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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
8C_769/2023  
 
 
Arrêt du 4 juillet 2024  
 
IVe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Wirthlin, Président, Métral et Bechaalany, Juge suppléante. 
Greffière : Mme von Zwehl. 
 
Participants à la procédure 
Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA), Division juridique, Fluhmattstrasse 1, 6002 Lucerne, 
recourante, 
 
contre  
 
A.________, 
intimée. 
 
Objet 
Assurance-accidents (rechute), 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 30 octobre 2023 (A/406/2023 ATAS/830/2023). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A.________, née en 1966, est employée comme secrétaire réceptionniste par un bureau d'architectes à U.________ depuis le 1er décembre 2019. Elle est assurée à ce titre contre le risque d'accidents auprès de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (ci-après: CNA). Le 28 septembre 2021, l'assurée a chuté sur le trottoir, après avoir perdu connaissance. Les médecins de la consultation des urgences ont constaté des douleurs au genou droit et à la main gauche. Le 29 septembre 2021, l'assurée a repris le travail et l'accident a été déclaré à la CNA.  
 
A.b. Le 17 mars 2022, A.________ a déclaré une rechute à la CNA. Elle ressentait, à la suite de sa chute, des douleurs irradiant depuis les doigts qui avaient été fissurés jusqu'au poignet, avec une perte de force. Le 14 avril 2022, une radiographie du poignet gauche a conclu à un possible conflit ulno-lunaire. Le 22 avril 2022, le docteur B.________, spécialiste FMH en chirurgie de la main, a constaté un syndrome d'hyperpression ulno-carpien avec un kyste de résorption sur le semi-lunaire; la chute avait vraisemblablement créé une déchirure du TFCC (Triangular Fibrocartilage Complex) en même temps que les fractures des quatrième et cinquième doigts de la main gauche. Le 26 août 2022, une IRM du poignet gauche a confirmé des signes très avancés d'un conflit ulno-carpien, d'une rupture des fibres fovéolaires du ligament triangulaire du carpe, associée à une perforation de la partie centrale du ligament triangulaire du carpe. Le 1er septembre 2022, l'assurée a informé la CNA qu'une opération était prévue le 17 octobre 2022. Elle a été en incapacité de travail à partir de cette date jusqu'au 30 novembre 2022.  
 
A.c. Par décision du 17 octobre 2022, confirmée sur opposition le 13 décembre 2022, la CNA a refusé de prendre en charge l'ostéotomie de raccourcissement du cubitus gauche pratiquée le même jour par le docteur B.________, au motif qu'il n'y avait pas de causalité entre l'accident assuré et les troubles aux doigts gauches.  
 
B.  
Par arrêt du 30 octobre 2023, la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et du canton de Genève a admis le recours de l'assurée et mis à la charge de la CNA les suites de l'accident du 28 septembre 2021 au-delà du 16 octobre 2022 dans le sens des considérants. 
 
C.  
La CNA forme un recours en matière de droit public contre cet arrêt et conclut à son annulation. À titre subsidiaire, elle demande que la cause lui soit renvoyée pour expertise médicale et nouvelle appréciation. 
A.________ conclut au rejet du recours. La cour cantonale se réfère à son arrêt. L'Office fédéral de la santé publique ne s'est pas prononcé. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours est dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière de droit public (art. 82 ss LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF). Il a été déposé dans le délai (art. 100 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. Il y a dès lors lieu d'entrer en matière sur le recours. 
 
2.  
Le litige porte sur le droit de l'intimée aux prestations de l'assurance-accidents (traitement médical et indemnités journalières) pour la rechute annoncée le 17 mars 2022. Dans une procédure concernant l'octroi ou le refus de prestations en espèces de l'assurance-accidents, le Tribunal fédéral n'est pas lié par les faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 3 LTF). 
 
3.  
L'arrêt entrepris expose correctement les dispositions légales et les principes jurisprudentiels applicables en l'espèce, s'agissant notamment du droit aux prestations de l'assurance-accidents (art. 6 et 36 LAA; art. 11 OLAA [RS 832.202]), de l'exigence d'un lien de causalité naturelle et adéquate entre l'événement dommageable et l'atteinte à la santé (ATF 146 V 51 consid. 5.1; 142 V 435 consid. 1; 129 V 177 consid. 3.1, 402 consid. 4.3.1) et de l'appréciation des rapports médicaux (ATF 139 V 225 consid. 5.2; 135 V 465; 134 V 231 consid. 5.1; 125 V 351). On peut y renvoyer. 
 
