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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1B_255/2022  
 
 
Arrêt du 4 novembre 2022  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Kneubühler, Président, Jametti et Haag. 
Greffier : M. Parmelin. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
recourant, 
 
contre  
 
Ministère public de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy. 
 
Objet 
Procédure pénale; avis de recherche et d'arrestation; relevé d'empreintes digitales aux fins de comparaison dans le système AFIS, 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre pénale de 
recours de la Cour de justice de la République 
et canton de Genève du 6 mai 2022 
(ACPR/323/2022 - P/12706/2020). 
 
 
Faits :  
Le 15 juillet 2020, l'Université de Genève a déposé plainte contre A.________ du chef de violation de domicile, pour avoir pénétré le 8 juillet 2020, à 08h48, dans le bâtiment d'Uni Mail malgré les interdictions de fréquenter les locaux universitaires qui lui avaient été notifiées les 24 septembre 2014 et 22 février 2019. 
Le 14 décembre 2020, le Ministère public de la République et canton de Genève a ouvert une instruction pénale et émis le lendemain un avis de recherche et d'arrestation à l'encontre de A.________ au motif qu'il n'avait pas donné suite aux convocations de la police qui avaient été envoyées à son adresse de domicile en France. 
Par ordonnance du 19 janvier 2021, il a suspendu l'instruction de la cause jusqu'au 8 juillet 2030 au motif que le lieu de séjour du prévenu était inconnu. 
A.________ a été interpellé le 2 mars 2022 à l'intérieur du bâtiment d'Uni Mail, vers 20h00, et conduit au poste de police de la Servette à Genève pour la suite de la procédure. La comparaison des empreintes de ses index avec les empreintes digitales contenues dans la banque de données AFIS à laquelle il a été soumis de force s'est révélée négative. 
Entendu par la police le 3 mars 2022, à 00h34, A.________ a reconnu avoir été présent le 8 juillet 2020 dans le bâtiment d'Uni Mail et s'y rendre de temps en temps. Le même jour, le Ministère public l'a prévenu de violation de domicile et l'a relaxé après lui voir notifié une ordonnance pénale, frappée d'opposition. 
Le 7 mars 2022, A.________ a recouru contre l'avis de recherche et d'arrestation émis à son encontre le 15 décembre 2020 et contre les prélèvements de ses empreintes digitales auxquels il a été soumis de force au poste de police le jour de son arrestation. Le Ministère public s'est déterminé en concluant à l'irrecevabilité du recours en ce qu'il concernait la saisie de données signalétiques et au rejet du recours sur le fond pour le surplus. Le prévenu a répliqué. 
La Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève a rejeté le recours, dans la mesure de sa recevabilité, au terme d'un arrêt rendu le 6 mai 2022 que A.________ a déféré le 18 mai 2022 auprès du Tribunal fédéral en requérant l'assistance judiciaire complète. 
La Chambre pénale de recours a renoncé à se déterminer et se réfère aux considérants de son arrêt. Le Ministère public conclut au rejet du recours sans autre observation. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours au sens des art. 78 ss LTF est ouvert contre les décisions rendues en matière pénale, qu'elles se fondent sur le droit pénal matériel ou le droit de procédure pénale. Il s'étend donc à un avis de recherche et d'arrestation émis par le Ministère public en application de l'art. 210 al. 2 CPP
La personne qui a connaissance de l'existence d'un mandat d'arrêt ou d'amener décerné à son encontre dispose d'un intérêt actuel à recourir tant que ce mandat n'est pas encore exécuté puisque son exécution est de nature à porter atteinte à ses droits fondamentaux (art. 10 al. 2 Cst.; arrêt 1B_51/2021 du 31 mars 2021 consid. 1). La question se présente différemment lorsque le mandat a été exécuté ou révoqué. Un recours peut toutefois tendre à une décision de constatation de son illicéité, notamment sous l'angle de la proportionnalité (arrêt 1B_451/2017 du 7 décembre 2017 consid. 2.3). Ces considérations, également transposables à un avis de recherche et d'arrestation, trouvent à s'appliquer en l'occurrence où le recourant fait valoir que l'avis émis à son encontre était injustifié (car l'accusation de violation de domicile était infondée), disproportionné (car il aurait suffi de lui envoyer un mandat de comparution ou de lui notifier l'ordonnance pénale sans l'entendre) et illicite en tant qu'il avait une durée de validité de dix ans et qu'il aurait tout au plus dû être limité à deux ans au vu de l'infraction qui lui était reprochée. Cela étant, on doit lui reconnaître un intérêt actuel et pratique à recourir contre l'avis de recherche et d'arrestation. La condition du préjudice irréparable de l'art. 93 al. 1 let. a LTF est réalisée puisque le recourant a été arrêté et amené au poste de police en exécution de l'avis de recherche et d'arrestation litigieux. Les conditions d'entrée en matière sont ainsi réunies. 
 
