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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_1075/2023  
 
 
Arrêt du 5 février 2024  
 
Ire Cour de droit pénal  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux 
Denys, Juge présidant, 
Muschietti et van de Graaf. 
Greffière : Mme Brun. 
 
Participants à la procédure 
Ministère public de la République et canton de Genève, 
route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, 
recourant, 
 
contre  
 
A.________, 
représenté par Me Jacques Roulet, avocat, 
intimé. 
 
Objet 
Droit d'être entendu, fixation de la peine (violation 
grave des règles de la circulation); indemnité, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice 
de la République et canton de Genève, 
Chambre pénale d'appel et de révision, 
du 11 juillet 2023 (P/25298/2019 AARP/251/2023). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par jugement du 5 octobre 2021, le Tribunal de police de la République et canton de Genève a reconnu A.________ coupable de violation grave des règles de la circulation routière (art. 90 al. 2 de la loi sur la circulation routière [LCR]) et l'a condamné à une amende de 400 fr. (en application des art. 100 ch. 4 in fine aLCR, 48 let. a ch. 1, 48a al. 2 et 106 al. 1 CP), assortie d'une peine privative de liberté de substitution de quatre jours, ainsi qu'à la moitié des frais de la procédure.  
 
B.  
Par arrêt du 30 mars 2022, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice genevoise a rejeté les appels formés par A.________ et le Ministère public genevois contre le jugement du 5 octobre 2021, qui a été confirmé. 
La cour cantonale a retenu les faits suivants qui ne sont plus contestés: 
Le 14 août 2019, en soirée, en service, l'inspecteur A.________, qui circulait au volant d'une voiture banalisée en ville de U.________, a dépassé, lors d'une course poursuite, la vitesse autorisée de 48.5 km/h, créant ou prenant le risque de créer un sérieux danger pour la sécurité d'autrui. 
 
B.a. Par courrier du 14 avril 2022, le ministère public a demandé la rectification de l'arrêt du 30 mars 2022 (art. 83 CPP) à la Cour de justice afin que le dispositif de l'arrêt soit modifié et remplacé par une formule ne mentionnant pas l'art. 48 let. a ch. 1 CP, puisque seul l'art. 100 ch. 4 aLCR avait été retenu par la cour cantonale.  
 
B.b. Par courrier du 27 avril 2022, la Cour de justice genevoise a répondu qu'il n'était pas possible de procéder à la rectification requise car cela irait au-delà de ce que permettait l'art. 83 CPP, qui n'a pas pour objet d'expliciter ou de suppléer une motivation déficiente.  
 
B.c. Le Ministère public genevois a formé un recours au Tribunal fédéral à l'encontre de l'arrêt du 30 mars 2022. Il a conclu à la violation de son droit d'être entendu, en ce sens que la Cour de justice ne s'était pas prononcée sur le grief qu'il avait soulevé visant à constater l'application erronée de l'art. 48 let. a ch. 1 CP, ainsi qu'à la réforme de l'arrêt entrepris.  
 
B.d. Par arrêt du 17 mai 2023 (6B_659/2022), le Tribunal fédéral a admis le recours du ministère public pour violation du droit d'être entendu, annulé l'arrêt attaqué et renvoyé la cause à la Cour de justice pour nouvelle décision.  
 
C.  
Par arrêt du 11 juillet 2023, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice a rejeté l'appel formé par A.________ et très partiellement admis l'appel du ministère public contre le jugement du 5 octobre 2021. Elle a ainsi reconnu A.________ coupable de violation grave des règles de la circulation routière (art. 90 al. 2 de la loi sur la circulation routière [LCR]) et l'a condamné à une amende de 400 fr. (en application des art. 100 ch. 4 in fine aLCR, 48a al. 2 et 106 al. 1 CP), assortie d'une peine privative de liberté de substitution de quatre jours. Elle a condamné A.________ au paiement de la moitié des frais de procédure, de la procédure de première instance et d'appel, et lui a alloué une indemnité à la charge de l'État de Genève de 2'544 fr. 40, TVA comprise, pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure pour la procédure d'appel.  
 
