Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
7B_661/2024, 7B_663/2024
Arrêt du 4 septembre 2024
IIe Cour de droit pénal
Composition
M. le Juge fédéral Abrecht, Président.
Koch et Hurni.
Greffier : M. Tinguely.
Participants à la procédure
7B_661/2024
A.________,
représentée par Mes Olivier Peter et Emma Lidén, avocats,
recourante,
et
7B_663/2024
B.________,
représentée par Me Raphaël Jakob, avocat,
recourante,
contre
1. C.________,
2. D.________,
3. E.________,
4. F.________,
5. Ministère public de la République et canton de Neuchâtel.
intimés.
Objet
Révocation d'une défense d'office; interdiction de postuler signifiée à un avocat (recours irrecevable),
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, Autorité de recours en matière pénale, du 13 mai 2024 (ARMP.2024.40, 41, 42 et 43/sk-vc).
Faits :
A.
A.a. Dans le canton de Neuchâtel, A.________ a initié différentes procédures pénales contre des tiers, notamment contre F.________, père de ses jumeaux, à qui elle reproche notamment de les avoir enlevés à La Chaux-de-Fonds (NE) dans le but de les conduire en Espagne, ainsi que contre D.________, son ancien compagnon.
Des procédures ont par ailleurs été introduites contre A.________ par F.________ (qui l'accuse notamment, préalablement aux faits survenus à La Chaux-de Fonds, d'avoir enlevé les enfants en Espagne, puis de les avoir emmenés en Suisse), D.________ et E.________ (bailleresse de A.________), tous trois étant représentés par l'avocat C.________, à La Chaux-de-Fonds.
A.b. B.________, mère de A.________, est pour sa part partie plaignante dans la procédure pénale ouverte notamment contre D.________ pour lésions corporelles.
B.
B.a. Par décision du 4 mars 2024, le Ministère public de la République et canton de Neuchâtel, statuant sur les requêtes formulées en ce sens par A.________ et B.________ notamment, a interdit à l'avocat C.________ de représenter F.________, D.________ et E.________ dans les différentes procédures pénales évoquées ci-avant.
B.b. Par arrêt du 13 mai 2024, l'Autorité de recours en matière pénale du Tribunal cantonal neuchâtelois a admis les recours interjetés par l'avocat C.________, F.________, D.________ et E.________ contre la décision du 4 mars 2024 et a annulé cette dernière.
C.
C.a. A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 13 mai 2024 (cause 7B_661/2024), en concluant principalement à sa réforme en ce sens que la décision du Ministère public du 4 mars 2024 soit confirmée et qu'il soit constaté une violation des art. 8 et 13 CEDH . À titre subsidiaire, elle conclut à l'annulation de l'arrêt du 13 mai 2024 et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision. Elle sollicite en outre l'octroi de l'assistance judiciaire.
Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures.
C.b. B.________ interjette également un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 13 mai 2024 (cause 7B_663/2024), en concluant principalement à sa réforme en ce sens que les recours de l'avocat C.________, de F.________, de D.________ et de E.________ soient rejetés et que la décision du Ministère public du 4 mars 2024 soit confirmée. Elle sollicite aussi l'octroi de l'assistance judiciaire.
Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures.
Considérant en droit :
1.
Les deux recours en matière pénale sont dirigés contre le même arrêt. Ils concernent le même complexe de faits et portent sur des questions juridiques identiques. Il y a donc lieu de joindre les causes et de les traiter dans un seul arrêt (art. 24 al. 2 PCF et 71 LTF).
2.
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 149 IV 9 consid. 2).
2.1. Les recours, relatifs à une cause pénale et déposés en temps utile (cf. art. 44 ss et 100 al. 1 LTF ), sont dirigés contre une décision rendue par une autorité de dernière instance cantonale (cf. art. 80 LTF), de sorte que la voie du recours en matière pénale est en principe ouverte (art. 78 ss LTF).
2.2.
