Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
6P.196/2006
6S.437/2006 /rod
Arrêt du 4 décembre 2006
Cour de cassation pénale
Composition
MM. les Juges Schneider, Président,
Kolly et Karlen.
Greffier: M. Oulevey.
Parties
X.________,
recourant, représenté par Me Jean-Pierre Guidoux, avocat,
contre
Y.________,
intimé, représenté par Me Aba Neeman, avocat,
Ministère public du canton du Valais, Palais de Justice, case postale 2050, 1950 Sion 2,
Ière Cour pénale du Tribunal cantonal du canton du Valais, Palais de Justice, 1950 Sion 2.
Objet
6P.196/2006
Procédure pénale; in dubio pro reo (art. 32 al. 1 Cst.), arbitraire (art. 9 Cst.)
6S.437/2006
Tentative d'extorsion et chantage, dénonciation calomnieuse, fixation de la peine
recours de droit public (6P.196/2006) et pourvoi en nullité (6S.437/2006) contre le jugement de la Ière Cour pénale du Tribunal cantonal du canton du Valais du 22 août 2006.
Faits:
A.
Par jugement du 2 juin 2005, le Juge du district de Sion a condamné X.________ pour tentative d'extorsion et chantage ( art. 21 al. 1 et 156 ch. 1 CP ) et dénonciation calomnieuse (art. 303 ch. 1 al. 1 CP) à dix mois d'emprisonnement avec sursis pendant deux ans. Il a mis les frais de justice à sa charge et l'a condamné à verser des dépens à Y.________, partie civile.
B.
Statuant le 22 août 2006 sur appel du condamné, la Ière Cour pénale du Tribunal cantonal valaisan a confirmé ce jugement en se fondant, en résumé, sur les constatations de fait suivantes:
B.a D'août 1995 à mai 1996, X.________ a confié à l'avocat Y.________ la défense de ses intérêts dans un litige civil. À la fin du mandat, X.________ a contesté la note d'honoraires qui lui a été présentée et porté plainte le 12 avril 1998 contre son ancien conseil pour faux dans les titres, escroquerie et usure. Par décision du 8 mai 1998, confirmée sur recours le 28 octobre 1998, le juge d'instruction a refusé de donner suite à la plainte. En revanche, par sentence définitive depuis le 20 octobre 1999, la Chambre arbitrale de l'Ordre des avocats valaisans a modéré le montant des honoraires dus.
B.b Le 15 juin 2000, vers 9 h.00, venant d'apprendre par la presse que Y.________ avait fait acte de candidature à un poste de juge suppléant au Tribunal fédéral, X.________ a téléphoné à son ancien conseil. Sans lui demander expressément de l'argent, il lui a fait comprendre que, si un certain montant - qu'il déterminerait au cours d'un prochain entretien - ne lui était pas versé, il propagerait des informations susceptibles de lui nuire, notamment de compromettre son élection. Espérant que la justice pourrait intervenir d'ici là, Y.________ a accepté de rencontrer X.________ le 19 juin au soir. Trente minutes après cette conversation, X.________ a rappelé l'étude de Y.________ pour demander que le rendez-vous ait lieu avant le vote de l'Assemblée fédérale, soit au plus tard dans la matinée du 17 juin.
Dans l'après-midi du 15 juin 2000, X.________ a déposé à l'étude de Y.________ le projet de lettre qu'il envisageait d'adresser aux présidents des Chambres fédérales, avec copie aux présidents des groupes parlementaires et à la presse, s'il n'obtenait pas satisfaction. Il y alléguait notamment que Y.________ "faisait des doubles facturations" et qu'il n'avait "pas l'intégrité requise" pour la fonction à laquelle il postulait.
Y.________ a dénoncé ces faits au juge d'instruction et saisi le juge civil d'une requête de mesures provisionnelles et d'extrême urgence. Il a informé X.________ de ces démarches le 16 juin 2000. X.________ a aussitôt rompu tout contact avec Y.________ et ne lui a jamais communiqué le montant exact qu'il voulait obtenir de lui.
