Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
4P.3/2006 /svc
Arrêt du 4 mai 2006
Ire Cour civile
Composition
MM. les Juges Corboz, président, Nyffeler et Favre.
Greffière: Mme Cornaz.
Parties
X.________,
recourante, représentée par Me Patrick Schellenberg, avocat,
contre
Y.________,
intimé, représenté par Mes Jean-Charles Roguet
et/ou Serge Calame,
Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes du canton de Genève, case postale 3688, 1211 Genève 3.
Objet
art. 9 Cst. (procédure civile),
recours de droit public contre l'arrêt de la Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes du canton de Genève du
17 novembre 2005.
Faits:
A.
X.________ est une organisation internationale non gouvernementale, à but non lucratif, dont le siège social est au Canada. Elle possède de nombreuses représentations dans le monde entier, dont une à Genève.
Au printemps 1990, X.________ a engagé Y.________, économiste, comme manager du département des services financiers à Genève. Comme chaque année, elle a soumis à son collaborateur, pour signature, ses directives internes définissant les règles d'affaires et éthiques régissant le comportement de son personnel et dont la transgression peut entraîner des sanctions disciplinaires, non spécifiées. Sont notamment prohibés les conflits d'intérêts, directs ou indirects, et la participation à des transactions financières qui pourraient nuire à l'image de X.________. Une participation n'excédant pas 5% du capital-actions d'une société anonyme cotée en bourse ne serait pas constitutive d'un conflit d'intérêts.
En 1996, Y.________ a été nommé en poste à Singapour avant de revenir à Genève pour occuper, dès le 1er juillet 1999, le poste d'administrateur des opérations de l'A.________. En réalité, il a dirigé la branche mondiale A.________ dès le 1er janvier 1999, comptant huit cents employés, répartis dans nonante bureaux régionaux, situés dans soixante-huit pays, avec un budget de 80 millions US$, alors que l'A.________ gérait 130 milliards US$. Y.________ avait huit subordonnés directs, directeurs de systèmes ou bureaux régionaux.
Les activités de Y.________ ont été hautement appréciées, de manière systématiquement élogieuse, les performances financières de l'A.________ produisant le plus important profit pour X.________ et se répercutant favorablement sur les salaires.
En 2003, le dernier salaire mensuel brut de Y.________ s'est élevé à 18'163 fr.; sa gratification annuelle, pour l'exercice 2002, était de 40'500 fr., un montant proche du maximum possible.
En avril 2001, X.________ a mandaté un consultant, aux fins d'étendre la gamme de ses produits, et a approché une société de droit britannique, B.________ Ltd (ci-après : B.________). Pour conduire ce projet, elle a constitué un comité de pilotage présidé par C.________, senior vice-president, et comprenant six membres, dont D.________ et Y.________. Ce dernier, en raison de sa connaissance du système "xxx" a fonctionné comme répondant de X.________ pour conduire les négociations avec B.________. Il devait référer de leur évolution au comité de pilotage, une situation qui n'a donné lieu à aucune plainte, d'après la procédure cantonale.
Le 25 mars 2002, D.________ et Y.________ sont entrés au conseil d'administration de B.________, le premier comme directeur des opérations et le second en tant que président et directeur général. Ces deux personnes, rémunérées par X.________, n'étaient pas salariées de B.________. Auparavant, le 28 février 2002, le conseil d'administration de B.________ avait décidé que les directeurs de cette société devaient souscrire une part de son capital-obligations, investissement convertible en actions B.________. Les vingt souscripteurs ont pris des engagements à hauteur de 514'250 US$. Y.________ apparaît personnellement pour 100'000 US$ et une société dans laquelle D.________ avait des intérêts pour 25'000 US$. Selon Y.________, cette souscription était destinée à fournir des liquidités à B.________. Le prêt n'aurait pas été converti en actions B.________, de sorte que Y.________ ne serait jamais devenu actionnaire de cette société, ce qui s'est avéré faux. Celui-là n'a informé personne, au sein de X.________, de cet investissement.
En mai 2002, quatre responsables de X.________, dont C.________ et Y.________, ont étudié un projet de contrat entre cette dernière et B.________, qu'ils ont approuvé par la signature, le 27 mai 2002, d'un "Contract Clearance Form". Cet accord prévoyait notamment la mise à disposition du service informatique de X.________ à B.________, contre le paiement d'une redevance annuelle pendant dix ans, à la condition que B.________ obtienne le financement nécessaire au projet, soit au minimum 7'000'000 US$, dans un délai d'un an.
