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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_1408/2021  
 
 
Arrêt du 5 mai 2022  
 
Cour de droit pénal  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Denys, Juge présidant, Muschietti et Koch. 
Greffière : Mme Paris. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par Me Delphine Jobin, avocate, 
recourante, 
 
contre  
 
1. Ministère public central du canton de Vaud, avenue de Longemalle 1, 1020 Renens VD, 
2. B.B.________, 
représenté par Me Alain Dubuis, avocat, 
3. C.B.________, 
représentée par Me Gilles Monnier, avocat, 
intimés. 
 
Objet 
Ordonnance de classement (abus de confiance, etc.), 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale, du 19 juillet 2021 (n° 661 PE17.013621-SOO). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par ordonnance du 6 avril 2021, le Ministère public de l'arrondissement de Lausanne a ordonné le classement de la procédure pénale dirigée contre C.B.________ pour abus de confiance, subsidiairement gestion déloyale et contre B.B.________ pour abus de confiance, subsidiairement gestion déloyale, et utilisation frauduleuse d'un ordinateur. 
 
B.  
Par arrêt du 19 juillet 2021, la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal vaudois a rejeté le recours formé par A.________ contre cette ordonnance, qu'elle a confirmée. 
En résumé, les faits à l'origine de la procédure sont les suivants. 
 
B.a. En 1979, A.________ est devenue propriétaire d'une maison au chemin U.________, à V.________. En 1982, la propriété de cette villa a été transférée à son fils, B.B.________, A.________ ayant conservé un usufruit dûment inscrit au Registre foncier. Sur l'acte notarié du 16 août 1982 figurait la mention " A.________ se réserve pour elle-même, sa vie durant, l'usufruit de l'immeuble donné ".  
 
B.b. En 2013, A.________ a accepté la proposition de son fils de vendre la villa; le notaire D.________ a été chargé de la vente de celle-ci. En décembre 2013, A.________ et B.B.________ sont devenus co-titulaires de la relation bancaire E.________ n° xxx. Le portefeuille était composé de quatre comptes, soit le compte " capital-usufruit ", le compte " intérêts " et deux comptes d'épargne. C.B.________, l'épouse de B.B.________, disposait d'une procuration générale sur les comptes qui l'autorisait à agir collectivement avec A.________. Cette dernière et B.B.________ étaient chacun autorisés à agir individuellement sur le compte " intérêts ", mais devaient agir collectivement sur le compte " capital-usufruit ". Tous deux disposaient d'un accès e-banking.  
En juin 2014, la villa a été vendue pour un montant de 1'970'000 francs. Après déduction de l'impôt sur le gain immobilier, des commissions de courtage, du remboursement de l'hypothèque et du montant de 276'125 fr., directement versé à l'attention du notaire en charge de l'achat d'un appartement par C.B.________, le compte " capital-usufruit " a été alimenté de la somme de 712'715 fr. 15 versée en deux fois, les 20 décembre 2013 et 3 juin 2014. 
A une date indéterminée, B.B.________ a établi avec sa mère un budget comprenant sous une rubrique " revenus ", un poste intitulé " transfert du capital usufruit " pour un montant mensuel de 1'650 fr., correspondant au loyer de l'appartement de A.________ et à son argent de poche, et un poste " avance capital " pour un montant de 850 fr. par mois. 
Le compte " intérêts " a été clos le 18 août 2015 et les comptes épargne, le 10 juin 2016. La relation n° xxx a été définitivement clôturée le 27 septembre 2016. 
 
B.c. Le 13 juillet 2017, A.________ a déposé plainte pénale contre B.B.________ et C.B.________ pour abus de confiance, escroquerie et toute autre infraction qui serait réalisée. En substance, elle reproche à son fils d'avoir utilisé sans droit, à son propre profit et dans un dessein d'enrichissement illégitime, la quasi-totalité du produit de la vente de leur maison familiale et à sa belle-fille d'avoir profité de ces malversations pour acquérir, à son seul nom, un appartement sis à V.________, W.________.  
 