B.c Par lettre du 12 juillet 2000, X.________ a dénoncé Y.________ au juge d'instruction pour délits contre l'honneur, escroquerie, usure et faux dans les titres. Pour ces trois derniers chefs, X.________ s'appuyait sur les mêmes faits que ceux visés par la décision de refus de suivre du 8 mai 1998, qu'il savait pourtant définitive. Il a adressé sa lettre au juge dans l'intention de faire ouvrir une enquête judiciaire contre Y.________, en réaction aux deux procédures que celui-ci avait engagées contre lui.
C.
Contre l'arrêt du Tribunal cantonal, dont il demande l'annulation, X.________ interjette un recours de droit public et un pourvoi en nullité au Tribunal fédéral. Il se plaint d'appréciation arbitraire des preuves (art. 9 Cst.) et de violation du principe in dubio pro reo (art. 32 al. 1 Cst.) à l'appui du premier, et de violation des art. 21 al. 1, 63, 68, 156 ch. 1 et 303 ch. 1 al. 1 CP à l'appui du second.
Invités à se déterminer sur le pourvoi en nullité, le Ministère public et l'intimé concluent tous deux à son rejet.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
Conformément à l'art. 275 al. 5 PPF, lorsqu'une décision fait à la fois l'objet d'un recours de droit public et d'un pourvoi en nullité, il convient en principe d'examiner d'abord le recours de droit public. Rien en l'espèce ne justifie de déroger à cette règle.
I. Recours de droit public
2.
2.1 Les décisions pénales de dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 OJ) peuvent faire l'objet d'un recours de droit public au Tribunal fédéral pour violation des droits constitutionnels des citoyens (art. 84 al. 1 let. a OJ), dès lors qu'un tel motif ne peut être soulevé à l'appui d'un pourvoi en nullité (cf. art. 84 al. 2 OJ et 269 al. 2 PPF).
Interjeté en temps utile, par le condamné, pour appréciation arbitraire des preuves (art. 9 Cst.) contre un arrêt final rendu par la Ière Cour pénale du Tribunal cantonal valaisan, le présent recours est en principe recevable (art. 84 al. 1 et 2, 86 al. 1, 87, 88 et 89 al. 1 OJ).
2.2 En vertu de l'art. 90 al. 1 let. b OJ, l'acte de recours doit, sous peine d'irrecevabilité (ATF 123 II 552 consid. 4d p. 558 et les arrêts cités), contenir un exposé succinct des droits constitutionnels invoqués et préciser en quoi consiste la violation alléguée. Il en résulte que, lorsqu'il est saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'applique pas le droit d'office. Il n'a pas à vérifier si la décision attaquée est en tous points conforme à l'ordre juridique. Il n'examine que les griefs de nature constitutionnelle soulevés et suffisamment motivés dans l'acte de recours (ATF 130 I 26 consid. 2.1 p. 31; 125 I 71 consid. 1c p. 76, 492 consid. 1b p. 495 et les arrêts cités).
3.
Le recourant allègue qu'il a téléphoné à l'intimé le 15 juin 2000 uniquement pour l'informer qu'il allait tout entreprendre pour empêcher son élection. Il n'aurait jamais élevé, ni eu l'intention d'élever, la moindre prétention pécuniaire. Les constatations contraires de la cour cantonale seraient arbitraires et violeraient le principe in dubio pro reo.
3.1 La présomption d'innocence, garantie par l'art. 32 al. 1 Cst., ainsi que son corollaire, le principe in dubio pro reo, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves (ATF 120 Ia 31 consid. 2c p. 36 et les références citées). En tant qu'ils régissent le fardeau de la preuve, ces principes signifient que le juge ne peut retenir un fait défavorable à l'accusé que s'il est convaincu de la matérialité de ce fait, de sorte que le doute profite à l'accusé (ATF 120 Ia 31 consid. 2c p. 37). Comme règles de l'appréciation des preuves, en revanche, ces principes sont violés si le juge se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû éprouver des doutes (ATF 120 Ia 31 consid. 2c p. 37). Le Tribunal fédéral examine librement si ces principes ont été violés en tant qu'ils répartissent le fardeau de la preuve, mais il ne vérifie que sous l'angle de l'arbitraire si le juge aurait dû éprouver un doute sur la culpabilité de l'accusé, c'est-à-dire si ces principes ont été violés en tant qu'ils régissent l'appréciation des preuves (ATF 124 IV 86 consid. 2a p. 88; 120 Ia 31 consid. 2e p. 38).
