Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
4A_637/2023
Arrêt du 4 décembre 2024
I
Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux
Jametti, Présidente, Hohl, Kiss, Rüedi et May Canellas.
Greffier : M. Botteron.
Participants à la procédure
A.________,
représentée par Me Pierre Gabus et Me Lucile Bonaz,
recourante,
contre
B.________,
représenté par Me Guillaume Fauconnet, avocat,
intimé.
Objet
procédure de mainlevée définitive de l'opposition formée par le tiers propriétaire du gage en ce qui concerne la créance,
recours contre l'arrêt rendu le 6 novembre 2023 par la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève (C/17185/2022, ACJC/1490/2023).
Faits :
A.
A.a. A.________ (ci-après: la propriétaire/tierce propriétaire du gage ou la défenderesse ou la recourante) est propriétaire de la PPE correspondant au 7e étage d'un immeuble sis à Genève, qu'elle a louée à la société C.________.
En 2009, la locataire a chargé la société D.________ SA, en qualité d'entrepreneur général (ci-après: l'entrepreneur général ou le débiteur), d'effectuer des travaux dans les locaux loués. L'entrepreneur général a confié à B.________, menuisier et ébéniste (ci-après: l'artisan/sous-traitant créancier ou le requérant ou l'intimé), l'exécution de différents travaux.
L'artisan a adressé plusieurs factures à l'entrepreneur général pour un montant total de 334'578 fr. Il n'a pas été entièrement payé.
A.b. L'artisan a requis l'inscription d'une hypothèque légale provisoire des artisans et entrepreneurs sur la part d'étage de la propriétaire, par requête du 28 janvier 2010. L'hypothèque provisoire a été inscrite au registre foncier le 29 janvier 2010.
Par jugement du Tribunal de première instance du canton de Genève du 20 juin 2016, confirmé par arrêt d'appel de la Cour de justice du canton de Genève du 28 avril 2017, qui opposait différents artisans et entrepreneurs à la tierce propriétaire, l'artisan a obtenu l'inscription définitive de l'hypothèque légale à concurrence du montant de 334'578 fr. avec intérêts à 5 % l'an dès le 28 décembre 2009. L'inscription a été portée au Registre foncier.
A.c. Par acte notarié du 7 mai 2018 (au sens de l'art. 349 CPC) et valant reconnaissance de dette au sens des art. 80 et 81 LP , l'entrepreneur général a reconnu devoir à l'artisan le montant de 334'578 fr. avec intérêts à 5 % l'an dès le 28 décembre 2009.
Par accord du 27 février 2021, l'entrepreneur s'est engagé à verser ce montant à l'artisan et les parties ont arrêté les intérêts à 115'422 fr., à condition qu'ils soient intégralement versés d'ici au 31 mars 2022; à défaut, l'artisan était habilité à réclamer à l'entrepreneur l'entier des intérêts dus, en sus des 115'422 fr., sur la base de la reconnaissance de dette signée le 7 mai 2018 et sous déduction des montants déjà versés à ce titre.
L'artisan a reçu le montant de 334'578 fr. à titre de remboursement du capital et un montant de 30'000 fr. à titre de paiement partiel des intérêts, le 4 mars 2021.
Par courrier du 1er février 2022, l'artisan a invité l'entrepreneur général à s'acquitter du solde des intérêts dus d'ici au 31 mars 2022, aucun paiement n'étant intervenu depuis le 4 mars 2021.
L'entrepreneur ne s'est pas exécuté.
A.d. En juillet 2022, l'artisan sous-traitant a requis contre l'entrepreneur général débiteur et la tierce propriétaire du gage une poursuite en réalisation de gage immobilier (poursuite n°...) pour un montant de 157'038 fr. 40 correspondant au solde des intérêts impayés (187'038 fr. 40 - 30'000 fr.), en se basant sur la reconnaissance de dette du 7 mai 2018.
L'entrepreneur général débiteur a fait opposition au commandement de payer qui lui a été notifié le 13 juillet 2022 (art. 105 al. 2 LTF).
La tierce propriétaire du gage a fait opposition à l'exemplaire du commandement de payer qui lui a été notifié le 22 août 2022.
Le sous-traitant créancier a formé deux requêtes de mainlevée définitive séparées devant le Tribunal de première instance du canton de Genève, l'une à l'encontre de l'entrepreneur général, débiteur personnel, et l'autre à l'encontre de la tierce propriétaire du gage.
La mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer par l'entrepreneur général a été prononcée par jugement du 14 novembre 2022. Il n'y a pas eu de recours contre ce jugement.
B.
B.a. La requête de mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer par la tierce propriétaire du gage est litigieuse dans la présente procédure pendante devant le Tribunal fédéral.
B.b. Le Tribunal de première instance du canton de Genève a rejeté la requête de mainlevée définitive, par jugement du 20 juin 2023. Il a considéré que l'inscription définitive de l'hypothèque légale sur la part de PPE de la tierce propriétaire valait titre de mainlevée pour le gage. En revanche, elle ne valait pas titre de mainlevée pour la créance, parce que l'acte notarié du 7 mai 2018, qui était un titre authentique exécutoire, engageait seulement l'entrepreneur général et ne liait donc pas la tierce propriétaire du gage. Il a donc rejeté la requête de mainlevée définitive pour défaut d'identité entre la tierce propriétaire et le débiteur figurant dans le titre.
B.c. Statuant sur recours du sous-traitant créancier par arrêt du 6 novembre 2023, la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève a annulé et réformé le premier jugement en ce sens que l'opposition formée au commandement de payer par la tierce propriétaire du gage a été levée définitivement.
Se référant à un avis de doctrine (cf. consid. 3.3.4 ci-dessous), la cour cantonale a considéré qu'il suffit que l'existence, l'exigibilité et la quotité de la créance ait été reconnue par l'entrepreneur général débiteur pour valoir titre de mainlevée provisoire; en l'espèce, il suffit que le titre authentique exécutoire ait été signé par le débiteur pour valoir titre de mainlevée définitive, même si ce titre n'a pas été signé par la tierce propriétaire du gage et ne la lie donc pas. Si l'on devait exiger un jugement condamnant la tierce propriétaire ou un titre authentique exécutoire signé par celle-ci, ce qui ne semble pas envisageable, faute de relation contractuelle de celle-ci avec le sous-traitant, cela rendrait inopérante l'hypothèque légale de l'art. 839 CC et empêcherait le sous-traitant de jamais pouvoir obtenir la réalisation du gage, ce qui serait contraire à la volonté du législateur. La jurisprudence rendue en matière de faillite du débiteur (art. 89 ORFI) doit s'appliquer en l'espèce, en ce sens qu'il suffit que le sous-traitant créancier dispose d'un titre authentique exécutoire signé par l'entrepreneur général débiteur pour obtenir la mainlevée définitive. La cour cantonale a considéré que le titre authentique du 7 mai 2018 est opposable à la tierce propriétaire du gage et que c'est à tort que le tribunal de première instance a considéré qu'il y a défaut d'identité entre le débiteur et le poursuivi.
C.
Contre cet arrêt, qui lui a été notifié le 10 novembre 2023, la tierce propriétaire du gage a interjeté un recours en matière civile au Tribunal fédéral le 8 décembre 2023, concluant à ce que la requête de mainlevée définitive du sous-traitant créancier soit rejetée. Elle invoque, premièrement, la violation de l'art. 80 al. 1 LP (identité entre le poursuivi et le débiteur désigné dans le titre), le titre de mainlevée définitive produit par le sous-traitant créancier ne la liant pas; celui-ci devrait ouvrir contre elle une action en constatation de droit de façon que la créance qu'il fait valoir contre l'entrepreneur général débiteur lui soit opposable, procédure dans laquelle elle pourrait faire valoir les exceptions du débiteur et ses exceptions personnelles et s'opposer ainsi à toute entente à son détriment entre le créancier et le débiteur. Deuxièmement et subsidiairement, la tierce propriétaire invoque la violation de l'art. 81 al. 1 LP, la créance personnelle du sous-traitant créancier à l'encontre de l'entrepreneur général étant prescrite.
Le sous-traitant créancier, intimé, a conclu au rejet du recours, réfutant les critiques de la recourante.
Les parties ont encore déposé des observations.
La cour cantonale se réfère aux considérants de son arrêt.
L'effet suspensif a été attribué au recours, mais la requête de mesures provisionnelles tendant à ce qu'il soit fait interdiction à la propriétaire de se dessaisir de l'objet du gage a été rejetée par ordonnance présidentielle du 12 janvier 2024.
Considérant en droit :
1.