C.  
A.________ forme un recours en matière pénale contre l'arrêt de la Chambre des recours pénale. Elle conclut, avec suite de frais et dépens, à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle instruction et nouvelle décision dans le sens des considérants. Elle sollicite en outre le bénéfice de l'assistance judiciaire. 
Invités à se déterminer sur le recours de A.________, le ministère public et C.B.________ ont déposé des déterminations; B.B.________ a fait parvenir sa détermination hors délai. La cour cantonale a renoncé à se déterminer, tout en se référant aux considérants de sa décision. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral examine d'office (art. 29 al. 1 LTF) et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 143 IV 357 consid. 1). 
 
1.1. Selon l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 5 LTF, la partie plaignante qui a participé à la procédure de dernière instance cantonale est habilitée à recourir au Tribunal fédéral, si la décision attaquée peut avoir des effets sur le jugement de ses prétentions civiles. Constituent de telles prétentions celles qui sont fondées sur le droit civil et doivent en conséquence être déduites ordinairement devant les tribunaux civils. Il s'agit principalement des prétentions en réparation du dommage et du tort moral au sens des art. 41 ss CO (ATF 146 IV 76 consid. 3.1; 141 IV 1 consid. 1.1 p. 4). En vertu de l'art. 42 al. 1 LTF, il incombe à la partie recourante d'alléguer les faits qu'elle considère comme propres à fonder sa qualité pour recourir. Lorsque le recours est dirigé contre une décision de non-entrée en matière ou de classement de l'action pénale, la partie plaignante n'a pas nécessairement déjà pris des conclusions civiles. Quand bien même la partie plaignante aurait déjà déclaré des conclusions civiles (cf. art. 119 al. 2 let. b CPP), il n'en reste pas moins que le procureur qui refuse d'entrer en matière ou prononce un classement n'a pas à statuer sur l'aspect civil (cf. art. 320 al. 3 CPP). Dans tous les cas, il incombe par conséquent à la partie plaignante d'expliquer dans son mémoire au Tribunal fédéral quelles prétentions civiles elle entend faire valoir contre l'intimé. Comme il n'appartient pas à la partie plaignante de se substituer au ministère public ou d'assouvir une soif de vengeance, la jurisprudence entend se montrer restrictive et stricte, de sorte que le Tribunal fédéral n'entre en matière que s'il ressort de façon suffisamment précise de la motivation du recours que les conditions précitées sont réalisées, à moins que l'on puisse le déduire directement et sans ambiguïté compte tenu notamment de la nature de l'infraction alléguée (ATF 141 IV 1 consid. 1.1 p. 4).  
 
1.2. En l'espèce, la recourante reproche à son fils d'avoir utilisé la quasi-totalité (soit 609'641 fr. 52) de la somme de 712'715 fr. 15 lui appartenant ensuite de la renonciation de son usufruit à titre onéreux et se trouvant sur un compte auquel son fils avait accès par le biais d'une procuration. Elle lui reproche d'avoir utilisé cet argent pour couvrir ses dépenses personnelles, alors qu'il avait pour tâche de le gérer afin d'assurer les besoins de sa mère jusqu'à la fin de sa vie. Par cette argumentation, la recourante explique de manière suffisante que l'arrêt attaqué pourrait avoir des effets sur ses éventuelles prétentions civiles, de sorte qu'il convient d'admettre sa qualité pour recourir.  
 
1.3. La pièce produite par la recourante ne résultant pas de la décision entreprise, est nouvelle, partant, irrecevable (art. 99 al. 1 LTF).  
 
2.  
Dans un grief formel qu'il convient d'examiner en premier lieu (ATF 141 V 557 consid. 3), la recourante fait grief à la cour cantonale d'avoir violé son droit d'être entendue en refusant d'administrer les preuves requises. 
 
