Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
5D_55/2022
Arrêt du 4 août 2022
IIe Cour de droit civil
Composition
MM. les Juges fédéraux Herrmann, Président,
Marazzi et von Werdt.
Greffière : Mme de Poret Bortolaso.
Participants à la procédure
A.________,
représentée par Me D.________, avocate,
recourante,
contre
Justice de paix du district de Lausanne,
Côtes-de-Montbenon 8, 1014 Lausanne.
Objet
assistance judiciaire (vérification des directives anticipées),
recours contre l'arrêt de la Chambre des curatelles du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 1er mars 2022 (C821.042483-211928 30).
Faits :
A.
Par requête de mesures superprovisionnelles du 8 octobre 2021, déposée auprès du Juge de paix du district de Lausanne, A.________ a conclu à ce que la validité de tous les actes juridiques contractés par sa fille B.________, née en 1981, soit suspendue à compter du 30 septembre 2021, respectivement à ce qu'il soit fait interdiction à tout tiers d'assister sa fille au suicide.
L'intéressée a expliqué que sa fille avait décidé d'avoir recours à l'assistance au suicide (Exit Suisse romande), mais estimait qu'elle ne disposait pas de ses pleines capacités cognitives et volitives pour prendre de telles décisions. Il convenait ainsi de prendre des mesures afin de faire la lumière sur la question.
A.a. Par ordonnance de mesures superprovisionnelles du même jour, le juge de paix a en substance fait droit à la requête jusqu'à droit jugé sur la capacité de discernement de B.________.
A.a.a. La requête de mesures d'extrême urgence déposée par B.________ en vue d'annuler l'ordonnance précitée a été rejetée par ordonnance de mesures superprovisionnelles du 14 octobre 2021.
A.a.b. Le 17 octobre 2021, le Dr C.________, médecin-délégué du district de Lausanne et spécialiste FMH en médecine interne générale, a déposé un rapport d'expertise exposant notamment l'adhésion de B.________ à l'association Exit en 2019 en raison de la souffrance liée à son état de santé, dont la gravité était attestée par deux certificats médicaux établis les 10 et 23 août 2021 par un spécialiste FMH en gastro-entérologie et hépatologie et un médecin du centre de chimiothérapie de Lausanne. Ces deux certificats attestaient tous deux de la capacité de discernement de l'intéressée, que l'expertise confirmait en indiquant que son examen psychique ne montrait aucun trouble de la pensée, que sa thymie était normale, qu'il n'y avait aucun signe d'addiction et qu'il n'y avait ainsi aucun argument sur le plan médical pour limiter sa liberté d'action.
A.a.c. Par ordonnance de mesures superprovisionnelles du 21 octobre 2021, le juge de paix a une nouvelle fois rejeté la requête de mesures d'extrême urgence de B.________ tendant à l'annulation de l'ordonnance de mesures superprovisionnelles du 8 octobre 2021, qui a ainsi été maintenue.
A.b. Le 27 octobre 2021, A.________ a déposé une requête d'assistance judiciaire, avec effet rétroactif au 7 octobre 2021, portant sur l'exonération des avances et des frais judiciaires et la désignation d'un conseil d'office en la personne de Me D.________.
Il ressort des pièces produites qu'elle perçoit une rente d'invalidité d'environ 515 euros par mois et que son revenu annuel imposable pour 2020 était de 3'088 euros. Le chiffre d'affaires pour son activité indépendante d'esthéticienne s'est élevé à respectivement 50 euros et 0 euro pour le premier et le second trimestre 2021. Ses charges s'élèvent à 527 euros 65 par mois, base mensuelle non comprise.
A.c. Par ordonnance de mesures provisionnelles du 28 octobre 2021, après avoir entendu B.________ à l'audience du même jour, le juge de paix a rapporté l'ordonnance de mesures superprovisionnelles rendue le 8 octobre 2021, rejeté toute autre ou plus ample conclusion et laissé les frais de la décision à la charge de l'État.
