Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
1B_391/2021
Arrêt du 4 février 2022
Ire Cour de droit public
Composition
Mme et MM. les Juges fédéraux Jametti, Juge présidant, Haag et Merz.
Greffière : Mme Kropf.
Participants à la procédure
Administration fédérale des contributions, Eigerstrasse 65, 3003 Berne,
recourante,
contre
E. Banque________ SA,
représentée par Maîtres Carlo Lombardini et Alain Macaluso, avocats,
E.________ SA,
F.________ Ltd,
G.________ Ltd,
toutes les trois représentées par Maîtres Christian Girod et Jean-Frédéric Maraia, avocats,
intimées.
Objet
Procédure pénale; levée de scellés,
recours contre la décision incidente de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral du 10 juin 2021 (BE.2020.11_c).
Faits :
A.
Dans le cadre d'une enquête pénale fiscale menée contre B.E.________, C.E.________ et A.________, l'Administration fédérale des contributions (ci-après : AFC) a demandé, le 2 juin 2020, à la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (ci-après : la Cour des plaintes) la levée des scellés portant sur les données électroniques contenues sur quatre supports référencés H_1, H_2, H_3 et H_4; cette mesure de protection avait été apposée à la suite des perquisitions opérées les 19 et 20 février 2020 dans les locaux genevois de la société E. Banque________ SA.
Par arrêt du 14 janvier 2021 (causes 1B_450/2020 et 1B_484/2020), le Tribunal fédéral a reconnu la qualité de parties à la procédure de levée des scellés précitée des sociétés E.________ SA, F.________ Ltd et G.________ Ltd.
Le 31 mars 2021, la Cour des plaintes a informé les parties - lesquelles étaient également invitées à se déterminer - que les scellés apposés sur les supports électroniques H_1 à H_3 allaient prochainement être levés pour effectuer le tri des données et séparer les fichiers concernant les trois sociétés nouvellement admises à la procédure, mesure qui serait effectuée par des experts du Dipartimento tecnologie innovative de la Scuola universitaria professionale della Svizzera italiana; le mandat confié viserait notamment à identifier l'ensemble des pièces contenant les termes "E.________", "F.________" et "G.________", ainsi qu'à les extraire sur un nouveau support de données. Le 13 avril 2021, E.________ SA, F.________ Ltd et G.________ Ltd, agissant par leurs conseils, ont relevé n'avoir aucune objection s'agissant des experts désignés et ont joint une liste des termes à utiliser lors du tri (abréviations, numéros de comptes et noms de leurs administrateurs, employés, ainsi qu'actionnaires). Par courrier du 26 avril 2021, l'AFC s'est en substance opposée à cette dernière proposition, l'identification devant se limiter aux mots-clés "E.________", "F.________", "G.________" et "F. Trust________ SA" (ancienne raison sociale de E.________ SA). Les trois sociétés susmentionnées se sont encore déterminées les 26 avril et 6 mai 2021, requérant en particulier des informations quant au sort du quatrième support (H_4).
B.
Le 10 juin 2021, la Cour des plaintes a en substance maintenu les scellés sur le support de données référencé H_4 et a ordonné à l'AFC de le restituer à E. Banque________ SA ou de le détruire (ch. 1). Cette autorité a en outre déclaré que le tri des supports des données référencés H_1 à H_3 - qui avait pour objectif d'extraire les données concernant les sociétés nouvellement admises à la procédure - serait effectué à l'aide des mots-clés "E.________", "F.________", "G.________" et "F. Trust________ SA" (ch. 2).
C.
Par acte du 14 juillet 2021, l'AFC (ci-après : la recourante) forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre cet arrêt, concluant à son annulation en ce qui concerne le chiffre 1 de son dispositif et au constat que la procédure de levée des scellés porte sur les supports de données H_1 à H_4. A titre subsidiaire, elle demande l'annulation du chiffre 1 du dispositif de l'arrêt attaqué et le renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision. La recourante sollicite l'octroi de l'effet suspensif.