Interjeté en temps utile (art. 100 al. 1 LTF), par la partie qui a succombé en instance cantonale (art. 76 al. 1 LTF), contre une décision rendue en matière de mainlevée de l'opposition (art. 72 al. 2 let. a LTF, qu'elle soit définitive ou provisoire), soit une décision finale au sens de l'art. 90 LTF puisqu'elle met fin à l'instance (ATF 134 III 115 consid. 1.1), et prise sur recours par le tribunal supérieur du canton de Genève (art. 75 LTF), dont la valeur litigieuse s'élève à plus de 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF; ATF 133 III 399 consid. 1.3), le recours en matière civile est recevable au regard de ces dispositions.
2.
Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Toutefois, compte tenu de l'obligation de motiver qui incombe au recourant en vertu de l'art. 42 al. 2 LTF, il n'examine pas, comme le ferait un juge de première instance, toutes les questions juridiques qui pourraient se poser, mais uniquement celles qui sont soulevées devant lui, à moins que la violation du droit ne soit manifeste (ATF 140 III 86 consid. 2, 115 consid. 2). Il ne traite donc pas les questions qui ne sont plus discutées par les parties (ATF 140 III 86 consid. 2). Il n'examine pas non plus les griefs qui n'ont pas été soumis à l'instance cantonale précédente (principe de l'épuisement des griefs; ATF 143 III 290 consid. 1.1; 147 III 172 consid. 2.2). Il demeure toutefois libre d'intervenir s'il estime qu'il y a une violation manifeste du droit (ATF 140 III 115 consid. 2).
Lorsqu'il entre en matière sur une question, il n'est lié ni par les motifs invoqués par les parties, ni par l'argumentation juridique retenue par l'autorité cantonale; il peut donc admettre le recours pour d'autres motifs que ceux invoqués par le recourant, comme il peut le rejeter en opérant une substitution de motifs (ATF 140 III 86 consid. 2; 135 III 397 consid. 1.4; 134 III 102 consid. 1.1; 133 III 545 consid. 2.2).
3.
Est litigieuse la question de savoir si la reconnaissance de la créance par le débiteur personnel (en l'espèce, l'entrepreneur général) au sens des art. 347 et 349 CPC est pour le créancier gagiste (en l'espèce, le sous-traitant) un titre de mainlevée définitive ( art. 80-81 LP ) dans la poursuite en réalisation de gage immobilier dirigée contre le débiteur et contre le tiers propriétaire du gage.
Avant d'examiner spécifiquement la situation du tiers propriétaire du gage, on examinera celle du débiteur propriétaire du gage.
3.1. Le créancier qui a obtenu l'inscription définitive d'une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs (art. 837 al. 1 ch. 3 CC) sur l'immeuble appartenant au débiteur, hypothèque qui a été inscrite au registre foncier, est titulaire d'une créance garantie par gage immobilier.
En vertu du droit matériel, le créancier gagiste immobilier a le droit de se payer sur le prix de l'immeuble, faute pour le débiteur de satisfaire à ses obligations ("
im Falle der Nichtbefriedigung ") (art. 816 al. 1 CC). Ce droit existe dès l'instant où le débiteur ne s'acquitte pas volontairement de sa dette; en effet, sans cette faculté, le droit de gage ne serait d'aucune utilité pour le créancier (LEEMANN, Berner Kommentar, 1925, n. 2 ad art. 816 CC). Autrement dit, il suffit que la créance garantie soit exigible et que le débiteur ne l'ait pas payée pour que le créancier gagiste immobilier puisse requérir la poursuite en réalisation du gage immobilier (art. 151 ss LP), de façon à être désintéressé sur le produit de sa vente; une mise en demeure (art. 102 CO) n'est pas nécessaire (SCHMID/HÜRLIMANN-KAUP, Sachenrecht, 6e éd. 2022, n. 1551 et 1552; SCHMID-TSCHIRREN, in: Basler Kommentar, Zivilgesetzbuch, 7e éd. 2023, n. 2a ad art. 816 CC). L'art. 816 al. 1 CC s'applique aussi bien aux droits de gage immobiliers conventionnels qu'aux droits de gage légaux (SCHMID-TSCHIRREN, op. cit., n. 2 ad art. 816 CC), en particulier à l'hypothèque légale des artisans et entrepreneurs (art. 837 al. 1 ch. 3 CC; ATF 103 II 227 consid. 4).
