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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
4A_282/2018  
 
 
Arrêt du 4 octobre 2018  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes les Juges fédérales 
Kiss, Présidente, Klett et May Canellas. 
Greffier : M. Curchod. 
 
Participants à la procédure 
A.________ SA, représentée par Me Thierry Calame et Me Peter Ling, 
recourante, 
 
contre  
 
1. M.________ SA, 
2. N.________ SA, 
toutes les deux représentées par Me Christophe Maillefer et Me Pascal Fehlbaum, 
intimées. 
 
Objet 
brevet d'invention; nullité, 
 
recours contre la décision du Tribunal fédéral des brevets du 14 mars 2018 (02015_008). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A.________ SA (ci-après: la demanderesse) est titulaire du brevet européen.... Celui-ci a pour objet une invention visant à permettre de réaliser un oscillateur à balancier-spiral d'un diamètre supérieur aux dimensions habituelles, limité au contour extérieur de la serge pour une même fréquence, ou ayant une fréquence plus élevée avec les mêmes dimensions qu'un oscillateur habituel. Les sept revendications du brevet sont les suivantes :  
 
" 1. Balancier pour mouvement d'horlogerie comportant une serge, des bras reliant la serge à l'axe de balancier et des masselottes permettant d'ajuster le balourd et de régler le moment d'inertie, caractérisé en ce que la serge comporte des plots dirigés vers l'intérieur, ladite serge et lesdits plots étant traversés par un trou taraudé dans lequel lesdites masselottes sont vissées depuis l'intérieur. 
 
2. Balancier selon la revendication 1, caractérisé en ce que les plots sont dirigés radialement vers l'intérieur. 
 
3. Balancier selon la revendication 1 ou 2, caractérisé en ce que les plots sont disposés sur la surface interne de la serge du balancier. 
 
4. Balancier selon la revendication 1 ou 2, caractérisé en ce que les plots sont disposés sur l'une des surfaces frontales de la serge du balancier. 
 
5. Balancier selon l'une des revendications 1 à 4, caractérisé en ce que la longueur du filetage correspond à la course maximum des masselottes définie par la largeur des plots et de la serge, sans débordement à l'extérieur de la serge. 
 
6. Balancier selon l'une des revendications 1 à 4, caractérisé en ce que les plots sont disposés entre les bras. 
 
7. Balancier selon l'une des revendications 1 à 5, caractérisé en ce que les plots sont disposés dans des évidements prévus dans les bras." 
 
 
A.b. La demanderesse invoque la violation de son brevet par M.________ SA et N.________ SA (ci-après: les défenderesses), celles-ci commercialisant un balancier pour mouvement d'horlogerie intégré dans leurs propres calibres xxx et yyy. Les défenderesses contestent la validité et la violation du brevet litigieux.  
 
B.  
 
B.a. Le 20 mai 2015, la demanderesse a saisi le Tribunal fédéral des brevets d'une demande dirigée contre les défenderesses. Les conclusions de la demanderesse, plusieurs fois modifiées au cours de la procédure, se lisent comme suit :  
 
"1. Ordonner aux Défenderesses, sous la menace d'une amende d'ordre de 1000 francs pour chaque jour d'inexécution selon l'art. 343 al. 1 lit. c CPC, mais au moins d'une amende d'ordre de 5000 francs selon l'art. 343 al. 1 lit. b CPC et de la peine prévue à l'art. 292 CP dirigée contre ses organes responsables, de cesser immédiatement jusqu'à l'expiration de la partie suisse du brevet... de fabriquer, entreposer, offrir, vendre ou mettre en circulation de quelque autre manière, exporter et/ou inciter des tiers à de tels actes, participer à de tels actes ou favoriser de tels actes : 
 
Principalement 
 
1.1a) des balanciers pour mouvement d'horlogerie avec les caractéristiques suivantes, décrites à l'aide de l'illustration se trouvant dans l'Annexe de la Demande : 
 
- le balancier comporte une serge, des bras reliant la serge à l'axe de balancier et des masselottes permettant d'ajuster le balourd et de régler le moment d'inertie, et 
- la serge comporte des plots dirigés radialement vers l'intérieur; 
- les plots et la serge sont traversés par un trou taraudé dans lequel des masselottes sont vissées, 
- les masselottes sont dépourvues de tête et dotées de lobes internes permettant leur vissage depuis l'extérieur de la serge. 
 