Le 28 mai 2002, X.________, agissant par C.________, et B.________, par Y.________, ont signé le contrat dit "Operating Agreement".
Le 12 septembre 2002, E.________ Inc. (ci-après: E.________), cotée au Nasdaq, a acquis la totalité des actions de B.________, moyennant un échange d'actions, au taux de 300 actions E.________ contre une action B.________, dans le but d'ouvrir le capital de B.________ au public. Y.________ a alors reçu, à titre de conversion de son prêt (100'000 US$) 315'000 titres E.________, représentant 2,1% du capital-actions de cette dernière.
Le 20 mars 2003, X.________, agissant par Y.________, avec l'accord de C.________, a prolongé de trois mois le délai nécessaire à B.________ pour obtenir le financement auquel était soumise la validité de l'Operating Agreement. Devant la carence de B.________, une société tierce a requis sa liquidation, le 28 août 2003.
Le 19 février 2003, les actions E.________ ont été mises sur le marché boursier, au taux de 2,375 US$, avant d'atteindre 5,125 US$ le 4 mars 2003. Y.________ a affirmé avoir vendu ses 315'000 actions pour un prix total de 122'000 US$, ce qui représentait pour lui une perte, en fonction de l'évolution défavorable du cours SFR/US$.
A la suite d'une crise des transports aériens, X.________ a été contrainte de revoir sa stratégie commerciale et d'envisager des suppressions de postes, en 2003. C.________, après consultation du directeur général, a décidé notamment de supprimer le poste de Y.________. Il l'a convoqué à cette fin le 27 juin 2003, en compagnie du directeur des ressources humaines, sans l'avertir au préalable des motifs de cet entretien, qui a duré un peu plus d'une heure. Y.________ a été sommé de choisir sur le champ entre sa démission, accompagnée d'un "package" comportant une indemnité de départ d'environ un an de salaire, ou une procédure de licenciement avec le minimum légal. II a accepté de démissionner, selon les termes d'une lettre du même jour, 27 juin 2003, signée par le directeur général, prévoyant la libération de l'obligation de travailler dès le 2 juillet 2003, le paiement du salaire jusqu'au 30 septembre 2003, ainsi qu'une indemnité de départ de 213'156 fr. En plus, X.________ assumait les primes d'assurance maladie de Y.________ et de sa famille jusqu'au 31 décembre 2003 - à moins qu'il ne trouve un nouvel emploi dans l'intervalle - et proposait l'assistance d'un service de placement. Dans un autre courrier du 27 juin 2003, signé par le directeur des ressources humaines, X.________ confirmait prendre en charge les frais d'écolage des deux enfants de Y.________ pour l'année académique 2003-2004, ainsi que le solde du droit aux vacances, sous réserve de la gestion professionnelle d'une réunion des directeurs mondiaux, tenue du 27 juin au 2 juillet 2003. Y.________ ayant dirigé cette réunion à la satisfaction de son employeur, l'écolage lui a été immédiatement versé. Il a cessé de travailler dès le 3 juillet 2003.
En juillet 2003, l'autorité américaine de contrôle des marchés et des opérations boursières a procédé à une enquête sur B.________. C.________ a également confié des investigations sur le projet E.________-B.________ à F.________, directeur financier, qui lui a présenté un rapport oral le 23 juillet 2003, consigné par écrit le 4 août 2003. F.________ a ainsi révélé le prêt de 100'000 US$ consenti par Y.________ à B.________ en janvier ou en février 2002, à l'insu de X.________, ce qu'il considérait comme un conflit d'intérêts. X.________ a eu connaissance, le 15 juillet 2003, d'un cas de fraude à son bureau de K.________ en Jordanie. A la suite de l'inspection interne, il a été établi que le directeur régional A.________ avait détourné, seul et sans collusion, environ 60'000 US$, ce qui a entraîné sa suspension le 29 juillet 2003 et son licenciement, par le directeur général, le 24 septembre 2003.