En l'espèce, le recourant ne soutient pas que la cour cantonale a éprouvé un doute sur la matérialité des faits qu'elle a retenus, mais qu'elle aurait dû en éprouver un. Il se plaint donc exclusivement d'une violation du principe in dubio pro reo en tant que règle d'appréciation des preuves. Son moyen se confond ainsi avec celui d'arbitraire dans l'appréciation des preuves.
3.2 L'arbitraire prohibé par l'art. 9 Cst. ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution aurait été possible, voire préférable. L'appréciation des preuves n'enfreint l'interdiction constitutionnelle de l'arbitraire que si le juge du fait n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, s'il a omis sans raison sérieuse de tenir compte d'un moyen important et propre à modifier la décision attaquée ou encore si, sur la base des éléments recueillis, il a fait des déductions insoutenables (cf. ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9 et les arrêts cités).
3.2.1 Selon le recourant, la constatation du fait qu'il a implicitement demandé de l'argent à l'intimé serait arbitraire parce qu'elle repose essentiellement sur les déclarations d'un collaborateur de l'intimé, qui dit avoir entendu les propos échangés au téléphone le 15 juin 2000 alors qu'il serait notoire que, sauf utilisation d'un haut-parleur, une conversation téléphonique ne peut pas être comprise par un tiers qui ne placerait pas sa tête tout contre celle de l'un des interlocuteurs. Les déclarations de ce collaborateur seraient en outre contredites par celles d'une secrétaire de l'intimé, qui a reconnu que le recourant n'avait pas fait valoir de prétentions lorsque son patron l'avait rappelé devant elle, le 16 juin 2000, pour lui faire préciser ce qu'il voulait.
3.2.2 Contrairement à ce que soutient le recourant, il n'est pas notoire, ni établi par un élément du dossier dont la cour cantonale aurait omis de tenir compte, qu'il est impossible d'entendre une conversation téléphonique sans coller sa tête à celle de l'un des interlocuteurs. Au demeurant, le témoin a expliqué qu'il avait pu suivre la conversation parce que l'intimé avait, d'une part, répété les propos du recourant au fur et à mesure et, d'autre part, écarté quelques fois l'appareil afin que le témoin puisse, lui aussi, entendre directement ce que disait le recourant (cf. dossier cantonal p. 10). Par ailleurs, le fait que le témoin est un collaborateur de l'intimé n'a pas échappé à la cour cantonale. Il n'est pas en soi arbitraire d'ajouter foi aux déclarations d'un témoin qui se trouve au service de l'une des parties. Il s'agit là d'une circonstance dont il appartient au juge du fait d'évaluer la portée au cas par cas. Enfin, que le recourant n'ait pas formulé de prétentions quand l'intimé l'a rappelé le 16 juin 2000 n'implique pas nécessairement qu'il n'en avait pas élevé la veille.
La cour cantonale n'a dès lors pas versé dans l'arbitraire en retenant que le recourant a, au cours de la conversation téléphonique du 15 juin 2000, prononcé des paroles qui tendaient, bien qu'elles ne continssent pas de référence explicite à de l'argent, à faire comprendre à l'intimé qu'il avait tout intérêt à verser un certain montant - restant à fixer - à son ancien client, s'il ne voulait pas que celui-ci propage des allégations susceptibles de compromettre son élection. Mal fondé, le recours de droit public doit dès lors être rejeté.
4.
Le recourant, qui succombe, supportera l'émolument judiciaire de 2'000 fr. perçu pour l'examen de son recours de droit public (art. 153 al. 1, 153a et 156 al. 1 OJ).
L'intimé, qui n'a pas été invité à répondre sur le recours de droit public, n'a pas droit à des dépens de ce chef (art. 159 OJ).
II. Pourvoi en nullité
5.
Exercé en temps utile, par le condamné, contre un jugement de la Cour pénale du Tribunal cantonal valaisan, le pourvoi en nullité est recevable au regard des art. 268 ch. 1, 270 let. a et 272 al. 1 PPF.