La même règle est applicable au créancier sous-traitant qui a obtenu l'inscription définitive d'une hypothèque légale sur l'immeuble d'un tiers. Il peut requérir la poursuite en réalisation de gage immobilier dès que sa créance est exigible et que le débiteur personnel ne l'a pas payée. D'ailleurs, lorsque le propriétaire du gage, qui n'est pas le débiteur personnel, désintéresse le créancier gagiste, il est subrogé dans les droits de celui-ci à l'encontre du débiteur personnel (art. 827 al. 2 CC).
3.2. Le créancier gagiste peut requérir la poursuite en réalisation de gage immobilier conformément aux art. 151 ss LP et 85 ss ORFI.
3.2.1. La poursuite en réalisation de gage immobilier est dirigée contre le débiteur de la créance garantie. Le commandement de payer est notifié au débiteur.
Lorsque l'immeuble objet du gage appartient à un tiers, un exemplaire dudit commandement de payer est notifié à ce tiers (art. 153 al. 2 let. a LP). L'exemplaire notifié au tiers n'est qu'un double de celui qui a été signifié au débiteur (personnel) et il porte le même numéro; autrement dit, il n'y a qu'une seule poursuite (arrêt 5A_366/2007 du 7 décembre 2007 consid. 4.1).
Le tiers propriétaire ne devient pas débiteur personnel du créancier, sans quoi on se trouverait en présence de codébiteurs, et non plus d'un tiers constituant du gage, et l'art. 153 al. 2 let. a LP ne s'appliquerait pas (ATF 140 III 36 consid. 4; arrêts 5A_366/2007 précité consid. 4.1; 4P. 264/2005 du 17 janvier 2006 consid. 5.2.3.1). Il n'acquiert que la qualité de copoursuivi et peut, à ce titre, exercer ses droits indépendamment du débiteur poursuivi.
Tant le débiteur que le tiers propriétaire du gage peuvent donc former opposition au commandement de payer (art. 153 al. 2bis LP et 88 al. 1 ORFI). L'un et l'autre peuvent contester, indépendamment l'un de l'autre, aussi bien la créance que le droit de gage; ils peuvent invoquer l'inexistence ou l'inexigibilité de la créance et en contester le montant, ainsi que se prévaloir du défaut de gage (arrêts précités 5A_366/2007 consid. 4.1 et 4P.264/2005 consid. 5.2.3.1; FOËX, in: Commentaire romand LP, n. 20 ad art. 153 LP). L'opposition du tiers propriétaire déploie les mêmes effets que celle du débiteur (ATF 140 III 36 consid. 3). En particulier, l'opposition est, sauf mention contraire, censée se rapporter à la créance et au droit de gage (pour le débiteur, cf. art. 85 ORFI; pour le tiers propriétaire, cf. ATF 140 III 36 consid. 3; 111 III 8 consid. 3b).
3.2.2. Pour que la poursuite en réalisation de gage immobilier puisse continuer, toutes les oppositions doivent être levées, par une décision de mainlevée (art. 80 à 82 LP) ou par une action en reconnaissance de dette (art. 79 LP; ATF 140 III 36 consid. 4).
La procédure de poursuite à laquelle participe un tiers propriétaire est en effet une procédure de poursuite unifiée en ce sens que la poursuite à l'encontre du tiers propriétaire dépend de celle à l'encontre du débiteur (JOLANTA KREN KOSTKIEWICZ, in: Commentaire ORFI, 2012, n. 23 ad art. 88 ORFI). Ainsi, la poursuite ne peut être continuée contre le tiers propriétaire que pour autant qu'elle puisse l'être contre le débiteur personnel (art. 88 al. 3 ORFI). Lorsque le débiteur personnel est tombé en faillite et que la créance garantie a été portée à l'état de collocation par l'administration de sa faillite, elle vaut reconnaissance de dette au sens de l'art. 82 LP lorsque celui-ci l'a reconnue (arrêt 5A_282/2016 du 17 janvier 2017 consid. 3.2.2 in fine).
3.3. Lorsque le créancier requiert la levée de l'opposition se rapportant à la créance par la voie de la procédure de mainlevée - définitive ou provisoire -, il doit disposer d'un titre de mainlevée.
