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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
8C_694/2021  
 
 
Arrêt du 5 juillet 2022  
 
Ire Cour de droit social  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Wirthlin, Président, Heine et Abrecht. 
Greffière : Mme Castella. 
 
Participants à la procédure 
AXA Assurances SA, 
General Guisan-Strasse 40, 8400 Winterthur, représentée par Me Patrick Moser, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
Mobilière Suisse Société d'assurances SA, Bundesgasse 35, 3011 Berne, 
représentée par Me Philippe Grumbach, avocat, 
intimée. 
 
Objet 
Assurance-accidents (conflit de compétence), 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 26 août 2021 (A/2799/2020 ATAS/897/2021). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A.________ a été engagée à 60 % comme collaboratrice de vente dans une succursale de la société B.________ du 1er septembre 2010 jusqu'à fin février 2019. L'établissement ayant fermé fin 2018, elle a été libérée de son obligation de travailler durant les deux derniers mois. En raison de cette activité, elle était assurée obligatoirement contre le risque d'accident auprès d'AXA Assurances SA (ci-après: AXA).  
Mi-janvier 2019, l'assurée a été engagée dans le pool de remplacement du groupement C.________ à un taux d'occupation de 23 %. A ce titre, elle était assurée obligatoirement contre le risque d'accident auprès de Mobilière Suisse Société d'assurances SA (ci-après: la Mobilière). 
 
A.b. Le 27 janvier 2019, l'assurée a été victime d'un accident de la circulation qui lui a causé une déchirure complète du ligament croisé antérieur du genou droit et a entraîné une incapacité de travail, d'abord totale, puis de 50 % à compter du 14 janvier 2020.  
 
A.c. Par lettre du 12 mars 2020 adressée à l'assurée, AXA lui a communiqué que c'était l'assureur-accidents de l'employeur pour lequel elle avait travaillé en dernier lieu avant l'accident qui était compétent pour la prise en charge de l'accident; elle l'informait également qu'elle écrivait le même jour à la Mobilière pour lui demander de rembourser les prestations versées.  
Par lettre du 1er avril 2020, adressée à AXA avec copie à l'assurée, la Mobilière a indiqué qu'elle n'interviendrait pas dans le cadre de l'événement du 27 janvier 2019. Elle a rejeté la demande de remboursement dans une seconde lettre du 2 avril 2020, adressée à AXA. 
 
A.d. Par "décision d'irrecevabilité" du 24 avril 2020, adressée à la Mobilière, AXA a considéré qu'elle n'était pas compétente pour la prise en charge du cas. Par conséquent, elle demandait à la Mobilière le remboursement des prestations qu'elle avait versées, en précisant qu'elle avait d'ores et déjà réglé les indemnités jusqu'au 30 avril 2020 afin de ne pas mettre l'assurée dans l'embarras. Elle indiquait également qu'une copie du courrier était adressée à cette dernière pour information. L'opposition formée par la Mobilière a été rejetée par décision du 11 août 2020, qui a également été communiquée à l'assurée et qui précisait qu'un éventuel recours n'aurait aucun effet suspensif.  
Entre ces deux décisions, la question de l'obligation de prester de l'un ou de l'autre assureur a été soumise à l'Office fédéral de la santé publique (OFSP). Le 9 juillet 2020, celui-ci a rendu une décision par laquelle il s'est lui-même déclaré incompétent pour trancher le conflit, relevant "qu'une procédure était déjà pendante devant AXA". Cette décision n'a pas fait l'objet d'un recours. 
 
A.e. Parallèlement, AXA a continué à instruire le cas. Par décision du 31 août 2020 (adressée à l'assurée), elle a mis un terme aux prestations d'assurance au 3 août 2020, considérant que l'assurée avait recouvré une capacité de travail entière dès cette date et qu'un traitement n'était plus indiqué.  
 
B.  
Saisie d'un recours de la Mobilière contre la décision sur opposition d'AXA du 11 août 2020, la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève a appelé en cause l'assurée par ordonnance du 5 novembre 2020. Par arrêt incident du 30 novembre 2020, elle a restitué l'effet suspensif au recours dans la mesure où AXA avait acquiescé à la demande de restitution de l'effet suspensif et proposé à bien plaire et sans reconnaissance de responsabilité de continuer à assumer la gestion du cas jusqu'à droit connu au fond. 
Par arrêt du 26 août 2021, la cour cantonale a admis le recours et a annulé la décision sur opposition du 11 août 2020. 
 