1.1. Un avis de recherche et d'arrestation est assimilable à une mesure de contrainte. L'autorité qui ordonne une telle mesure doit s'assurer que celle-ci est prévue par la loi, que les soupçons sont suffisants, que les buts poursuivis ne peuvent pas être atteints par des mesures moins sévères et qu'elle apparaît justifiée au regard de la gravité de l'infraction (art. 197 al. 1 let. a à d CPP).  
L'art. 210 CPP dispose que le ministère public, les autorités pénales compétentes en matière de contraventions et les tribunaux peuvent ordonner des recherches à l'encontre de personnes dont le lieu de séjour est inconnu et dont la présence est nécessaire au déroulement de la procédure. En cas d'urgence, la police peut lancer elle-même un avis de recherche (al. 1). Si le prévenu est fortement soupçonné d'avoir commis un crime ou un délit et qu'il y a lieu de présumer des motifs de détention, l'autorité peut lancer un avis de recherche pour l'arrêter et le faire amener devant l'autorité compétente (al. 2). 
L'art. 210 al. 2 CPP renvoie aux conditions de la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté (arrêt 1B_51/2021 du 31 mars 2021 consid. 3.1). A teneur de l'art. 221 CPP, une telle mesure ne peut être ordonnée que lorsque le prévenu est fortement soupçonné d'avoir commis un crime ou un délit et qu'il y a sérieusement lieu de craindre qu'il se soustraie à la procédure pénale ou à la sanction prévisible en prenant la fuite (al. 1 let. a), qu'il compromette la recherche de la vérité en exerçant une influence sur des personnes ou en altérant des moyens de preuves (al. 1 let. b), qu'il compromette sérieusement la sécurité d'autrui par des crimes ou des délits graves après avoir déjà commis des infractions du même genre (al. 1 let. c) ou encore qu'il passe à l'acte après avoir menacé de commettre un crime grave (al. 2). 
 
1.2. Selon l'arrêt attaqué, il résultait du rapport de renseignements du 8 décembre 2020 que la police avait tenté de convoquer plusieurs fois, en vain, le recourant à son domicile en France. Il en ressortait également qu'elle avait perdu toute trace de l'intéressé à compter du 8 juillet 2020 de sorte que le dossier avait été retourné au Ministère public le 11 décembre suivant. Celui-ci, tenu d'instruire, n'avait pas enfreint le principe de la proportionnalité en décidant alors de lancer un avis de recherche et d'arrestation dès lors que le lieu de séjour du recourant apparaissait inconnu et que sa présence était nécessaire au déroulement de la procédure. En tout état de cause, le recourant se gardait bien d'indiquer à quelle adresse le Ministère public aurait dû lui adresser un mandat de comparution pour l'atteindre plus efficacement que les convocations de police. Dans ses recours et réplique, il donnait pour domicile la même adresse que celle à laquelle la police avait cherché en vain à l'atteindre en premier lieu. Pour le surplus, l'avis querellé avait été révoqué le 3 mars 2022 de sorte que l'argumentation du recourant relative au délai de prescription applicable tombait à faux. En définitive, les conditions légales pour émettre un avis de recherche et d'arrestation au sens de l'art. 210 al. 2 CPP étaient réunies et l'arrestation du recourant, sur cette base, conforme au droit.  
 
1.3. Le recourant fait valoir que l'émission d'un avis de recherche et d'arrestation était disproportionnée et qu'il aurait suffi de lui notifier une ordonnance pénale ou, à la rigueur, de lui envoyer un mandat de comparution à son adresse de domicile en France, qui était toujours valable. Il soutient avoir reçu plusieurs courriers à cette adresse entre le dépôt de la plainte de l'Université de Genève et l'émission de l'avis de recherche et d'arrestation litigieux mais aucun de la police le convoquant.  
Il n'y a pas lieu d'examiner ce qu'il en est dans la mesure où le recours doit de toute façon être admis sur ce point. 
 
