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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
5A_30/2024  
 
 
Arrêt du 5 juillet 2024  
 
IIe Cour de droit civil  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Herrmann, Président, 
von Werdt et Bovey. 
Greffière : Mme Mairot. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par Me Robert Assaël, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
1. B.________, 
représenté par Me Alain Berger, avocat, 
2. C.________, 
intimés, 
 
Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant du canton de Genève, 
rue des Glacis-de-Rive 6, 1207 Genève. 
 
Objet 
désignation d'un curateur de représentation dans une procédure pénale, 
 
recours contre la décision de la Chambre de surveillance de la Cour de justice du canton de Genève du 24 novembre 2023 (C/10145/2023-CS DAS/290/2023). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Les enfants D.________, née en mai 2019, et E.________, né en décembre 2021, sont issus de la relation conjugale entre A.________ et B.________.  
Les époux se sont séparés au début du mois de janvier 2023, date à laquelle le mari a quitté le domicile familial. 
 
A.b. Le 13 janvier 2023, la mère a déposé plainte pénale auprès de la police à l'encontre du père, suspectant celui-ci d'avoir commis des actes d'ordre sexuel sur leur fille depuis le mois de janvier 2022.  
Le père a également déposé plainte pénale contre la mère, pour dénonciation calomnieuse et violation du devoir d'éducation, le 23 mars 2023. 
Le Ministère public du canton de Genève a, le 13 avril 2023, ouvert une instruction pénale à l'encontre de celui-ci pour actes d'ordre sexuel avec des enfants (art. 187 CP). 
 
A.c. Entre-temps, par acte déposé le 25 janvier 2023, l'épouse avait formé une requête de mesures protectrices de l'union conjugale.  
Par ordonnance du 11 mai 2023, le Tribunal de première instance du canton de Genève, statuant sur mesures provisionnelles, a notamment autorisé les conjoints à vivre séparés, attribué à la mère la garde exclusive des enfants, réservé au père un droit de visite s'exerçant à raison d'une heure par semaine avec chacun d'eux au sein de Therapea, instauré une curatelle d'organisation et de surveillance des relations personnelles, chargé le curateur, en particulier, de veiller à la mise en place des visites et à leur bon déroulement, fait interdiction au père de prendre contact, de quelque manière que ce soit, directement ou indirectement, notamment par téléphone, par écrit, ou par voie électronique, avec la mère et les enfants ou d'approcher ces derniers à moins de 200 mètres, à l'exception des contacts découlant de l'exercice des relations personnelles prévu ci-dessus et, enfin, fait interdiction au père de se rendre au domicile conjugal ainsi qu'à l'Espace de vie enfantine S.________ et à l'établissement T.________ ou de s'approcher de ces lieux à moins de 200 mètres, sous la menace de la peine de l'art. 292 CP
Par ordonnance du 19 juin 2023, le Tribunal de première instance a en outre ordonné, en substance, que les mineurs soient représentés par un curateur dans la procédure de mesures protectrices de l'union conjugale opposant leurs parents et a désigné l'avocat C.________ en cette qualité. 
L'épouse a formé recours contre ces deux ordonnances auprès de la Cour de justice du canton de Genève par actes des 25 mai 2023, respectivement 3 juillet 2023. 
 
B.  
Le 26 mai 2023, le Ministère public a requis la désignation d'un curateur aux fins de représenter la mineure D.________ dans le cadre de la procédure pénale instruite contre son père pour actes d'ordre sexuel avec des enfants (art. 187 CP), en raison du conflit d'intérêts résultant de la position de la mère, représentante de la partie plaignante dans la procédure pénale, et partie dans une procédure de mesures protectrices de l'union conjugale l'opposant à son mari. 
Par décision rendue le 7 juin 2023, le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant du canton de Genève a désigné C.________ en qualité de curateur de représentation de la mineure aux fins de la représenter dans la procédure pénale pendante devant le Ministère public, vu le conflit d'intérêts pouvant exister dans ce contexte vis-à-vis de ses parents. 
La Chambre de surveillance de la Cour de justice du canton de Genève a, par décision du 24 novembre 2023, expédiée le 28 suivant, rejeté le recours formé par la mère contre ce prononcé. 
 