Subsidiairement 
 
1.1b) des balanciers selon la conclusion 1.1a) avec la caractéristique supplémentaire suivante : 
 
- les masselottes peuvent être mues indépendamment les unes des autres. 
 
Plus subsidiairement 
 
1.1c) des balanciers selon la conclusion 1.1b) avec la caractéristique supplémentaire suivante : 
 
- la serge présente une surface externe de diamètre constant sur tout son pourtour. 
 
1.2) des mouvements d'horlogerie comportant au moins un balancier tel que décrit au chiffre 1.1); 
 
1.3) des montres comportant au moins un mouvement tel que décrit au chiffre 1.2 et/ou au moins un balancier tel que décrit au chiffre 1.1). 
 
2. Ordonner aux Défenderesses de rendre des comptes concernant le chiffre d'affaires et le bénéfice réalisés par les actes décrits au chiffre ci-dessus, notamment en indiquant : 
 
2.1) toute vente et livraison, en indiquant les quantités, les dates et les prix, ainsi que les noms et adresses des acheteurs, 
 
2.2) les dates de fabrication et les quantités correspondantes, 
 
2.3) les coûts de production, en indiquant chaque poste de ces coûts et la confirmation de l'exactitude de ces informations par un réviseur indépendant et qualifié. 
 
3. Ordonner la confiscation et la destruction des balanciers selon chiffre 1.1. 
 
4. Permettre à la Demanderesse de chiffrer sa prétention financière après la reddition des comptes selon le chiffre 2 ci-dessus et ordonner aux Défenderesses de payer à la Demanderesse le montant ainsi chiffré. 
 
(...) " 
 
 
B.b. Les défenderesses ont principalement conclu au rejet de la demande et, par demande reconventionnelle, ont pris les conclusions suivantes:  
 
"Dire et constater que la partie suisse du brevet d'invention... est nulle et de nul effet; 
 
Ordonner à l'Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle de procéder immédiatement à la radiation de la partie suisse du brevet d'invention... du Registre suisse des brevets; 
 
Débouter A.________ SA de toute autre conclusion; 
 
(...) " 
 
 
B.c. Les conclusions portant sur la demande reconventionnelle prises subséquemment par la demanderesse, et modifiées à plusieurs reprises au cours de la procédure, tendent à maintenir le brevet litigieux tout en limitant ses revendications. Ces conclusions sont les suivantes :  
 
"1. Prendre acte de la limitation des revendications de la partie suisse du brevet européen... comme suit et rejeter la demande reconventionnelle pour le surplus dans la mesure de sa recevabilité : 
 
Principalement 
 
1. Balancier pour mouvement d'horlogerie comportant une serge, des bras reliant la serge à l'axe de balancier et des masselottes permettant d'ajuster le balourd et de régler le moment d'inertie, caractérisé en ce que la serge comporte des plots dirigés radialement vers l'intérieur, ladite serge et lesdits plots étant traversés par un trou taraudé dans lequel lesdites masselottes sont vissées depuis l'intérieur. 
 
2. Balancier selon la revendication 1, caractérisé en ce que les plots sont disposés sur la surface interne de la serge du balancier. 
 
3. Balancier selon l'une des revendications 1 à 2, caractérisé en ce que la longueur du filetage correspond à la course maximum des masselottes définie par la largeur des plots et de la serge, sans débordement à l'extérieur de la serge. 
 
4. Balancier selon l'une des revendications 1 à 3, caractérisé en ce que les plots sont disposés entre les bras. 
 
5. Balancier selon l'une des revendications 1 à 3, caractérisé en ce que les plots sont disposés dans des évidements prévus dans les bras. 
 