Saisi d'un pourvoi en nullité, le Tribunal fédéral contrôle l'application du droit fédéral (art. 269 al. 1 PPF) sur la base exclusive de l'état de fait définitivement arrêté par l'autorité cantonale (cf. art. 277bis et 273 al. 1 let. b PPF ). Il n'est pas lié par les motifs que les parties invoquent (art. 277bis al. 2 PPF). Mais il ne peut aller au-delà des conclusions (art. 277bis al. 1 PPF), lesquelles doivent être interprétées à la lumière de leur motivation. Celle-ci circonscrit dès lors les points que la cour de céans peut examiner (ATF 126 IV 65 consid. 1 p. 66 et les arrêts cités).
6.
Dans un premier moyen, exposé de manière relativement confuse, le recourant conteste s'être rendu coupable de tentative inachevée d'extorsion et chantage. Il soutient que les actes qui lui sont reprochés ne présentent pas un degré de réalisation suffisant pour être punissables.
6.1 Il y a tentative inachevée, punissable en vertu de l'art. 21 CP, lorsque l'auteur a commencé l'exécution d'un crime ou d'un délit sans avoir poursuivi jusqu'au bout son activité coupable. Selon la jurisprudence, la tentative suppose que l'auteur réalise tous les éléments subjectifs de l'infraction et qu'il manifeste sa décision de la commettre, mais sans en réaliser tous les éléments objectifs (ATF 120 IV 199 consid. 3e p. 206; cf. aussi Stefan Trechsel/Peter Noll, Schweizerisches Strafrecht, Allgemeiner Teil I, 6ème éd., Zurich 2004, p. 175). S'agissant d'extorsion ou de chantage, au sens de l'art. 156 ch. 1 CP, il faut donc que l'auteur ait l'intention, dans le but de se procurer ou de procurer à autrui un enrichissement illégitime, de déterminer le lésé à un acte préjudiciable à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers, soit en usant de violence (extorsion), soit en menaçant le lésé d'un dommage sérieux (chantage). Du point de vue de la qualification juridique, de la peine encourue (in abstracto) et de la nécessité d'une plainte, le montant que l'auteur entend obtenir est sans importance, puisque l'art. 172ter al. 1 CP n'est pas applicable au crime d'extorsion et chantage (cf. art. 172ter al. 2 CP); il suffit donc que l'auteur ait voulu obtenir un avantage patrimonial (cf., mutatis mutandis, ATF 101 IV 164 p. 165/166).
La délimitation entre les actes préparatoires, en principe non punissables, et le commencement d'exécution, constitutif d'une tentative inachevée punissable, est délicate. D'après la jurisprudence, il y a commencement d'exécution dès que l'auteur accomplit un acte qui représente, dans son esprit, la démarche ultime et décisive vers la réalisation de l'infraction, celle après laquelle il n'y aura en principe plus de retour en arrière, sauf apparition ou découverte de circonstances extérieures compliquant trop ou rendant impossible la poursuite de l'entreprise (ATF 131 IV 100 consid. 7.2.1 p. 103 s. avec références; Guido Jenny, Commentaire bâlois, n. 15 ad art. 21 CP). Le seuil de la tentative est en tout cas franchi si l'auteur réalise déjà l'un des éléments objectifs de l'infraction (ATF 131 IV 100 consid. 7.2.1 p. 104, avec références).
6.2 Il ressort des constatations de fait de la cour cantonale (cf. arrêt attaqué, consid. 3d p. 6) que le recourant n'a pas téléphoné à l'intimé dans le seul but de l'alarmer. Par ses propos, qui comportaient la menace de propager des allégations mettant en doute l'intégrité professionnelle de l'intimé, le recourant entendait déterminer l'intimé à lui verser prochainement une somme d'argent, alors qu'il n'ignorait pas qu'au regard des décisions de justice rendues sur leur litige, l'intimé ne lui devait rien. Peu importe que le recourant n'eût pas encore fixé en son for intérieur - l'arrêt attaqué ne constatant pas qu'il l'aurait fait - le montant précis qu'il entendait réclamer. Sur le principe, il était déjà fermement résolu à pousser l'intimé, par la menace d'un dommage sérieux, à lui remettre une somme d'argent qui ne lui était pas due. Il réalisait ainsi tous les éléments subjectifs du crime prévu et réprimé par l'art. 156 ch. 1 CP.