A.________ a formé recours contre cette décision le 9 novembre 2021.
B.________ est décédée à la même date.
A.________ a en conséquence retiré son recours. Par arrêt du 17 janvier 2022, la chambre des curatelles du Tribunal cantonal du canton de Vaud (ci-après: la chambre des curatelles) en a pris acte et rayé la cause du rôle.
A.d. Parallèlement, à savoir le 2 novembre 2021, le juge de paix a refusé à A.________ le bénéfice de l'assistance judiciaire, estimant que sa situation financière lui permettait d'assurer les frais du procès sans entamer la part de ses biens nécessaires à son entretien et à celui de sa famille.
Par arrêt du 1er mars 2022, la chambre des curatelles a rejeté le recours formé le 15 novembre 2021 par A.________ et confirmé la décision du juge de paix. Reconnaissant l'indigence de l'intéressée, la cour cantonale a en revanche considéré que la cause était dénuée de chance de succès.
B.
Le 5 avril 2022, A.________ (ci-après: la recourante) dépose contre cette dernière décision un recours constitutionnel subsidiaire au Tribunal fédéral. Elle conclut principalement à son annulation et à celle de la décision du juge de paix du 2 novembre 2021 lui refusant l'octroi de l'assistance judiciaire, à ce que le bénéfice de celle-ci lui soit accordé avec effet rétroactif au 7 octobre 2021, à ce que Me D.________ soit nommée en qualité de conseil d'office avec un délai pour déposer la liste des opérations effectuées en première instance, une indemnité équitable lui étant allouée sur la base de celles-ci. Subsidiairement, la recourante conclut à l'annulation de l'arrêt cantonal et au renvoi de la cause à la chambre des curatelles pour nouvelles décisions au sens des considérants.
La recourante réclame de surcroît le bénéfice de l'assistance judiciaire.
Des déterminations n'ont pas été demandées.
Considérant en droit :
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (notamment: ATF 147 I 89 consid. 1).
1.1. La décision entreprise, relative à l'assistance judiciaire, s'insère dans une procédure provisionnelle de vérification des directives anticipées de la fille de la recourante. Cette procédure a été close avant que soit rendue la décision déférée; celle-ci doit par conséquent être qualifiée de finale au sens de l'art. 90 LTF.
1.2. En tant que la procédure au fond, décisive pour déterminer la voie de droit ici ouverte (ATF 137 III 380 consid. 1.1), concernait une affaire civile (art. 72 al. 1 LTF) non pécuniaire, c'est la voie du recours en matière civile que devait emprunter la recourante, à l'exclusion du recours constitutionnel subsidiaire (art. 113 LTF). Cela étant, l'intitulé erroné d'un recours ne nuit pas à son auteur, pour autant que les conditions de recevabilité du recours qui aurait dû être interjeté soient réunies (ATF 135 III 441 consid. 3.3; 134 III 379 consid. 1.2 et les arrêts cités). Tel est ici le cas au regard des art. 75 al. 1 et 2, 76 al. 1 let. a et b LTF et 100 al. 1 LTF, si bien que le recours constitutionnel subsidiaire sera traité comme un recours en matière civile.
2.
2.1. La décision attaquée a été rendue dans le cadre d'une procédure de mesures provisionnelles au sens de l'art. 98 LTF, en sorte que la partie recourante ne peut dénoncer que la violation de droits constitutionnels. Le Tribunal fédéral n'examine de tels griefs que s'ils ont été invoqués et motivés par le recourant (" principe d'allégation ", art. 106 al. 2 LTF), c'est-à-dire s'ils ont été expressément soulevés et exposés de manière claire et détaillée (ATF 147 I 73 consid. 2.1; 146 III 303 consid. 2; 142 III 364 consid. 2.4).