C.  
Par acte posté le 15 janvier 2024, A.________ exerce un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre la décision du 24 novembre 2023. Elle conclut principalement à ce qu'il soit dit que les conditions pour nommer un curateur de représentation de sa fille dans la procédure pénale concernée ne sont pas données. Subsidiairement, elle sollicite le renvoi de la cause à la Chambre de surveillance pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
Des observations sur le fond n'ont pas été requises. 
 
D.  
Par ordonnance présidentielle du 12 février 2024, l'effet suspensif a été attribué au recours. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
La décision entreprise, qui rejette un recours interjeté contre une ordonnance désignant un curateur à l'enfant, fondée sur l'art. 306 al. 2 CC, aux fins de le représenter dans la procédure pénale dirigée contre son père, constitue une décision finale au sens de l'art. 90 LTF (arrêt 5A_598/2018 du 20 août 2018 consid. 1; cf. aussi: arrêts 5A_939/2013 du 5 mars 2014 consid.1.1; 5A_593/2011 du 10 février 2012 consid. 1 et les références). Le recours a de plus été déposé en temps utile (art. 46 al. 1 let. c et 100 al. 1 LTF) et dans la forme légale (art. 42 al. 1 LTF) à l'encontre d'une décision de nature non pécuniaire rendue dans le domaine de la protection de l'enfant (art. 72 al. 2 ch. 6 LTF), par un tribunal supérieur statuant en dernière instance cantonale et sur recours (art. 75 LTF). La recourante a en outre qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF). 
 
2.  
 
2.1. Le recours en matière civile peut être formé pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 s. LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Cela étant, eu égard à l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, il n'examine en principe que les griefs soulevés (ATF 142 III 364 consid. 2.4 et les références). Le recourant doit par conséquent discuter les motifs de la décision entreprise et indiquer précisément en quoi il estime que l'autorité précédente a méconnu le droit (ATF 142 I 99 consid. 1.7.1; 142 III 364 consid. 2.4 et la référence). Le Tribunal fédéral ne connaît par ailleurs de la violation de droits fondamentaux que si un tel grief a été expressément invoqué et motivé de façon claire et détaillée par le recourant ("principe d'allégation", art. 106 al. 2 LTF; ATF 146 IV 114 consid. 2.1; 144 II 313 consid. 5.1).  
 
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si ceux-ci ont été constatés de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). Le recourant qui soutient que les faits ont été établis d'une manière manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 144 II 246 consid. 6.7; 143 I 310 consid. 2.2 et la référence), doit satisfaire au principe d'allégation susmentionné (art. 106 al. 2 LTF; cf. supra consid. 2.1), étant rappelé que l'appréciation des preuves ne se révèle arbitraire que si le juge n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, s'il a omis, sans raison sérieuse, de tenir compte d'une preuve propre à modifier la décision attaquée ou encore si, sur la base des éléments recueillis, il a effectué des déductions insoutenables (ATF 147 V 35 consid. 4.2; 143 IV 500 consid. 1.1 et la référence). Une critique des faits qui ne satisfait pas à cette exigence est irrecevable (ATF 145 IV 154 consid. 1.1).  
En l'espèce, la recourante considère que l'état de fait cantonal devrait être complété par "trois éléments importants" qui, "[o]utre la crédibilité des propos de D.________ (...) mettent en évidence que la procédure pénale ne repose pas seulement sur [s]a plainte [pénale]". Une telle motivation ne respecte pas les réquisits susmentionnés, dans la mesure où on ne voit pas en quoi les faits que la recourante entend voir pris en compte influeraient concrètement sur le résultat de la cause (cf. infra consid. 3.4). Le Tribunal de céans s'en tiendra donc aux faits constatés par la cour cantonale. 
 
3.  
La recourante se plaint d'une violation de l'art. 306 al. 2 CC ainsi que d'arbitraire (art. 9 Cst.), considérant que les conditions pour désigner un curateur de représentation à sa fille ne sont pas réunies. 
 