L'autorité précédente, E. Banque________ SA, E.________ SA, F.________ Ltd et G.________ Ltd s'en sont remises à justice s'agissant de l'effet suspensif. Sur le fond, la Cour des plaintes a persisté dans les termes de sa décision, sans formuler d'observations. Les quatre sociétés précitées (ci-après : les sociétés intimées) ont conclu, à titre principal, à l'irrecevabilité du recours et, subsidiairement, à son rejet. Le 29 septembre 2021, respectivement le 5 octobre 2021, la recourante et les sociétés intimées ont persisté dans leurs conclusions respectives, notamment quant à la recevabilité du recours.
Par ordonnance du 31 août 2021, le Juge présidant de la Ire Cour de droit public du Tribunal fédéral a admis la requête d'effet suspensif.
Considérant en droit :
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 147 I 333 consid. 1).
1.1. La décision attaquée, rendue par la Cour des plaintes, a trait à des scellés apposés notamment sur le support de données H_4 lors de perquisitions au sens de l'art. 50 de la loi fédérale du 22 mars 1974 sur le droit pénal administratif (DPA; RS 313.0). Elle porte ainsi sur des mesures de contrainte au sens de l'art. 79 LTF. Ce prononcé peut donc faire l'objet d'un recours en matière pénale au Tribunal fédéral (ATF 139 IV 246 consid. 1.3; arrêts 1B_461/2021 du 20 décembre 2021 consid. 1; 1B_450/2020 et 1B_484/2020 du 14 janvier 2021 consid. 2.1).
1.2. Ne mettant pas un terme à la procédure pénale, la décision attaquée est de nature incidente du point de vue de la recourante, autorité d'instruction. Le recours n'est donc en principe recevable qu'en présence d'un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF (ATF 143 IV 462 consid. 1 arrêts 1B_611/2019 du 17 décembre 2020 consid. 1.4; 1B_91/2019 du 11 juin 2019 consid. 1). En matière d'administration des preuves, un tel préjudice doit être reconnu à l'autorité d'enquête lorsque, sans les moyens de preuve en cause, l'accusation risque d'être entravée au point de rendre impossible ou, à tout le moins, particulièrement difficile, la continuation de la procédure. Tel n'est cependant pas le cas si l'autorité en cause dispose d'autres mesures d'instruction pour continuer l'enquête. Il appartient dans tous les cas à l'autorité recourante d'alléguer et de démontrer la réalisation des conditions d'application de l'art. 93 al. 1 let. a LTF (ATF 141 IV 289 consid. 1.4, 284 consid. 2.4; arrêt 1B_158/2019 du 25 juillet 2019 consid. 1.2). Il n'en va pas différemment en matière de levée des scellés (arrêts 1B_117/2021 du 7 septembre 2021 consid. 1.3; 1B_8/2021 du 16 juin 2021 consid. 1; 1B_298/2020 du 17 mars 2021 consid. 1.2; 1B_380/2012 du 20 août 2012 consid. 1.2; 1B_354/2009 du 2 mars 2010 consid. 2.2).
En l'occurrence, la recourante soutient que le maintien des scellés sur le support H_4 - respectivement sa restitution à la société intimée E. Banque________ SA - la priverait de "moyens de preuve [...] susceptibles d'être utiles à la recherche de la vérité"; "la décision entreprise [était donc] susceptible d'entraver le bon déroulement de l'enquête et de compromettre définitivement la recherche de la vérité" (cf. ad C p. 3 s. du recours). A la suite des conclusions tendant à l'irrecevabilité du recours prises par les sociétés intimées, la recourante a affirmé, dans ses observations du 29 septembre 2021, que les données du support litigieux contiendraient des informations sur la présence en Suisse de B.E.________; le tri effectué sur la base des soixante mots-clés en lien avec les sociétés du groupe E.________ serait ainsi impropre à circonscrire ces éléments (cf. notamment ad I/b p. 3 de cette écriture).
Il ressort cependant de l'arrêt attaqué que les supports H_1 à H_3 contiennent une partie des données figurant sur le support H_4 (cf. p. 6 de l'arrêt attaqué; voir également ad ch. 18 p. 4 des observations du 30 août 2021 des sociétés intimées E.________ SA, F.________ Ltd et G.________ Ltd, ainsi qu'ad ch. 6 et 10 p. 2 s. de celles formées le 7 septembre 2021 par l'intimée E. Banque________ SA), ce que ne conteste pas la recourante (cf. au demeurant ad ch. 6.2 p. 11 de sa demande de levée des scellés). Certes, les trois premiers supports précités sont le résultat de la recherche effectuée à la suite des mots-clés proposés par la recourante et ne contiennent ainsi vraisemblablement pas l'entier des éléments figurant sur le support H_4. La poursuite de la procédure peut certainement s'en trouver compliquée. Cela ne saurait en revanche suffire pour retenir qu'elle serait entravée dans une telle mesure que la recourante devrait y mettre un terme; elle ne le soutient d'ailleurs pas.
Un préjudice irréparable paraît d'autant moins réalisé que la recourante ne remet pas en cause les constatations de l'autorité précédente en lien avec (1) la perquisition de ces mêmes éléments une première fois en février 2019, (2) le retrait par la recourante de sa demande de levée des scellés les concernant vu en substance leur volume trop important et (3) sa décision de procéder à une nouvelle perquisition de ces mêmes données en prenant des mesures afin d'effectuer un premier tri (cf. p. 5 s. de l'arrêt attaqué). La recourante ne prétend pas non plus avoir alors ignoré que les boîtes de courriers électroniques des trois personnes sous enquête faisaient partie des éléments saisis. Or, ces données ont aussi été restituées à la société intimée E. Banque________ SA. La recourante ne saurait dès lors prétendre de bonne foi que le tri par mots-clés envisagé afin de limiter le volume de la seconde perquisition n'aurait pas concerné les boîtes de courriers électroniques; cela vaut d'autant plus que la recourante ne se prévaut pas d'une modification des circonstances entre la première et la seconde perquisition qui aurait justifié une nouvelle appréciation notamment s'agissant de l'ampleur de la saisie à effectuer (arrêt 1B_8/2021 du 16 juin 2021 consid. 2.1). Le défaut de préjudice semble d'autant plus s'imposer que les mots-clés utilisés - une soixantaine - résultent a priori d'un choix de la recourante, laquelle ne saurait prétendre avoir ignoré les objectifs de la perquisition, soit notamment de pouvoir établir un éventuel domicile en Suisse de l'un des mis en cause.
Il s'ensuit que, faute de préjudice irréparable, le recours est irrecevable.
1.3. Il convient de préciser que, lorsque le recours n'est pas recevable en application de l'art. 93 al. 1 LTF, la décision incidente peut être entreprise dans le cadre d'un recours contre la décision finale, dans la mesure où elle influe sur le contenu de celle-ci (cf. art. 93 al. 3 LTF). La recourante pourrait donc, le cas échéant, recourir contre la décision finale. Il en découle que la Cour des plaintes ne peut pas restituer ou ordonner la destruction du support H_4, mais doit le conserver jusqu'à la clôture de la procédure (arrêts 1B_314/2021 du 27 juillet 2021 consid. 1.6; 1B_298/2020 du 17 mars 2021 consid. 1.5).
1.4. Il n'est pas perçu de frais judiciaires (art. 66 al. 4 LTF). Les quatre sociétés intimées, qui obtiennent gain de cause avec l'assistance d'un avocat, ont droit à des dépens à la charge de la Confédération (AFC; art. 68 al. 1 LTF); le montant alloué aux sociétés intimées E.________ SA, F.________ Ltd et G.________ Ltd tiendra compte du fait qu'elles agissent par un mandataire commun.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est irrecevable.
2.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
3.
Une indemnité de dépens, fixée à 2'000 fr., est allouée à la société intimée E. Banque________ SA, à la charge de la Confédération (Administration fédérale des contributions).
4.
Une indemnité de dépens, fixée à 2'000 fr., est allouée, de manière globale, aux sociétés intimées E.________ SA, F.________ Ltd et G.________ Ltd, à la charge de la Confédération (Administration fédérale des contributions).
5.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral.
Lausanne, le 4 février 2022
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
La Juge présidant : Jametti
La Greffière : Kropf