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Dans l'hypothèse d'un recours soumis à l'art. 98 LTF, le recourant qui entend invoquer que les faits ont été établis de manière manifestement inexacte ne peut obtenir la rectification ou le complètement des constatations de fait de l'arrêt cantonal que s'il démontre la violation de droits constitutionnels, conformément au principe d'allégation susmentionné.
3.
La recourante invoque l'établissement arbitraire des faits et la violation de l'art. 29 al. 3 Cst.
3.1. Aux termes de cette dernière disposition, toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit, à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès, à l'assistance judiciaire gratuite. Elle a en outre droit à l'assistance gratuite d'un défenseur, dans la mesure où la sauvegarde de ses droits le requiert.
3.1.1. Seule se pose ici la question des chances de succès de la requête introduite par la recourante, celle de son indigence n'étant pas remise en cause.
Selon la jurisprudence, un procès est dénué de chances de succès lorsque les perspectives de le gagner sont notablement plus faibles que les risques de le perdre; il n'est en revanche pas dénué de chances de succès lorsque celles-ci et les risques d'échec sont à peu près égaux, ou lorsque les premières ne sont guère inférieures aux seconds. Est déterminante la question de savoir si une partie disposant des ressources financières nécessaires se lancerait ou non dans le procès après une analyse raisonnable. Il s'agit d'éviter qu'une partie mène un procès qu'elle ne conduirait pas à ses propres frais, uniquement parce qu'il ne lui coûte rien (ATF 142 III 138 consid. 5.1; 139 III 475 consid. 2.2; 138 III 217 consid. 2.2.4).
Le critère des chances de succès doit être examiné au moment du dépôt de la requête d'assistance judiciaire et sur la base d'un examen sommaire de la question (ATF 142 III 138 consid. 5.1; 138 III 217 consid. 2.2.4).
3.1.2. L'assistance judiciaire peut exceptionnellement être accordée avec effet rétroactif (ATF 122 I 322 consid. 3b; 122 I 203 consid. 2; 120 Ia 14 consid. 3f; arrêt 5A_181/2012 du 27 juin 2012 consid. 2.3.3; cf. également art. 119 al. 4 CPC).
3.1.3. Saisi d'un recours contre une décision refusant l'octroi de l'assistance judiciaire pour défaut de chances de succès, le Tribunal fédéral n'a pas à se substituer au juge cantonal pour décider si la requête présentée en instance cantonale doit être admise ou non. Le juge cantonal dispose d'un large pouvoir d'appréciation dans l'examen des chances de succès. Le Tribunal fédéral ne revoit sa décision qu'avec retenue: il doit uniquement vérifier que le juge cantonal ne s'est pas écarté des principes juridiques reconnus en la matière, qu'il n'a pas tenu compte de circonstances qui ne jouent pas de rôle pour le pronostic dans le cas particulier ou, inversement, qu'il n'a pas méconnu des circonstances pertinentes dont il aurait dû tenir compte (arrêts 5A_770/2021 du 4 mars 2022 consid. 6.3; 5D_83/2020 du 28 octobre 2020 consid. 5.3.4; 5A_583/2020 du 9 septembre 2020 consid. 3.2 les références).
3.2.
3.2.1. Le premier juge a refusé l'assistance judiciaire à la recourante après avoir rendu sa décision au fond. Le refus a été formulé au motif que, sur la base des pièces produites, la situation financière de la recourante lui permettait d'assurer les frais du procès sans entamer la part de ses biens nécessaires à son entretien et à celui de sa famille. Il a considéré que la requête d'assistance judiciaire avait été déposée le 27 octobre 2021.
3.2.2. La cour cantonale a elle aussi retenu la date déterminante du 27 octobre 2021 pour le dépôt de la requête. A cette date, elle a considéré que la recourante disposait non seulement des certificats médicaux des 10 et 23 août 2021, mais également du rapport d'expertise du Dr C.________. La gravité de l'état de santé ainsi que la capacité de discernement de sa fille en ressortait sans équivoque. Vu ces éléments, il fallait reconnaître que, même si la perspective de se résoudre à laisser partir sa fille souffrante rendait compréhensibles les démarches entreprises par la recourante, au moment du dépôt de la requête d'assistance judiciaire, ses perspectives d'avoir gain de cause étaient notablement plus faibles que les risques d'une issue défavorable de la procédure. Dans ces conditions, les juges cantonaux ont considéré que c'était à juste titre que le premier juge avait rejeté la requête d'assistance judiciaire.