3.1. L'art. 306 al. 2 CC prévoit notamment que, si, dans une affaire, les intérêts des père et mère entrent en conflit avec ceux de l'enfant, l'autorité de protection de l'enfant nomme un curateur ou prend elle-même les mesures nécessaires.  
Pour qu'il y ait conflit d'intérêts, il suffit qu'il existe un risque de mise en danger des intérêts du mineur (mise en danger "abstraite"; ATF 118 II 101 consid. 4; 107 II 105 consid. 4; arrêts 5A_706/2017 du 12 février 2018 consid. 6.3; 5A_111/2015 du 20 octobre 2015 consid. 3.3; 5A_743/2009 du 4 mars 2010 consid. 2.2, publié in RNRF 2011 p. 323; 5C.84/2004 du 2 septembre 2004 consid. 2.1, publié in FamPra.ch 2005 p. 198; STEINAUER/FOUNTOULAKIS, Droit des personnes physiques et de la protection de l'adulte, 2014, n° 1239 p. 550). La désignation d'un curateur se justifie ainsi dans tous les cas où les intérêts du mineur sont concrètement ou abstraitement en opposition avec ceux du représentant légal, à moins que l'urgence ou la simplicité de l'affaire ne permettent à l'autorité de protection d'agir directement (art. 392 ch. 1 CC par renvoi de l'art. 314 al. 1 CC; GUILLAUME CHOFFAT, Panorama sur les curatelles de protection du mineur et les mesures de protection moins incisives, in Revue de l'avocat 2017, p. 411 ss, p. 419; MEIER/STETTLER, Droit de la filiation, 6ème éd. 2019, n° 1225-1226 p. 807 s.). 
 
En principe, un conflit d'intérêts doit toujours être admis lorsque le représentant a des intérêts propres dans l'affaire, indépendamment du fait que, dans le cas concret, ils sont ou non en contradiction avec ceux du représenté (THOMAS GEISER, in Commentaire du droit de la famille [CommFam], Protection de l'adulte, 2013, n° 27 ad art. 365 CC). En particulier, l'institution d'une curatelle est nécessaire lorsque les intérêts du détenteur de l'autorité parentale ne sont pas parallèles avec ceux des enfants (arrêt 5C.84/2004 précité consid. 2.1 et les références). Il est donc sans importance, du point de vue juridique, de savoir dans quelle mesure le représentant légal avait à coeur de sauvegarder les intérêts du représenté (ATF 118 II 101 consid. 4c). 
Le conflit d'intérêts sera direct si une affaire met en présence le mineur et son représentant légal, ce qui est notamment le cas du partage successoral, de l'action de l'enfant en désaveu ou de la représentation de celui-ci dans une procédure pénale contre un de ses parents (STEINAUER/FOUNTOULAKIS, op. cit., n° 1241 p. 550; MEIER/STETTLER, op. cit., n° 538 p. 369; CHOFFAT, op. cit., loc. cit). 
L'existence d'un conflit d'intérêts entraîne l'extinction du pouvoir de représentation du parent (art. 306 al. 3 CC; arrêts 7B_621/2024 du 22 juillet 2024 consid. 1.3; 7B_330/2024 du 25 avril 2024 consid. 2.3.1; 5A_382/2021 du 20 avril 2022 consid. 3.3, non publié in ATF 148 III 353). Le curateur se substitue au représentant légal et agit en ses lieu et place, son rôle étant limité aux affaires pour lesquelles il existe un empêchement ou un conflit d'intérêts. 
 