Subsidiairement 
 
1. Balancier pour mouvement d'horlogerie comportant une serge, des bras reliant la serge à l'axe de balancier et des masselottes permettant d'ajuster le balourd et de régler le moment d'inertie, caractérisé en ce que la serge comporte des plots dirigés radialement vers l'intérieur, ladite serge et lesdits plots étant traversés par un trou taraudé dans lequel lesdites masselottes sont vissées depuis l'intérieur, et en ce que les masselottes peuvent être mues indépendamment les unes des autres. 
 
2. Balancier selon la revendication 1, caractérisé en ce que les plots sont disposés sur la surface interne de la serge du balancier. 
 
3. Balancier selon l'une des revendications 1 à 2, caractérisé en ce que la longueur du filetage correspond à la course maximum des masselottes définie par la largeur des plots et de la serge, sans débordement à l'extérieur de la serge. 
 
4. Balancier selon l'une des revendications 1 à 3, caractérisé en ce que les plots sont disposés entre les bras. 
 
5. Balancier selon l'une des revendications 1 à 3, caractérisé en ce que les plots sont disposés dans des évidements prévus dans les bras. 
 
Plus subsidiairement 
 
1. Balancier pour mouvement d'horlogerie comportant une serge, des bras reliant la serge à l'axe de balancier et des masselottes permettant d'ajuster le balourd et de régler le moment d'inertie, caractérisé en ce que la serge comporte des plots dirigés radialement vers l'intérieur, ladite serge et lesdits plots étant traversés par un trou taraudé dans lequel lesdites masselottes sont vissées depuis l'intérieur, et en ce que les masselottes peuvent être mues indépendamment les unes des autres et en ce que la serge présente une surface externe de diamètre constant sur tout le pourtour. 
 
2. Balancier selon la revendication 1, caractérisé en ce que les plots sont disposés sur la surface interne de la serge du balancier. 
 
3. Balancier selon l'une des revendications 1 à 2, caractérisé en ce que la longueur du filetage correspond à la course maximum des masselottes définie par la largeur des plots et de la serge, sans débordement à l'extérieur de la serge. 
 
4. Balancier selon l'une des revendications 1 à 3, caractérisé en ce que les plots sont disposés entre les bras. 
 
5. Balancier selon l'une des revendications 1 à 3, caractérisé en ce que les plots sont disposés dans des évidements prévus dans les bras. 
 
(...) " 
 
 
B.d. Après que le juge rapporteur, Frank Schnyder, a rendu son avis spécialisé le 28 juillet 2017, les parties ont pris position sur celui-ci. La demanderesse a soumis, en addition de ses conclusions principales, subsidiaires et plus subsidiaires, des conclusions encore plus subsidiaires sur l'action principale ainsi que sur l'action reconventionelle. Ces nouvelles conclusions encore plus subsidiaires se distinguent par la modification de la revendication 1 du brevet litigieux, une caractéristique supplémentaire y étant ajoutée. Cette première revendication modifiée se lit dans la nouvelle conclusion encore plus subsidiaire sur l'action reconventionnelle comme suit (soulignement ajouté afin d'exposer la modification) :  
 
"1. Balancier pour mouvement d'horlogerie comportant une serge, des bras reliant la serge à l'axe de balancier et des masselottes permettant d'ajuster le balourd et de régler le moment d'inertie, caractérisé en ce que la serge comporte des plots dirigés radialement vers l'intérieur, ladite serge et lesdits plots étant traversés par un trou taraudé dans lequel lesdites masselottes sont vissées depuis l'intérieur, et en ce que les masselottes sont mécaniquement indépendantes les unes des autres, et en ce que la serge présente une surface externe de diamètre constant sur tout son pourtour et en ce que les masselottes ne dépassent pas de la surface extérieure de la serge. "  
 
Cette caractéristique supplémentaire a également été ajoutée dans la nouvelle conclusion encore plus subsidiaire sur l'action principale. 
 
