Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
7B_702/2024
Arrêt du 4 décembre 2024
IIe Cour de droit pénal
Composition
MM. les Juges fédéraux Abrecht, Président,
Hurni et Hofmann,
Greffier: M. Magnin.
Participants à la procédure
A.A.________,
représentée par Me Diego Gfeller, avocat,
recourante,
contre
Ministère public de la République et canton de Genève,
route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy,
intimé.
Objet
Levée de scellés,
recours contre l'ordonnance rendue le 23 mai 2024 par le Tribunal des mesures de contrainte de la République et canton de Genève
(CP/566/2020-17 JBS - STMC/29/2024).
Faits:
A.
A.a. Le Parquet de Munich (Allemagne) conduit une enquête pénale contre plusieurs personnes soupçonnées de détournements aux dépens de la société allemande C.________ AG (ci-après: la société), dont le dénommé D.________ est l'ancien PDG, par l'intermédiaire d'un système de prêts entre diverses entités du groupe. Pour les besoins de l'enquête, les autorités allemandes ont adressé plusieurs demandes d'entraide judiciaire internationale en matière pénale à l'Office fédéral de la justice. Ces demandes ont notamment été transmises au Ministère public de la République et canton de Genève (ci-après: le Ministère public) pour exécution.
A.b. Le 28 juillet 2021, le Ministère public a notamment décidé d'entrer en matière sur une demande d'entraide judiciaire complémentaire formulée le 14 juillet 2021 par les autorités allemandes concernant divers prévenus, dont le dénommé B.A.________ (ci-après: le prévenu). Celui-ci est soupçonné de s'être rendu coupable d'abus de confiance et d'escroquerie, pour avoir, en substance, agi de concert avec D.________ dans le cadre des faits susmentionnés. Cette demande portait sur plusieurs actes d'instruction, dont la perquisition du domicile de A.A.________, épouse du prévenu, à V.________.
A.c. Le 28 octobre 2021, la police a procédé à la perquisition requise et a saisi divers appareils, des clés, des cartes mémoire électroniques et de nombreux documents sous format papier. Le même jour, ainsi que par courrier du lendemain, A.A.________ a sollicité la mise sous scellés de l'ensemble des documents et du matériel électronique perquisitionnés.
B.
B.a. Le 17 novembre 2021, le Ministère public a saisi le Tribunal des mesures de contrainte de la République et canton de Genève (ci-après: le TMC) d'une demande de levée des scellés requis par A.A.________. Il a en substance indiqué que les documents et le matériel saisis étaient susceptibles de répondre à la demande d'entraide judiciaire allemande.
B.b. Le 7 février 2022, A.A.________ s'est déterminée et a fait valoir que les documents et les pièces maintenus sous scellés comprenaient une importante correspondance échangée avec ses avocats, des documents liés à son emploi, sans lien avec la procédure instruite en Allemagne, et des documents strictement personnels.
B.c. Par ordonnances des 11 et 16 août et 1
er et 12 septembre 2022, le TMC a levé les scellés sur plusieurs objets saisis le 28 octobre 2021, sans lien avec un secret professionnel de l'avocat ou du médecin, à savoir des documents sociaux et bancaires sur support papier, deux lecteurs de carte d'accès à des services e-banking, ainsi qu'une clé en métal. Ces ordonnances n'ont pas été contestées.
B.d. Le 8 septembre 2023, le TMC a adressé à A.A.________ les fichiers extraits des supports informatiques saisis qui répondaient aux mots-clés identifiés dans la demande d'entraide judiciaire allemande, avec le logiciel permettant de les lire. Il l'a invitée à lui indiquer quels étaient ceux pour lesquels elle s'opposait à la levée des scellés requise par le Ministère public. Par courrier du 8 janvier 2024, A.A.________ a détaillé les fichiers qui devaient être maintenus sous scellés, identifiés par "tags" sur le support de données qui lui avait été remis pour les trier, sous les cotes et qualifications suivantes: "a) et b) : messages privés et documents personnels sans lien avec la procédure conduite en Allemagne; c) : adresses de personnes tierces tels des membres de sa famille; d) et e) : enregistrements audio et échanges de courriels personnels; f) : photos d'ordre privé; g) et h) : documents relatifs à ses emplois [...]; h) i) et j) : correspondance avec ses avocats et identifiants de connexions téléphoniques privées".
B.e. Par courrier du 16 février 2024, le TMC a proposé à A.A.________ d'isoler du tri les seuls fichiers couverts par un secret professionnel de l'avocat. Par courrier du 6 mars 2024, celle-ci lui a répondu qu'elle maintenait les fichiers qu'elle avait "tagués" sur le support informatique qui lui avait été remis.
Le TMC a dès lors repris l'examen de l'intégralité de plus de 100'000 fichiers ainsi "tagués" pour constater qu'aucun d'entre eux ne relevait d'une quelconque manière d'un secret professionnel, sauf deux copies de courriers provenant de l'Étude d'avocats E.________ - U.________, datés du 21 avril 2021. Ces deux courriers sont référencés sous "Piece 14", "File Offset xxxxxxxxxx" et "File Offset yyyyyyyyyy", sur le support informatique qui a été remis à A.A.________.