3.2. Selon la cour cantonale, le Tribunal de protection avait considéré à juste titre qu'il existait un potentiel conflit d'intérêts entre les parents et l'enfant dans la procédure pénale ouverte contre le père de celui-ci. Les parents soutenaient en effet une position diamétralement opposée, le père contestant l'ensemble des faits qui lui étaient reprochés par la mère, laquelle était absolument persuadée de la réalisation, du point de vue du droit pénal, des actes qu'elle avait dénoncés. Cette situation justifiait déjà pleinement que la mineure soit représentée par un curateur indépendant, capable de défendre ses intérêts propres. De plus, les parents s'affrontaient dans une procédure civile dont l'enjeu principal était la garde des enfants et les relations personnelles. Vu ces procédures ouvertes parallèlement, le conflit d'intérêts virtuel était manifeste. Le Tribunal de protection avait par conséquent désigné à bon droit un curateur chargé de représenter la mineure dans la procédure pénale dirigée contre son père, lequel curateur serait à même de défendre les intérêts de l'enfant en toute objectivité et sans affect particulier.  
 
3.3. La recourante expose que c'est à regret qu'elle a déposé pénale contre son mari et engagé une procédure de mesures protectrices de l'union conjugale. En effet, elle aurait préféré, pour le bien de sa fille, qu'il ne se soit rien passé, que sa famille ne soit pas " explosée ", que les enfants aient de bons contacts avec leur père et que son couple ait perduré. Elle ajoute qu'auparavant, elle n'avait jamais eu l'intention de se séparer de son mari, d'autant plus que leur fils, qu'ils avaient tous deux désiré, était né en décembre 2021.  
Selon la recourante, elle n'aurait aucun intérêt divergent de celui de sa fille, ne tirant aucun " gain secondaire " ni avantage des révélations de celle-ci et ayant au contraire tout perdu, sans compter les souffrances subies par l'enfant. Elle rappelle que la mineure a également fait des révélations à la crèche, qui les a trouvées inquiétantes et a adressé un signalement au Service de protection des mineurs (SPMi), lequel a considéré que la situation était suffisamment grave pour effectuer une dénonciation à la police. Le Tribunal de première instance avait aussi pris la situation au sérieux, puisqu'il lui avait accordé la garde exclusive des enfants et réservé au père un droit de visite limité à une heure par semaine, auprès de Therapea; des mesures d'éloignement avaient de plus été prescrites. Or, l'intimé n'avait pas contesté cette ordonnance. La recourante affirme encore qu'elle a sollicité la garde exclusive des enfants dans le seul but de les protéger et que si un conflit d'intérêts était avéré, on ne comprenait pas pourquoi la décision de nomination d'un curateur n'avait été prise que le 7 juin 2023, soit cinq mois après le dépôt de sa plainte pénale. 
 
3.4. Une telle argumentation, purement appellatoire, laisse intacte la motivation de la cour cantonale, au demeurant en rien contraire au droit fédéral, ni arbitraire sur le plan des faits. La recourante perd complètement de vue qu'une curatelle est instituée dès que les intérêts de l'enfant sont mis en danger de façon abstraite. En d'autres termes, pour que l'appréciation de l'autorité précédente apparaisse conforme au droit fédéral, il suffit que l'existence d'un conflit d'intérêts ne soit pas exclue. Or tel est bien le cas en l'espèce, pour les motifs pertinents de l'arrêt entrepris, que le Tribunal de céans fait entièrement siens. Il s'ensuit que les juges précédents ont confirmé à juste titre la désignation d'un curateur à la mineure pour la représenter dans la procédure pénale diligentée contre son père. À toutes fins utiles, il sera relevé que les compétences parentales de la recourante et son souci exprimé de préserver au mieux les intérêts de ses enfants ne sont ici nullement en cause, contrairement à ce qu'elle semble soutenir.  
 
4.  
En définitive, le recours se révèle mal fondé et doit être rejeté, dans la mesure de sa recevabilité. Les frais judiciaires sont mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). Des réponses sur le fond n'ayant pas été requises, il n'y a pas lieu d'allouer de dépens à l'intimé, qui a conclu au rejet de la requête d'effet suspensif, alors que celui-ci a été accordé, ni d'indemnité au curateur, qui s'en est rapporté à justice s'agissant de l'effet suspensif. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant et à la Chambre de surveillance de la Cour de justice du canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 5 juillet 2024 
 
Au nom de la IIe Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Herrmann 
 
La Greffière : Mairot