2.1. Le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. (cf. aussi art. 3 al. 2 let. c et 107 CPP), comprend notamment pour le justiciable le droit d'obtenir l'administration des preuves pertinentes et valablement offertes, de participer à l'administration des preuves essentielles et de se déterminer sur son résultat lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1 p. 103). En procédure pénale, l'art. 318 al. 2 CPP prévoit que le ministère public ne peut écarter une réquisition de preuves que si celle-ci exige l'administration de preuves sur des faits non pertinents, notoires, connus de l'autorité pénale ou déjà suffisamment prouvés en droit. Selon l'art. 139 al. 2 CPP, il n'y a pas lieu d'administrer des preuves sur des faits non pertinents, notoires, connus de l'autorité pénale ou déjà suffisamment prouvés. Le législateur a ainsi consacré le droit des autorités pénales de procéder à une appréciation anticipée des preuves. Le magistrat peut renoncer à l'administration de certaines preuves, notamment lorsque les faits dont les parties veulent rapporter l'authenticité ne sont pas importants pour la solution du litige. Ce refus d'instruire ne viole le droit d'être entendu que si l'appréciation anticipée de la pertinence du moyen de preuve offert, à laquelle le juge a ainsi procédé, est entachée d'arbitraire (ATF 144 II 427 consid. 3.1.3 p. 435; 141 I 60 consid. 3.3 p. 64; 136 I 229 consid. 5.3 p. 236).  
 
2.2. La cour cantonale a rejeté les réquisitions de preuves par lesquelles la recourante a sollicité, en mains de E.________ SA, pour chaque ordre bancaire effectué sur les quatre comptes communs, l'indication notamment du numéro de l'utilisateur, du bénéficiaire du transfert, de la date et de l'adresse IP et, en mains de l'Administration cantonale des impôts, les déclarations d'impôts de 2010 à 2013 de l'intimé et de 2014 à 2016 des intimés. L'autorité cantonale est parvenue à la conclusion qu'il ne pouvait être établi que la recourante avait renoncé à son usufruit à titre onéreux. Pour ce faire, elle a fait sienne les conclusions du ministère public qu'elle a qualifiées de convaincantes et a considéré que les documents requis par la recourante n'étaient pas susceptibles de modifier son analyse.  
 
 
2.3. La recourante ne conteste plus devant le Tribunal fédéral le rejet de la production de preuves en mains de E.________ SA, qu'il n'y a donc pas lieu d'examiner.  
La recourante objecte que l'appréciation de la cour cantonale serait arbitraire en tant qu'elle rejette la production des documents en mains de l'Administration cantonale des impôts. Elle estime que les déclarations d'impôts de l'intimé de 2010 à 2016 auraient été décisives puisque s'il y avait eu une renonciation à titre gratuit, l'intégralité du produit de la vente aurait dû y figurer. Au demeurant, il ressortirait de sa déclaration d'impôt à elle, établie par l'intimé, que celui-ci y avait inscrit le compte " capital-usufruit ", ce qui démontrerait qu'il avait à l'esprit que la part correspondant à la valeur de l'usufruit appartenait à sa mère. 
En l'espèce, la cour cantonale a constaté qu'aucun élément dans le cadre de l'instruction ne laissait croire à un abandon par la recourante de son usufruit à titre onéreux. Or l'établissement des conséquences fiscales en lien avec la vente de l'immeuble étaient susceptibles d'apporter des indices pertinents sur la manière dont l'usufruit avait été cédé. 
En effet, dans le canton de Vaud, l'impôt sur les gains immobiliers a notamment pour objet les gains réalisés lors de l'aliénation de tout ou partie d'un immeuble, situé dans le canton, qui fait partie de la fortune privée du contribuable (art. 61 al. 1 let. a de la loi vaudoise du 4 juillet 2000 sur les impôts directs cantonaux [LI/VD; BLV 642.11]). Partant, savoir si, sur sa déclaration pour l'imposition des gains immobiliers, l'intimé avait fait figurer dans la liste de ses impenses (art. 70 LI) des frais liés à la renonciation par la recourante de son usufruit, constituait un indice permettant de déterminer s'il considérait que la cession de l'usufruit était intervenue moyennant contrepartie financière. 
Il en va de même du revenu déclaré par l'intimé dans sa déclaration d'impôt ensuite de la vente de la maison (cf. art. 1 al. 1 let. a LI). 
De plus, selon l'art. 2 al. 3 let. a de la loi vaudoise concernant le droit de mutation sur les transferts immobiliers et l'impôt sur les successions et donations du 27 février 1963 (LMSD; BLV 648.11), un droit de mutation est perçu sur les actes suivants, lorsqu'ils interviennent à titre onéreux: en cas de constitution, de transfert ou d'extinction d'un droit réel restreint (droit de superficie, servitude, usufruit, droit d'habitation, charge foncière, droit à une source, etc.), à l'exception du gage immobilier. Sauf convention contraire, le droit de mutation est dû par la personne au profit de laquelle une servitude, un autre droit réel restreint ou un droit d'exploiter la substance d'un fonds est constitué, transféré ou abandonné (art. 4 al. 2 let. b LMSD). Partant, savoir si l'intimé avait été assujetti à un tel impôt à l'époque de la vente constituait également un indice pertinent pour déterminer de quelle manière l'usufruit avait été cédé, cet impôt étant perçu en cas de cession à titre onéreux. 
Il s'ensuit qu'en considérant que les documents requis en mains de l'Administration cantonale des impôts n'étaient pas utiles, la cour cantonale a procédé arbitrairement à l'appréciation anticipée de la pertinence des moyens de preuve; le grief de violation du droit d'être entendu doit être admis. 
 
