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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 1/2} 
2C_910/2010 
 
Arrêt du 5 mai 2011 
IIe Cour de droit public 
 
Composition 
MM. et Mme les Juges Zünd, Président, 
Aubry Girardin et Donzallaz. 
Greffier: M. Chatton. 
 
Participants à la procédure 
Cinémathèque Jean-Marie Boursicot (Suisse) Sàrl, 
représentée par Me Gilles Robert-Nicoud, avocat, 
recourante, 
 
contre 
 
Gouvernement de la République et Canton du Jura. 
 
Objet 
Révocation d'un privilège fiscal, 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre administrative du Tribunal cantonal du canton du Jura du 21 octobre 2010. 
 
Faits: 
 
A. 
Par arrêté du 8 novembre 2005, le Gouvernement de la République et canton du Jura (ci-après: le Gouvernement) a accordé à la société Cinémathèque Jean-Marie Boursicot [Suisse] Sàrl (ci-après: la Société) un privilège fiscal sous la forme d'une "exonération à raison de 90% de l'impôt sur le bénéfice et de l'impôt sur le capital dus à l'Etat, à la commune et aux Eglises reconnues". L'exonération était prévue pour une durée de cinq ans, débutant dès la création de l'entreprise en juillet 2005 et échéant à la fin de l'année fiscale 2009. L'octroi de l'exonération était subordonné au "caractère permanent et durable" de l'entreprise; il était prévu que si elle transférait son siège ou son activité durant ou après la période du privilège, celui-ci était révocable avec effet rétroactif conformément aux dispositions applicables en matière de prescription du rappel d'impôt. 
Dans la nuit du 8 au 9 août 2007, les locaux du bâtiment dit "Technopôle" à Porrentruy (JU), abritant la Société et sa cinémathèque d'environ 850'000 films publicitaires, ont été inondés, ce qui a endommagé ladite collection. L'enquête pénale ouverte notamment pour cause d'inondation s'est soldée par une ordonnance de classement du Ministère public jurassien du 26 avril 2010, l'inondation ne pouvant être imputée à un défaut de construction ou de remblayage du terrain. 
La Société a transféré son siège à Crissier (VD) selon la Feuille officielle suisse du commerce du 7 juillet 2008 (FOSC n° 129). 
 
B. 
En raison du transfert du siège de la Société vers le canton de Vaud, le Gouvernement a, par arrêté du 1er septembre 2009, révoqué le privilège accordé à la Société pour les années fiscales 2005 à 2009, ce rétroactivement s'agissant des années fiscales 2005 à 2008. Il a chargé le Service des contributions du canton d'introduire la procédure de rappel d'impôt en vue de récupérer les impôts non perçus. 
Par arrêt du 21 octobre 2010, la Chambre administrative du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura (ci-après: le Tribunal cantonal) a rejeté le recours que la Société avait interjeté contre l'arrêté du 1er septembre 2009, en confirmant ce dernier. 
 
C. 
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, la Société demande au Tribunal fédéral, principalement, d'admettre son recours et d'annuler l'arrêt du Tribunal cantonal du 21 octobre 2010 ainsi que l'arrêté du Gouvernement du 1er septembre 2009; subsidiairement, d'admettre son recours, d'annuler l'arrêt du Tribunal cantonal et de renvoyer le dossier "à l'autorité cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants". 
Le Tribunal cantonal et le Gouvernement concluent au rejet du recours et à la confirmation de l'arrêt querellé, le Gouvernement renvoyant en outre à ses déterminations antérieures en procédure cantonale. 
 
Considérant en droit: 
 
1. 
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 136 I 43 consid. 1 p. 43). 
 
1.1 En tant qu'il conteste l'arrêt du Tribunal cantonal du 21 octobre 2010, qui confirme la révocation du privilège fiscal accordé à la Société, le recours est dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF). S'agissant d'un domaine relevant du droit public, la voie du recours en matière de droit public est ouverte sur la base de l'art. 82 let. a LTF, les exceptions de l'art. 83 LTF n'étant pas réalisées. L'art. 73 al. 1 de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (LHID; RS 642.14) confirme cette voie de droit, dès lors que les allègements fiscaux qui sont prévus par l'art. 23 al. 3 LHID constituent une décision relevant du titre 3 de la loi précitée (cf. arrêts 2P.58/2006 du 24 février 2006 consid. 3.1; 2P.99/2005 du 13 janvier 2006 consid. 1.1). Le recours a, en outre, été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 et 46 al. 1 let. b LTF) et dans les formes requises (art. 42 LTF) par le destinataire de l'acte attaqué qui a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification, de sorte qu'il faut lui reconnaître la qualité pour recourir (art. 89 al. 1 LTF; art. 73 al. 2 LHID) et entrer en matière. 
 