2.2.1. L'arrêt attaqué, qui porte sur le refus de prononcer l'interdiction de postuler d'un avocat, ne met pas un terme à la procédure pénale et a donc un caractère incident (cf. arrêts 7B_215/2024 du 6 mai 2024 consid. 1.1 et les références citées; 5A_830/2023 du 8 février 2024 consid. 1.1). Dans une telle situation, le recours au Tribunal fédéral n'est ouvert qu'en présence d'un risque de préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF, l'art. 93 al. 1 let. b LTF n'étant généralement pas applicable en matière pénale (ATF 144 IV 127 consid. 1.3; 143 IV 462 consid. 1). Le préjudice irréparable se rapporte à un dommage de nature juridique qui ne puisse pas être réparé ultérieurement par un jugement final ou une autre décision favorable au recourant (ATF 147 IV 188 consid. 1.3.2; 144 IV 127 consid. 1.3.1). Il incombe au recourant qui attaque une décision incidente d'alléguer les faits qu'il considère comme propres à fonder sa qualité pour recourir et ceux permettant de démontrer l'existence d'un préjudice irréparable lorsque celui-ci n'est pas d'emblée évident (cf. art. 42 al. 2 LTF; ATF 148 IV 155 consid. 1.1; 141 IV 284 consid. 2.3).
2.2.2. De jurisprudence constante, lorsque la décision incidente interdit à l'avocat mandaté par une partie de procéder en tant que représentant de celle-ci, elle cause un préjudice irréparable à ladite partie, laquelle est en effet privé du droit de faire défendre ses intérêts par l'avocat de son choix; l'avocat évincé peut aussi former un recours immédiat. Une telle règle générale ne saurait en revanche prévaloir dans l'hypothèse inverse, soit lorsque la décision incidente rejette l'exception tirée de l'incapacité de postuler et autorise l'avocat d'une partie à poursuivre la représentation; il faut bien plutôt considérer qu'en principe, pour la partie adverse, les inconvénients résultant d'une pareille décision sont purement factuels et dépourvus de caractère juridique, de sorte qu'elle n'est pas susceptible de lui causer un préjudice irréparable (arrêt 7B_145/2024 du 16 juillet 2024 consid. 1.2.1; GRÉGORY BOVEY, in Commentaire de la LTF, 3e éd. 2022, n. 21 ad art. 93 LTF p. 1498 et 1502; cf. également en matière civile: arrêts 5A_830/2023 du 8 février 2024 consid. 1.1 et l'arrêt cité; 5A_311/2022 du 9 novembre 2022 consid. 2.2 et les arrêts cités; 4A_313/2020 du 1er octobre 2020 consid. 3).
2.3. En l'espèce, l'arrêt querellé a pour conséquence que, dans les causes pénales les opposant aux recourantes, les intimés F.________, D.________ et E.________ peuvent continuer à être assistés et représentés par l'intimé C.________. Aussi, selon la jurisprudence évoquée ci-avant, une telle décision n'est en principe pas susceptible de causer un préjudice irréparable aux recourantes.
2.4. Les recourantes, qui se prévalent des art. 8 et 13 CEDH , ne parviennent en outre pas à démontrer qu'il existerait des circonstances exceptionnelles qui justifieraient de déroger à ce principe.
2.4.1. En particulier, en tant qu'elles se plaignent que l'intimé C.________ représente simultanément plusieurs parties adverses ayant des statuts distincts (prévenus, parties plaignantes ou témoins) dans les différentes procédures pénales en cours - dont en particulier les intimés F.________, D.________ et E.________ - et qu'il en résulterait par conséquent des conflits d'intérêts au sens de l'art. 12 let. c LLCA, les recourantes ne démontrent pas qu'en l'état des procédures, elles auraient concrètement subi, du fait d'une représentation multiple, un préjudice qui puisse être qualifié d'irréparable, ni d'ailleurs en quoi elles seraient personnellement fondées à se prévaloir du vice allégué, étant encore observé qu'une représentation de plusieurs participants par le même conseil juridique n'est en soi pas proscrite par la loi (cf. art. 127 al. 3 CPP).
En tout état, c'est bien à l'autorité d'instruction qu'il appartiendra de veiller dans la suite des procédures pénales, en particulier dans la perspective de leur éventuelle prochaine jonction (cf. art. 29 CPP), à ce que la représentation des différentes parties s'avère conforme aux exigences résultant de la loi et des règles relatives à la profession d'avocat.
2.4.2. Les recourantes se plaignent en outre que l'intimé C.________ aurait agi à la manière d'un "détective privé" en les surveillant personnellement, puis en dénonçant des comportements qu'il estimait constitutifs d'infractions. Elles soutiennent qu'en renonçant à révoquer les mandats de l'intimé précité et ainsi à prévenir des ingérences dans leur vie privée et familiale au sens de l'art. 8 CEDH, l'arrêt attaqué serait susceptible de leur causer un préjudice irréparable.