3.3.1. En vertu des art. 80 et 81 LP , le juge doit prononcer la mainlevée définitive de l'opposition lorsque le créancier produit un jugement exécutoire (
vollstreckbarer gerichtlicher Entscheid) ou un titre qui y est assimilé, à moins que le débiteur ne prouve par titre que la dette a été éteinte ou qu'il a obtenu un sursis postérieurement au jugement, ou qu'il ne se prévale de la prescription (subséquente; ATF 139 III 444 consid. 4.1.1; 144 III 360 consid. 3). On examinera ici plus spécialement le titre de mainlevée définitive que constitue un titre authentique exécutoire (art. 80 al. 1bis LP), dès lors que la cour cantonale a admis qu'il est opposable au tiers propriétaire du gage.
Depuis le 1er janvier 2011, date de l'entrée en vigueur du CPC, est un titre assimilé à un jugement, le titre authentique exécutoire au sens des art. 347 à 352 CPC (
vollstreckbare öffentliche Urkunde; art. 80 al. 2 ch. 1bis LP). Ce titre permet au créancier de faire exécuter directement sa prétention, sans intenter de procès civil. Lorsqu'il porte sur une prestation en argent, le titre vaudra titre de mainlevée définitive (art. 349 CPC). Toutefois, ce titre n'a pas la même efficacité qu'un jugement. Sur le plan matériel, le débiteur n'est pas limité dans ses exceptions (art. 81 al. 2 LP), mais il doit les prouver, et ce immédiatement, et ne peut pas simplement les rendre vraisemblables comme c'est le cas dans la procédure de mainlevée provisoire. La preuve par titre est en règle générale indispensable (arrêt 4A_647/2023 du 12 juin 2024 consid. 2). Comme le titre n'est pas revêtu de l'autorité de la chose jugée, le créancier peut encore agir en reconnaissance de son droit si la mainlevée est refusée (art. 79 LP); de son côté, le débiteur peut encore agir en constatation de droit négative au sens de l'art. 85a LP, voire en répétition de l'indu au sens de l'art. 86 LP si la mainlevée est admise. Si le titre ne remplit pas les conditions de l'art. 347 CPC, il permettra quand même d'obtenir la mainlevée provisoire (Message du 28 juin 2006 relatif au Code de procédure civile suisse, FF 2006 p. 6996 ad art. 347 du projet CPC [ci-après: Message CPC]).
Pour qu'il y ait titre authentique exécutoire, il faut notamment que la partie qui s'oblige ait expressément déclaré dans le titre qu'elle reconnaissait l'exécution directe de la prestation (art. 347 let. a CPC). Autrement dit, elle doit avoir accepté de passer directement au stade de l'exécution en dépit de l'absence de jugement; elle renonce ainsi par avance à exiger du créancier qu'il agisse par la voie judiciaire pour faire reconnaître l'existence de sa créance avant de passer au stade de l'exécution (JEANDIN, in Commentaire romand CPC, 2e éd. 2019, n. 11 ad art. 347 CPC). L'acte authentique signé par le seul débiteur personnel n'engage évidemment pas le tiers propriétaire du gage, qui n'a jamais renoncé expressément à ce que la créance garantie fasse l'objet d'un jugement avant que le créancier ne puisse faire procéder à la réalisation du gage.
3.3.2. Lorsque le créancier ne peut se fonder que sur une reconnaissance de dette constatée par acte authentique (
öffentliche Urkunde) au sens de l'art. 82 al. 1 LP ou une reconnaissance sous seing privé (
Schuldanerkennung) au sens de cette même disposition, il ne peut requérir que la mainlevée provisoire. Il en va également ainsi lorsque le titre authentique exécutoire ne remplit pas les conditions de l'art. 347 CPC; seule la mainlevée provisoire peut être requise (Message CPC, p. 6996 ad art. 347 projet CPC). Le débiteur poursuivi peut faire échec à la mainlevée en rendant immédiatement vraisemblable sa libération. Il peut se prévaloir de tous les moyens de droit civil - exceptions ou objections - qui infirment la reconnaissance de dette. Il n'a pas à apporter la preuve absolue (ou stricte) de ses moyens libératoires, mais uniquement à les rendre vraisemblables, en principe par titre (art. 254 al. 1 CPC; ATF 145 III 20 consid. 4.1.2; 142 III 720 consid. 4.1 et les références). Le juge n'a pas à être persuadé de l'existence des faits allégués; il doit, en se fondant sur des éléments objectifs, avoir l'impression qu'ils se sont produits, sans exclure pour autant la possibilité qu'ils se soient déroulés autrement (ATF 145 III 213 consid. 6.1.3; 142 III précité; 132 III 140 consid. 4.1.2 et les références; arrêts 5A_735/2021 du 27 juin 2022 consid. 2.1; 5A_160/2022 du 27 juin 2022 consid. 2.1.1). Savoir si le recourant a rendu vraisemblable sa libération ressortit à l'appréciation des preuves (arrêts 5A_773/2020 du 22 décembre 2020 consid. 3.1; 5A_446/2018 du 25 mars 2019 consid. 4.2). Pour faire échec à la mainlevée provisoire, le poursuivi peut notamment faire valoir la prescription de la créance, exception que le juge de la mainlevée ne peut examiner d'office (art. 142 CO; arrêt 5A_830/2021 du 17 février 2022 consid. 3.4 et les références). Il ne faut pas confondre la reconnaissance de dette au sens de l'art. 82 LP avec la reconnaissance abstraite de la dette au sens de l'art. 17 CO.