C.  
AXA interjette un recours en matière de droit public contre cet arrêt, en concluant à sa réforme dans le sens de la confirmation de sa décision sur opposition du 11 août 2020. A titre subsidiaire, elle conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour instruction complémentaire et nouvelle décision. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours est dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière de droit public (art. 82 ss LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF). Il a été déposé dans le délai (art. 100 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. Il est donc recevable. 
 
2.  
Les juges cantonaux ont considéré qu'était litigieuse la question du bien-fondé de la décision d'AXA réclamant à la Mobilière le remboursement des prestations qu'elle estimait avoir versées à tort. Ils ont retenu, sur ce point, qu'AXA n'était pas légitimée à réclamer le remboursement de ces prestations par sa décision sur opposition. Concernant le conflit de compétence, ils ont considéré qu'AXA aurait dû rendre une décision de refus de prester ou de suppression des prestations, qui aurait pu être contestée par l'assurée et par la Mobilière, mais qu'au lieu de cela, elle avait préféré rendre une décision en restitution à l'encontre de la Mobilière. Dès lors, à défaut de décision formelle de refus de prester et de recours sur la prise en charge des suites de l'accident par l'une ou l'autre des parties, ils n'avaient pas à se prononcer sur le conflit de compétence. 
 
3.  
La recourante soutient qu'en refusant de se prononcer sur le conflit de compétence, la cour cantonale aurait violé le droit à plusieurs égards. 
 
3.1. Se plaignant d'abord d'arbitraire dans l'établissement des faits, la recourante fait valoir que, dans sa décision initiale du 24 avril 2020, elle avait formellement décliné sa compétence au moyen d'une décision d'irrecevabilité au sens de l'art. 35 al. 3 LPGA. Les premiers juges auraient donc fait preuve d'arbitraire en constatant qu'AXA avait préféré rendre une décision en restitution plutôt qu'une décision de refus de prester et en considérant qu'elle aurait dû rendre une décision de refus de prester ou de suppression des prestations qui aurait pu être contestée par l'assurée et par la Mobilière. Selon la recourante, la demande de remboursement ne serait en réalité qu'une conséquence logique de la décision d'irrecevabilité et la Mobilière n'aurait d'ailleurs jamais eu le moindre doute sur la nature de la décision du 24 avril 2020 dans la mesure où son opposition puis son recours contre la décision sur opposition du 11 août 2020 portaient sur la question de la couverture d'assurance de l'assurée.  
 
3.2.  
 
3.2.1. En procédure juridictionnelle administrative, ne peuvent être examinés et jugés, en principe, que les rapports juridiques à propos desquels l'autorité administrative compétente s'est prononcée préalablement, d'une manière qui la lie sous la forme d'une décision. Dans cette mesure, la décision détermine l'objet de la contestation qui peut être déféré en justice par la voie d'un recours. Le juge n'entre donc pas en matière, sauf exception, sur des conclusions qui vont au-delà de l'objet de la contestation. L'objet du litige dans la procédure de recours est le rapport juridique réglé dans la décision attaquée, dans la mesure où - d'après les conclusions du recours - il est remis en question par la partie recourante. L'objet de la contestation et l'objet du litige sont identiques lorsque la décision administrative est attaquée dans son ensemble. En revanche, lorsque le recours ne porte que sur une partie des rapports juridiques déterminés par la décision, les rapports juridiques non contestés sont certes compris dans l'objet de la contestation, mais pas dans l'objet du litige (ATF 144 II 359 consid. 4.3 et les références citées).  
 
