Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
2C_322/2024
Arrêt du 4 juillet 2024
IIe Cour de droit public
Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux
Aubry Girardin, Présidente, Ryter et Kradolfer.
Greffière : Mme Meyer.
Participants à la procédure
1. A.A.________,
2. B.A.________,
3. C.A.________,
4. D.A.________,
5. E.A.________,
tous représentés par Me Nicolas Candaux, avocat,
recourants,
contre
Administration fédérale des contributions, Service d'échange d'informations en matière fiscale SEI,
Eigerstrasse 65, 3003 Berne,
intimée.
Objet
Assistance administrative (CDI CH-IN),
recours contre l'arrêt du Tribunal administratif fédéral, Cour I, du 4 juin 2024 (A-2763/2022).
Considérant en fait et en droit :
1.
1.1. Le 22 juin 2016, l'autorité compétente indienne (ci-après: l'autorité requérante) a adressé quatre demandes d'assistance administrative en matière fiscale à l'Administration fédérale des contributions (ci-après: l'Administration fédérale), fondées sur l'art. 26 de la Convention du 2 novembre 1994 entre la Confédération suisse et la République de l'Inde en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu (RS 0.672.942.31). Elle a transmis une demande complémentaire le 23 septembre 2016. Les renseignements demandés visaient D.A.________, B.A.________, C.A.________, E.A.________, A.A.________ et deux autres personnes (ci-après: les personnes concernées) et portaient sur la période du 1er avril 1999 au 31 mars 2016.
Par quatre décisions finales du 11 mai 2018, l'Administration fédérale a donné une suite favorable aux demandes, en limitant toutefois l'échange aux renseignements portant sur la période du 1er avril 2011 au 31 mars 2016. Par arrêt du 5 août 2019, le Tribunal administratif fédéral a confirmé les décisions du 11 mai 2018, en ordonnant toutefois des caviardages complémentaires et en interdisant la transmission de renseignements concernant la période du 1er avril 2015 au 31 mars 2016. Cet arrêt a été confirmé par arrêt du Tribunal fédéral du 16 novembre 2020 (arrêt 2C_703/2019).
Le 29 janvier 2021, donnant suite à deux des quatre décisions finales du 11 mai 2018 (procédures portant les références n° xxx-IN-0026 et n° xxx-IN-0029), l'Administration fédérale a transmis les renseignements correspondants à l'autorité requérante.
1.2. Le 17 mai 2021, les sept personnes concernées ont déposé une première demande de réexamen devant l'Administration fédérale portant sur les décisions finales du 11 mai 2018. Ils invoquaient notamment une décision de l'autorité requérante datée du 25 mars 2021. L'Administration fédérale a rejeté la demande de réexamen par décision du 5 août 2021. D.A.________, B.A.________, C.A.________, E.A.________ et A.A.________ (ci-après: les intéressés) ont recouru contre cette décision le 3 septembre 2021. Le Tribunal administratif fédéral a confirmé le rejet de cette première demande de réexamen par arrêt du 2 juin 2022, entré en force.
1.3. Le 10 juin 2022, les intéressés ont adressé à l'Administration fédérale une seconde demande de réexamen portant sur les deux décisions finales du 11 mai 2018 sur la base desquelles elle avait transmis les renseignements à l'autorité requérante le 29 janvier 2021 (procédures n° xxx-IN-0026 et n° xxx-IN-0029). Cette demande était assortie d'une requête urgente d'effet suspensif. Les intéressés invoquaient des faits nouveaux, à savoir, en substance, qu'il ressortait, selon eux, de trois décisions de l'autorité requérante du 25 mars 2021, produites à l'appui de leur demande, que les informations transmises par la Suisse seraient utilisées en Inde pour l'application du "Black Money Act", en violation du principe de spécialité.