1.2 En revanche, dans la mesure où la recourante s'en prend à l'arrêté du Gouvernement du 1er septembre 2009 révoquant le privilège fiscal octroyé le 8 novembre 2005, son recours n'est pas recevable en raison de l'effet dévolutif complet du recours déposé auprès du Tribunal cantonal (ATF 136 II 101 consid. 1.2 p. 104). 
 
2. 
2.1 Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral examine librement la violation du droit fédéral (cf. art. 95 let. a et 106 al. 1 LTF), sous réserve des exigences de motivation figurant à l'art. 106 al. 2 LTF. Sauf exceptions non pertinentes en l'espèce (cf. art. 95 let. c, d et e LTF), on ne peut en revanche invoquer la violation du droit cantonal en tant que tel devant le Tribunal fédéral (art. 95 LTF a contrario); ceci vaut aussi par rapport aux dispositions fiscales cantonales qui, bien que soumises au respect des principes généraux fixés par la LHID, ont été adoptées dans un domaine laissant une marge de liberté au législateur cantonal (cf. ATF 134 II 124 consid. 3.2 p. 132). Il est néanmoins possible de faire valoir que l'application du droit cantonal consacre une violation du droit fédéral, comme la protection contre l'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. ou la garantie d'autres droits constitutionnels. 
 
2.2 L'examen du Tribunal fédéral se fonde sur les faits constatés par l'autorité précédente (cf. art. 105 al. 1 LTF), à moins que ces faits n'aient été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire (ATF 134 V 53 consid. 4.3 p. 62; arrêt 8C_220/2010 du 18 octobre 2010 consid. 3) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (cf. art. 105 al. 2 LTF). Si le recourant entend s'écarter des constatations de fait de l'autorité précédente (cf. art. 97 al. 1 LTF), il doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions d'une exception prévue par l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées. Sinon, il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait divergent de celui qui est contenu dans l'acte attaqué. En particulier, le Tribunal fédéral n'entrera pas en matière sur les critiques de type appellatoire de la recourante portant sur l'état de fait ou sur l'appréciation des preuves et se fondera sur les faits ressortant de l'arrêt querellé (cf. ATF 135 II 313 consid. 5.2.2 p. 322; arrêt 4A_615/2010 du 14 janvier 2011 consid. 2.1). 
 
3. 
Dans un moyen de nature formelle, qu'il convient d'aborder en premier lieu (ATF 132 V 387 consid. 5.1 p. 390), la recourante se plaint d'une violation de son droit d'être entendue. Elle reproche au Tribunal cantonal de ne pas avoir - hormis pour l'apport du dossier pénal - donné suite à ses diverses demandes d'instruction. Celles-ci portaient en particulier sur: l'audition du ministre jurassien en charge de l'économie et du responsable de la promotion économique, la production du dossier de la recourante auprès de la promotion économique cantonale, la production du préavis favorable du groupe permanent économico-fiscal de juin 2005, une inspection locale des sites proposés par le Gouvernement suite à l'inondation des locaux de Porrentruy. Ces actes serviraient à établir que c'est à l'initiative de la promotion économique jurassienne que la recourante s'est installée dans le canton du Jura, que les surfaces d'entreposage lui ont été proposées par le canton, alors même qu'elles s'étaient révélées inondables, et que le canton du Jura n'aurait proposé aucune solution de remplacement adéquate et à court terme à la recourante pour lui permettre de demeurer dans le canton. 
 
3.1 Le droit d'être entendu, garanti à l'art. 29 al. 2 Cst., comprend notamment le droit pour l'intéressé de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 135 I 279 consid. 2.3 p. 282). Ce droit ne concerne toutefois que les éléments qui sont pertinents pour décider de l'issue du litige (cf. ATF 133 I 270 consid. 3.1 p. 277; arrêt 1C_333/2010 du 16 février 2011 consid. 2.1). Il ne s'oppose pas à ce que l'autorité mette un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 130 II 425 consid. 2.1 p. 428; arrêt 2C_723/2010 du 14 février 2011 consid. 3). 
 
