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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
1C_435/2020  
 
 
Arrêt du 5 mai 2021  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président, 
Chaix et Müller. 
Greffière : Mme Tornay Schaller. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Pascal Moesch, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Etat de Neuchâtel, 
Château, 2001 Neuchâtel 1, 
agissant par le Conseil d'Etat du canton de Neuchâtel, Service juridique, Le Château, rue de la Collégiale 12, 2001 Neuchâtel 1, 
Commission cantonale d'estimation en 
matière d'expropriation d u canton de Neuchâtel, TRMV, Hôtel judiciaire, avenue Léopold-Robert 10, 2302 La Chaux-de-Fonds. 
 
Objet 
Expropriation matérielle, interdiction définitive d'exploiter la tourbe, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton 
de Neuchâtel, Cour de droit public, du 24 juin 2020 (CDP.2020.64-EXPR/amp). 
 
 
Faits :  
 
A.   
A.________ a acquis en 1974 puis en 1994 diverses parcelles du registre foncier de la commune de Brot-Plamboz, devenues le bien-fonds n° 1136 à la suite d'un remaniement parcellaire intervenu en juillet 2001. La parcelle n° 1136, d'une surface de 336'944 m², est composée notamment de pré-champ (331'724 m²), de tourbière et de tourbière boisée. Sur cette parcelle, A.________ détenait une exploitation agricole et, en parallèle, il avait exploité la tourbe de 1955 à 1972. En décembre 2011, il a cédé cette parcelle à ses enfants. 
 
En application de l'art. 24sexies al. 5 aCst. (actuellement art. 78 al. 5 Cst.) mettant sous protection les marais et les sites marécageux d'une beauté particulière et présentant un intérêt national, le Grand Conseil neuchâtelois a adopté, le 27 juin 1990, un décret concernant la protection des marais, des sites marécageux et des zones alluviales d'importance nationale. Entré en vigueur le 29 août 1990, ce décret a placé pour une période de cinq ans diverses parcelles, dont celle de A.________, en zone réservée. L'opposition déposée par A.________ contre ce décret a été levée par le Conseil d'Etat du canton de Neuchâtel le 17 avril 1991. 
 
Le 31 mai 1995, le Département de la gestion du territoire du canton de Neuchâtel a mis à l'enquête publique le plan cantonal de protection des marais, des sites marécageux et des zones alluviales d'importance nationale, qui interdit toute exploitation industrielle de tourbe dans les hauts-marais et les sites marécageux (ci-après: le plan de protection des marais). Par décision du 18 juin 1996, iI a levé l'opposition à ce plan formée par A.________. 
 
Le 9 mai 2005, A.________ a informé le Département qu'il entendait obtenir une indemnisation pour expropriation matérielle en raison de l'interdiction définitive d'exploiter la tourbe sur sa parcelle. Le 25 mai 2005, le Conseil d'Etat neuchâtelois a refusé au motif qu'il considérait la démarche de l'intéressé comme étant tardive. Le 4 août 2005, A.________ a déposé une demande en paiement d'une indemnité pour expropriation matérielle auprès de la Commission cantonale d'estimation en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique (ci-après: la Commission d'estimation) que celle-ci a déclarée irrecevable pour cause de tardiveté, par décision du 20 novembre 2008 et notifiée aux parties en février 2013. 
 
Par arrêt du 29 octobre 2013, la Cour de droit public du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel (ci-après: le Tribunal cantonal) a admis le recours formé par A.________ contre cette décision qu'elle a annulée. Elle a renvoyé la cause à la Commission d'estimation pour qu'elle entre en matière sur la demande dont elle était saisie. Le Tribunal fédéral a déclaré irrecevable le recours interjeté par l'Etat de Neuchâtel contre cet arrêt (arrêt 1C_868/2013 du 20 décembre 2013). 
 
B.   
Invité à compléter son argumentation sur le fond, A.________ a indiqué avoir exploité la tourbe de 1955 à1970, avoir suspendu cette exploitation en 1972 à la suite de la création d'une entreprise active notamment dans le domaine de la pose de drainages (qui avait repris le matériel d'exploitation de la tourbe). Il a exposé que cette suspension n'était pas définitive et qu'il pensait exploiter à nouveau la tourbe en cas d'échec de sa société ou une fois arrivé à l'âge de la retraite, l'interdiction correspondant dès lors à une atteinte particulièrement grave à l'usage prévisible de sa parcelle. 
 