3.  
La recourante reproche à la cour cantonale d'avoir établi les faits de manière inexacte et d'avoir violé le principe in dubio pro duriore (art. 319 al. 1 CPP).  
 
3.1. L'art. 319 al. 1 let. a CPP prévoit que le ministère public ordonne le classement de tout ou partie de la procédure lorsqu'aucun soupçon justifiant une mise en accusation n'est établi. Selon la jurisprudence, cette disposition doit être appliquée conformément à l'adage in dubio pro duriore. Celui-ci découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et art. 2 al. 2 CPP en relation avec les art. 319 al. 1 et 324 al. 1 CPP; ATF 138 IV 86 consid. 4.2 p. 91) et signifie qu'en principe un classement ou une non-entrée en matière ne peuvent être prononcés par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un pouvoir d'appréciation que le Tribunal fédéral revoit avec retenue. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave. En effet, en cas de doute quant à la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de se prononcer (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1 p. 243; 138 IV 86 consid. 4.1.2 p. 91 et les références citées).  
 
3.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'ils n'aient été établis en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, soit pour l'essentiel de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (cf. ATF 143 IV 241 consid. 2.3 p. 244; 142 II 355 consid. 6 p. 358).  
 
L'établissement de l'état de fait incombe principalement au juge matériellement compétent pour se prononcer sur la culpabilité du prévenu. Le ministère public et l'autorité de recours n'ont dès lors pas, dans le cadre d'une décision de classement d'une procédure pénale, respectivement à l'encontre d'un recours contre une telle décision, à établir l'état de fait comme le ferait le juge du fond. Des constatations de fait sont admises au stade du classement, dans le respect du principe in dubio pro duriore, soit dans la mesure où les faits sont clairs, respectivement indubitables, de sorte qu'en cas de mise en accusation ceux-ci soient très probablement constatés de la même manière par le juge du fond. Tel n'est pas le cas lorsqu'une appréciation différente par le juge du fond apparaît tout aussi vraisemblable. Le principe in dubio pro duriore interdit ainsi au ministère public, confronté à des preuves non claires, d'anticiper sur l'appréciation des preuves par le juge du fond. L'appréciation juridique des faits doit en effet être effectuée sur la base d'un état de fait établi en vertu du principe in dubio pro duriore, soit sur la base de faits clairs (ATF 143 IV 241 consid. 2.3.2 p. 244 et les références citées).  
Déterminer si l'autorité précédente a correctement compris la portée du principe in dubio pro durioreest une question de droit, soumis au libre examen du Tribunal fédéral (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1 p. 243; 138 IV 86 consid. 4.1.2 p. 91 et les références citées; arrêt 6B_673/2019 du 31 octobre 2019 consid. 3.1.3). Le principe in dubio pro duriore, en tant que règle de droit, est notamment violé lorsqu'il ressort des considérants de l'arrêt attaqué que l'autorité précédente a établi l'état de fait comme un juge du fond, en faisant application du principe in dubio pro duriore, ou lorsqu'elle a méconnu de toute autre manière le principe in dubio pro duriore (ATF 143 IV 241 consid. 2.3.3 p. 245 ss; arrêt 6B_1239/2018 du 11 mars 2019 consid. 3.1.2 et les références citées).  
 
3.3.  
 
3.3.1. Commet un abus de confiance au sens de l'art. 138 ch. 1 al. 2 CP, celui qui, sans droit, aura employé à son profit ou au profit d'un tiers des valeurs patrimoniales qui lui avaient été confiées.  
 
