Wichtiger Hinweis:
Diese Website wird in älteren Versionen von Netscape ohne graphische Elemente dargestellt. Die Funktionalität der Website ist aber trotzdem gewährleistet. Wenn Sie diese Website regelmässig benutzen, empfehlen wir Ihnen, auf Ihrem Computer einen aktuellen Browser zu installieren.
Zurück zur Einstiegsseite Drucken
Grössere Schrift
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
6B_784/2018  
 
 
Arrêt du 4 octobre 2018  
 
Cour de droit pénal  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Denys, Président, Jacquemoud-Rossari et Oberholzer. 
Greffière : Mme Klinke. 
 
Participants à la procédure 
1. X.X.________, 
2. Y.X.________, 
toutes les deux représentées par 
Me Michel Celi Vegas, avocat, 
recourantes, 
 
contre  
 
1. Ministère public de la République et canton de Genève, 
2. A.A.________ et B.A.________, 
tous les deux représentés par 
Me Magali Buser, avocate, 
intimés. 
 
Objet 
Arbitraire, erreur sur l'illicéité (contrainte, violation de domicile), 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision, du 4 juin 2018 (AARP/176/2018 P/2610/2016). 
 
 
Faits :  
 
A.   
Par jugement du 6 novembre 2017, le Tribunal de police genevois a reconnu X.X.________ et Y.X.________ coupables de contrainte ainsi que de violation de domicile et les a condamnées à une peine pécuniaire de 60 jours-amende (à 10 fr. l'unité pour la première et 30 fr. l'unité pour la seconde) avec sursis. Il a rejeté leurs conclusions en indemnisation, tout en les condamnant à verser à A.A.________ et B.A.________, conjointement et solidairement, 7'278 fr. 65 à titre d'indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure, en application de l'art. 433 CPP. Il a débouté ces derniers de leurs conclusions civiles, les frais de la procédure étant partagés par moitié entre X.X.________ et Y.X.________. 
 
B.   
Par arrêt du 4 juin 2018, la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision, a rejeté les appels formés par X.X.________ et Y.X.________ contre le jugement de première instance. Elle les a condamnées, conjointement et solidairement, au paiement à A.A.________ et B.A.________ d'une indemnité de 2'419 fr. 20 pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure d'appel. X.X.________ et Y.X.________ ont été condamnées aux frais de la procédure d'appel. 
 
B.a. En substance, la condamnation repose sur les faits suivants.  
 
Y.X.________ a sous-loué son appartement à A.A.________ en septembre 2015. Celle-ci ainsi que son époux B.A.________ ont intégré l'appartement fin octobre et se sont acquittés, en sus d'une caution, du loyer des mois de novembre 2015 à janvier 2016 en mains de Y.X.________. Il s'est avéré plus tard que la soeur de cette dernière, X.X.________, était titulaire du bail. Informées du fait que la régie avait résilié le contrat de bail, les soeurs X.________ se sont rendues à l'appartement le 31 janvier 2016 en présence de la police et d'un serrurier. Elles ont alors constaté que B.A.________ occupait l'appartement. Cela étant, la police leur a expliqué qu'il n'était pas possible d'évacuer cet homme disant sous-louer l'appartement. 
 
Le 6 février 2016, constatant l'absence des époux A.________ dans l'appartement, X.X.________ et Y.X.________ ont fait changer les cylindres de la serrure de la porte d'entrée de ce logement par un serrurier. Elles ont pénétré dans le logement sans le consentement des sous-locataires. Elles ont ensuite fait appel à la police pour empêcher les époux A.________ de continuer à y habiter. L'agent de police a alors constaté que B.A.________ était  " vraiment bien installé ". Par la suite, elles ont vidé l'appartement des meubles et effets personnels des époux.  
 
B.b. En cours de procédure, X.X.________ et Y.X.________ ont indiqué avoir agi ainsi sur conseils de la police et d'une avocate. Elles ont notamment produit une attestation de la permanence de l'Ordre des avocats, faisant état d'une consultation auprès de Me C.________ le 5 février 2016, portant sur le droit du bail. Elles ont également attesté avoir tenté d'obtenir des conseils auprès de l'Asloca, en vain, en raison d'un conflit d'intérêts.  
 