Par décision du 16 juin 2022, l'Administration fédérale a déclaré la demande de réexamen irrecevable, car tardive, et la requête d'effet suspensif sans objet. Le 22 juin 2022, les intéressés ont recouru contre cette décision devant le Tribunal administratif fédéral. Dans le cadre de leur recours, ils produisaient, en sus des trois décisions du 25 mars 2021, d'autres décisions de l'autorité requérante datées du 27 mars 2022, qui démontreraient également, selon eux, que les renseignements seraient utilisés en Inde pour l'application du "Black Money Act".
1.4. Par arrêt du 4 juin 2024, le Tribunal administratif fédéral, après avoir ordonné la restitution de l'effet suspensif en tant que mesure superprovisionnelle par décision incidente du 24 juin 2022, a rejeté le recours dans la mesure de sa recevabilité et confirmé la décision de l'Administration fédérale du 16 juin 2022 déclarant la seconde demande de réexamen des recourants du 10 juin 2022 irrecevable. Selon l'instance précédente, cette demande était tardive pour plusieurs motifs. Premièrement, les trois décisions du 25 mars 2021 auraient pu être transmises par les recourants à l'Administration fédérale le 17 mai 2021 déjà, avec leur première demande de réexamen. Deuxièmement, la seconde demande de réexamen avait été déposée plus d'un an après le prononcé des décisions du 25 mars 2021. Troisièmement, les recourants n'avaient pas transmis les décisions du 27 mars 2022 à l'Administration fédérale. Enfin, l'instance précédente a souligné, en référence à la jurisprudence relative à la diligence que l'on peut attendre de toute partie requérant le réexamen d'une décision, que l'ensemble des décisions des 25 mars 2021 et 27 mars 2022 auraient pu être produites par les recourants dans le cadre de la procédure judiciaire relative à leur première demande de réexamen, qui était pendante devant le Tribunal administratif fédéral à fin mars 2022.
1.5. Contre cet arrêt, D.A.________, B.A.________, C.A.________, E.A.________ et A.A.________ forment un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral. Sous suite de frais et dépens, ils sollicitent, à titre préalable, l'octroi de l'effet suspensif. Au fond, ils demandent l'annulation de l'arrêt attaqué et le renvoi de la cause au Tribunal administratif fédéral pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures.
2.
Selon l'art. 83 let. h LTF, le recours en matière de droit public est irrecevable contre les décisions en matière d'entraide administrative internationale, à l'exception de l'assistance administrative en matière fiscale. Il découle de l'art. 84a LTF que, dans ce dernier domaine, le recours n'est recevable que lorsqu'une question juridique de principe se pose ou lorsqu'il s'agit, pour d'autres motifs, d'un cas particulièrement important au sens de l'art. 84 al. 2 LTF.
Il appartient à la partie recourante de démontrer de manière suffisante en quoi les conditions de recevabilité de l'art. 84a LTF sont remplies (art. 42 al. 2 LTF; ATF 145 IV 99 consid. 1.5; 139 II 340 consid. 4; 404 consid. 1.3), à moins que tel ne soit manifestement le cas (cf. ATF 141 II 353 consid. 1.2; 139 II 340 consid. 4; 404 consid. 1.3).
2.1. Les recourants ne prétendent pas que le litige soulèverait une question juridique de principe. Ils arguent en revanche qu'il constituerait un cas particulièrement important, dès lors que l'instance précédente aurait violé les garanties générales de procédure prévues à l'art. 29 al. 1 Cst. en confirmant que leur seconde demande de réexamen était tardive.