4.  
En l'espèce, les juges cantonaux ont estimé que l'intervention chirurgicale du 17 octobre 2022 avait corrigé, au degré de la vraisemblance prépondérante, aussi bien un état pathologique antérieur, décompensé par l'accident, qu'une lésion traumatique du TFCC, survenue à la suite de cet accident. 
La cour cantonale a estimé que l'avis du docteur C.________, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie, selon lequel il existait un état préexistant (soit un conflit ulno-carpien) et l'intervention chirurgicale s'était limitée à réparer une atteinte congénitale sans lien avec l'accident car elle n'avait pas traité l'atteinte centrale du TFCC, n'était pas probant compte tenu des explications convaincantes et étayées fournies par le docteur B.________. Celui-ci avait en effet relevé, tout comme le docteur C.________, que l'assurée présentait un état antérieur par la présence d'une inégalité de longueur entre le radius et le cubitus. L'accident avait cependant décompensé cet état préexistant que l'assurée aurait pu tolérer encore plusieurs années [sic]. Par ailleurs, la lésion du TFCC comportait une déchirure à son insertion dans la fovéa comme on l'observait en général dans les traumatismes. En l'occurrence, le mécanisme de l'accident avec une chute violente, les lésions constatées et la déchirure du TFCC rendaient probable le lien de causalité avec l'accident. L'ostéotomie de raccourcissement de l'ulna avait été pratiquée pour diminuer la pression sur le compartiment ulno-carpien du poignet où se situaient le TFCC et le semi-ulnaire, opération également effectuée pour les situations post-traumatiques. L'articulation étant stable après ce geste chirurgical, il n'avait pas eu besoin de pratiquer de geste sur le ligament triangulaire. 
Au demeurant, le docteur B.________ avait constaté la présence d'une lésion traumatique du TFCC, traitée chirurgicalement au moyen d'une intervention indirecte, soit par une ostéotomie de raccourcissement de l'ulna qui diminue la pression sur le TFCC, intervention dont la littérature médicale et l'expertise du docteur B.________ indiquaient qu'elle suffisait à rétablir une stabilité articulaire. À cet égard, les juges cantonaux ont relevé que le docteur C.________ se limitait à affirmer que l'idée de corriger, par une ostéotomie seule, une lésion ligamentaire était intéressante mais n'empêchait pas que les atteintes soient préalables à l'événement, tout en soulignant qu'il ne parlait pas de l'atteinte du TFCC. Ils ont considéré que, par cette affirmation, le docteur C.________ semblait admettre une atteinte au TFCC d'origine traumatique, sans expliquer en quoi l'avis du docteur B.________ n'était pas convaincant quant à l'option thérapeutique choisie pour traiter cette lésion. 
Au vu de ces éléments, la cour cantonale a retenu que l'avis du docteur B.________, spécialiste de la chirurgie de la main, spécialisation dont ne bénéficiait pas le docteur C.________, permettait de considérer que l'intervention du 17 octobre 2022 avait corrigé, au degré de la vraisemblance prépondérante, les conséquences de l'événement accidentel assuré. La totalité de l'intervention chirurgicale, de même que les frais médicaux liés aux suites de cette opération et les indemnités journalières en lien avec l'incapacité de travail subséquente de l'assurée, devaient ainsi être mis à la charge de la CNA. 
 
5.  
 
5.1. La recourante reproche aux juges cantonaux d'avoir apprécié les preuves à leur disposition de façon erronée en reconnaissant une pleine valeur probante aux appréciations médicales du docteur B.________ et en niant toute valeur probante aux conclusions du docteur C.________. Selon elle, dès lors que l'intervention du 17 octobre 2022 avait uniquement consisté en une ostéotomie de raccourcissement de l'ulna, elle aurait visé à corriger une atteinte congénitale, à savoir la pression anormale causée par un os trop long, et non la problématique traumatique de rupture du TFCC à son insertion, qui aurait requis un débridement ou une réinsertion. Le docteur B.________ n'aurait pas expliqué en quoi raccourcir un os trop long permettait de réparer le ligament et aurait manqué de cohérence à ce propos. Par ailleurs, le raisonnement du docteur B.________ se fonderait surtout sur un raisonnement "post hoc ergo propter hoc", qui ne permettrait pas d'établir un lien de causalité naturelle suffisant. Ainsi, l'intervention du 17 octobre 2022 n'aurait jamais eu pour but de traiter les suites de l'accident. La recourante estime ensuite qu'au vu de la jurisprudence selon laquelle les médecins de la CNA sont considérés comme étant des spécialistes en matière de traumatologie, le docteur B.________ ne serait pas plus compétent que les médecins de la CNA pour examiner la problématique de la causalité entre un accident et des troubles à la main. L'arrêt ne rapporterait en outre pas fidèlement les raisonnements et conclusions du docteur C.________, qui aurait largement démontré que l'intervention du 17 octobre 2022 n'avait pas pour objectif de traiter la lésion traumatique mais uniquement l'atteinte congénitale. Ce médecin aurait en effet exclu une modification du rapport ulno-carpien en lien avec le traumatisme et conclu au caractère strictement congénital de cette atteinte. Il aurait également constaté que le docteur B.________ s'était désintéressé de la rupture ligamentaire pour se focaliser sur le conflit ulno-carpien, ce qui montrait que l'instabilité du poignet n'était pas liée aux ligaments déchirés mais à la problématique congénitale seule.  
 