B.e. Par décision du 14 mars 2018, le Tribunal fédéral des brevets a rejeté la demande principale, admis la demande reconventionnelle, déclarant la partie suisse du brevet d'invention... nulle, et a ordonné à l'Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle la radiation de celle-ci du registre suisse des brevets.  
 
C.   
La demanderesse (ci-après: la recourante) exerce un recours en matière civile contre la décision du 14 mars 2018. Elle conclut à ce que la décision entreprise soit annulée et à ce que les conclusions plus subsidiaires de sa prise de position du 27 décembre 2017 soient admises. À titre subsidiaire, elle demande que les conclusions encore plus subsidiaires de sa prise de position du 27 décembre 2017 soient admises. Plus subsidiairement encore, elle conclut à ce que la cause soit renvoyée au Tribunal fédéral des brevets afin qu'il statue à nouveau. 
Les défenderesses (ci-après: intimées) concluent au rejet du recours dans la mesure où il est recevable. 
L'autorité précédente a renoncé à se déterminer. 
Les parties ont répliqué et dupliqué. 
Par ordonnance du 4 juin 2018, le Tribunal fédéral a admis la requête d'effet suspensif de la recourante. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Interjeté en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) par la partie ayant succombé dans ses conclusions (art. 76 al. 1 LTF) contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue par le Tribunal fédéral des brevets, le recours en matière civile est recevable sans égard à la valeur litigieuse (art. 74 al. 2 let. e, 75 al. 1 et 90 LTF). 
 
2.  
 
2.1. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si ces faits ont été établis de façon manifestement inexacte - ce qui correspond à la notion d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2; 137 II 353 consid. 5.1) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).  
La critique de l'état de fait retenu est soumise au principe strict de l'allégation énoncé par l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 140 III 264 consid. 2.3 et les références). La partie qui entend attaquer les faits constatés par l'autorité précédente doit expliquer clairement et de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 et les références). Si elle souhaite obtenir un complètement de l'état de fait, elle doit aussi démontrer, par des renvois précis aux pièces du dossier, qu'elle a présenté aux autorités précédentes, en conformité avec les règles de la procédure, les faits juridiquement pertinents à cet égard et les moyens de preuve adéquats (ATF 140 III 86 consid. 2 p. 90). Si la critique ne satisfait pas à ces exigences, les allégations relatives à un état de fait qui s'écarterait de celui de la décision attaquée ne pourront pas être prises en considération (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 p. 18). 
 
2.2. Le volet procédural du premier grief de la recourante porte sur l'admissibilité d'un fait. Elle fait valoir que l'âge du document V.________ ne constitue pas un fait nouveau au sens de l'art. 229 CPC.  
Il est clair que l'âge du document américain opposé au brevet litigieux n'est effectivement pas un fait nouveau au sens de l'art. 229 CPC, la date ressortant d'un document versé au dossier en temps utile par les intimées. Ce point n'est néanmoins pas litigieux en l'espèce, la juridiction précédente n'ayant - contrairement à l'hypothèse de la recourante - jamais prétendu le contraire. Le considérant 23 de la décision entreprise ne peut effectivement pas être compris dans ce sens, celui-ci traitant des conclusions encore plus subsidiaires soumises par la demanderesse après l'avis spécialisé. 
 
3.   
La recourante se plaint d'une violation de l'art. 56 de la Convention du 5 octobre 1973 sur la délivrance de brevets européens (CBE; RS 0.232.142.2). La juridiction précédente aurait pris en compte un état de la technique irréaliste dans le cadre de l'examen de l'activité inventive. 
 
3.1.  
 
3.1.1. La recourante reproche à l'autorité précédente d'avoir, au moment de déterminer l'état de la technique, pris en compte un document remontant à plus de 100 ans. Elle considère irréaliste qu'un tel document soit considéré comme point de départ de l'analyse de l'activité inventive. Au vu de l'évolution de la technologie dans le domaine horloger et des produits d'horlogerie, la recourante considère qu'il n'existe aucune circonstance qui aurait motivé l'homme de métier à prendre en considération un document aussi ancien dans le cadre de la conception d'un balancier. Opposer au brevet litigieux un tel document reviendrait à violer l'art. 56 CBE.  
 