L'Etat de Neuchâtel a conclu au rejet de la demande d'indemnité, estimant que même à supposer que le demandeur ait effectivement tiré un revenu de l'exploitation de la tourbe, cette activité était menée en parallèle à son exploitation agricole, si bien que le plan n'avait pas entraîné pour lui des conséquences particulièrement rigoureuses; par ailleurs, au moment de l'acquisition des terrains en 1974 et 1994, aucune exploitation de tourbe ne s'y déroulait et l'intéressé devait savoir que la possibilité d'entreprendre une telle exploitation n'était pas garantie à long terme. 
Par décision du 10 janvier 2020, la Commission d'estimation a rejeté la demande. Elle a retenu que, lors de l'acquisition d'une partie des parcelles en 1994, il était reconnaissable que l'exploitation de la tourbe risquait d'être interdite; qu'à aucun moment l'intéressé n'avait été au bénéfice d'une autorisation d'exploiter la tourbe; que celui-ci détenait une exploitation agricole sur ce terrain, activité prépondérante par rapport à l'exploitation de la tourbe et que dès lors on ne saurait retenir que le passage de l'ancien au nouvel ordre juridique aurait concrètement introduit des inégalités crasses que le législateur n'aurait pas envisagées ni qu'il déploierait des conséquences trop rigoureuses à l'égard de l'intéressé; en 1996, le demandeur n'exploitait plus la tourbe depuis 24 ans, de sorte que sa parcelle ne présentait plus aucune réelle valeur économique à la suite de l'interdiction prévue par le décret du 29 août 1990. 
Par arrêt du 24 juin 2020, la Cour de droit public du Tribunal cantonal a rejeté le recours déposé par A.________ contre la décision du 10 janvier 2020. 
 
C.   
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler avec ou sans renvoi l'arrêt du 24 juin 2020, d'admettre le principe de l'expropriation matérielle et de renvoyer la cause à l'instance précédente, afin qu'elle se prononce sur la question de l'indemnité due au recourant. 
 
Le Tribunal cantonal et la Commission d'estimation renoncent à formuler des observations et concluent au rejet du recours. Le Conseil d'Etat conclut principalement à l'irrecevabilité de la demande d'indemnité pour expropriation matérielle pour cause de tardiveté, subsidiairement au rejet du recours. Un second échange d'écritures a eu lieu, au terme duquel les parties ont maintenu leurs conclusions respectives. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) prise en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF) en matière d'indemnisation pour expropriation matérielle (art. 82 let. a LTF), le recours est en principe recevable comme recours en matière de droit public selon les art. 82 ss LTF, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. Le recourant a pris part à la procédure de recours devant le Tribunal cantonal (art. 89 al. 1 let. a LTF). Il est particulièrement touché par l'arrêt attaqué, qui confirme le rejet de sa demande d'indemnisation pour expropriation matérielle. Il a dès lors qualité pour agir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF
 
Les autres conditions de recevabilité sont par ailleurs réunies, si bien qu'il y a lieu d'entrer en matière sur le fond. 
 
2.   
Dans ses observations, le Conseil d'Etat conclut à l'irrecevabilité de la demande d'indemnisation pour cause de tardiveté. Il conteste l'arrêt du 29 octobre 2013 du Tribunal cantonal. Il avait déposé un recours au Tribunal fédéral contre cet arrêt, en novembre 2013. Son recours avait été déclaré irrecevable, au motif que les conditions d'un recours séparé contre cette décision incidente n'étaient pas remplies selon l'art. 93 al. 1 LTF (arrêt 1C_868/2013 du 20 décembre 2013). 
 
L'objet du présent litige est cependant uniquement l'arrêt du 24 juin 2020. L'arrêt du 29 octobre 2013, décision incidente de renvoi, n'a pas été attaquée avec l'arrêt du 24 juin 2020, décision finale. Il est dès lors douteux que le Conseil d'Etat puisse prendre des conclusions se rapportant à l'arrêt du 29 octobre 2013, alors qu'il n'a pas fait recours contre la décision incidente lorsque la décision finale a été rendue. La question peut toutefois demeurer indécise dans la mesure où le recours doit être rejeté pour les motifs suivants. 
 