3.2 En l'espèce, le Tribunal cantonal n'a pas versé dans l'arbitraire en écartant, sur la base d'une appréciation anticipée des preuves, les demandes d'instruction formées par la recourante. S'agissant des preuves censées démontrer la part active qu'ont prise les autorités jurassiennes pour inciter la recourante à s'installer sur leur territoire, les juges cantonaux n'ont, à juste titre, pas discerné en quoi ce comportement aurait été susceptible de remettre en cause l'arrêté accordant ou révoquant un privilège fiscal. En particulier, la recourante n'allègue pas que le canton du Jura aurait, au travers d'assurances concrètes, renoncé à se prévaloir des conditions expresses gouvernant la révocation de l'exonération au cas où la Société déciderait de quitter son territoire (cf. consid. 6). L'allégué selon lequel l'intimé aurait encouragé la recourante à s'installer dans un bâtiment sis sur un terrain inondable non remblayé n'est nullement démontré ni pertinent. Au demeurant, il ressort de la procédure pénale qui avait été notamment ouverte pour cause d'inondation (art. 227 CP) que l'inondation ne pouvait être imputée à un défaut de construction ou de remblayage. On ne voit donc pas que les juges cantonaux auraient dû ordonner des mesures d'instruction supplémentaires à ce sujet. 
Sans commettre d'arbitraire, le Tribunal cantonal a de plus considéré qu'il n'existait aucun lien de cause à effet entre la prétendue inaction des autorités jurassiennes à trouver un immeuble de remplacement en faveur de la recourante et sa décision de déménager dans le canton de Vaud. Au demeurant, le canton du Jura ne s'était à aucun moment engagé à fournir de nouveaux locaux adéquats à la Société et n'en a pas l'obligation légale, de sorte qu'on ne décèle pas la pertinence d'une instruction portant sur ce volet. 
 
3.3 Par conséquent, l'on ne peut reprocher aux juges cantonaux d'avoir refusé d'accomplir les actes d'instruction requis par la recourante puisqu'ils n'étaient pas de nature à influer sur la décision à rendre dans le cadre du présent dossier de droit fiscal. Le grief tiré du droit d'être entendu doit ainsi être écarté. 
 
4. 
4.1 L'octroi d'allègements fiscaux relève en principe de la seule compétence des cantons et ne concerne donc que l'ICC. Dans les limites posées par le droit fédéral, ces derniers sont libres de faire usage du droit que leur accordent les art. 5 et 23 al. 3 LHID d'octroyer de tels privilèges à certains sujets fiscaux (cf. MARCO GRETER, ad art. 5 & 23 LHID, in: Kommentar zum Schweizerischen Steuerrecht, I/1 [Martin Zweifel/Peter Athanas (éds)], 2ème éd., Bâle 2008, p. 76 s. N 2 ss & p. 369 N 44). Le canton du Jura a consacré une telle possibilité s'agissant des entreprises à l'art. 5 de la loi d'impôt du 26 mai 1988 [LI/JU; RS/JU 641.11]. 
Aux termes de l'art. 23 al. 3 LHID
"Les cantons peuvent prévoir, par voie législative, des allégements fiscaux en faveur des entreprises nouvellement créées qui servent les intérêts économiques du canton, pour l'année de fondation de l'entreprise et pour les neuf années suivantes. Une modification importante de l'activité de l'entreprise peut être assimilée à une fondation". 
Le canton du Jura a prévu à l'art. 5 LI/JU: 
"1 Le Gouvernement peut accorder un privilège fiscal à une entreprise: a) lorsque la fondation ou l'établissement de cette entreprise sert les intérêts de l'économie jurassienne; (...). 
3 Le privilège consiste en une exonération partielle ou totale des impôts directs périodiques, pour dix ans au plus. 
4 Si les conditions auxquelles ce privilège est subordonné ne sont pas respectées, ce dernier est révocable avec effet rétroactif à la date de l'octroi. 
5 Sont nulles les conventions fiscales qui contredisent la présente loi". 
On ne voit pas en quoi - et la recourante ne le prétend pas - les conditions posées à l'octroi et à la révocation du privilège fiscal cantonal seraient contraires à l'art. 23 al. 3 LHID
 
4.2 Par arrêté du Gouvernement du 8 novembre 2005, la recourante a été mise au bénéfice d'une exonération fiscale partielle pour une période de cinq ans dès sa création en 2005, à la condition notamment de ne pas transférer son siège ou son activité durant la période du privilège. La Société a déplacé son siège à Crissier (VD) selon la FOSC du 7 juillet 2008, soit durant la période de cinq ans. Partant, le Gouvernement pouvait, en application de l'art. 5 al. 4 LI/JU, qui est une loi au sens formel (cf. ERNST BLUMENSTEIN/PETER LOCHER, System des schweizerischen Steuerrechts, 6ème éd., Zurich 2002, p. 321 s.), révoquer l'exonération consentie avec effet rétroactif. 
 