Le 7 ou le 9 septembre 2003, le directeur des ressources humaines a téléphoné à Y.________ pour convenir d'un entretien, sans lui en indiquer les motifs, mais ce dernier a fait savoir qu'il n'était pas disponible.
Par courrier du 10 septembre 2003, X.________ a signifié à Y.________ son congé avec effet immédiat ainsi que la résiliation de l'accord de licenciement du 27 juin 2003, au motif qu'il avait abusé de sa position d'employé de X.________ pour obtenir des avantages personnels, en violation du règlement éthique interne. L'ancien employeur lui a reproché d'avoir, intentionnellement ou par négligence, laissé se commettre les malversations du directeur régional du bureau de K.________, et d'avoir violé son devoir de fidélité et de loyauté envers X.________ en consentant à B.________ un prêt de 100'000 US$, sans en référer à son ancien employeur.
Par la suite, Y.________ a plusieurs fois mis X.________ en demeure d'honorer l'accord du 27 juin 2003, sans succès, et a donné des explications quant au prêt de 100'000 US$, effectué dans l'intérêt d'un projet régulièrement approuvé par le comité de pilotage de X.________, et dont le montant, inférieur aux 5% du capital-actions de B.________, dispensait l'intéressé de l'obligation d'informer l'employeur, d'après le règlement éthique applicable.
A cette même époque, après le licenciement de Y.________, l'inspection interne de X.________ a procédé à des investigations sur l'ancien directeur du bureau de L.________, responsable de l'A.________ pour l'Europe du sud. Ce dernier était soupçonné d'avoir joué un rôle dans les malversations commises entre novembre 2001 et août 2002, consistant en des détournements de fonds de 2 à 3 millions d'euros, ou de plusieurs millions de dollars. Le montant exact des détournements ne figure ni dans les allégations des parties ni dans le dossier cantonal. Aucune circonstance de cette affaire n'est mentionnée, au motif du secret de l'instruction pénale, qui a comporté l'arrestation du directeur régional de L.________ et la saisie de comptes bancaires.
Dans un rapport d'audit ultérieur, non daté, le directeur-chef reviseur a reproché à Y.________ d'avoir accordé une trop grande confiance aux fraudeurs de K.________ et de L.________, alors qu'en sa qualité de directeur international, il était responsable de la prévention et de la répression des fraudes.
B.
Par demande formée le 23 janvier 2004 devant le Tribunal des prud'hommes du canton de Genève, Y.________ a conclu au paiement, par X.________, de 213'156 fr. net à titre de paiement d'une indemnité contractuellement due, 10'052 fr. brut à titre de solde de salaire du mois de septembre 2003, 16'578 fr. 80 brut à titre de solde du droit aux vacances, ces trois montants portant intérêt à 5% dès le 30 septembre 2003, et de 106'578 fr. net à titre d'indemnité équitable ou de dommages-intérêts, avec intérêt à 5% dès le 10 septembre 2003, ainsi qu'à une correction de son certificat de travail.
Par jugement du 9 mai 2005, le Tribunal des prud'hommes a condamné X.________ à payer à Y.________ 213'156 fr. net, 26'630 fr. 80 brut, ces deux montants avec intérêt à 5% l'an dès le 30 septembre 2003, et 60'000 fr. net, avec intérêt à 5% l'an dès le 10 septembre 2003, ainsi qu'à la remise d'un certificat de travail conforme à la réalité et complet.
Saisie par X.________ et statuant par arrêt du 17 novembre 2005, la Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes a confirmé le jugement susmentionné. Elle a considéré en substance que la transaction du 27 juin 2003 était valable, en raison de la survenance de la condition suspensive réservée. De plus, elle n'était entachée ni d'erreur ni de dol. Après un congé ordinaire, l'employeur pouvait justifier un licenciement immédiat sur la base de circonstances antérieures à celui-là, mais qu'il ne connaissait pas et ne pouvait connaître. En l'espèce, la violation invoquée du code éthique de X.________ était controversée et, le cas échéant, nettement insuffisante pour justifier un licenciement immédiat. Le moyen tiré du défaut de contrôle du bureau régional de K.________ était tardif. Quant au problème lié au bureau de L.________, il n'était pas documenté et les quelques éléments figurant dans la procédure ne permettaient pas d'impliquer Y.________. Enfin, au vu de l'ensemble des circonstances, et notamment du chiffre d'affaires de 130 milliards traité par le service de celui-ci, les éventuelles négligences portaient "sur des montants misérables en terme de proportion" (60'000 US$ et 2 ou 3 millions d'euros) insuffisants pour fonder un licenciement immédiat.