1.4. Pour qu'un avis de recherche et d'arrestation puisse être décerné en vertu de l'art. 210 al. 2 CPP, il faut que cette mesure soit justifiée au regard de la gravité de l'infraction et qu'il y ait lieu de présumer des motifs de détention. La Chambre pénale de recours ne se prononce pas sur ces questions qu'il lui appartenait d'examiner d'office. Sur ce point, l'arrêt attaqué n'est pas motivé conformément aux exigences des art. 112 al. 1 let. b LTF et 29 al. 2 Cst. Il doit être annulé pour ce motif et la cause renvoyée à l'autorité précédente pour qu'elle statue à nouveau (art. 112 al. 3 LTF). En outre, cette dernière vérifiera si la police a effectivement adressé sans succès plusieurs convocations au recourant à son adresse en France, comme elle le prétend dans son rapport de renseignements du 8 décembre 2020, et si la présence du recourant était nécessaire au déroulement de la procédure, comme l'exige l'art. 210 al. 1 CPP, ou si une ordonnance pénale aurait pu lui être notifiée directement, comme le recourant le soutient.  
 
2.  
Le recours en matière pénale est en principe également ouvert en tant qu'il est dirigé contre l'irrecevabilité prononcée par la Chambre pénale de recours du recours formé par A.________ contre la saisie par la police de ses données signalétiques, dans la mesure où cette décision équivaut à un déni de justice (ATF 143 I 344 consid. 1.2). Le recourant a qualité, en vertu de l'art. 81 al. 1 let. a et b LTF, pour contester cette décision (arrêt 1B_209/2019 du 19 septembre 2019 consid. 2.2). 
 
2.1. La Chambre pénale de recours a précisé qu'un ordre de la police en matière de saisie de données signalétiques ne pouvait pas faire l'objet d'un recours direct, mais qu'il nécessitait, conformément à l'art. 260 al. 4 CPP, une décision du Ministère public si la personne concernée refusait de s'y soumettre. Or, il ressortait du dossier que la Procureure n'avait pas délivré de mandat oral ou écrit à cette fin. Par conséquent, faute de décision attaquable, le recours devait être déclaré irrecevable sur ce point en l'absence de toute voie de droit contre les décisions d'exécution forcée des mesures de contrainte.  
Le recourant ne développe aucune argumentation en lien avec cette motivation. Il soutient qu'en refusant de considérer son recours contre les prélèvements des empreintes de ses index, ne serait-ce que pour les comparer avec celles saisies dans le système d'identification AFIS sans les enregistrer, la Chambre pénale de recours aurait méconnu les garanties déduites des art. 29a Cst. et 13 CEDH. Ce faisant, on peut admettre qu'il remet en cause l'irrecevabilité de son recours de manière suffisante au regard des exigences de motivation des art. 42 al. 2 et 106 al. 2 LTF. 
 