3.3. La recourante fonde son argumentation essentiellement sur la date de dépôt de sa requête d'assistance judiciaire, qu'elle reproche à la cour cantonale d'avoir arbitrairement fixée au 27 octobre 2021 au lieu du 8 octobre 2021.
3.4. L'on relèvera d'abord que la décision de mesures provisionnelles du 28 septembre 2021 n'a imputé aucun frais judiciaires à la recourante. Seule entre ainsi en ligne de compte la prise en charge de ses frais d'avocat.
La recourante reconnaît ensuite elle-même qu'elle s'est limitée, le 8 octobre 2021, à annoncer vouloir déposer une requête d'assistance judiciaire (" une demande de bénéfice de l'assistance judiciaire vous sera adressée par un prochain courrier "), ce qu'elle n'a fait que près de trois semaines plus tard, à savoir le 27 octobre 2021, en déposant le formulaire
ad hoc accompagné des pièces justificatives et en réclamant l'effet rétroactif au 7 octobre 2021.
Ce n'est donc qu'en date du 27 octobre 2021 que l'autorité cantonale était en mesure de statuer sur la requête,
a fortiori sur son éventuel effet rétroactif.
Si l'on peut se questionner sur les raisons pour lesquelles la requête d'assistance judiciaire a été rejetée par le premier juge après l'annulation des mesures provisionnelles requises par la recourante, il n'en demeure pas moins que, comme le constate à juste titre la cour cantonale, de nombreux éléments attestaient de la capacité de discernement de B.________ au jour du dépôt de la requête d'assistance judiciaire de sa mère, lesquels étaient alors à la disposition de celle-ci. Dans ces conditions, l'autorité cantonale n'apparaît pas avoir arbitrairement excédé de son pouvoir d'appréciation en considérant, certes rétrospectivement, que la requête introduite par la recourante était fondée sur un motif émotionnel défendable, mais que ses chances de succès étaient cependant plus faibles que le risque d'une issue défavorable. L'on peut certes admettre que la recourante ait dû consulter une avocate dans l'urgence, sans peut-être immédiatement pouvoir déposer sa requête d'assistance judiciaire; celle-ci pouvait néanmoins l'être à brève échéance, circonstance permettant de fixer antérieurement le moment auxquelles les chances de succès de la requête qu'elle avait déposée devaient être évaluées. Enfin, que les requêtes de mesures superprovisionnelles de B.________ aient été rejetées à deux reprises n'apparaît pas déterminant pour affirmer que la procédure initiée par la recourante n'était pas dépourvue de chance de succès: dans la mesure où la mort de la jeune femme était envisageable à brève échéance, il n'était pas déraisonnable de rejeter les requêtes qu'elle avait déposées, dans le contexte de la nécessité de statuer à très bref délai.
4.
En définitive, le recours, traité comme un recours en matière civile, est rejeté. Les conclusions de la recourante étaient d'emblée vouées à l'échec, en sorte que sa requête d'assistance judiciaire doit être rejetée (art. 64 al. 1 LTF) et les frais judiciaires mis à sa charge (art. 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu d'attribuer de dépens.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours, traité comme un recours en matière civile, est rejeté.
2.
La requête d'assistance judiciaire de la recourante est rejetée.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de la recourante.
4.
Le présent arrêt est communiqué à la recourante, à la Justice de paix du district de Lausanne et à la Chambre des curatelles du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Lausanne, le 4 août 2022
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Herrmann
La Greffière : de Poret Bortolaso