Sur le plan objectif, l'infraction suppose qu'une valeur ait été confiée, autrement dit que l'auteur ait acquis la possibilité d'en disposer, mais que, conformément à un accord (exprès ou tacite) ou un autre rapport juridique, il ne puisse en faire qu'un usage déterminé, en d'autres termes, qu'il l'ait reçue à charge pour lui d'en disposer au gré d'un tiers, notamment de la conserver, de la gérer ou de la remettre (ATF 133 IV 21 consid. 6.2 p. 27). Le comportement délictueux consiste à utiliser la valeur patrimoniale contrairement aux instructions reçues, en s'écartant de la destination fixée (ATF 129 IV 257 consid. 2.2.1 p. 259 et les références citées). L'al. 2 de l'art. 138 ch. 1 CP ne protège pas la propriété, mais le droit de celui qui a confié la valeur patrimoniale à ce que celle-ci soit utilisée dans le but qu'il a assigné et conformément aux instructions qu'il a données; est ainsi caractéristique de l'abus de confiance au sens de cette disposition le comportement par lequel l'auteur démontre clairement sa volonté de ne pas respecter les droits de celui qui lui fait confiance (ATF 129 IV 257 consid. 2.2.1 p. 259; 121 IV 23 consid. 1c p. 25). 
 
3.3.2. L'art. 158 CP vise celui qui, en vertu de la loi, d'un mandat officiel ou d'un acte juridique, est tenu de gérer les intérêts pécuniaires d'autrui ou de veiller sur leur gestion et qui, en violation de ses devoirs, aura porté atteinte à ces intérêts ou aura permis qu'ils soient lésés (ch. 1 al. 1). La peine est aggravée si l'auteur a agi dans le dessein de se procurer à lui-même ou à un tiers un enrichissement illégitime (ch. 1 al. 3). Cette infraction suppose la réalisation de quatre éléments constitutifs: il faut que l'auteur ait eu une position de gérant, qu'il ait violé une obligation lui incombant en cette qualité, qu'il en soit résulté un dommage et qu'il ait agi intentionnellement (cf. ATF 120 IV 190 consid. 2b p. 192). Dans sa forme aggravée, il faut encore que l'auteur ait agi dans un dessein d'enrichissement illégitime.  
Selon la jurisprudence, revêt la qualité de gérant, celui à qui il incombe, de fait ou formellement la responsabilité d'administrer un complexe patrimonial non négligeable dans l'intérêt d'autrui (ATF 129 IV 124 consid. 3.1 p. 126). La qualité de gérant suppose un degré d'indépendance suffisant et un pouvoir de disposition autonome sur les biens administrés. Ce pouvoir peut aussi bien se manifester par la passation d'actes juridiques que par la défense, au plan interne, d'intérêts patrimoniaux, ou encore par des actes matériels, l'essentiel étant que le gérant se trouve au bénéfice d'un pouvoir de disposition autonome sur tout ou partie des intérêts pécuniaires d'autrui, sur les moyens de production ou le personnel d'une entreprise (ATF 123 IV 17 consid. 3b p. 21). 
 
Pour qu'il y ait gestion déloyale, il faut que le gérant ait violé une obligation liée à la gestion confiée (ATF 123 IV 17 consid. 3c p. 22). Le comportement délictueux consiste à violer le devoir de gestion ou de sauvegarde. Pour dire s'il y a violation, il faut déterminer concrètement le contenu du devoir imposé au gérant. Cette question s'examine au regard des rapports juridiques qui lient le gérant aux titulaires des intérêts pécuniaires qu'il administre, compte tenu des dispositions légales ou contractuelles applicables (arrêts 6B_688/2014 du 22 décembre 2017 consid. 13.1.2; 6B_845/2014 du 16 mars 2015 consid. 3.2 et les références citées). 
 
3.3.3. En vertu de l'art. 147 al. 1 CP, celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura, en utilisant des données de manière incorrecte, incomplète ou indue ou en recourant à un procédé analogue, influé sur un processus électronique ou similaire de traitement ou de transmission de données et aura, par le biais du résultat inexact ainsi obtenu, provoqué un transfert d'actifs au préjudice d'autrui ou l'aura dissimulé aussitôt après sera puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire.  
 