3.   
Le recourant se plaint d'une violation de la garantie de la propriété (art. 26 al. 2 Cst.) et de l'art. 5 al. 2 LAT. Il soutient en particulier que l'interdiction d'exploiter la tourbe sur sa parcelle constituerait une atteinte grave à son droit de propriété assimilable à une expropriation matérielle sujette à indemnisation. 
 
3.1. Le contenu de la propriété foncière n'est pas déterminé seulement par le droit privé, mais sa définition dépend aussi de l'ordre constitutionnel ainsi que du droit public édicté sur la base de la Constitution; la définition valable à un moment donné peut, par ailleurs, être modifiée, comme, au demeurant, l'ordre juridique en général. La propriété n'est en outre pas garantie de façon illimitée, mais seulement dans les limites tracées par l'ordre juridique dans l'intérêt public (ATF 144 II 367 consid. 3.2 et les références citées).  
 
A l'instar des principes de maintien de l'aire forestière (art. 77 Cst.), de la protection des eaux ou de l'environnement (art. 74 et 76 Cst.) (cf. ENRICO RIVA, in Commentaire pratique LAT, vol. I, 2016, n. 144 ad art. 5 LAT), la protection des marais et sites marécageux et l'interdiction d'exploiter la tourbe déploient des effets sur la définition du contenu de la propriété. Il s'agit en effet d'une mesure de politique d'aménagement d'ordre constitutionnel directement applicable redéfinissant pour l'ensemble du territoire helvétique le contenu de la propriété foncière dans les marais et les sites marécageux d'une beauté particulière et d'importance nationale, redéfinition qui ne déclenche pas une obligation d'indemnisation générale (cf. ATF 144 II 367 consid. 3.2). 
 
Lorsque le contenu du droit de propriété reçoit une nouvelle définition, supprimant des possibilités dont disposait jusqu'alors le propriétaire, les personnes concernées ne peuvent en principe prétendre à aucune indemnité; nul ne saurait en effet faire valoir un droit au maintien de l'ordre juridique et de la réglementation du droit de propriété. Cela étant, pour les propriétaires concernés, une nouvelle définition du contenu du droit de propriété peut déployer les mêmes effets qu'une restriction de ce droit et exceptionnellement atteindre des propriétaires isolés de la même façon qu'une expropriation. La doctrine précise qu'il peut dès lors s'avérer nécessaire d'accorder des indemnités lorsque concrètement le passage de l'ancien au nouvel ordre juridique introduit des inégalités crasses que le législateur n'a pas envisagées et déploie des conséquences trop rigoureuses pour certains propriétaires particuliers (ATF 144 II 367 consid. 3.3 et les références citées). 
 
Les modifications qui poursuivent un intérêt public et qui laissent subsister une utilisation de la parcelle conformément à sa destination, d'une manière économiquement raisonnable et bonne, n'entraînent aucune obligation d'indemnisation (arrêt 1C_653/2017 du 12 mars 2019 consid. 3.2 in ZBl 2019 665 et les arrêts cités). 
 
3.2. Selon l'art. 5 al. 2 LAT, une juste indemnité est accordée lorsque des mesures d'aménagement apportent au droit de propriété des restrictions équivalant à une expropriation. Selon la jurisprudence, il y a expropriation matérielle au sens de cette disposition et de l'art. 26 al. 2 Cst. lorsque l'usage actuel d'une chose ou son usage futur prévisible est interdit ou restreint de manière particulièrement grave, de sorte que l'intéressé se trouve privé d'un attribut essentiel de son droit de propriété. Une atteinte de moindre importance peut aussi constituer une expropriation matérielle si elle frappe un ou plusieurs propriétaires d'une manière telle que, s'ils n'étaient pas indemnisés, ils devraient supporter un sacrifice par trop considérable en faveur de la collectivité, incompatible avec le principe de l'égalité de traitement. Dans l'un et l'autre cas, la protection ne s'étend à l'usage futur prévisible que dans la mesure où il apparaît, au moment déterminant, comme très probable dans un proche avenir (ATF 131 II 151 consid. 2.1 p. 155; 125 II 431 consid. 3a p. 433; 91 I 329 consid. 3 p. 338 s.).  
 