Par ailleurs, en menaçant l'intimé de propager des allégations mettant en doute son intégrité professionnelle s'il n'acceptait pas de lui verser une somme d'argent, le recourant a commis un acte formant l'un des éléments objectifs du crime d'extorsion et chantage. Cet acte permet à lui seul de retenir que, par son comportement du 15 juin 2000, le recourant a franchi le seuil du commencement d'exécution.
Certes, le recourant a ensuite renoncé à préciser à l'intimé, qui devait attendre que ce point soit fixé au cours d'un prochain entretien, le montant qu'il voulait obtenir de sa part. Mais, contrairement à ce que fait valoir le recourant, ce fait signifie simplement qu'il n'a pas poursuivi jusqu'au bout son activité coupable, non qu'il ne l'aurait jamais commencée. Due à la dénonciation des faits au juge d'instruction, et non à un mouvement propre du recourant, cette renonciation ne constitue en outre pas un désistement au sens de l'art. 21 al. 2 CP. Aussi est-ce à bon droit que la cour cantonale a reconnu le recourant coupable de tentative, au sens de l'art. 21 al. 1 CP, d'extorsion et chantage (art. 156 ch. 1 CP).
7.
Le recourant conteste s'être rendu coupable de dénonciation calomnieuse, au sens de l'art. 303 ch. 1 al. 1 CP, en portant plainte contre l'intimé pour escroquerie, usure et faux dans les titres. Il fait valoir que les allégations contenues dans la lettre qu'il a adressée le 12 juillet 2000 au juge d'instruction étaient conformes à la vérité, seule leur qualification juridique étant erronée, et que sa plainte ne pouvait de toute façon pas donner lieu à l'ouverture de poursuites pénales puisque, faute de reposer sur des charges nouvelles par rapport à celles visées par le refus de suivre du 8 mai 1998, elle était irrecevable.
7.1 L'art. 303 ch. 1 al. 1 CP prévoit la réclusion ou l'emprisonnement pour celui qui aura dénoncé à l'autorité, comme auteur d'un crime ou d'un délit, une personne qu'il savait innocente, en vue de faire ouvrir contre elle une poursuite pénale. Sur le plan objectif, l'application de cette disposition légale suppose qu'ait été adressée à l'autorité une communication imputant faussement à une personne la commission d'un crime ou d'un délit. Plus précisément, la communication attaquée doit imputer faussement à la personne dénoncée des faits qui, s'ils étaient avérés, seraient constitutifs d'un crime ou d'un délit. En effet, la qualification juridique inexacte de faits fidèlement rapportés ne portant pas atteinte à l'administration de la justice, dont c'est l'affaire de connaître les définitions légales, elle ne tombe pas sous le coup de l'art. 303 ch. 1 al. 1 CP (Günther Stratenwerth, Schweizerisches Strafrecht, Besonderer Teil II, § 53 n. 7; cf. aussi Ursula Cassani, Commentaire du droit pénal suisse, vol. 9, n. 7 ad art. 303 CP; Andreas Dontasch/Wolfgang Wohlers, Strafrecht IV - Delikte gegen die Allgemeinheit, 4ème éd., Zurich 2004, p. 367; Rolf Hügli, Die falsche Anschuldigung und die Irreführung der Rechtspflege, th. Berne 1948, p. 28/29; Hermann Menzel, Die falsche Anschuldigung nach deutschem und schweizerischem Strafrecht, th. Fribourg 1963, p. 53 initio; Stefan Trechsel, Schweizerisches Strafgesetzbuch - Kurzkommentar, n. 4 ad art. 303 CP). L'utilisation mal à propos d'une qualification pénale ne peut constituer une dénonciation calomnieuse que si l'auteur s'est servi de la dénomination légale d'un crime ou d'un délit pour en alléguer les faits constitutifs mais non si l'auteur s'est borné à soutenir que des faits, allégués par ailleurs, constituent le crime ou le délit mentionné.
En l'espèce, contrairement à ce qu'il en serait dans un procès pour atteinte à honneur fondé sur les art. 173 ss CP, il est donc sans importance que le recourant ait expressément qualifié d'escroquerie, d'usure et de faux dans les titres les faits qu'il a dénoncés le 12 juillet 2000 au juge d'instruction. Sur le plan objectif, son comportement ne tombe sous le coup de l'art. 303 ch. 1 al. 1 CP que si, d'une part, les faits qu'il a relatés dans sa lettre sont, tels qu'allégués, constitutifs d'un crime ou d'un délit et si, d'autre part, ces faits ne correspondent pas à la réalité, soit parce que l'intimé n'en est pas l'auteur, soit parce qu'ils ne se sont pas produits - ou, du moins, pour l'essentiel pas comme allégué dans la lettre de dénonciation.