Par courrier du 13 septembre 2017, les soeurs X.________ ont refusé de libérer Me C.________ de son secret professionnel, estimant avoir déjà suffisamment prouvé les démarches entreprises avant de procéder au changement des cylindres de la serrure de l'appartement. Par lettre du 29 septembre 2017, elles ont contesté avoir demandé l'audition de l'avocate, contrairement à ce qui avait été consigné au procès-verbal d'audience devant le tribunal de police du 27 juillet 2017. 
 
C.   
X.X.________ et Y.X.________ forment un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral contre la décision cantonale dont elles requièrent l'annulation. Elles concluent à leur acquittement du chef de contrainte et de violation de domicile. Subsidiairement, elles concluent au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Les recourantes ne contestent pas avoir réalisé les infractions de contrainte et violation de domicile. Elles prétendent toutefois avoir agi ainsi sur conseils de personnes compétentes et se prévalent de l'erreur sur l'illicéité. Elles font valoir une violation du principe  in dubio pro reoen matière d'appréciation des preuves.  
 
1.1.  
 
1.1.1. Le Tribunal fédéral n'est pas une autorité d'appel, auprès de laquelle les faits pourraient être rediscutés librement. Il est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'elles n'aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, à savoir, pour l'essentiel, de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation mais aussi dans son résultat (ATF 143 IV 500 consid. 1.1 p. 503 et l'arrêt cité). En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il n'y a arbitraire que lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des conclusions insoutenables (ATF 143 IV 500 consid. 1.1 p. 503 et les références citées). Le Tribunal fédéral n'entre en matière sur les moyens fondés sur la violation de droits fondamentaux, dont l'interdiction de l'arbitraire, que s'ils ont été invoqués et motivés de manière précise (art. 106 al. 2 LTF; ATF 143 IV 500 consid. 1.1 p. 503; 142 III 364 consid. 2.4 p. 368). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 142 III 364 consid. 2.4 p. 368 et les références citées).  
 
La présomption d'innocence, garantie par les art. 10 CPP, 32 al. 1 Cst., 14 par. 2 Pacte ONU II et 6 par. 2 CEDH, ainsi que son corollaire, le principe " in dubio pro reo ", concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large (arrêt 6B_804/2017 du 23 mai 2018 consid. 2.2.3.1 [destiné à la publication aux ATF]; ATF 127 I 38 consid. 2a p. 40 s.). Lorsque, comme en l'espèce, l'appréciation des preuves et la constatation des faits sont critiquées en référence au principe " in dubio pro reo ", celui-ci n'a pas de portée plus large que l'interdiction de l'arbitraire (arrêt 6B_804/2017 du 23 mai 2018 consid. 2.2.3.3 [destiné à la publication aux ATF]; ATF 143 IV 500 consid. 1.1 p. 503; 138 V 74 consid. 7 p. 82). 
 
1.1.2. Selon l'art. 21 CP, quiconque ne sait ni ne peut savoir au moment d'agir que son comportement est illicite n'agit pas de manière coupable. Le juge atténue la peine si l'erreur était évitable.  
 