C.
Parallèlement à un recours en réforme, X.________ (la recourante) interjette un recours de droit public au Tribunal fédéral. Invoquant l'art. 9 Cst., elle se plaint d'arbitraire dans l'appréciation des preuves et l'établissement de faits. Elle conclut à l'annulation de l'arrêt de la Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes, avec suite de dépens, et au déboutement de son ancien employé de toutes ses conclusions.
Y.________ (l'intimé) propose le rejet du recours, dans la mesure où il est recevable, et la confirmation de l'arrêt attaqué, sous suite de frais et dépens. Pour sa part la cour cantonale, n'ayant pas d'observations particulières à formuler, se réfère à son arrêt dans les termes duquel elle persiste.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
Conformément à la règle de l'art. 57 al. 5 OJ, il convient en l'espèce de traiter le recours de droit public avant le recours en réforme.
2.
2.1 Exercé en temps utile compte tenu des féries (art. 34 al. 1 let. c et 89 al. 1 OJ), dans la forme prévue par la loi (art. 90 al. 1 OJ), pour violation de droits constitutionnels des citoyens (art. 84 al. 1 let. a OJ), contre une décision finale prise en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 OJ), par la recourante qui est personnellement touchée par la décision attaquée (art. 88 OJ), le recours de droit public soumis à l'examen du Tribunal fédéral est en principe recevable.
2.2 Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'examine que les griefs d'ordre constitutionnel invoqués et suffisamment motivés dans l'acte de recours (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 130 I 26 consid. 2.1 p. 31, 258 consid. 1.3 p. 262). Il n'entre pas en matière sur les griefs insuffisamment motivés ou sur les critiques purement appellatoires. La partie recourante ne peut se contenter de critiquer la décision attaquée comme elle le ferait dans une procédure d'appel où l'autorité de recours peut revoir librement l'application du droit (ATF 128 I 295 consid. 7a). L'art. 90 al. 1 let. b OJ n'autorise pas l'auteur d'un recours de droit public à présenter sa propre version des événements (ATF 129 III 727 consid. 5.2.2). Par ailleurs, le Tribunal fédéral se fonde sur l'état de fait tel qu'il a été retenu dans l'arrêt attaqué, à moins que la partie recourante n'établisse que l'autorité cantonale a constaté les faits de manière inexacte ou incomplète en violation de la Constitution fédérale (ATF 118 Ia 20 consid. 5a).
2.3 Vu la nature cassatoire du recours de droit public (ATF 131 I 291 consid. 1.4; 131 III 334 consid. 6 p. 343), les conclusions de la recourante au déboutement de celles de l'intimé, superflues, sont irrecevables.
3.
La recourante se plaint d'une appréciation arbitraire et incomplète des preuves, ayant conduit à un résultat arbitraire, soit l'arrêt dont l'annulation est requise.
3.1 D'après la jurisprudence, une décision est arbitraire lorsqu'elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité (ATF 132 III 209 consid. 2.1; 131 I 57 consid. 2); il ne suffit pas qu'une autre solution paraisse concevable, voire préférable (ATF 132 III 209 consid. 2.1; 129 I 8 consid. 2.1); pour que cette décision soit annulée, encore faut-il qu'elle se révèle arbitraire, non seulement dans ses motifs, mais aussi dans son résultat (ATF 132 III 209 consid. 2.1; 131 I 217 consid. 2.1). Il appartient à la partie recourante de démontrer, par une argumentation précise, en quoi la décision incriminée est arbitraire (ATF 130 I 258 consid. 1.3 p. 262).