7.2 Dans la plupart des procès en dénonciation calomnieuse, le point de savoir si les faits dénoncés sont, tels qu'allégués, constitutifs d'un crime ou d'un délit, et, le cas échéant, s'ils correspondent bien à la réalité, a déjà fait l'objet d'une décision judiciaire, rendue par les autorités saisies de la dénonciation. Dans cette situation, admettre que deux jugements contradictoires puissent coexister, l'un niant la culpabilité de la personne dénoncée alors que l'autre l'admettrait sur la base des mêmes preuves se rapportant au même complexe de faits, aboutirait à des résultats insoutenables. Il ne saurait être question, par exemple, qu'une personne condamnée puisse obtenir, sur contre-plainte, la condamnation pour dénonciation calomnieuse de celui qui l'a dénoncée, tant que le jugement de condamnation rendu sur la base de la dénonciation n'a pas été révisé. Aussi la jurisprudence considère-t-elle que le jugement rendu à l'égard de la personne dénoncée a autorité de chose jugée dans la cause du dénonciateur. S'il a été constaté par ordonnance de non-lieu que la personne dénoncée n'a pas commis les faits que le dénonciateur lui imputait, le juge appelé à statuer sur le crime de dénonciation calomnieuse est, sauf faits ou moyens de preuve nouveaux, lié par cette constatation. Cette solution ne compromet pas les intérêts du dénonciateur, à qui il reste loisible d'exciper de sa bonne foi (cf. ATF 72 IV 74 consid. 1).
En doctrine, cette interprétation est critiquée par certains auteurs, qui s'attachent tout particulièrement à en contester les conséquences dans les cas où la personne dénoncée est mise au bénéfice d'un non-lieu. D'aucuns font valoir que, dans cette hypothèse, la solution jurisprudentielle ne tient compte ni du risque que le juge saisi de la dénonciation se soit trompé en rendant l'ordonnance de non-lieu (en ce sens: Stratenwerth, op. cit., § 53 n. 14; Cassani, op. cit., n. 12 ad art. 303 CP; approuvés par Vera Delnon/Bernhard Rüdy, Commentaire bâlois, n. 11 ad art. 303 CP), ni de la possibilité que ce même juge ait rendu un non-lieu faute de preuves, en application du principe in dubio pro reo, et non parce que l'instruction aurait établi l'innocence de la personne dénoncée (Cassani, op. cit., n. 12 ad art. 303 CP; Vital Schwander, Das schweizerische Strafgesetzbuch, 2ème éd., Zurich 1964, § 54 n. 769a p. 502/503). Cassani (op. cit., n. 12 ad art. 303 CP), suivie par Delnon et Rüdy (op. cit., n. 11 ad art. 303 CP), souligne en outre que certaines ordonnances de non-lieu au sens large, notamment les décisions de classement, ne signifient pas que le prévenu n'est pas coupable d'une infraction pénale. Enfin, un auteur juge la solution de la jurisprudence peu satisfaisante pour les cas dans lesquels le dénonciateur n'était pas partie à la procédure clôturée par l'ordonnance de non-lieu (Georg Messmer, Der strafrechtliche Schutz der Rechtspflege vor Irreführung, Kriminalistik 1965, p. 433 ss, ch. VI p. 440).
Ces critiques ne sont pas déterminantes. La jurisprudence ne lie le juge appelé à statuer sur le crime de dénonciation calomnieuse qu'aux décisions qui renferment une constatation sur l'imputabilité d'une infraction pénale à la personne dénoncée. Parmi les ordonnances de non-lieu au sens large (sur cette notion, cf. ATF 129 IV 216 consid. 1.1 et les références), appartiennent assurément à cette catégorie les ordonnances de non-lieu motivées en fait par l'insuffisance des charges, ainsi que celles motivées en droit par la non réalisation d'une infraction pénale. En revanche, le classement en opportunité, et celui fondé sur l'art. 66bis CP, n'en font pas partie. La jurisprudence n'empêche donc pas le juge appelé à statuer sur le crime de dénonciation calomnieuse d'examiner la culpabilité de la personne dénoncée contre laquelle les poursuites ont été abandonnées ensuite d'un simple classement en opportunité.