3.2.2. En l'occurrence, dans sa décision initiale du 24 avril 2020, AXA s'est déclarée non compétente pour la prise en charge du cas, en exposant les motifs sur lesquels elle fondait son appréciation, et demandait par conséquent le remboursement des montants prestés. La Mobilière s'est opposée à cette décision en soutenant qu'il appartenait à l'OFSP de statuer sur la question de la compétence et, par une argumentation subsidiaire, a contesté qu'il lui appartenait de prendre en charge le cas, de sorte qu'elle ne donnerait pas suite à la demande de remboursement. Après que l'OFSP eut refusé d'entrer en matière sur le conflit de compétence, AXA a rejeté l'opposition en exposant une nouvelle fois les raisons pour lesquelles la prise en charge des suites de l'accident incombait à la Mobilière. Partant, l'objet de la contestation, défini par la décision sur opposition, portait à la fois sur le conflit de compétence et sur la demande de remboursement.  
Devant la juridiction cantonale, la Mobilière concluait à ce qu'il soit constaté qu'AXA n'avait pas la compétence pour rendre les décisions des 24 avril et 11 août 2020 et que ces décisions étaient nulles, ou à ce qu'elles soient annulées. Dans son mémoire, elle développait une argumentation subsidiaire - au cas où AXA était fondée à rendre les décisions susmentionnées - destinée à démontrer qu'elle n'avait pas à prendre en charge les suites de l'accident du 27 janvier 2019. Il s'ensuit que l'objet du litige portait principalement sur le point de savoir si AXA avait le pouvoir de rendre la décision entreprise, et subsidiairement sur le bien-fondé de celle-ci. Il faut donc admettre, avec la recourante, que n'était pas uniquement litigieux le bien-fondé de la demande de remboursement. Cela dit, en considérant que la recourante aurait dû rendre une décision de refus ou de suppression de prestations pour qu'ils puissent se prononcer sur le conflit de compétence, les premiers juges ont retenu, à tout le moins implicitement, qu'AXA n'était pas non plus fondée à décliner sa compétence par le biais de sa décision sur opposition. En tout état de cause, c'est à juste titre que la cour cantonale a considéré qu'elle n'avait pas à se prononcer sur ce point (cf. consid. 3.3 infra). 
 
3.3.  
 
3.3.1. Selon l'art. 78a LAA, l'OFSP statue sur les contestations pécuniaires entre assureurs. Il est compétent pour trancher lequel des assureurs est tenu d'allouer ses prestations selon le droit matériel (conflit négatif de compétence), ainsi que lorsqu'un assureur demande à un autre de lui rembourser des prestations qu'il a servies à un assuré (cf. ATF 140 V 321 consid. 3.7.3; 127 V 176 consid. 4d et les références) et en cas de désaccord entre assureurs sur l'étendue respective de leurs prestations (arrêt 8C_121/2019 du 29 mai 2020 consid. 5.3.1 et la référence).  
La procédure selon l'art. 78a LAA n'interdit pas à l'assureur de rendre une décision, ainsi qu'une décision sur opposition, par lesquelles il notifie à l'assuré son refus d'allouer des prestations, motif pris qu'il s'estime non compétent, tout en communiquant sa décision à l'assureur qu'il tient pour compétent (ATF 125 V 324 consid. 1b). Selon la jurisprudence, ladite décision peut alors être contestée d'une manière indépendante mais en faveur de l'assuré ("Drittbeschwerde pro Verfügungsadressat") par ce second assureur, d'abord par une opposition, puis par un recours auprès du tribunal cantonal des assurances. Dans ce cas de figure, le point de savoir quel assureur doit verser les prestations d'assurance est décidé par le tribunal cantonal (arrêts 8C_121/2019 précité consid. 5.3.1; 8C_606/2007 du 27 août 2008 consid. 9.2). L'assureur-accidents dispose ainsi d'un droit de recourir contre la décision de l'autre assureur déclinant son obligation de prester puisqu'il pourrait être appelé à octroyer des prestations à la place de ce dernier (arrêt 8C_606/2007 précité consid. 9.2; FRÉSARD/MOSER-SZELESS, L'assurance-accidents obligatoire, in Soziale Sicherheit, SBVR vol. XIV, 3e éd. 2016, p. 1140 n. 901). 
Cela ne signifie toutefois pas que l'assureur social ait la qualité d'autorité revêtue du pouvoir de rendre une décision à l'égard d'un autre assureur de même rang quant à l'obligation éventuelle de prester de celui-ci (ATF 120 V 489 consid. 1a; arrêt 8C_121/2019 précité consid. 5.2 et les références). L'art. 78a LAA a été intégré dans la loi précisément parce qu'un assureur-accidents qui ne s'estime pas compétent pour la prise en charge d'un événement accidentel n'a aucun pouvoir décisionnel à l'égard d'un autre assureur-accidents ou de la Caisse supplétive LAA (arrêt 8C_293/2009 du 23 octobre 2009consid. 4). Il ne peut dès lors pas contraindre un autre assureur social, par voie de décision, à lui rembourser les prestations allouées à un assuré (ATF 127 V 176 consid. 4a; 120 V 486 consid. 1a). 
 