3.3. En l'espèce, à l'instar de la Commission d'estimation, le Tribunal cantonal a considéré que la mesure d'aménagement litigieuse n'avait pas entraîné de conséquences trop rigoureuses ou d'inégalités crasses pour le recourant. Il s'est fondé sur de nombreux éléments.  
 
Il a d'abord retenu que lors de l'acquisition d'une partie des parcelles formant le bien-fonds n° 1136 en 1974, il était reconnaissable pour le recourant que l'exploitation de la tourbe risquait d'être interdite. Le Tribunal cantonal a relevé que l'arrêté fédéral urgent instituant des mesures urgentes en matière d'aménagement du territoire avait été pris le 17 mars 1972; si l'arrêté du Conseil d'Etat neuchâtelois du 24 octobre 1972 arrêtant les modalités d'application de cet arrêté et protégeant les grands ensembles de tourbières de la Vallée des Ponts-de-Martel et de La Brévine n'impliquait pas l'actuel bien-fonds n° 1136, il n'en demeurait pas moins que le recourant pouvait s'attendre à des mesures de protection et avait dû savoir dès la fin des années 1970 que l'exploitation de tourbe était soumise à autorisation. La cour cantonale a ajouté qu'en 1974, le recourant avait déjà cessé l'exploitation de la tourbe et n'avait par la suite entrepris aucune démarche ou investissement pour la reprendre. 
 
Ensuite, concernant l'acquisition des parcelles en 1994, le Tribunal cantonal a considéré que le fait que le recourant s'était opposé au décret cantonal concernant la protection des marais de 1990 démontrait qu'il était conscient que l'extraction de la tourbe risquait d'être interdite sur sa parcelle. Dans sa décision de levée d'opposition du 17 avril 1991, le Conseil d'Etat exposait d'ailleurs les motifs pour lesquels l'exploitation de la tourbe pouvait être interdite sur une partie de la parcelle et soumise à des conditions à l'extérieur des biotopes marécageux; l'indemnité demandée par le recourant dans son opposition de 1990 démontrait d'ailleurs qu'il en avait pleinement conscience. 
 
L'instance précédente a encore pris en compte le fait qu'il n'était pas contesté que les quantités de tourbe vendues étaient relativement modestes et que la majeure partie du bien-fonds restait exploitable pour l'agriculture. Vu la très faible part de la parcelle située dans les hauts-marais (1,3 % de la parcelle) et la possibilité de poursuivre l'exploitation de l'agriculture à certaines conditions, les juges cantonaux ont constaté que l'interdiction d'exploiter la tourbe n'entraînait pas de conséquences particulièrement rigoureuses pour le recourant; quant à la partie de la parcelle située en zone-tampon (8,4 % de la parcelle), même si une exploitation agricole était impossible en raison de la présence d'arbres, le bien-fonds n° 1136 conservait une utilité économique dans sa globalité. 
Le Tribunal cantonal a aussi relevé que le matériel et la place en dur utilisés selon l'intéressé pour l'exploitation de la tourbe avaient été utilisés pour son entreprise de drainage, elle-même source de revenus. 
 
Enfin, les juges cantonaux ont jugé que le fait que le recourant entendait toujours exploiter la tourbe au moment de sa retraite n'était pas déterminant, vu les conditions strictes de l'indemnisation à la suite d'une mesure d'aménagement modifiant le droit de propriété: l'intention doit s'être manifestée concrètement faute de quoi le propriétaire ne perd qu'une possibilité de bâtir théorique et ne peut pas prétendre à une indemnité; à la suite de la cessation de l'exploitation de tourbe en 1972, le recourant n'avait entrepris aucune démarche concrète en vue d'exploiter la tourbe et une indemnisation ne saurait dès lors être fondée sur une intention qui ne s'était pas concrétisée. 
 