3.1.2. Les brevets européens sont délivrés pour toute invention dans tous les domaines technologiques, à condition qu'elle soit nouvelle, qu'elle implique une activité inventive et qu'elle soit susceptible d'application industrielle (art. 52 CBE). Selon l'art. 56 CBE, une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d'une manière évidente de l'état de la technique. La notion de non-évidence est une notion objective. Ce ne sont ni les efforts déployés personnellement par l'inventeur, ni ses connaissances subjectives qui importent à cet égard, mais uniquement l'écart mesurable entre le résultat de l'invention et l'état de la technique (arrêt 4C.120/2003 du 18 juillet 2003 consid. 3.2).  
Font partie de l'état de la technique toutes les données accessibles au public à la date de dépôt ou de priorité (ATF 138 III 111 consid. 5.2.1; 117 II 480 consid. 1a). L'examen de l'activité inventive suppose que l'on considère l'état de la technique dans sa globalité, telle une mosaïque (ATF 138 III 111 consid. 2.1). Pour ce faire, on commencera, en règle générale, par rechercher le document comportant le plus grand nombre de caractéristiques techniques en commun avec l'invention. On comparera ensuite l'invention avec l'état de la technique pertinent afin de déterminer les différences structurelles et fonctionnelles et, sur cette base, le problème technique que l'invention cherche à résoudre. Enfin, on examinera les pas que l'homme de métier devait effectuer afin de parvenir, en partant de l'état de la technique, au même résultat que l'invention (approche problème-solution ou  Aufgabe-Lösungs-Ansatz, arrêt 4A_541/2017 du 8 mai 2018 consid. 2.2.1, destiné à la publication; ATF 138 III 111 consid. 2.2).  
 
3.1.3. Il est de jurisprudence constante que toutes les données accessibles au public, y compris les documents particulièrement anciens, font partie de l'état de la technique (ATF 138 III 111 consid. 5.2.1; 117 II 480 consid. 1a). Écarter un document de ceux que consulterait l'homme de métier en raison de son ancienneté reviendrait à priver les brevets ayant dépassé un certain âge de toute valeur dans le cadre de l'analyse de l'effet inventif. Une telle pratique ne saurait être déduite de l'art. 56 CBE.  
Le facteur temporel peut néanmoins jouer un rôle dans le cadre de l'analyse de l'activité inventive. L'existence d'un besoin insatisfait depuis longtemps peut ainsi faire partie des indices suggérant une activité inventive digne de protection (RAINER MOUFANG, in Schulte, Patentgesetz mit EPÜ, 10e éd. 2017, n° 166 ss ad art. 56 CBE; PETER HEINRICH, Kommentar PatG/EPÜ, 2e éd. 2010, n° 139 ad art. 1 LBI; CHRISTOPH BERTSCHINGER, in Bertschinger/Münch/Geiser, Schweizerisches und europäisches Patentrecht, 2002, par. 4.144; MARIO M. PEDRAZZINI/CHRISTIAN HILTI, Europäisches und schweizerisches Patent- und Patentprozessrecht, 2008, p. 139 s). Il en va de même pour l'âge du document opposé au brevet litigieux, étant précisé que la période déterminante se situe entre l'apparition d'un nouveau besoin et l'invention (RAINER MOUFANG, op. cit., n° 166 ss. ad art. 56 CBE; CHRISTOPH BERTSCHINGER, op. cit., n° 4.143; MARIO M. PEDRAZZINI/CHRISTIAN HILTI, op. cit., p. 145). Bien que de tels indices peuvent revêtir une certaine importance pour l'analyse de l'activité inventive, ils ne sauraient toutefois remplacer une évaluation technique de l'invention nécessitant la prise en compte de multiples aspects (RAINER MOUFANG, op. cit., n° 62 ad art. 56 CBE; CHRISTOPH BERTSCHINGER, op. cit., par. 4.139; MARIO M. PEDRAZZINI/CHRISTIAN HILTI, op. cit., p. 138 S). 
 