3.3.2. En l'espèce, si AXA a rendu une "décision d'irrecevabilité", confirmée sur opposition, par laquelle elle déclinait son obligation de prester, le destinataire de cet acte n'était pas l'assurée mais la Mobilière, qu'elle tenait pour compétente. Or, comme on l'a vu, la recourante n'est pas revêtue du pouvoir de rendre une telle décision à l'égard d'un autre assureur. La cour cantonale n'a donc pas violé le droit en considérant qu'à ce stade de la procédure, elle n'avait pas à trancher le conflit de compétence.  
 
4.  
 
4.1. La recourante se plaint d'un déni de justice formel, au sens de l'art. 29 al. 1 Cst., dans la mesure où tant l'OFSP que le tribunal cantonal n'auraient pas tranché le litige qui leur était soumis.  
 
4.2. Le grief est mal fondé. En effet, comme on l'a dit plus haut, la juridiction cantonale n'avait pas à statuer sur le conflit de compétence. Cela dit, cette question n'est pas non plus condamnée à rester indécise. A supposer qu'AXA ait continué à verser des prestations - étant précisé que l'on ignore si sa décision du 31 août 2020 est entrée en force (cf. let. A.e supra) -, rien ne l'empêche de rendre une nouvelle décision, par laquelle elle notifie à l'assurée son refus de poursuivre le service des prestations au motif qu'elle s'estime non compétente, tout en communiquant sa décision à la Mobilière. Si celle-ci ou l'assurée s'oppose, puis recourt contre une telle décision, la juridiction cantonale devra trancher la question de son obligation de prester. En l'absence de recours ou en l'absence de décision par laquelle AXA notifie à l'assurée son refus de prester, le conflit de compétence pourra être tranché par la procédure de l'art. 78a LAA. On rappellera à cet égard que les décisions de non-entrée en matière ne sont pas revêtues de l'autorité de la chose jugée (sauf en ce qui concerne la seule question de recevabilité tranchée; ATF 138 III 174 consid. 6.3 et les arrêts cités; 124 I 322 consid. 4e; 115 II 187 consid. 3a).  
 
5.  
 
5.1. Invoquant la violation de son droit d'être entendue, la recourante reproche à la juridiction cantonale de n'avoir jamais donné suite à ses requêtes tendant à l'édition du dossier complet de la Mobilière, ni fourni la moindre explication à ce sujet, violant ainsi également son devoir de motiver.  
 
5.2. Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. comprend notamment le droit pour l'intéressé d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 167 consid. 4.1 et les arrêts cités). L'autorité peut cependant renoncer à procéder à des mesures d'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de forger sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient pas l'amener à modifier son opinion (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 et les arrêts cités).  
Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. implique également pour l'autorité l'obligation de motiver sa décision. Selon la jurisprudence, il suffit que le juge mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause. Il n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à l'examen des questions décisives pour l'issue du litige (ATF 142 II 154 consid. 4.2 et les arrêts cités). 
 
5.3. En l'espèce, dans la mesure où la recourante ne disposait d'aucun pouvoir décisionnel à l'égard de la Mobilière, la production du dossier complet de cette dernière apparaissait inutile. Par conséquent, les juges cantonaux pouvaient, sans violer le droit d'être entendue de la recourante, s'abstenir de donner suite à une telle réquisition et de discuter ce moyen de preuve.  
 
6.  
Il s'ensuit que le recours se révèle mal fondé et doit être rejeté. 
 
7.  
La recourante, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 3000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève, à l'Office fédéral de la santé publique et à A.________. 
 
 
Lucerne, le 5 juillet 2022 
 
Au nom de la Ire Cour de droit social 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Wirthlin 
 
La Greffière : Castella