3.4. La procédure de mainlevée est une pure procédure d'exécution forcée, un incident de la poursuite. Le juge n'est compétent que pour examiner le jugement exécutoire ou les titres qui y sont assimilés dans le cas d'une requête de mainlevée définitive, respectivement le titre - public ou privé - qu'est la reconnaissance de dette dans le cas d'une requête de mainlevée provisoire, ainsi que les trois identités: l'identité entre le poursuivant et le créancier désigné dans le titre, l'identité entre le poursuivi et le débiteur désigné dans le titre et l'identité entre la prétention déduite en poursuite et la dette reconnue dans le titre (pour la mainlevée provisoire: ATF 132 III 140 consid. 4.1.1; pour la mainlevée définitive: arrêt 5P.239/2002 du 22 août 2002 consid. 3.1). Enfin, il doit statuer sur le droit du créancier de poursuivre le débiteur, c'est-à-dire décider si l'opposition doit ou ne doit pas être maintenue (ATF 139 III 444 consid. 4.4.1).
Selon la jurisprudence, le jugement ordonnant l'inscription définitive d'une l'hypothèque légale des artisans et entrepreneurs (art. 837 al. 1 ch. 3 CC) ne constitue pas un titre de mainlevée définitive pour la créance garantie au sens de l'art. 80 al. 1 LP. En effet, l'action en inscription définitive d'une telle hypothèque n'a pas pour but de déterminer la créance en tant que telle, mais le montant du gage ou, en d'autres termes, l'étendue de la garantie hypothécaire. Le juge n'examine la créance personnelle de l'artisan ou de l'entrepreneur (
Schuldsumme) qu'à titre préjudiciel et à seule fin de déterminer la somme garantie par le gage (
Pfandsumme) (arrêt 4A_449/2015 du 16 décembre 2015 consid. 3.1; ATF 138 III 132 consid. 4.2.2). Le jugement ordonnant l'inscription définitive de l'hypothèque légale ne reconnaît donc pas, ni ne fixe la créance en paiement des prestations de l'artisan et de l'entrepreneur, mais uniquement le montant à concurrence duquel l'immeuble (le gage) doit répondre. Le créancier ne peut donc pas obtenir la mainlevée de l'opposition en ce qui concerne la créance garantie sur la base du seul jugement d'inscription définitive de l'hypothèque légale, et cela même si l'action a été dirigée contre le propriétaire de l'immeuble qui est simultanément le débiteur de la créance (ATF 138 III 132 consid. 4.2.2). Pour disposer d'un titre de mainlevée définitive au sens de l'art. 80 al. 1 LP, l'artisan ou l'entrepreneur qui ouvre action en inscription définitive de l'hypothèque légale contre le propriétaire doit la cumuler avec une action condamnatoire en paiement de sa créance contre le débiteur (arrêt 5A_378/2022 du 17 novembre 2022 consid. 3.3; ATF 138 III 132 consid. 4.2.2; 105 II 149 consid. 2b; cf. également arrêts 4A_647/2023 du 12 juin 2024 consid. 3; 5A_137/2023 du 2 juin 2023 consid. 4.1.3).