3.1.4. Afin d'écarter le document V.________ de l'état de la technique pertinent, la recourante invoque plusieurs décisions de la Chambre de recours de l'Office européen des brevets.  
 
3.1.4.1. Dans la décision T479/00 de la Chambre de recours datant du 15 février 2002, l'élément décisif permettant d'écarter la prise en compte d'un brevet déposé 65 ans avant le brevet litigieux n'était pas son âge en soi, mais le fait que personne n'ait prêté attention à la technique brevetée pendant une aussi longue période ("It is unrealistic to assume that, without hindsight, somebody of average skill in the art of colouring ceramic articles in 1994 would have had the intention to improve a technique which had not received any attention during the last 65 years"). Il en va de même pour la décision T366/89 datant du 12 février 1992 concernant la prise en compte d'une technique datant de plus de 50 ans, dans laquelle la Chambre de recours a considéré qu'il était peu probable que l'homme de métier porte son attention sur une technique datant d'une époque à laquelle les exigences qualitatives pour le produit en question étaient considérablement plus basses qu'à l'époque de l'invention. Dans la décision T1000/92 du 11 mai 1994, la Chambre de recours a estimé que l'homme de métier n'aurait pas tenté d'améliorer un procédé breveté environ 30 ans avant la date de priorité au motif que les inconvénients de ce procédé étaient évidents et bien connus. Enfin, dans sa décision T334/92 du 23 mars 1994, la Chambre de recours a écarté la prise en compte d'un brevet déposé environ 20 ans avant le brevet litigieux, estimant que le document n'avait jamais été utilisé pendant cette période comme base de perfectionnement et qu'il ne mentionnait ni l'étendue de l'activité annoncée ni l'état de la technique pertinent, de sorte que l'homme de métier ne saurait tirer un quelconque avantage technique pour son invention des composants évoqués dans ce document ancien. La Chambre de recours a notamment cité divers ouvrages de chimie pharmaceutique ne faisant aucunement référence à ces composants pour le traitement de l'angine de poitrine, finalité de l'objet du brevet litigieux.  
 
3.1.4.2. Contrairement à ce que semble vouloir déduire la recourante de ces décisions, l'âge des documents n'a jamais été considéré à lui seul comme décisif dans le cadre de la détermination de l'état de la technique. Force est de constater que, dans cette jurisprudence, l'élément déterminant est plutôt l'obsolescence ou la désuétude d'une technique faisant l'objet d'un document ancien, ce qui exclut sa prise en considération par l'homme du métier (cf. également sous l'ancien droit les ATF 94 II 319 du décembre 1968 consid. V.3 et 87 II 269 du 14 novembre 1961, selon lesquels on ne peut, dans le cadre de l'évaluation du niveau inventif, prendre en considération une publication "tombée dans l'oubli" pour qualifier d'invention l'objet d'un brevet litigieux).  
 
3.1.5. Il ne ressort en rien de l'état de fait tel que retenu par le Tribunal fédéral des brevets - qui lie le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF) -, que l'invention faisant l'objet du document V.________ serait tombée en désuétude, de sorte que l'homme de métier ne la prendrait plus en compte. La recourante ne le démontre pas, se contentant pour l'essentiel d'alléguer que les connaissances de l'homme du métier ne lui permettraient pas de recourir à un document aussi ancien. Le fait que les produits d'horlogerie ont évolué entre le début du siècle passé et la date du brevet litigieux, ne suffit pas à exclure un document particulièrement ancien de ceux pris en compte par l'homme de métier. En outre, la recourante ne démontre pas en quoi l'invention figurant dans le document américain en question serait entachée de tels inconvénients que l'homme de métier ne penserait pas à l'améliorer. La juridiction précédente a exposé comment l'homme de métier, partant de ce document, arriverait à l'objet de la revendication 1 du brevet litigieux de manière évidente, soulignant ainsi la proximité entre ces deux inventions. En insistant sur l'âge avancé du document américain sans se confronter aux considérations techniques exposées avec précision par la juridiction précédente, la recourante ne parvient pas à démontrer une violation de l'art. 56 CBE.  
 