5. 
La recourante se prévaut d'une violation du principe de la proportionnalité. Installée dans le canton du Jura et servant de ce fait les intérêts du canton depuis sa création en 2005, elle n'a eu - durant la période du privilège fiscal -, son siège à l'extérieur du canton que pendant une année et demie, si bien qu'il serait selon elle disproportionné de révoquer l'avantage fiscal de façon rétroactive et non à partir de la date du transfert effectif de son siège. 
 
5.1 Le principe de la proportionnalité est exprimé de manière générale à l'art. 5 al. 2 Cst. Il exige que la mesure prise par l'autorité soit raisonnable et nécessaire pour atteindre le but d'intérêt public ou privé poursuivi (cf. ATF 136 I 87 consid. 3.2 p. 91 s.). Bien qu'étant de rang constitutionnel, le principe de la proportionnalité n'est pas un droit ayant une portée propre (ATF 136 I 241 consid. 3.1 p. 251). A défaut d'acte entraînant une atteinte à un droit fondamental spécifique, le Tribunal fédéral n'intervient, en matière de contrôle du droit public cantonal sous l'angle de sa conformité à l'art. 5 al. 2 Cst., que si la décision attaquée est manifestement disproportionnée et qu'elle viole simultanément l'interdiction de l'arbitraire (ATF 134 I 153 consid. 4.2.1 et 4.3 p. 157 s.). 
 
5.2 En l'espèce, le canton du Jura a conditionné l'octroi du privilège fiscal -, qui exonère la recourante de l'impôt sur le bénéfice et sur le capital dus à l'Etat, à la commune et aux Eglises reconnues à raison de 90%, sur une durée de cinq ans -, au maintien durable de son siège dans le canton. Au regard de l'importance de la réduction fiscale consentie, une telle contrepartie n'apparaît pas comme disproportionnée. En effet, le principe de l'égalité de traitement (art. 8 al. 1 Cst.) exige que l'octroi d'un privilège fiscal, lequel déroge par définition à l'imposition ordinaire, puisse se justifier par une différence notable quant à la situation de fait concrète; en d'autres termes, le privilège fiscal ne peut favoriser unilatéralement le contribuable exonéré, mais doit lui imposer une charge économique qui, compte tenu des circonstances externes du cas d'espèce, se trouve dans une juste proportion par rapport à la charge fiscale que doit supporter la généralité des contribuables (cf. BLUMENSTEIN/LOCHER, op. cit., p. 321). 
Or, renoncer - comme le requiert la recourante - à procéder au recouvrement rétroactif des montants ainsi exonérés, alors que la recourante n'a, en transférant son siège, pas respecté les termes clairs de l'arrêté lui accordant un allégement fiscal, placerait les autres entreprises implantées dans le canton du Jura dans une situation indûment désavantageuse du point de vue fiscal. D'une part, l'interprétation proposée par la recourante consistant à supprimer la sanction du non-respect d'un accord fiscal, serait susceptible de créer des situations abusives qui inciteraient les entreprises à s'adonner au "shopping d'avantages fiscaux" au travers d'un déplacement régulier de leur siège vers d'autres cantons, intention dont se défend pourtant la recourante. D'autre part, et comme il ressort notamment de la requête d'exonération de la recourante du 30 juin 2005 et de la note du Gouvernement du 14 octobre 2005, le privilège fiscal accordé devait (et ne pouvait que) "se rentabiliser" à plus long terme pour le canton; ce dernier avait en effet élaboré une série de projets centrés sur la présence de la recourante dans le canton du Jura et destinés à apporter une plus-value en termes de création d'emplois ou d'attrait économique et culturel pour la région concernée. 
Par ailleurs, il découle du caractère potestatif ("peut") du droit des cantons d'accorder des allégements fiscaux en faveur d'entreprises nouvellement créées, figurant aux art. 23 al. 3 LHID et 5 LI/JU, que l'autorité cantonale dispose d'une large marge d'appréciation s'agissant de l'octroi et, par voie de conséquence, des conditions et de la révocation d'un privilège fiscal. 
C'est en outre à raison que le Tribunal cantonal a retenu que, dans la mesure où en déplaçant son siège et son activité hors du canton, la recourante n'est de toute évidence plus imposable dans le canton du Jura pour les périodes fiscales à venir. Il en découle que la révocation du privilège fiscal ne peut avoir de sens que pour la période durant laquelle la Société était encore installée dans le canton. 
Enfin, l'arrêté querellé ne saurait être qualifié de disproportionné du simple fait que son adoption aurait été précédée par des débats qui - sans pouvoir être assimilés à des "représailles" comme l'affirme la recourante -, se sont engagés au sein du Parlement du canton du Jura à la suite du transfert de siège de la recourante. Au vu du caractère facultatif de l'allègement fiscal accordé par le canton du Jura et dès lors que les conditions légales pour la révocation étaient réunies, on ne voit pas en quoi la mesure serait disproportionnée parce que des discussions parlementaires ont eu lieu concernant l'opportunité pour le Gouvernement de révoquer ce privilège fiscal, au sujet de la dégradation des relations entre la recourante et les autorités jurassiennes survenue à la suite de l'inondation de ses locaux, ou encore des autres aides qui avaient été versées en faveur du personnel de la Société pour l'encourager à s'implanter dans le canton du Jura (Journal des débats du Parlement de la République et canton du Jura, n° 16/2007, séance du 24 octobre 2007, p. 612 s.). 
 