Cette jurisprudence qui a été rendue lorsque le propriétaire du gage est le débiteur de la créance personnelle vaut a fortiori lorsque le propriétaire du gage n'est pas le débiteur de la créance personnelle, comme c'est le cas lorsque le débiteur personnel est l'entrepreneur général et le créancier gagiste un sous-traitant. En effet, le jugement ne produit d'effets qu'entre les parties ("
res judicata jus facit nisi inter partes "), y compris leurs successeurs à titre universel ou à titre particulier (ATF 125 III 8 consid. 3).
Ce qui vaut pour le jugement vaut aussi pour l'acte authentique exécutoire au sens de l'art. 349 CPC. Celui-ci ne vaut qu'"
inter partes " et ne lie donc que la partie qui s'est obligée en déclarant expressément dans le titre qu'elle reconnaît l'exécution directe de la décision (art. 347 let. a CPC). Cet acte n'est pas opposable à des tiers qui n'y étaient pas parties ("
res inter alios acta ").
Il s'ensuit que lorsque l'entrepreneur général s'est obligé envers le débiteur par un acte authentique exécutoire, celui-ci ne lie pas le tiers propriétaire du gage, de sorte que la requête de mainlevée définitive formée par le créancier gagiste doit être rejetée, faute d'identité entre le propriétaire copoursuivi et le débiteur désigné dans l'acte.
3.5. C'est ainsi à tort, en se référant à Abbet (ABBET, La mainlevée provisoire et les contrats bilatéraux: développements récents, in JdT 2021 II 4, p.17), que la cour cantonale a considéré que la reconnaissance de dette notariée du 7 mai 2018 est un titre de mainlevée définitive pour toutes les oppositions - du débiteur et du tiers propriétaire du gage -, et ce "même si cette reconnaissance de dette n'a pas été signée par [le tiers propriétaire du gage] et ne le lie pas". En effet, conformément à la loi et à la jurisprudence (cf. consid. 3.2 ci-dessus), celui-ci doit pouvoir faire valoir ses exceptions indépendamment du débiteur personnel, ce dont il serait privé si la mainlevée définitive de l'opposition était prononcée. Il ne suffit pas de constater, pour retenir le contraire, que le tiers propriétaire du gage ne peut conceptuellement pas reconnaître la créance, puisqu'il n'en est pas le débiteur et que s'il le faisait, il ne serait plus un tiers propriétaire, mais un codébiteur. La cour cantonale ne prétend d'ailleurs même pas que le titre authentique exécutoire serait opposable au tiers propriétaire du gage et qu'il le lierait.
On ne peut pas non plus extrapoler des avis de doctrine qui considèrent que la reconnaissance de dette du débiteur et la reconnaissance du gage par le tiers propriétaire suffiraient pour la mainlevée provisoire au sens de l'art. 82 LP (STAEHELIN, in: Basler Kommentar LP, n. 171 ad art. 82 LP; VEUILLET/ABBET, La mainlevée provisoire, n. 242 ad art. 82 LP), que cette solution serait transposable à la mainlevée définitive, puisque le tiers propriétaire ne peut alors plus faire valoir des exceptions contre la créance.
On ne peut pas tirer de l'ATF 140 III 36 consid. 4, qui admet que la cédule hypothécaire sur papier est un titre de mainlevée provisoire au sens de l'art. 82 LP, que la reconnaissance de dette du débiteur au sens de l' art. 347 et 349 CPC serait suffisante pour la mainlevée définitive à l'encontre du tiers propriétaire. Rien ne peut non plus être déduit de l'ATF 111 III 8 consid. 3b, qui ne traite que de l'autorisation donnée par le propriétaire de l'immeuble à l'inscription de l'hypothèque légale à concurrence d'un montant maximal, qui ne vaut donc reconnaissance que pour le gage (art. 839 al. 3 CC), et non reconnaissance de la créance du débiteur au sens de l'art. 82 al. 1 LP (ni d'ailleurs au sens de l'art. 80 LP; GILLIÉRON, in: Commentaire de la loi sur la poursuite pour dette et la faillite, n. 67 ad art. 82 LP).
On ne peut non plus rien déduire des arrêts 5D_19/2020 du 15 juin 2020 consid. 4.2 et 5A_282/2016 du 17 janvier 2017 consid. 3.2 in fine, qui, appliquant l'art. 89 al. 2 LP au cas de la faillite du débiteur, prévoient que la poursuite en réalisation de gage est alors dirigée seulement contre le tiers propriétaire et que la reconnaissance dans la faillite vaut reconnaissance de dette au sens de l'art. 82 LP.