Cela étant, on ne voit pas que l'intimé C.________ - dont il ressort de l'arrêt attaqué qu'il réside dans le même quartier de La Chaux-de-Fonds que les recourantes (cf. arrêt attaqué, consid. 14a p. 41) - serait, d'une manière générale, empêché de faire part aux autorités pénales de constats qu'il aurait effectués personnellement. Les recourantes n'exposent au demeurant pas en quoi les agissements de l'intimé seraient effectivement constitutifs d'une atteinte à la personnalité, voire d'une infraction pénale, ni en quoi, le cas échéant, elles seraient empêchées de les porter à la connaissance des autorités civiles et pénales compétentes.
2.4.3. Dans la mesure où les recourantes soutiennent par ailleurs que les différents comportements reprochés à l'intimé C.________ (envoi de multiples actes de procédures inutiles, dont des dénonciations pénales infondées et des demandes de récusation abusives; prise de contacts avec des témoins; adoption d'un ton très virulent tant à leur égard qu'à celui du Ministère public; non-respect des règles de bienséance) seraient de nature à parasiter l'activité du Ministère public, à retarder considérablement les procédures en cours, de même qu'à compromettre leur déroulement serein, il n'apparaît pas pour autant que le droit des recourantes à une enquête effective - que la recourante A.________ entend déduire de l'art. 13 CEDH - soit en l'état susceptible d'être violé par le seul fait que la cour cantonale ait renoncé à prononcer une interdiction de postuler contre l'intimé C.________. On ne voit en particulier pas que les garanties déduites de la disposition conventionnelle précitée emporteraient le droit des recourantes de contester la stratégie de défense adoptée par les parties adverses ou plus généralement le choix de leur mandataire. On observera encore que, pour leur part, les recourantes sont également assistées de mandataires professionnels et qu'elles sont ainsi en mesure d'exercer leurs droits procéduraux, notamment ceux qu'elles pourraient déduire de leur statut de victimes.
Il demeure par ailleurs loisible aux recourantes de contester, en usant des voies de droit ordinaires, la validité des moyens de preuve recueillis en cours d'instruction, de même qu'elles pourront se plaindre d'une violation du principe de la célérité, si elles l'estiment nécessaire à un stade ultérieur de la procédure, les recourantes ne démontrant pas en l'état que les différentes procédures souffriraient de retards injustifiés dans leur conduite. Enfin, c'est bien à la direction de la procédure - et non spécifiquement aux parties - qu'il revient de veiller au bon déroulement de la procédure en faisant au besoin application des règles relatives à la police de l'audience (cf. art. 63 CPP) ou en prononçant des mesures disciplinaires (art. 64 CPP), rien n'empêchant non plus la direction de la procédure de retourner à son expéditeur un acte qui contiendrait des propos inconvenants (cf. art. 110 al. 4 CPP).
2.5. Ainsi, à défaut pour l'arrêt attaqué de causer aux recourantes un préjudice qui puisse être qualifié d'irréparable, leurs recours doivent être déclarés irrecevables.
3.
Les recours étaient d'emblée dénués de chances de succès, de sorte que les demandes d'assistance judiciaire doivent êtres rejetées (art. 64 al. 1 LTF). Les recourantes, qui succombent, supporteront solidairement les frais de la cause; ceux-ci seront toutefois fixés en tenant compte de leurs situations économiques, lesquelles n'apparaissent pas favorables (art. 65 al. 2 et 66 al. 1 LTF). Il ne sera pas alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Les causes 7B_661/2024 et 7B_663/2024 sont jointes.
2.
Les recours sont irrecevables.
3.
Les demandes d'assistance judiciaire sont rejetées.
4.
Les frais judiciaires, fixés à 1'200 fr., sont mis à la charge des recourantes, solidairement entre elles.
5.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, Autorité de recours en matière pénale, à G.________, à Neuchâtel, à H.________, à La Chaux-de-Fonds, à I.________, à Neuchâtel, et à J.________, à La Chaux-de-Fonds.
Lausanne, le 4 septembre 2024
Au nom de la II e Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Abrecht
Le Greffier : Tinguely