D.  
Le Ministère public genevois forme un recours en matière pénale contre l'arrêt cantonal du 11 juillet 2023 et conclut principalement à sa réforme, en ce que A.________ est condamné à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à 160 fr. le jour, avec un sursis de 3 ans et, à titre de sanction immédiate, à une amende de 960 fr., assortie d'une peine privative de liberté de substitution de 6 jours. L'intégralité des frais de la procédure est mise à la charge de A.________ et aucune indemnité ne lui est due pour ses frais de défense en appel. A titre subsidiaire, il conclut au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision sur la peine, les frais de procédure et les indemnités. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
L'accusateur public, auquel l'art. 81 al. 1 let. b ch. 3 LTF confère, sans réserve, la qualité pour former un recours en matière pénale, est en principe habilité à invoquer toute violation du droit commise dans l'application du droit pénal matériel ou du droit de procédure pénale, donc aussi une violation des droits constitutionnels, comme notamment le droit d'être entendu ou l'interdiction de l'arbitraire (ATF 145 IV 65 consid. 1.2; 134 IV 36 consid. 1.4; arrêt 6B_246/2022 du 12 décembre 2022 consid. 1.1). 
 
2.  
Le recourant se plaint d'une violation de son droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst. et 3 al. 2 let. c CPP) dans la mesure où la cour cantonale n'a pas motivé les raisons qui fondent le prononcé de la même peine que le tribunal de police, alors qu'elle a supprimé le facteur atténuant de l'art. 48 let. a ch. 1 CP et que la peine a été réduite et son genre changé. 
En l'espèce, la cour cantonale a annulé l'arrêt du 5 octobre 2021 rendu par le tribunal de police en tant qu'il retient l'art. 48 let. a ch. 1 CP comme facteur d'atténuation de la peine pour ne retenir que l'art. 100 ch. 4 aLCR. 
La cour cantonale a écarté l'application du mobile honorable et la peine a été fixée en considération de la seule atténuation prévue à l'art. 100 ch. 4 aLCR. Ainsi, on comprend à la lecture de la motivation de l'arrêt et de manière implicite, que le cumul d'atténuation des art. 100 ch. 4 aLCR et 48 CP a été écarté et que la peine a été fixée en vertu de l'art. 100 ch. 4 aLCR. Le grief du recourant est dès lors infondé. 
 
3.  
Le recourant critique à plusieurs égards la peine infligée à l'intimé en raison de sa condamnation pour infraction à l'art. 90 al. 2 LCR
 
3.1. La cour cantonale a considéré que l'intimé avait commis un excès de vitesse important en créant ou en prenant le risque de créer un sérieux danger pour la sécurité d'autrui. Elle a cependant jugé que la peine devait être atténuée en application de l'art. 100 ch. 4 aLCR pour tenir compte du fait qu'il se trouvait en course urgente, sans toutefois avoir fait preuve de toute la prudence imposée par les circonstances. Pour arriver à cette conclusion, elle a considéré que sa faute avait été peu grave car l'excès de vitesse commis au-delà de 80 km/h avait été relativement bref, ses feux bleus et la sirène de son véhicule avaient été enclenchés sur presque la totalité du parcours, la circulation était fluide et la route sèche. En outre, l'intimé, qui avait lui-même mis fin à la course-poursuite, avait agi dans le cadre de son travail, lors d'une course officielle urgente. S'agissant de sa collaboration, elle a été jugée sans particularités et sa prise de conscience pas aboutie.  
Enfin, au vu des éléments susmentionnés, même si la peine théorique encourue par l'intimé était une peine privative de liberté ou une peine pécuniaire (art. 90 al. 2 LCR), la cour cantonale a retenu qu'il se justifiait de faire application de l'art. 100 ch. 4 aLCR et de le condamner à une amende de 400 fr., la peine pécuniaire proposée par le recourant ayant été jugée trop sévère. 
 
3.2. Le recourant s'oppose à une éventuelle application de la lex mitior s'agissant des modifications apportées à l'art. 100 ch. 4 et 5 LCR entrées en vigueur le 1 er octobre 2023.  
Le grief est vain dès lors que le Tribunal fédéral n'examine pas si le nouveau droit entré en vigueur après le prononcé de la décision cantonale attaquée est plus favorable (ATF 145 IV 137 consid. 2.4). 
 