L'erreur sur l'illicéité vise le cas où l'auteur agit en ayant connaissance de tous les éléments constitutifs de l'infraction, et donc avec intention, mais en croyant par erreur agir de façon licite (ATF 129 IV 238 consid. 3.1 p. 241; cf. ATF 141 IV 336 consid. 2.4.3 p. 343 et les références citées). La réglementation relative à l'erreur sur l'illicéité repose sur l'idée que le justiciable doit faire tout son possible pour connaître la loi et que son ignorance ne le protège que dans des cas exceptionnels (ATF 129 IV 238 consid. 3.1 p. 241; arrêts 6B_524/2016 du 13 février 2017 consid. 1.3.2; 6B_1102/2015 du 20 juillet 2016 consid. 4.1). Pour exclure l'erreur de droit, il suffit que l'auteur ait eu le sentiment de faire quelque chose de contraire à ce qui se doit (ATF 104 IV 217 consid. 2 p. 218; arrêt 6B_524/2016 du 13 février 2017 consid. 1.3.2) ou qu'il eût dû avoir ce sentiment. Toutefois, la possibilité théorique d'apprécier correctement la situation ne suffit pas à exclure l'application de l'art. 21, 1ère phrase, CP. Ce qui est déterminant c'est de savoir si l'erreur de l'auteur peut lui être reprochée (ATF 116 IV 56 consid. II.3a p. 68; arrêt 6B_1102/2015 du 20 juillet 2016 consid. 4.1). 
 
Le renseignement ou l'instruction par une autorité compétente peut suffire pour admettre l'erreur sur l'illicéité (ATF 116 IV 56 consid. 3a p. 68 s.; 98 IV 279 consid. 2a p. 287 s.). Celui qui s'adresse à un conseiller juridique en raison de la nature particulièrement complexe du problème peut se voir reconnaître le bénéfice de l'erreur sur l'illicéité à la double condition que le conseiller se soit prononcé en faveur des actes commis ensuite par l'auteur et qu'il ait examiné sous tous leurs aspects juridiques l'ensemble des éléments de faits connus par l'auteur (ATF 98 IV 293 consid. 4a p. 303). 
 
Déterminer ce que l'auteur d'une infraction a su, cru ou voulu et, en particulier, l'existence d'une erreur relève de l'établissement des faits (ATF 141 IV 336 consid. 2.4.3 p. 343 et les arrêts cités). 
 
 
1.2. En substance, la cour cantonale a exclu l'hypothèse que les recourantes eussent été induites en erreur par des personnes compétentes sur la base de conseils erronés. Elle a considéré que le contenu d'éventuels conseils de la police, autres que ceux du 31 janvier 2016, n'était pas établi et a exclu que l'avocate consultée la veille des faits eût pu recommander de changer les cylindres de serrure après avoir examiné l'ensemble des éléments de faits connus des recourantes sous tous leurs aspects juridiques. Elle a pris en compte les déclarations de Y.X.________ devant le tribunal des baux et loyers, à teneur desquelles elle avait décidé de changer les cylindres de la serrure, étant donné qu'elle devait s'acquitter du loyer envers le bailleur et qu'une procédure civile contre les époux A.________ était sa seule option. Le fait que les recourantes ont décidé  " dans ces circonstances ", de changer les cylindres de la serrure semblait plutôt confirmer qu'elles étaient conscientes de l'illégalité de leur comportement.  
 
En définitive, la cour cantonale a retenu que les recourantes étaient conscientes du fait qu'il n'était pas possible d'évacuer les intimés comme elles entendaient le faire, puisque la police les en avait informées le 31 janvier 2016. Le fait d'avoir agi au moment où les intimés étaient absents traduisait également un malaise certain quant à la licéité de leur comportement. Le soutien offert par la police, après leurs démarches le 6 février 2016 ne permettait pas non plus de parvenir à une autre conclusion, étant relevé l'étonnement des policiers de voir l'intimé B.A.________ aussi  " bien installé ". Enfin, toute personne consciencieuse ne pouvait ignorer qu'il n'était pas permis de s'introduire chez autrui sans consentement, de même que d'empêcher le retour des occupants du logement. Dans de telles circonstances, il ne pouvait être question de bonne foi et d'erreur sur l'illicéité, les recourantes ayant manifestement été conscientes que leur manière de procéder était prohibée, ce qu'elles ont néanmoins préféré à la voie civile.  
 
1.3. En tant que les recourantes affirment à maintes reprises avoir agi de bonne foi en livrant leur propre appréciation des faits, leur argumentation est largement appellatoire, partant irrecevable. C'est le cas notamment lorsqu'elles prétendent que leurs démarches auprès de l'Asloca, de la police et de l'avocate démontreraient leur bonne foi.  
 