3.4. La cour cantonale a considéré que le ministère public avait à juste titre classé la procédure dirigée contre l'intimé pour abus de confiance et gestion déloyale. Pour ce faire, elle a tout d'abord retenu, au vu des déclarations des parties, que le fils de la recourante s'était chargé des affaires administratives et financières de sa mère en sa qualité de fils et non en celle de gérant de fortune. Elle a ensuite considéré que rien ne permettait d'établir que la recourante avait renoncé à son usufruit à titre onéreux. Si, comme elle l'affirmait, il existait bien un compte dans la relation bancaire n° xxx, intitulé " capital-usufruit ", une telle mention ne donnait toutefois aucune indication sur les conditions de la renonciation à l'usufruit. Il en allait de même de la mention sur l'acte notarié de 1982 selon laquelle la recourante se réservait pour elle-même, sa vie durant, l'usufruit de l'immeuble donné. En outre, si le fait que le budget établi par l'intimé et la recourante comprenait un poste " transfert du capital usufruit " dont le montant correspondait au loyer de l'appartement de la recourante et à son argent de poche, était un indice en faveur de la thèse de la recourante, tout comme la situation financière modeste de celle-ci, ces éléments n'étaient toutefois pas suffisants pour retenir une infraction. D'après la cour cantonale, l'instruction avait en effet permis de démontrer l'absence de tout accord financier entre la recourante et son fils au sujet de la renonciation de celle-ci à son usufruit, aucun élément ne laissant croire à un abandon à titre onéreux. Les conclusions du ministère public à cet égard étaient convaincantes et devaient être suivies. Ainsi, les parties avaient déclaré de manière concordante que rien n'avait été prévu au sujet de l'argent que rapporterait la vente de la villa familiale. En outre, la recourante avait rencontré le notaire D.________ à l'époque de la vente et tout portait à croire qu'ils avaient discuté du choix qui s'offrait à elle de céder son usufruit à titre onéreux ou gratuit. Au demeurant, la recourante n'avait pas produit d'acte notarié ni rapporté avoir été assujettie à l'impôt de 3,3% sur les droits de mutation dû en cas de renonciation de l'usufruit à titre onéreux. La valeur de l'usufruit qu'elle alléguait apparaissait en outre disproportionnée par rapport à la somme à laquelle l'intimé aurait eu droit une fois l'hypothèque, les impôts, les commissions et la valeur de l'usufruit payés. Partant, dans la mesure où il ne pouvait être établi que l'usufruit avait été cédé à titre onéreux, il y avait lieu de considérer que l'argent provenant de la vente de la villa revenait intégralement à l'intimé, nu-propriétaire, lequel était dès lors libre d'en disposer comme il l'entendait. Dans un tel contexte, il ne pouvait y avoir de manoeuvres frauduleuses ou de tromperie, les fonds utilisés lui appartenant et n'étant pas constitutifs de " biens appartenant à autrui " qui lui auraient été confiés, à charge pour lui de les conserver et de les administrer pour le compte de sa mère.  
Dans ces circonstances, la juridiction précédente a considéré que la procédure pouvait également être classée pour les actes de l'intimé relevant, selon la recourante, d'utilisation frauduleuse d'un ordinateur. Les éléments constitutifs de cette infraction n'étaient pas non plus réunis; l'intimé étant l'ayant droit économique des montants transférés, il n'avait pas obtenu de transfert d'actifs au préjudice d'autrui. Au demeurant, la recourante savait que son fils utilisait son e-banking pour procéder à ses paiements et ne s'y était jamais opposée. 
Il en découlait également que l'intimée ne pouvait pas non plus être accusée d'abus de confiance ou de gestion déloyale, dès lors qu'elle avait reçu des libéralités de son époux, lequel était l'ayant droit économique de l'argent et pouvait en disposer librement. 
 