Dans la mesure où l'arbitraire est invoqué en relation avec l'établissement des faits, il convient de rappeler que le juge dispose d'un large pouvoir lorsqu'il apprécie les preuves (arrêt 4P.246/2005 du 20 mars 2006, consid. 4.1; 4P.275/2005 du 8 février 2006, consid. 4.1). La partie recourante doit ainsi expliquer dans quelle mesure le juge a abusé de son pouvoir d'appréciation et, plus particulièrement, s'il a omis, sans aucune raison sérieuse, de prendre en compte un élément de preuve propre à modifier la décision attaquée, s'il s'est manifestement trompé sur son sens et sa portée ou encore si, en se fondant sur les éléments recueillis, il en a tiré des constatations insoutenables (ATF 129 I 8 consid. 2.1; 127 I 38 consid. 2a p. 41). Il ne suffit pas que la partie recourante invoque seulement quelques moyens de preuve dont elle souhaiterait qu'ils aient une portée différente de celle retenue dans l'arrêt attaqué. Le recours de droit public n'étant pas un appel, il n'appartient pas au Tribunal fédéral de substituer sa propre appréciation à celle de l'autorité cantonale (cf. ATF 128 I 295 consid. 7a), de sorte que la partie recourante ne peut discuter librement les faits et le droit en présentant sa propre version des événements (cf. ATF 129 III 727 consid. 5.2.2 in fine).
3.2 La recourante invoque l'arbitraire en rapport avec la fixation des indemnités de départ, que la cour cantonale a octroyées en compensation de la suppression du poste de l'intimé, sans égard à ses qualités ou défauts.
Le droit fédéral applicable au fond détermine la pertinence des moyens de preuve et de leur appréciation. Dans le cas présent, la cour cantonale devait vérifier si la recourante avait passé l'accord de résiliation du 27 juin 2003 alors qu'elle se serait trouvée dans une situation d'erreur essentielle ou aurait été la victime d'un dol. Dans les deux cas, le vice du consentement doit être causal, en ce sens qu'il doit exister un rapport de causalité entre l'erreur, respectivement le dol, et l'accord convenu (Schwenzer, Schweizerisches Obligationen-recht, Allgemeiner Teil, 3e éd., Berne 2003, n. 36.04 p. 236). Or, si les constatations de l'autorité cantonale concernant le lien de causalité naturelle lient le Tribunal fédéral en instance de réforme, en application de l'art. 63 al. 2 OJ, elles sont susceptibles, en leur qualité de questions de fait, d'être revues dans la procédure de recours de droit public (cf. ATF 123 III 110 consid. 2 in fine et les arrêts cités).
En l'espèce, la cour cantonale a nié toute causalité - tant naturelle qu'adéquate - entre l'attitude de l'intimé et la convention de résiliation du 27 juin 2003. La recourante, qui soutient l'opinion inverse, reproche à la juridiction cantonale d'avoir méconnu certains critères de fixation des indemnités de départ, rapportés par des témoins, pour se fonder sur les seules circonstances indépendantes de la situation et des mérites de l'intimé, soit essentiellement la compensation d'une suppression de poste consécutive à la crise du transport aérien, après les événements du 11 septembre 2001 survenus aux Etats-Unis. Ainsi, la cour cantonale aurait ignoré que l'indemnité de départ était fonction des années de service et de la position de l'employé, en l'absence de toute échelle mécanique qui eut été fondée sur le nombre d'années de service, et de la possibilité d'obtenir - ou non - des indemnités de chômage selon le droit suisse. Dans cette appréciation globale, la qualité du travail devait aussi jouer un rôle.
Dans l'ignorance du prêt consenti par l'intimé à B.________, et des deux cas de malversations survenus à K.________ (60'000 US$) et à L.________ (2 à 3 millions d'euros), la recourante a accordé à son ancien collaborateur l'équivalent d'un salaire annuel, soit 213'156 fr., et la couverture d'assurance maladie pour sa famille et lui-même de juillet à décembre 2003, ainsi que les services d'une agence de placement professionnelle pour collaborateurs de haut niveau (outplacement).
Il apparaît que, même si la cour cantonale a relevé, dans son consid. 4.1.4 querellé, que les circonstances propres à l'intimé n'avaient exercé aucune influence sur la volonté de la recourante de lui offrir les indemnités susmentionnées, en lieu et place d'un licenciement ordinaire, elle n'en a pas moins pris en considération les critères rappelés par les deux chefs du personnel successivement en fonction, entendus comme témoins. Ainsi, outre la position dirigeante de l'intimé, la cour cantonale a rappelé que ce dernier avait exercé son activité pendant une quinzaine d'années à la grande satisfaction de son employeur, qui en avait tiré profit. Par ailleurs, la juridiction intimée n'a pas ignoré que l'ancien directeur avait tu à son employeur l'existence d'un investissement, qu'il aurait dû déclarer en application du code éthique de l'entreprise; toutefois, la cour cantonale a remarqué que cette opération n'avait entraîné aucun préjudice financier pour la recourante, de sorte qu'elle n'était pas lésée à raison de ce fait précis.