3.3. Invoquant une violation de l'interdiction de l'arbitraire, le recourant se plaint d'une violation des art. 47 et 48a CP, en ce sens que la peine fixée serait exagérément clémente eu égard à la jurisprudence cantonale et fédérale, et qu'une inégalité de traitement aurait dès lors été commise par la cour cantonale en ne fixant pas une sanction sous la forme d'une peine pécuniaire.  
Comme le Tribunal fédéral a eu l'occasion de le rappeler à maintes reprises, la comparaison d'une peine d'espèce avec celle prononcée dans d'autres cas concrets est d'emblée délicate (ATF 141 IV 61 consid. 6.3.2). En effet, la comparaison avec d'autres affaires ne s'arrête pas uniquement aux conditions météorologiques et à l'état de la route, qui semblent similaires, mais intègre aussi d'autres éléments. Ainsi, dans l'arrêt 6B_1161/2018 du 17 janvier 2019 cité par le recourant à l'appui de son grief, les avertisseurs sonores n'avaient pas été enclenchés et dans l'arrêt 6B_1049/2021 du 16 août 2022, également cité par le recourant, il s'agissait d'une condamnation pour violation intentionnelle des règles fondamentales de la circulation routière au sens de l'art. 90 al. 3 et 4 LCR
S'agissant de la durée du dépassement de vitesse, le recourant semble perdre de vue le fait que la vitesse du véhicule a été contrôlée par l'analyse des données du RAG (20000A+), soit les 1'120 derniers mètres parcourus et non uniquement par radar. 
Quant à la prise de conscience que le recourant qualifie de nulle, celui-ci oppose sa propre appréciation des événements à celle de la cour cantonale dans une démarche purement appellatoire. Il se borne à imposer son interprétation et ce de manière irrecevable. Le recourant ne formule aucune critique recevable. 
 
3.4. Le recourant estime que la cour cantonale, en faisant application de la théorie de la différence et des art. 100 ch. 4 aLCR et 48a CP, a violé l'interdiction de l'arbitraire en sanctionnant l'intimé d'une peine d'amende, ce qui revient, selon lui, à le condamner à une violation simple (art. 90 al. 1 LCR), au lieu d'une violation grave (art. 90 al. 2 LCR), des règles sur la circulation routière.  
Contrairement à ce qu'affirme le recourant, la cour cantonale n'a pas requalifié l'infraction en tenant compte de la différence de vitesse entre celle de l'auteur et celle qui aurait été proportionnée au cas d'espèce. Elle a simplement fait application de l'art. 100 ch. 4 aLCR en atténuant la peine de l'intimé dans le cadre prévu par cette disposition. 
A cet égard, il sied de rappeler que celle-ci a été prévue spécialement pour des situations particulières liées aux courses officielles urgentes effectuées par la police notamment. Lorsque le recourant compare l'intimé avec d'autres conducteurs qui dépasseraient la vitesse autorisée dans une même mesure, il perd à nouveau de vue le fait que l'intimé ne peut pas être considéré comme un particulier. 
Au surplus, eu égard aux éléments pertinents pris en compte (cf. supra consid. 3.1), la cour cantonale n'a pas abusé de son large pouvoir d'appréciation (ATF 144 IV 313 consid. 1.2) en considérant qu'une amende était en l'espèce adéquate pour réprimer le comportement fautif de l'intimé. Le législateur n'a pas souhaité fixer de restriction quant à l'importance de l'atténuation de la peine susceptible d'être opérée en application de l'art. 100 ch. 4 aLCR, précisément pour tenir compte de la situation particulière des courses officielles urgentes. Une peine d'un genre différent peut être prononcée (art. 48a al. 2 CP).  
En l'espèce, compte tenu des éléments d'appréciation pris en compte (cf. supra consid. 3.1), la cour cantonale n'a pas violé son large pouvoir d'appréciation (ATF 144 IV 313 consid. 1.2). Le grief est infondé.  
 
4.  
Le recours doit dès lors être rejeté. Il est statué sans frais (art. 66 al. 4 LTF). 
 
 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision. 
 
 
Lausanne, le 5 février 2024 
 
Au nom de la Ire Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Juge présidant : Denys 
 
La Greffière : Brun