2.2. L'art. 393 al. 1 let. a CPP ouvre la voie du recours à l'encontre des actes de procédure de la police, sauf disposition contraire de la loi.  
Le Tribunal fédéral a en effet déjà eu l'occasion de préciser qu'il découlait de la systématique légale que, sauf exceptions prévues expressément par la loi, toutes les décisions de procédure, qu'elles émanent du ministère public, de la police ou des autorités compétentes en matière de contraventions, sont susceptibles de recours. Le législateur a eu en vue de soumettre de manière générale à recours "tout acte de procédure [...], y compris toute abstention ou toute omission" (Message du Conseil fédéral du 21 décembre 2005 relatif à l'unification du droit de la procédure pénale, FF 2006 1057, ch. 2.9.2, p. 1296). En d'autres termes, la méthode législative n'est plus celle d'un catalogue énumérant les décisions sujettes à recours, à l'instar de ce que prévoyaient certains anciens codes de procédure cantonaux, mais consiste à appliquer un principe (universalité des recours), puis à le limiter par des exceptions exhaustivement prévues dans la loi (ATF 144 IV 81 consid. 2.3.1). S'agissant en particulier des fouilles (art. 241 CPP), elle peuvent, en tant qu'acte de procédure de la police, faire l'objet d'un recours au sens de l'art. 393 al. 1 let. a CPP (arrêt 1B_141/2021 du 21 juin 2021 consid. 2.1). Il en va de même de la perquisition de lieux, de documents et d'enregistrements (cf. art. 242 ss CPP). Lorsque la police agit sur délégation du Ministère public, la doctrine considère que les griefs à l'encontre de la perquisition doivent en principe être formés dans le cadre d'un recours contre l'acte de délégation du Ministère public (BERNHARD STRÄULI, Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, 2e éd. 2019, n° 9 ad art. 393 CPP; MOREILLON/PAREIN-REYMOND, Petit commentaire CPP, 2e éd. 2016, n° 11 ad art. 393 CPP; PATRICK GUIDON, Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, vol. II, 2e éd. 2014, n° 9 ad art. 393 CPP), sous réserve du cas où seule la manière de procéder des policiers est contestée (arrêt 1B_550/2021 du 13 janvier 2022 consid. 3.1.1). 
La Chambre pénale de recours n'indique pas sur quelle disposition elle se fonde pour conclure que la voie du recours n'est pas ouverte contre l'exécution forcée des mesures de contrainte par la police, alors que selon le système légal, le prévenu doit pouvoir se plaindre d'un acte de procédure de la police lorsque la loi ne dit rien d'autre. En particulier, aucune disposition du Code de procédure pénale ne qualifie de définitive ou de non sujette à recours la soumission du prévenu au contrôle de ses empreintes digitales par comparaison avec celles enregistrées dans le banque de donnés du système AFIS. Le justiciable doit pouvoir disposer d'une voie de recours pour faire contrôler le respect de l'art. 200 CPP dans le cadre de l'exécution d'une mesure de contrainte, respectivement d'un contrôle d'identité. A défaut, une atteinte à la sphère privée en raison d'un usage disproportionné de la force pourrait échapper à un contrôle judiciaire alors qu'il s'agit d'un grief défendable au regard de la CEDH (ATF 142 I 135 consid. 1.3.1 in fine). Le renvoi à l'art. 260 al. 4 CPP et à l'absence de décision prise en application de cette disposition par le Ministère public n'est pas pertinent dans le cas particulier. Comme le Ministère public l'a indiqué dans ses déterminations devant la cour cantonale, la police n'a pas prélevé les empreintes digitales du recourant, ce qui aurait justifié un mandat oral de sa part, confirmé ensuite par écrit, et en cas d'opposition, le renvoi au Ministère public pour décision en application de l'art. 260 al. 4 CPP, mais elle a vérifié, en ayant recours à la contrainte, si elles étaient déjà enregistrées dans la banque de données AFIS. Or, un simple contrôle d'identité au moyen du système automatique d'identification des empreintes digitales ne constitue pas une mesure d'identification au sens de l'art. 260 al. 1 CPP, s'agissant non pas d'un prélèvement mais uniquement d'une comparaison d'empreintes (ALEXANDRA SIGRIST, Les pouvoirs de la police: le cas de la délinquance juvénile, 2013, p. 195; GIANFRANCO ALBERTINI, Die polizeilichen Massnahmen gemäss Art. 9-22 des Polizeigesetzes des Kantons Graubünden, 2005, p. 23). Cela étant, la voie de droit prévue par l'art. 260 al. 4 CPP ne s'appliquait pas dans le cas particulier et le recours était ouvert en application de l'art. 393 al. 1 let. a CPP, que l'on considère comme étant dirigé contre l'ordre de la police de soumettre le recourant à un contrôle de son identité au moyen du système d'identification de ses empreintes digitales AFIS ou contre la manière dont celui-ci a été exécuté (arrêt 1B_556/2021 du 13 janvier 2022 consid. 3.1.1). 
L'irrecevabilité du recours consacre une violation de l'art. 393 al. 1 let. a CPP. Le recours doit par conséquent être admis et la cause renvoyée à la Chambre pénale de recours pour qu'elle se prononce également sur cet aspect du recours. 
 
3.  
L'admission du recours rend sans objet la demande du recourant tendant à se voir désigner un avocat d'office. Il n'y a pas lieu de percevoir de frais judiciaires (art. 66 al. 4 LTF). Le recourant, qui a agi seul, ne saurait prétendre à des dépens. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est admis. L'arrêt attaqué est annulé et la cause renvoyée à la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
 
2.  
Il n'est pas perçu de frais judiciaires ni alloué de dépens. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué au recourant, ainsi qu'au Ministère public et à la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 4 novembre 2022 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Kneubühler 
 
Le Greffier : Parmelin