3.2.  
 
3.2.1. Outre le fait d'avoir pris en compte le document V.________ dans le cadre de la définition de l'état de la technique, la recourante reproche à la juridiction précédente d'avoir négligé l'enseignement technique objectif de ce document. Selon elle, au vu de cet enseignement technique, l'homme de métier n'ajouterait pas des plots au balancier sous peine de lui voir perdre sa capacité à ajuster automatiquement son moment d'inertie en fonction des écarts de température, soit l'unique but de cette invention.  
 
3.2.2. La recourante fonde son grief sur des faits divergeant de ceux constatés par la juridiction précédente, sans toutefois contester l'état de fait retenu. Il ne ressort en rien des constatations du Tribunal fédéral des brevets que l'effet recherché du brevet V.________ se perdrait lorsqu'un plot cylindrique de renfort est associé aux vis de réglage du moment d'inertie. Les allégations de la recourante ne peuvent être prises en considération.  
 
4.   
La recourante se plaint d'une violation de son droit d'être entendue (art. 29 al. 2 Cst. et 53 al. 1 CPC) sous son aspect de son droit à une décision motivée. La juridiction précédente n'aurait ni mentionné les arguments de la recourante concernant l'enseignement technique du brevet V.________ ni motivé le choix de ce brevet comme point de départ de l'analyse malgré les critiques de la recourante. 
 
4.1. La jurisprudence déduit du droit d'être entendu garanti à l'art. 29 al. 2 Cst. celui d'obtenir une décision motivée. Pour satisfaire à cette exigence, il suffit que le juge mentionne au moins brièvement les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que le justiciable puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause. Le juge n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties; il peut se limiter aux questions décisives pour l'issue du litige (ATF 143 III 65 consid. 5.2; 141 V 557 consid. 3.2.1).  
 
4.2. Afin de déterminer si, comme le soutiennent les intimées, l'invention souffre d'un défaut d'activité inventive, le Tribunal fédéral des brevets s'est basé sur l'approche problème-solution. Il a détaillé, en se référant à la jurisprudence des Chambres de recours de l'Office européen des brevets, les quatre étapes de cette approche et a procédé à un examen de l'activité inventive étape par étape. Il est arrivé à la conclusion que, en partant du document V.________, l'homme du métier arriverait de façon évidente à l'objet des revendications principales, subsidiaires et plus subsidiaires.  
Le choix du document V.________ comme celui comportant le plus grand nombre de caractéristiques techniques en commun avec l'invention, première étape de l'approche problème-solution, n'a pas été expressément motivé, le Tribunal fédéral des brevets s'étant contenté de choisir ce document "comme état de la technique le plus proche au sens de l'approche ci-dessus (étape a) " sans apporter plus de précisions. 
 
4.3. Bien que, comme relevé ci-dessus (consid. 3.1), l'âge d'un brevet antérieur n'exclut en rien que celui-ci soit considéré comme état de la technique pertinent, le choix de ce document n'est - à première vue du moins - pas évident. Ainsi, il eût été souhaitable que la juridiction précédente détaille la première étape de l'approche problème-solution comme elle l'a fait pour les autres étapes de son examen.  
Malgré l'absence de motivation expresse portant sur cette étape, les raisons ayant conduit la juridiction précédente à sélectionner le document américain comme point de départ de l'analyse de l'activité inventive ressortent implicitement de la décision entreprise. En effet, la juridiction précédente a exposé les ressemblances entre l'invention faisant l'objet du brevet litigieux et celle décrite dans le document V.________. En démontrant comment l'homme de métier arriverait, en partant du document américain, à l'objet de la revendication 1 du brevet litigieux de manière évidente, la juridiction précédente a exposé avec précision la proximité entre les deux inventions. Au regard des caractéristiques techniques communes à celles-ci, on saisit sans peine pourquoi le document V.________ a été sélectionné comme point de départ de l'analyse. Par l'exposition des fondements de son analyse technique, elle a motivé sa décision de manière à ce que le justiciable puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause. La démonstration du défaut d'activité inventive ayant été apportée, la juridiction précédente n'avait pas à mentionner les indices en faveur ou défaveur de l'activité inventive, tel que l'âge du document opposé au brevet litigieux, afin de satisfaire le droit d'être entendu de la recourante. 
Quant à l'argument selon lequel la juridiction précédente ne se serait pas prononcée sur l'allégation relative à l'enseignement technique du brevet V.________, il appelle le même commentaire. Tel qu'évoqué précédemment, le droit d'être entendu n'oblige pas le juge à exposer et à discuter tous les allégués des parties. 
 