Il est dans l'intérêt de la sécurité du droit et du maintien de l'ordre public que le bien-fondé des jugements pénaux et des ordonnances de non-lieu - lesquelles ont, sous réserve de la découverte de faits ou moyens de preuve nouveaux, la même valeur qu'un jugement d'acquittement - ne puisse plus être contesté une fois épuisées les voies de recours ordinaires ouvertes contre ces décisions (cf. Gérard Piquerez, Traité de procédure pénale suisse, 2ème éd., Zurich 2006, n. 1536; Robert Hauser/Erhard Schweri, Schweizerisches Strafprozessrecht, 4ème éd., Bâle 1999, § 84 n. 2; Niklaus Schmid, Strafprozessrecht, 3ème éd., Zurich 1997, n. 582). Il s'ensuit notamment que, lorsqu'une personne dénoncée à juste titre a été acquittée ou mise au bénéfice d'un non-lieu à tort, il est préférable que cette personne ne puisse plus être tenue pour coupable de l'infraction pénale pour laquelle elle a été dénoncée, en particulier dans le cadre du procès intenté au dénonciateur sur la base de l'art. 303 CP (en ce sens: Andreas Donatsch/ Wolfgang Wohlers, Strafrecht IV - Delikte gegen die Allgemeinheit, 3ème éd., Zurich 2004, p. 368). Le jugement d'acquittement et l'ordonnance de non-lieu ne pourraient remplir entièrement leur fonction - qui est notamment de garantir le droit à la tranquillité du prévenu (cf. Piquerez, op. cit., n. 1536 et la référence) - si leur bien-fondé pouvait être contesté à titre préjudiciel dans un procès pour atteinte à l'honneur ou dénonciation calomnieuse (cf., pour la diffamation, Martin Schubarth, Commentaire du droit pénal suisse, Partie spéciale vol. 3, n. 80 ad art. 173 CP). C'est pourquoi on ne saurait arguer ni du risque d'erreur, ni de la possibilité que la personne dénoncée ait été innocentée au bénéfice du doute, pour permettre au juge appelé à statuer sur le crime de dénonciation calomnieuse de se mettre en contradiction avec le jugement d'acquittement ou l'ordonnance de non-lieu dont la personne dénoncée a bénéficié. Tout au plus convient-il de réserver le cas où, après une ordonnance de non-lieu, la dénonciation serait fondée sur des faits ou moyens de preuves nouveaux justifiant la réouverture de l'enquête - l'admissibilité d'une remise en cause, sur la base de faits et moyens de preuves nouveaux et importants, d'un jugement d'acquittement contre lequel la loi de procédure applicable n'ouvrirait pas de recours en révision pouvant, quant à elle, demeurer indécise en l'espèce.
Par ailleurs, en obligeant le dénonciateur à prouver ses accusations dans le cadre des poursuites engagées contre la personne qu'il a dénoncée, la solution de la jurisprudence n'implique pas, pour le cas où la personne dénoncée a été acquittée ou mise au bénéfice d'un non-lieu, un renversement du fardeau de la preuve incompatible avec les art. 32 al. 1 Cst. et 6 § 2 CEDH. En effet, en matière d'infractions contre l'honneur, la présomption d'innocence du lésé entre également en considération (cf. Schubarth, Zur Tragweite des Grundsatzes der Unschuldvermutung, Bâle 1978, p. 8) et certaines nuances sont admissibles au regard de l'art. 6 § 2 CEDH (cf. Jacques Velu/Rusen Ergec, La Convention européenne des droits de l'homme, Extrait du Répertoire pratique du droit belge, Complément t. VII, n. 562 p. 470 et la référence). Au demeurant, pour la réalisation du crime de dénonciation calomnieuse, l'art. 303 CP n'exige pas tant l'innocence de la personne dénoncée que la connaissance certaine de cette innocence par l'auteur. La jurisprudence ne dispense pas l'accusation d'établir que le dénonciateur admettait en son for intérieur que la personne dénoncée était innocente des faits qu'il lui imputait. C'est pourquoi, même dans les cas où il n'a pas été partie à la procédure clôturée par l'ordonnance de non-lieu ou par le jugement d'acquittement, le dénonciateur n'est pas lésé par l'autorité reconnue à ces décisions dans le procès en dénonciation calomnieuse.