2.2. Conformément à l'art. 84 al. 2 LTF, applicable par renvoi de l'art. 84a LTF, un cas est particulièrement important notamment lorsqu'il y a des raisons de supposer que la procédure à l'étranger - ou en Suisse (cf. ATF 145 IV 99 consid. 1.3) - viole des principes fondamentaux ou comporte d'autres vices graves. La reconnaissance d'un cas particulièrement important doit être admise avec retenue. Le Tribunal fédéral jouit à cet égard d'un large pouvoir d'appréciation (ATF 145 IV 99 consid. 1.2; 139 II 340 consid. 4). Seule une violation importante et suffisamment crédible des principes fondamentaux de la procédure, y compris de la procédure suisse, peut conduire à considérer que la condition de recevabilité posée par l'art. 84 al. 2 LTF est réalisée (ATF 145 IV 99 consid. 1.5; arrêt 2C_252/2023 du 23 mai 2023 consid. 2.2 et les arrêts cités). Comme le Tribunal fédéral n'a pas pour fonction de trancher des questions abstraites (cf. ATF 142 II 161 consid. 3), il faut que la violation des principes de procédure invoquée par la partie recourante se pose concrètement dans le cas d'espèce et qu'elle soit déterminante pour l'issue du litige (cf. arrêts 2C_644/2023 du 29 novembre 2023 consid. 2.1; 2C_262/2023 du 23 mai 2023 consid. 2 et les arrêts cités).
2.3. Le Tribunal fédéral a déduit des garanties générales de procédure de l' art. 29 al. 1 et 2 Cst. l'obligation pour l'autorité administrative de se saisir d'une demande de réexamen lorsque les circonstances se sont modifiées dans une mesure notable depuis la première décision attaquée ou lorsque le requérant invoque des faits ou des moyens de preuve importants qu'il ne connaissait pas ou qu'il avait été dans l'impossibilité de faire valoir dans la procédure antérieure (cf. ATF 146 I 185 consid. 4.1 et les arrêts cités). La modification notable des circonstances de fait comme motif de réexamen concerne les vrais nova ("echte Noven"), à savoir des faits survenus après la prise de la décision litigieuse (arrêt 2C_244/2023 du 10 janvier 2024 consid. 4.3 et les arrêts cités). Les faits ou moyens de preuve antérieurs à ladite décision, soit les pseudo-nova ("unechte Noven") doivent, pour donner lieu à un réexamen, être importants en ce sens qu'ils doivent être susceptibles d'influencer le sort de la décision contestée dans un sens favorable à la partie requérante. De plus, ils ne doivent avoir été découverts qu'après coup et ne pas avoir pu être invoqués dans la procédure principale, malgré la diligence de la partie requérante (cf. ATF 144 V 258 consid. 2.1; 143 V 105 consid. 2.3; arrêt 2C_244/2023 précité consid. 4.3). On n'admettra qu'avec retenue qu'il était impossible d'alléguer un fait déterminant ou de produire un moyen de preuve dans la procédure antérieure, car la procédure de réexamen ne doit pas servir à remédier aux omissions de la partie requérante dans la conduite du procès, ni à éluder les dispositions légales sur les délais de recours (cf. ATF 136 II 177 consid. 2.1; arrêts 2C_244/2023 précité consid. 4.2 et 4.3; 2C_414/2021 du 3 septembre 2021 consid. 2.2.3).
2.4. En l'espèce, le point à trancher par le Tribunal fédéral, au stade de l'examen des conditions de recevabilité du recours en matière de droit public dans le domaine de l'entraide administrative en matière fiscale (cf.
supra consid. 2.2), est uniquement celui de savoir si l'instance précédente a violé de manière manifeste les garanties générales de procédure de l' art. 29 al. 1 et 2 Cst. , dans le cadre de son analyse de la recevabilité de la seconde demande de réexamen des recourants. Ainsi, il n'y a pas lieu d'examiner si les informations transmises à l'autorité requérante, sur la base des décisions définitives et exécutoires du 11 mai 2018, auraient pu être utilisées par la suite en Inde pour appliquer les dispositions du "Black Money Act", en violation du principe de spécialité, comme le prétendent les recourants, ni si, dans cette hypothèse, un réexamen des décisions pourrait éventuellement se justifier.