5.   
La recourante reproche enfin au Tribunal fédéral des brevets d'avoir violé les art. 58 et 227 al. 3 CPC en déclarant irrecevables ses conclusions encore plus subsidiaires. Elle est d'avis que la conclusion tendant à limiter les revendications du brevet litigieux doit être considérée comme un désistement ou acquiescement partiel. De plus, même si elle devait être examinée sous cet angle, la limitation du brevet ne pourrait pas être considérée comme un fait nouveau. 
 
5.1. La juridiction précédente n'est pas entrée en matière concernant les nouvelles conclusions encore plus subsidiaires soumises par la recourante au moment où elle a pris position sur l'avis spécialisé. La recourante n'ayant retiré ni ses conclusions principales ni ses conclusions subsidiaires, de nouvelles conclusions encore plus subsidiaires ne sauraient selon le Tribunal fédéral des brevets être considérées comme un acquiescement au sens de l'art. 227 al. 3 CPC. La juridiction précédente rappelle que l'avis spécialisé ne permet pas aux parties de soumettre de nouveaux allégués de faits.  
 
5.2. Les nouvelles conclusions encore plus subsidiaires soumises après que le juge rapporteur a rendu son avis spécialisé se distinguent des conclusions plus subsidiaires de la recourante par l'ajout d'une caractéristique à la première revendication du brevet litigieux, selon laquelle les masselottes du balancier d'horlogerie ne dépassent pas de la surface extérieure de la serge. Contrairement à ce qu'allègue la recourante, un tel ajout n'équivaut pas de manière évidente à une restriction de la demande, admissible en tout état de la cause conformément à l'art. 227 al. 3 CPC. L'examen de cette question nécessite une évaluation ne se limitant pas à des questions de droit, mais faisant appel à des éléments factuels (arrêt 4A_543/2017 du 8 mai 2018 consid. 2.2).  
Il ne résulte pas de la décision entreprise que l'ajout de la caractéristique en question équivaudrait à une limitation des revendications du brevet litigieux, soit à un désistement ou acquiescement partiel. Bien au contraire, la juridiction précédente, interprétant l'objet de la revendication comme le ferait l'homme de métier, a estimé que l'importation dans la caractéristique 7 du brevet litigieux de la nécessité pour les masselottes de ne pas dépasser la surface extérieure de la serge n'était pas admissible. Le titulaire aurait dû énoncer cette caractéristique dans la revendication initiale s'il avait voulu l'intégrer dans l'objet de son invention. La recourante ne démontre pas en quoi l'ajout de cette caractéristique équivaudrait à un désistement ou acquiescement partiel, se contentant d'alléguer en termes généraux que l'introduction d'une caractéristique supplémentaire dans la description de l'objet à interdire diminuerait le champ d'application de l'interdiction requise et, dès lors, constituerait une restriction des conclusions de sa demande. Faute de pouvoir se fonder sur les faits figurant dans l'arrêt attaqué, la critique de la recourante se révèle sans consistance. 
 
6.   
La recourante succombe. En conséquence, elle supportera les frais et dépens de la présente procédure (art. 66 et 68 LTF). 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 20'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.   
La recourante est condamnée à verser aux intimées, créancières solidaires, une indemnité de 22'000 fr. à titre de dépens. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal fédéral des brevets. 
 
 
Lausanne, le 4 octobre 2018 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Kiss 
 
Le Greffier : Curchod