3.4. Le recourant ne conteste qu'une partie des nombreux arguments avancés par l'instance précédente. Il se contente en effet de soutenir que la tourbe était concrètement exploitable sur la totalité de sa parcelle et non sur une petite partie de celle-ci, à savoir les hauts-marais (soit 1,3 % de la parcelle) et une zone-tampon (soit 8,4 % de la parcelle). Il affirme, sans le démontrer, que le bien-fonds n° 1136 serait composé de 250'000 m³ de tourbe. Ce faisant, le recourant se plaint d'une constatation erronée des faits, sans se prévaloir de l'art. 97 LTF. Il perd ainsi de vue que le Tribunal fédéral est lié par les faits retenus par l'arrêt attaqué (art. 105 al. 1 LTF), sous les réserves découlant des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, soit pour l'essentiel de l'arbitraire (art. 9 Cst.; sur cette notion voir ATF 143 IV 241 consid. 2.3.1 p. 244; 141 I 49 consid. 3.4 p. 53 et les références citées) dans la constatation des faits. Le Tribunal fédéral ne connaît de la violation des droits fondamentaux que si ce moyen est invoqué et motivé par le recourant (art. 106 al. 2 LTF; 143 IV 500 consid. 1.1 p. 503), c'est-à-dire s'il a été expressément soulevé et exposé de manière claire et détaillée (ATF 142 III 364 consid. 2.4 p. 368). Tel n'est pas le cas en l'espèce.  
Au demeurant, les modestes quantités de tourbe vendues dans les années 1960 selon les documents comptables produits tendent à prouver au contraire que l'exploitation de la tourbe sur ce bien-fonds n'avait qu'une faible valeur économique. De plus, le Tribunal cantonal s'est fondé sur le registre des restrictions de droit public à la propriété foncière pour retenir que la parcelle n° 1136 comportait des hauts marais pour 4'218 m² (soit 1,3 % de la parcelle) et une zone-tampon de 28'476 m² (soit 8,4 %). 
 
Le recourant fait encore grief à la cour cantonale de ne pas avoir déterminé si l'exploitation agricole pouvait compenser la perte liée à l'interdiction d'exploiter la tourbe. Le recourant ne conteste cependant pas que le terrain conserve une utilité économique puisqu'une exploitation agricole peut s'y dérouler. S'agissant d'une nouvelle définition du contenu du droit de propriété, cette constatation suffit pour exclure le droit du recourant à une indemnité, sans qu'il faille examiner si l'exploitation agricole "compense" les revenus qui auraient pu résulter d'une hypothétique exploitation de la tourbe, jamais concrétisée en l'espèce. S'ajoute à cela que la reprise de l'exploitation de la tourbe ne repose sur aucune démarche concrète mais sur de simples déclarations d'intention du recourant, ce qui est insuffisant. A cet égard, le simple fait d'affirmer pouvoir facilement utiliser le matériel d'exploitation de l'entreprise de drainage pour exploiter la tourbe (sans avoir d'investissements particuliers à envisager pour reprendre l'exploitation) ne suffit pas pour remplir les conditions strictes de l'indemnisation à la suite d'une mesure d'aménagement modifiant le droit de propriété. 
 
Pour le reste, comme s'il plaidait devant une cour d'appel, le recourant affirme à nouveau qu'il ne pouvait savoir durant les années 1970 que l'interdiction d'exploiter la tourbe serait prononcée. Il ne répond cependant pas à l'argumentation étoffée que la cour cantonale a développée sur ce point (voir supra consid. 3.3). Le grief ne satisfait pas aux exigences minimales de motivation déduites de l'art. 42 al. 2 LTF et doit donc être déclaré irrecevable. 
 
4.   
Il s'ensuit que le recours est rejeté, dans la mesure de sa recevabilité. 
 
Le recourant, qui succombe, doit supporter les frais judiciaires (art. 65 et 66 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 3 TF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté, dans la mesure de sa recevabilité. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 8'000 francs, sont mis à la charge du recourant. 
 
3.   
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, à l'Etat de Neuchâtel, à la Commission cantonale d'estimation en matière d'expropriation et à la Cour de droit public du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel. 
 
 
Lausanne, le 5 mai 2021 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Kneubühler 
 
La Greffière : Tornay Schaller