5.2. En l'occurrence, l'appréciation des rapports médicaux par les juges cantonaux ne prête pas flanc à la critique. En effet, le docteur B.________ a déclaré que le traumatisme de l'accident avait vraisemblablement, pour le moins, décompensé l'inégalité de longueur entre le radius et le cubitus, et sinon provoqué son aggravation anatomique. En l'absence d'accident, cette anomalie aurait très bien pu être tolérée encore plusieurs années. Il a par ailleurs admis que l'opération pratiquée permettait de faire d'une pierre deux coups, en traitant tant le syndrome de compression ulno-carpien que l'instabilité articulaire. Il a clairement expliqué qu'en pratique, confirmée tant par son expérience que par la littérature spécialisée, l'ostéotomie de l'ulna suffit souvent à cet effet et que le fait de ne pas réparer directement le TFCC n'implique pas que la lésion fût exclusivement congénitale. Le docteur B.________ a démontré, avec des références à des articles scientifiques, que cette intervention se pratique ainsi aussi bien pour une inégalité de longueur constitutionnelle que pour une situation post-traumatique voire pour traiter une lésion du TFCC. Concrètement, sur la base du protocole opératoire et dès lors que l'articulation de l'assurée était à nouveau stable, le docteur B.________ a renoncé à pratiquer un geste local supplémentaire, sachant que dans les faits, l'ostéotomie suffit souvent à retendre le TFCC ou ses restes et les stabilisateurs secondaires.  
Quant au docteur C.________, sans remettre en cause ses compétences théoriques en matière de traumatologie, il se limite à constater qu'à son avis, les atteintes étaient antérieures à l'accident. Il en veut pour preuve le fait que le TFCC n'a pas été opéré. Ce raisonnement ne suffit pas à remettre en question l'appréciation du docteur B.________ qui repose sur un ensemble de critères complémentaires, dont son expérience médicale et opératoire, ses connaissances théoriques, un événement traumatique violent et une concordance temporelle entre celui-ci et la gêne douloureuse constatée. Dans ce contexte et s'il est vrai que le principe "post hoc ergo propter hoc" ne suffit pas en soi à établir un rapport de causalité entre une atteinte à la santé et un accident (ATF 119 V 341), on ne saurait cependant lui dénier toute valeur lorsqu'il est mis en relation avec d'autres éléments médicalement déterminants comme c'est le cas en l'espèce. Mal fondées, les critiques de la recourante doivent être rejetées. 
 
6.  
 
6.1. La recourante estime ensuite que l'instance précédente n'aurait pas pris en compte l'ensemble des éléments pertinents de la cause. En effet, elle n'aurait pas discuté l'appréciation du docteur D.________, qui estimait également que l'atteinte était antérieure à l'événement déclaré. La cour cantonale aurait également omis de rapporter que, lors de l'audience du 12 juin 2023, la recourante se serait plaint de douleurs au poignet droit également. L'apparition de ces douleurs six mois après l'accident montrerait que le conflit ulno-carpien congénital avait désormais pris le pas sur les suites de l'accident. Enfin, les juges cantonaux n'auraient pas relevé que la recourante avait continué de travailler sans modification de son taux d'emploi après l'accident, ce qui montrerait que la problématique douloureuse n'était pas en lien avec l'accident.  
 
6.2. Les griefs de la recourante sont mal fondés. En effet, les juges cantonaux ont bien rapporté l'appréciation du docteur D.________, interrogé en urgence sur l'intervention prévue. Dès lors qu'il s'est limité à indiquer que l'atteinte était antérieure à l'accident, on voit mal comment la cour cantonale aurait pu discuter son appréciation plus en avant. Par ailleurs, compte tenu du fait que, selon la déclaration d'accident et le procès-verbal de l'audience du 12 juin 2023, la recourante a chuté sur les deux mains et la face, les douleurs à la main droite n'apparaissent pas déterminantes. Il en va de même de la capacité de travail théorique de la recourante après son accident, au vu des adaptations auxquelles elle a dû procéder pour pouvoir poursuivre son activité (par exemple en répondant au téléphone avec l'autre main).  
 
7.  
Au vu de ce qui précède, c'est à juste titre que la cour cantonale a constaté que l'intervention du 17 octobre 2022 avait corrigé, au degré de la vraisemblance prépondérante, les conséquences de l'accident de l'assurée et a admis un droit à des prestations de l'assurance-accidents pour la rechute annoncée. 
 
8.  
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté. La recourante, qui succombe, supportera les frais judiciaires et les dépens (art. 66 al. 1 et 68 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève et à l'Office fédéral de la santé publique. 
 
 
Lucerne, le 4 juillet 2024 
 
Au nom de la IVe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Wirthlin 
 
La Greffière : von Zwehl