B.f. Par ordonnance du 23 mai 2024, le TMC a ordonné la levée des scellés sur le "support informatique USB, soumis pour trier les fichiers au défenseur de A.A.________, sur lequel ont été copiés, sur mandat du Tribunal, les fichiers informatiques répondant aux mots-cl[é]s soumis par l'autorité requérant l'entraide de la Suisse dans la procédure référencée CP/566/2020".
C.
Par acte du 26 juin 2024, A.A.________ (ci-après: la recourante) forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre cette ordonnance, en concluant à son annulation et à la restitution, sous scellés, des documents désignés dans la présente procédure de levée de scellés. Elle requiert en outre l'octroi de l'effet suspensif au recours.
Invités à se déterminer sur le recours, le Ministère public a conclu au rejet du recours, tandis que le TMC s'est référé à son ordonnance du 23 mai 2024. Les prises de position ont été communiquées à la recourante.
Par ordonnance du 15 juillet 2024, le Président de la II
e Cour de droit pénal a admis la requête d'effet suspensif.
Considérant en droit:
1.
Le présent arrêt est rendu dans la langue de la décision querellée, à savoir le français. Quand bien même le recours est rédigé en allemand, il n'y a pas de raison suffisante de s'écarter de la règle prévue à l'art. 54 al. 1 LTF.
2.
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 149 IV 9 consid. 2).
3.
3.1. En principe, conformément aux art. 78, 80 al. 2
in fine LTF, 248a al. 4 et 5, 3
e phrase, 380 et 393 al. 1 let. c CPP, le recours en matière pénale au Tribunal fédéral est ouvert contre les décisions en matière de levée de scellés rendues par le Tribunal des mesures de contrainte, lequel statue définitivement (ATF 144 IV 74 consid. 2.3; 143 IV 462 consid. 1; arrêt 7B_837/2024 du 6 novembre 2024 consid. 1.3 et les arrêts cités), dans la mesure où l'ordonnance du Tribunal des mesures de contrainte, qui revêt un caractère incident, est généralement de nature à causer au détenteur des objets sous scellés un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF (cf., pour le détail, ATF 145 IV 273 consid. 3.2 et 3.3; 143 IV 362 consid. 1; arrêt 7B_837/2024 du 6 novembre 2024 consid. 1.4 et 1.5 et les arrêts cités).
3.2. Cependant, comme le relève la recourante elle-même, la présente procédure prend place dans le contexte d'une demande d'entraide judiciaire internationale en matière pénale formulée par les autorités allemandes. Selon les faits ressortant de l'ordonnance querellée, le TMC a, dans ce cadre, statué à la suite d'une requête du Ministère public, qui a lui-même agi en qualité d'autorité d'exécution de cette demande (cf., sur la compétence du TMC pour se prononcer sur la levée de scellés, art. 9 de la loi fédérale du 20 mars 1981 sur l'entraide internationale en matière pénale [EIMP; RS 351.1] et art. 248 al. 3 CPP; LUDWICZAK GLASSEY/MOREILLON; Petit commentaire, EIMP, 2024, n° 17 ad art. 9 EIMP; ROBERT ZIMMERMANN, La coopération judiciaire internationale en matière pénale, 5e éd. 2019, n° 401 et les références citées). Or, dans un tel cas de figure, la décision - incidente - rendue au sujet de la levée des scellés ne peut être attaquée que conjointement à la décision de clôture de l'entraide judiciaire pénale internationale, auprès, d'ailleurs, de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (cf. art. 80e al. 1 EIMP; LUDWICZAK GLASSEY/MOREILLON, op. cit., n° 18 ad art. 9 EIMP et les références citées, notamment ATF 138 IV 40 consid. 2.3.1; 127 II 151 consid. 4 et les références citées; ROBERT ZIMMERMANN, op. cit., nos 396 et 401 et les références citées). Il s'ensuit que le recours en matière pénale au Tribunal fédéral au sens de l'art. 78 LTF n'est pas ouvert contre la levée des scellés lorsque celle-ci a été prononcée dans le cadre d'une demande d'entraide judiciaire internationale en matière pénale. Le présent recours se révèle donc irrecevable.
3.3. On peut préciser que la voie du recours séparé devant la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral prévu par l'art. 80e al. 2 EIMP n'entre pas en ligne de compte lors de décisions de levée de scellés; en effet il n'y a pas de préjudice immédiat et irréparable, puisque les autorités fédérales et cantonales d'exécution sont soumises au secret de fonction et que les documents saisis ne peuvent être remis à l'État requérant qu'après l'entrée en force de la décision de clôture, elle-même sujette à recours (LUDWICZAK GLASSEY/MOREILLON, op. cit., n° 18 ad art. 9 EIMP et les références citées, notamment ATF 138 IV 40 consid. 2.3.1; 127 II 151 consid. 4; cf. ROBERT ZIMMERMANN, op. cit., nos 396 et 401 et les références citées).
4.
Le recours doit donc être déclaré irrecevable.
La recourante, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens (art. 68 al. 3 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est irrecevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 4'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal des mesures de contrainte de la République et canton de Genève.
Lausanne, le 4 décembre 2024
Au nom de la II
e Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Abrecht
Le Greffier: Magnin