Quant à l'opinion prétendument contraire de Gilliéron (GILLIÉRON, in: Commentaire LP, n. 10 ad art. 79 LP), l'intimé méconnaît que cet auteur traite uniquement d'une question de terminologie de la loi, qui lorsqu'elle parle de constatation ou de reconnaissance de dette, vise en réalité une action condamnatoire (
Leistungklage), l'action de l'art. 79 LP aboutissant à une condamnation à payer, alors qu'une action en constatation de droit n'existe que dans la poursuite en réalisation de gage lorsque l'existence du gage est contestée (cf. aussi ATF 138 III 132 consid. 4.2.2, sur la constatation à titre préjudiciel de l'existence et la quotité de la créance garantie).
4.
En l'espèce, tant le débiteur personnel - l'entrepreneur général - que le tiers propriétaire du gage ont fait opposition.
4.1. Il n'est pas contesté que l'opposition du débiteur personnel, tant en ce qui concerne la créance que le droit de gage, a été levée. En effet, pour l'opposition au droit de gage, il est établi que l'artisan/sous-traitant créancier a obtenu l'inscription d'une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs à concurrence de 334'578 fr. avec intérêts à 5 % l'an dès le 28 décembre 2009 sur la part de PPE appartenant à la propriétaire du gage, par jugement du 20 juin 2016 opposant plusieurs consorts artisans et entrepreneurs à celle-ci, et que cette hypothèque légale a été inscrite au registre foncier. Pour son opposition à la créance, il est établi que le sous-traitant créancier a obtenu la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer par l'entrepreneur général, débiteur personnel, par jugement du 14 novembre 2022, devenu définitif et exécutoire.
En ce qui concerne l'opposition de la tierce propriétaire se rapportant au droit de gage, il n'est pas contesté ni contestable que le sous-traitant créancier a établi qu'il peut en obtenir la mainlevée définitive puisque l'inscription de l'hypothèque légale définitive a été prononcée par jugement rendu contre elle le 20 juin 2016, confirmé en appel par arrêt du 28 avril 2017, et que l'inscription en a été portée au registre foncier.
4.2. En ce qui concerne l'opposition de la tierce propriétaire se rapportant à la créance, la requête de mainlevée définitive doit être rejetée. Le titre authentique exécutoire au sens de l'art. 349 CPC invoqué par le sous-traitant créancier a été signé par l'entrepreneur général qui a reconnu devoir au sous-traitant le montant de 334'578 fr. avec intérêts à 5 % l'an dès le 28 décembre 2009. Il n'a pas été conclu avec la tierce propriétaire du gage, ni n'a été signé par elle. Il ne lui est donc pas opposable. C'est donc à raison que la recourante a invoqué la violation du principe de l'identité entre le débiteur - de l'acte authentique signé par l'entrepreneur général - et la poursuivie - elle-même.
4.3. La Cour de céans ne peut examiner si la requête de mainlevée définitive pourrait valoir requête de mainlevée provisoire, faute de conclusions et de motivation de l'intimé dans sa réponse, et ce d'autant que la question n'a d'ailleurs pas été examinée par la cour cantonale (non-respect du principe de l'épuisement des griefs; cf. consid. 2 ci-dessus).
5.
Vu ce qui précède, il n'y a pas lieu d'examiner le second grief, subsidiaire, de la recourante, tiré de la violation de l'art. 81 al. 1 LP.
Le recours doit donc être admis et l'arrêt attaqué annulé et réformé en ce sens que la requête de mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n°..., par la tierce propriétaire le 1er septembre 2022 doit être rejetée. Les frais et dépens de la procédure fédérale doivent donc être mis à la charge de l'intimé (art. 66 al. 1 et 68 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est admis et l'arrêt attaqué est annulé et réformé en ce sens que la requête de mainlevée définitive de l'opposition au commandement de payer dans la poursuite n°... de l'Office des poursuites de Genève, notifié à A.________ sur réquisition de B.________, est rejetée.
2.
Les frais judiciaires de la procédure fédérale, arrêtés à 5'000 fr., sont mis à la charge de B.________.
3.
B.________ versera à A.________ une indemnité de 6'000 fr. à titre de dépens.
4.
La cause est renvoyée à la cour d'appel cantonale pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure cantonale.
5.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.
Lausanne, le 4 décembre 2024
Au nom de la I re Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : Jametti
Le Greffier : Botteron