En définitive, il se justifie donc de s'en tenir à la jurisprudence. Lorsque la personne dénoncée a été mise hors de cause, la constatation en vertu de laquelle le jugement d'acquittement ou l'ordonnance de non-lieu a mis fin à la procédure lie donc le juge appelé à statuer sur le crime de dénonciation calomnieuse, sous réserve de faits ou moyens de preuves nouveaux et importants.
7.3 Il résulte de ce qui précède que, lorsque l'autorité saisie de la dénonciation l'a classée au motif que les faits dénoncés ne constituaient pas une infraction pénale, cette constatation lie le juge appelé à statuer sur le crime de dénonciation calomnieuse, qui ne saurait donc retenir que les éléments objectifs de ce crime sont tous réunis.
Dans le cas présent, la cour cantonale a déclaré le recourant coupable de dénonciation calomnieuse pour avoir, le 12 mai 2000, adressé au juge d'instruction une lettre imputant à l'intimé exactement les mêmes faits que ceux qui avaient donné lieu, le 8 mai 1998, à une décision de refus de suivre. Prise sans moyens d'instruction, sur le seul vu de la dénonciation et des pièces qui lui étaient annexées, en application de l'art. 46 du Code de procédure pénale du canton du Valais du 22 février 1962 (RS/VS 312.0), cette dernière décision, motivée en droit, avait constaté que les faits allégués par le recourant n'étaient constitutifs d'aucune infraction pénale. Liée par cette appréciation, la cour cantonale ne pouvait considérer que le crime de dénonciation calomnieuse était réalisé. L'arrêt par lequel elle a confirmé la condamnation du recourant pour ce chef d'accusation doit dès lors être annulé et la cause lui être renvoyée pour nouveau jugement.
7.4 Lorsqu'une dénonciation mensongère porte sur des faits qui, s'ils avaient été vrais, n'auraient de toute façon pas été constitutifs d'une infraction pénale, son auteur doit être reconnu coupable de délit impossible de dénonciation calomnieuse (art. 23 ad 303 CP) s'il a agi dans le dessein de faire ouvrir une procédure pénale contre la personne dénoncée en croyant (à tort) que les faits qu'il alléguait mensongèrement étaient, en droit, constitutifs d'une infraction pénale (cf. ATF 95 IV 19 consid. 2 p. 21/22). Il appartiendra dès lors à la cour cantonale d'examiner, au besoin après instruction complémentaire, si la figure du délit impossible est réalisée en l'espèce.
8.
Vu le sort du moyen pris d'une violation de l'art. 303 CP, les griefs formulés contre la fixation de la peine n'ont plus d'objet.
9.
Comme chacune des parties obtient gain de cause sur l'une des infractions litigieuses et succombe sur l'autre, il convient, d'une part, de compenser le montant réduit des frais qu'il y aurait eu lieu de mettre à la charge du recourant (art. 278 al. 1 PPF) avec l'indemnité réduite qui lui aurait été allouée au titre de l'art. 278 al. 3 PPF et, d'autre part, de compenser les dépens respectifs de l'intimé et du recourant (art. 159 OJ). L'arrêt sera dès lors rendu sans frais ni indemnités quant au pourvoi.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
Sur le recours de droit public:
1.
Le recours de droit public est rejeté.
2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge du recourant.
3.
Il n'est pas alloué d'indemnités.
Sur le pourvoi en nullité:
4.
Le pourvoi en nullité est partiellement admis, l'arrêt entrepris annulé et la cause renvoyée à la cour cantonale pour nouveau jugement dans le sens des considérants.
5.
Il n'est pas perçu de frais de justice ni alloué d'indemnités.
Communications:
6.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties, au Ministère public et à la Ière Cour pénale du Tribunal cantonal du canton du Valais.
Lausanne, le 4 décembre 2006
Au nom de la Cour de cassation pénale
du Tribunal fédéral suisse
Le président: Le greffier: