne foi n'étaient plus réalisées à partir de cette date. Partant, le droit de l'intimé aux subsides en cause ne pouvait être reconnu au-delà du 31 décembre 2007. Le jugement entrepris doit, en conséquence, être annulé dans la mesure où il porte sur une période postérieure à cette date. 
 
6. 
Vu l'issue du litige, dans lequel le recourant n'obtient que très partiellement gain de cause, les frais de justice doivent être mis à sa charge (art. 66 al. 1 LTF). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est partiellement admis, en ce sens que le jugement du Tribunal cantonal des assurances sociales de la République et canton de Genève du 24 juin 2008 est annulé en tant qu'il porte sur le droit de l'intimé aux subsides de l'assurance-invalidité pour la formation scolaire spéciale au-delà du 31 décembre 2007. Pour le surplus, ledit jugement est maintenu et le recours rejeté. 
 
2. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3. 
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal des assurances sociales de la République et canton de Genève et à l'Office fédéral des assurances sociales. 
 
Lucerne, le 4 février 2009 
 
Au nom de la IIe Cour de droit social 
du Tribunal fédéral suisse 
Le Président: La Greffière: 
 
Meyer Moser-Szeless