3.5. En l'espèce, les parties ne sont pas d'accord sur la manière dont l'usufruit a été cédé. L'intimé allègue que sa mère aurait renoncé à son usufruit à titre gratuit, tandis que celle-ci affirme l'avoir cédé à titre onéreux. Or en écartant les indices en faveur de la thèse de la recourante au motif qu'aucun élément dans le cadre de l'instruction ne laissait croire à un abandon à titre onéreux, la cour cantonale semble avoir retenu la version de l'intimé au bénéfice du principe in dubio pro reo. Toutefois, à ce stade de la procédure, elle devait envisager les faits sous l'angle du principe in dubio pro duriore. En tout état, c'est de manière arbitraire que la cour cantonale a tenu pour clairement établi que la recourante avait cédé son usufruit à titre gratuit (cf. consid. 3.6 infra).  
 
3.6. Tout d'abord, la cour cantonale ne pouvait reprocher à la recourante de n'avoir pas produit d'acte notarié relatif à l'abandon de son usufruit, dès lors que l'extinction d'un usufruit, qu'elle soit conventionnelle ou unilatérale, n'est soumise à aucune forme (cf. MARYSE PRADERVAND-KERNEN, L'usufruit immobilier, 2018, p. 69, n° 11, p.72, n° 20).  
La juridiction cantonale a constaté que les déclarations des parties étaient concordantes sur le fait que rien n'avait été prévu au sujet du produit de la vente de la maison. On voit toutefois mal en quoi le fait de ne rien prévoir sur la répartition du bénéfice de la vente permettrait de considérer que la recourante a cédé son usufruit à titre gratuit. La cour cantonale ne pouvait en effet nullement déduire des déclarations de la recourante, lors de son audition par le ministère public, soit " nous n'avons pas discuté de la répartition du bénéfice de la vente en 2013. Mon fils m'a juste dit que cela m'était suffisant pour vivre " (PV d'audition du 8 mars 2018, n° 1 p. 3 lignes 74-75), que celle-ci avait cédé son usufruit à titre gratuit. Au contraire, de telles déclarations, confirmées quelques lignes plus bas lorsque la recourante a indiqué " je répète que je ne savais pas quel était le montant du produit de la vente qui revenait à mon fils et le montant qui me revenait " tendent plutôt à démontrer qu'elle considérait qu'il existait un accord sur une renonciation à titre onéreux. C'est donc de manière arbitraire que la cour cantonale a retenu que les déclarations de la recourante étaient concordantes avec celles de l'intimé; celui-ci ayant de son côté affirmé qu'ils n'avaient jamais convenu qu'il lui rétrocéderait sur le produit de la vente de la maison un montant donné au titre de son usufruit (PV d'audition du 8 mars 2018, n° 2 p. 4 lignes 117-121), affirmation qui confirme la divergence d'opinion entre l'intimé et la recourante sur la manière dont l'usufruit a été cédé. 
En outre, la cour cantonale a fait sienne l'appréciation du ministère public selon laquelle la recourante avait très probablement discuté avec le notaire D.________ de la cession de l'usufruit lorsqu'elle l'avait rencontré à l'époque de la vente, même si celle-ci avait indiqué ne plus se souvenir de quoi ils avaient discuté (PV d'audition du 8 mars 2018, n° 1 p. 7 lignes 248-249). Elle a considéré que cet élément, et le fait que la recourante n'avait pas sollicité l'audition du notaire D.________ afin qu'il puisse exposer le contenu de l'entrevue, portaient à croire qu'elle avait renoncé à son usufruit sans contrepartie financière directe en toute connaissance de cause. On peine toutefois à suivre le raisonnement de la cour cantonale. En effet, à la lecture du procès-verbal auquel elle se réfère, on constate que la procureure a présenté à la recourante la réquisition de radiation de l'usufruit au registre foncier, signée par la recourante en l'étude du notaire D.________, à l'époque de la vente (cf. PV d'audition du 8 mars 2018, n° 1 p. 7 lignes 250-252). Celle-ci a d'ailleurs confirmé avoir vu le notaire D.________ et " avoir signé pour que la villa à vendre soit libre d'usufruit " (cf. PV d'audition du 8 mars 2018, n° 1 p. 7 lignes 253-254). Or cet élément permettait d'établir quel était le contenu et le but de leur entrevue, sans qu'il fût nécessaire que la recourante requiert l'audition du notaire D.________. En tout état, le fait que la recourante ait potentiellement pu, lors de cet échange, discuter avec le notaire D.________ du choix qui s'offrait à elle de renoncer à son usufruit à titre onéreux ou gratuit, ne donne aucune indication sur la manière dont la recourante a décidé de le céder. L'appréciation de la cour cantonale s'avère également arbitraire sur ce point. 
Par ailleurs, l'autorité cantonale a arbitrairement retenu que la valeur de l'usufruit dont se prévalait la recourante, soit 740'523 fr., était excessive et ne correspondait manifestement pas à la réalité. En effet, la recourante a remis un courrier sur lequel figurait le calcul de la valeur de l'usufruit, à la date de la vente, effectué par un notaire. La cour cantonale en a fait totalement abstraction sans indiquer quelle raison il y aurait eu à ne pas le prendre en considération. Au demeurant, il importe peu qu'après le paiement de la valeur de l'usufruit, ainsi arrêtée, et des impôts et commissions dus par la vente de l'immeuble, l'intimé n'aurait obtenu que la somme de 276'125 francs. Le bénéfice qu'aurait retiré l'intimé de la vente de la maison et la valeur de l'usufruit de la recourante constituent deux sommes indépendantes l'une de l'autre; l'autorité cantonale ne pouvait, sauf à verser dans l'arbitraire, considérer que le fait que la première eut été nettement inférieure à la seconde rendait la valeur alléguée par la recourante illusoire. 
Enfin, la cour cantonale ne pouvait pas reprocher à la recourante de n'avoir pas rapporté avoir été assujettie à l'impôt sur les droits de mutation, dès lors que c'est en réalité le nu-propriétaire qui se voit assujetti à un tel impôt (cf. art. 4 al. 2 let. b LMSD; consid. 2.3 supra). 
 