Les recourantes sont irrecevables à présenter librement le contenu de la consultation du 5 février 2016 auprès de la permanence juridique. Dès lors qu'elles ont contesté avoir sollicité l'audition de l'avocate et refusé de la libérer de son secret s'agissant de cette rencontre, elles sont malvenues de s'en prévaloir pour fonder une erreur. Sur ce point, c'est de manière purement appellatoire, partant irrecevable qu'elles tentent d'expliquer ce refus. Les recourantes considèrent que la cour cantonale aurait sous-évalué la force probante des éléments de preuve déjà apportés au motif que, " selon elles ", l'identification de l'avocate consultée le 5 février 2016 et l'attestation produite suffisaient à attester leur bonne foi. Cette appréciation personnelle des éléments de preuve est purement appellatoire, partant irrecevable. En tout état, en relevant que leurs témoignages sont concordants sur le fait que l'avocate avait conseillé la procédure civile comme solution mais ne les avait pas informées du caractère illicite de leur projet (mémoire de recours, p. 8 in initio), elles confirment que l'avocate ne s'est pas prononcée en faveur du comportement reproché, au contraire. Aussi, une des conditions, à tout le moins, pour admettre l'erreur fondée sur un conseil juridique n'est pas réalisée.  
 
S'agissant des informations délivrées par la police, les recourantes relèvent qu'en date du 31 janvier 2016, elle leur a indiqué que les sous-locataires ne pouvaient pas être évacués en changeant les serrures de l'appartement (cf. mémoire de recours, p. 10). En cela, elles confirment avoir été informées de l'illicéité de leur projet. Elles s'écartent de manière inadmissible de l'état de fait arrêté par la cour cantonale (art. 105 al. 1 LTF) en tant qu'elles affirment que les intimés refusaient de régulariser la sous-location et en déduisent qu'ils n'étaient pas sous-locataires et donc qu'elles étaient autorisées à changer les serrures de l'appartement. 
 
Les recourantes prétendent démontrer qu'elles ont agi dans l'erreur au motif que les intimés auraient obtenu la restitution des locaux sur mesures (super) provisionnelles 48 h après les faits. Cet événement ne ressort pas de l'arrêt entrepris et l'arbitraire de son omission n'est pas soulevé. En tout état, cet événement, postérieur aux faits reprochés, n'est pas apte à démontrer que la cour cantonale aurait arbitrairement exclu l'existence d'une erreur. 
 
Pour le surplus, les recourantes ne contestent pas les déclarations faites devant le tribunal des baux, selon lesquelles elles savaient que la seule option pour parvenir à l'évacuation des intimés était la procédure civile. Or, sur cette base et compte tenu des autres éléments retenus, la cour cantonale pouvait, sans arbitraire, admettre que les recourantes étaient conscientes de l'illicéité de leur comportement et ainsi exclure l'erreur. 
 
Le grief doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.   
Les recourantes prétendent que le rôle joué par chacune d'elles lors du changement de serrure de l'appartement n'a pas été pris en considération, sans toutefois contester la coactivité. Il n'y a pas lieu d'entrer en matière sur ce grief insuffisamment motivé (cf. art. 42 al. 2 LTF). Pour le surplus, les infractions en cause sont des délits de droit commun et peuvent être réalisées par n'importe qui, de sorte qu'il importe peu que seule une des deux soeurs fût effectivement titulaire du bail. 
 
Les recourantes ne formulent aucun grief contre les peines prononcées et la condamnation à une indemnité au sens de l'art. 433 CPP
 
3.   
Le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Les recourantes, qui succombent, supporteront solidairement les frais judiciaires (art. 66 al. 1 et 5 LTF). Les intimés, qui n'ont pas été invités à se déterminer, ne sauraient prétendre à des dépens. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge des recourantes, solidairement entre elles. 
 
3.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision. 
 
 
Lausanne, le 4 octobre 2018 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Denys 
 
La Greffière : Klinke