5.3 Quant à la question - également soulevée par la recourante - de savoir s'il est conforme au principe de la proportionnalité de conditionner le privilège fiscal au maintien du siège social dans le canton au-delà de l'échéance dudit privilège, elle souffre de rester ouverte, dès lors que la recourante a transféré son siège dans le canton de Vaud encore durant la période d'exonération. D'ailleurs, l'arrêté du 8 novembre 2005 accordant un privilège fiscal a d'emblée restreint dans le temps la possibilité de révoquer ce dernier en renvoyant aux règles et délais applicables en matière de prescription du rappel de l'impôt (art. 174 LI/JU). 
 
5.4 Au vu de ce qui précède, l'intimé n'a pas violé le principe de la proportionnalité et n'a pas commis d'arbitraire en révoquant rétroactivement le privilège fiscal accordé à la recourante. Mal fondé, ce moyen doit être écarté. 
 
6. 
Dans un dernier grief, la recourante se prévaut du principe de la bonne foi. En l'incitant à s'installer dans des locaux inondables dont le canton du Jura est actionnaire, les autorités jurassiennes lui auraient causé un "préjudice conséquent". Dès lors que le canton du Jura n'aurait pas été en mesure d'aider la recourante à trouver de nouveaux locaux, celle-ci ne pourrait être pénalisée pour avoir quitté le canton du Jura, par la révocation du privilège fiscal. 
 
6.1 Découlant directement de l'art. 9 Cst. et valant pour l'ensemble de l'activité étatique, le droit à la protection de la bonne foi préserve la confiance légitime que le citoyen place dans les assurances reçues des autorités, lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 131 II 627 consid. 6.1 p. 637; arrêt 1C_36/2010 du 18 février 2011 consid. 6.1). 
 
6.2 Sur ce point, le recours s'écarte des faits constatés. En tant qu'elle se contente, de façon appellatoire, d'y substituer sa propre version sans indiquer que l'arrêt attaqué serait manifestement inexact ou arbitraire, la recourante formule des critiques irrecevables (cf. consid. 2.2). Or, en l'espèce, aucun élément de l'état de fait n'étaie l'existence d'assurances ou d'un comportement par lequel les autorités cantonales compétentes auraient garanti à la recourante qu'elles renonceraient à révoquer le privilège fiscal dans l'hypothèse où les locaux abritant la cinémathèque seraient sinistrés et où lesdites autorités ne parviendraient pas à procurer à la recourante - obligation d'agir du reste non établie - des locaux de remplacement adéquats. En tant que cela soit pertinent dans le présent contexte fiscal, il n'est pas non plus établi que les autorités jurassiennes auraient fait des promesses quant à l'étanchéité ou à l'emplacement des locaux occupés par la recourante, lesquels avaient été au demeurant, comme le confirme l'ordonnance de classement pénal, construits dans le respect des prescriptions légales. 
Dès lors que la première des conditions cumulatives permettant de se prévaloir de la protection de la confiance, à savoir l'existence d'une assurance concrète de la part de l'autorité, fait défaut, le grief tiré du principe de la bonne foi doit être écarté. 
 
7. 
Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le recours dans la mesure de sa recevabilité. Succombant, la recourante doit supporter les frais judiciaires (art. 65 et 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens (art. 68 al. 3 LTF). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3. 
Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante, au Gouvernement de la République et canton du Jura et à la Chambre administrative du Tribunal cantonal du canton du Jura. 
 
Lausanne, le 5 mai 2011 
 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
Le Président: Le Greffier: 
 
Zünd Chatton