Pour le surplus, il est établi et incontesté que l'intimé et la recourante ont ouvert, en raison de la vente de la villa, un compte commun intitulé " capital-usufruit ", sur lequel ils devaient agir collectivement. La cour cantonale a par ailleurs admis que le fait que la recourante se trouvait dans une situation financière modeste et que son fils avait, à l'époque de la vente, établi un budget afin que sa mère puisse faire face à ses charges, lequel comprenait une rubrique " revenus " avec un poste intitulé " transfert du capital usufruit " pour un montant mensuel de 1'650 fr., constituaient des indices en faveur de la thèse de celle-ci. 
 
3.7. Vu ce qui précède, la cour cantonale a versé dans l'arbitraire en considérant qu'il était clair que la recourante avait renoncé à son usufruit à titre gratuit; les circonstances du cas d'espèce justifiaient de poursuivre l'instruction. En raison de ce doute, il n'est pas possible, à ce stade, de considérer que les éléments constitutifs de l'infraction d'abus de confiance ou d'une autre infraction ne seraient manifestement pas réalisés. Les conditions d'un classement ne sont donc pas remplies. Le grief de violation du principe in dubio pro duriore s'avère fondé.  
 
4.  
Il s'ensuit que le recours doit être admis, l'arrêt attaqué annulé et la cause renvoyée à l'autorité précédente, à charge pour elle de statuer sur les frais et dépens avant de renvoyer le dossier au ministère public pour nouvelle instruction et nouvelle décision dans le sens des considérants. 
 
5.  
La recourante, qui obtient gain de cause, ne supporte pas de frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Une partie des frais judiciaires est mise à la charge des intimés, qui succombent, le canton de Vaud n'ayant pas à en supporter (art. 66 al. 1 et 4 LTF). La recourante peut prétendre à une indemnité de dépens, à charge pour moitié chacun, d'une part du canton de Vaud et, d'autre part, des intimés, solidairement entre eux (art. 68 al. 1 et 2 LTF). La demande d'assistance judiciaire de la recourante devient ainsi sans objet. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est admis. L'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision. 
 
2.  
Une partie des frais judiciaires, arrêtée à 1'000 fr., est mise à la charge des intimés C.B.________ et B.B.________, solidairement entre eux. 
 
3.  
Une indemnité de 3'000 fr., à verser à la recourante à titre de dépens, est mise pour moitié à la charge du canton de Vaud et pour moitié à la charge des intimés C.B.________ et B.B.________, solidairement entre eux. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale. 
 
 
Lausanne, le 5 mai 2022 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Juge présidant : Denys 
 
La Greffière : Paris