2.5. Concernant la tardiveté qui leur est reprochée par l'instance précédente (cf.
supra consid. 1.4), les recourants se contentent de soutenir, d'une part, qu'ils avaient bel et bien transmis à l'Administration fédérale l'une des trois décisions du 25 mars 2021 avec leur première demande de réexamen et, d'autre part, qu'ils n'auraient pas pu produire les décisions du 27 mars 2022 dans le cadre de la procédure devant le Tribunal administratif relative à leur première demande réexamen car celle-ci portait sur une autre problématique. Ils précisent, dans leur mémoire de recours, que leur première demande de réexamen avait pour objet la perte d'utilité des informations pour l'analyse de leur situation fiscale, alors que la seconde demande de réexamen concernait l'utilisation des renseignements pour l'application du "Black Money Act".
Ces arguments ne démontrent pas en quoi l'instance précédente aurait violé de manière manifeste l' art. 29 al. 1 et 2 Cst. et la jurisprudence susmentionnée (cf.
supra consid. 2.3). Même si les recourants avaient transmis l'une des trois décisions du 25 mars 2021 à l'Administration fédérale avec leur première demande de réexamen, comme ils l'allèguent, ils ne prétendaient pas, dans cette première demande, que la décision en cause démontrerait l'existence de faits nouveaux consistant en l'application du "Black Money Act" en Inde. Pourtant, ils étaient déjà en possession des trois décisions du 25 mars 2021 et auraient dès lors pu formuler cet argument dans leur première demande. Or, ce n'est que dans le cadre de leur seconde demande de réexamen, le 10 juin 2022, soit plus d'un an après avoir reçu les décisions du 25 mars 2021, qu'ils ont soulevé l'existence d'éventuelles circonstances nouvelles liées à l'application du "Black Money Act" en Inde et produit devant l'Administration fédérale les trois décisions du 25 mars 2021 en cause. Il ressort également des faits de l'arrêt attaqué, qui lient le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF), que les recourants n'ont pas transmis les décisions du 27 mars 2022 à l'Administration fédérale, alors qu'ils les avaient reçues depuis près de trois mois lorsqu'ils ont déposé leur seconde demande de réexamen le 10 juin 2022. Dans ce contexte, on ne discerne pas en quoi l'instance précédente aurait violé de manière importante les garanties de procédure de l'art. 29 Cst. en déclarant la seconde demande de réexamen des recourants du 10 juin 2022 irrecevable en raison de sa tardiveté. Partant, les exigences de recevabilité du recours en matière de droit public prévues aux art. 84a et 84 al. 2 LTF ne sont pas remplies.
3.
3.1. Il découle de ce qui précède que le recours doit être déclaré irrecevable en application des art. 107 al. 3 et 109 al. 1 LTF, étant précisé que, comme l'arrêt attaqué émane du Tribunal administratif fédéral, la voie du recours constitutionnel subsidiaire n'entre pas en considération (art. 113 LTF
a contrario).
3.2. Cette conséquence fait perdre tout objet à la requête d'effet suspensif contenue dans le recours, à supposer que les recourants aient eu un intérêt à demander son octroi, l'effet suspensif étant déjà prévu à l'art. 103 al. 2 let. d LTF (cf. arrêts 2C_625/2023 du 15 novembre 2023 consid. 3.2; 2C_262/2023 du 23 mai 2023 consid. 4 et les arrêts cités).
4. Succombant, les recourants doivent supporter les frais de justice devant le Tribunal fédéral, solidairement entre eux ( art. 66 al. 1 et 5 LTF ). Il ne sera pas alloué de dépens ( art. 68 al. 1 et 3 LTF ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est irrecevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge des recourants, solidairement entre eux.
3.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire des recourants, à l'Administration fédérale des contributions, Service d'échange d'informations en matière fiscale SEI, et au Tribunal administratif fédéral, Cour I.
Lausanne, le 4 juillet 2024
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : F. Aubry Girardin
La Greffière : L. Meyer