Plus loin, à son consid. 5.5.2, la cour cantonale, examinant l'hypothèse du licenciement immédiat, a souligné le caractère dérisoire des malversations commises à K.________, qui ont entraîné le licenciement du directeur régional, près de deux mois après la clôture de l'enquête interne et la suspension de ce collaborateur. De même, la cour cantonale a indiqué que la recourante n'avait fourni presque aucun élément concernant les détournements survenus à son bureau de L.________, si ce n'est le montant du dommage (2 à 3 millions d'euros) et l'existence d'une procédure pénale en Belgique. Même si ces éléments n'avaient guère de pertinence à l'aune du raisonnement de la cour cantonale, qui a considéré que la recourante avait décidé de placer abruptement l'intimé devant l'alternative d'un licenciement ou de l'acceptation d'indemnités fixées par elle-même, elle n'en a pas moins constaté que les indemnités proposées correspondaient aux critères rappelés par les témoins compte tenu d'une "activité (...) sans tache et profitable pendant une quinzaine d'années". Par ailleurs, en examinant la question du licenciement immédiat, la cour cantonale a établi en fait, d'une façon qui n'est pas remise en cause dans le présent recours de droit public, et qui liera en conséquence le Tribunal fédéral, que la recourante n'a subi aucun dommage, suite à l'octroi du prêt à B.________. Cette circonstance démontre que la cour cantonale pouvait qualifier l'activité de l'intimé de "profitable" pour son employeur, malgré un manquement isolé au respect des règles d'éthique de l'entreprise, n'ayant entraîné aucune conséquence pour l'employeur.
Au vu des considérations qui précèdent, le grief d'arbitraire dans l'appréciation des témoignages doit être écarté.
3.3 La recourante reproche à la cour cantonale d'avoir abouti à un résultat arbitraire, en ne retenant pas qu'elle était dans l'erreur ou sous l'emprise d'un dol, lorsqu'elle a accordé les indemnités susmentionnées à son ancien collaborateur, dans l'ignorance de sa participation à B.________, entraînant un conflit d'intérêts prohibé par les règles d'éthique de l'entreprise.
Examinant cette question du prêt à B.________ sous l'angle du licenciement immédiat, la cour cantonale, qui avait déjà établi que cette violation des devoirs professionnels n'avait causé aucun préjudice économique à la recourante, a exposé que les dirigeants de cette dernière étaient partagés sur les effets qu'ils attribuaient à cette faute professionnelle, notamment quant à l'existence d'un conflit d'intérêts, et que celle-là méritait une sanction relativement légère, au regard de "plus de dix ans de collaboration exemplaire". Dans ces conditions, la faute professionnelle observée ne pouvait constituer en aucun cas un motif suffisant de licenciement immédiat.
Dans la mesure où ce grief n'est pas irrecevable, parce qu'il relèverait de l'application du droit fédéral, s'agissant de l'interprétation d'une clause contractuelle explicitant le devoir de fidélité de l'employé, il doit être rejeté, parce que la solution adoptée ne s'avère pas en contradiction claire avec la situation de fait, ne viole pas gravement un principe juridique indiscuté et ne conduit pas à un résultat qui choque le sentiment de la justice et de l'équité, puisque la recourante n'a subi aucun préjudice de ce fait.
Compte tenu de ce qui précède, le recours de droit public doit être rejeté, dans la mesure de sa recevabilité.
4.
Comme la valeur litigieuse, selon les prétentions de l'intimé à l'ouverture de l'action (ATF 115 II 30 consid. 5b p. 41), dépasse 30'000 fr., la procédure n'est pas gratuite ( art. 343 al. 2 et 3 CO ). Les frais et dépens seront mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Un émolument judiciaire de 6'500 fr. est mis à la charge de la recourante.
3.
La recourante versera à l'intimé une indemnité de 7'500 fr. à titre de dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des par-ties et à la Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes du canton de Genève.
Lausanne, le 4 mai 2006
Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse
Le président: La greffière: