Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
4A_136/2024
Arrêt du 5 septembre 2024
I
Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux
Jametti, présidente, Hohl, Kiss, Rüedi et May Canellas.
Greffier: M. O. Carruzzo.
Participants à la procédure
A.________,
représentée par Me Blaise Stucki, avocat,
recourante,
contre
1. Russian Anti-Doping Agency,
2. International Skating Union,
représentée par Me Pierre Kobel, avocat,
3. Agence Mondiale Antidopage,
représentée par Mes Nicolas Zbinden, Adam Taylor et Anton Sotir, avocats,
intimées.
Objet
arbitrage international en matière de sport,
recours contre la sentence rendue le 29 janvier 2024 par le Tribunal Arbitral du Sport (CAS 2023/A/9451, CAS 2023/A/9455 et CAS 2023/A/9456).
Faits :
A.
A.a. Née en avril 2006, A.________ (ci-après: l'athlète) est une patineuse artistique russe de niveau international, domiciliée à Moscou, qui a remporté plusieurs compétitions dans sa discipline.
International Skating Union (ci-après: l'ISU) est la fédération internationale de patinage artistique. Elle a son siège à Lausanne.
L'Agence Mondiale Antidopage (ci-après: l'AMA) est une fondation de droit suisse ayant son siège à Lausanne. Elle a notamment pour but de promouvoir, au niveau international, la lutte contre le dopage dans le sport. L'AMA a édicté le Code Mondial Antidopage (ci-après: le CMA).
La Russian Anti-Doping Center Agency (ci-après: RUSADA) est l'agence russe de lutte contre le dopage. Elle est chargée de la mise en oeuvre du Règlement antidopage russe ("All Russian Anti-Doping Rules"; ci-après: le RAR), lequel a été promulgué sur ordre du Ministère russe des sports en juin 2021.
A.b. Le 22 décembre 2021, l'athlète a pris le train à destination de Saint-Pétersbourg, en compagnie de sa mère, en vue de participer aux championnats russes de patinage artistique.
Le soir du 25 décembre 2021, l'athlète, alors âgée de 15 ans et 8 mois, a remporté le programme libre lors de ladite compétition. A l'issue de sa prestation, elle a fait l'objet d'un contrôle antidopage. Les échantillons prélevés ont été transmis pour analyse au laboratoire de Stockholm accrédité par l'AMA.
A.c. Les Jeux Olympiques d'hiver organisés à Pékin ont débuté le 4 février 2022.
En date des 6 et 7 février 2022, l'athlète et ses coéquipières russes ont obtenu la médaille d'or lors de l'épreuve par équipe de patinage artistique.
En raison du retard pris par le laboratoire de Stockholm lors de l'analyse des échantillons prélevés, RUSADA a informé l'athlète, le 8 février 2022, que le test antidopage subi par elle en décembre 2021 avait révélé la présence de trimétazidine, une substance non spécifiée proscrite selon la Liste des interdictions publiée par l'AMA. Elle a suspendu provisoirement l'athlète sur la base de l'art. 9.4.1 RAR et lui a signalé qu'elle pouvait contester ladite décision auprès de la Commission disciplinaire de RUSADA ("Russian Disciplinary Anti-Doping Committee"; ci-après: la DADC).
Par décision du 9 février 2022, la DADC a décidé de lever la suspension provisoire de l'athlète.
L'AMA, l'ISU et le Comité International Olympique (ci-après: le CIO) ont attaqué cette décision devant la Chambre ad hoc du Tribunal Arbitral du Sport (TAS) mise sur pied lors des Jeux Olympiques de Pékin 2022.
La formation de la Chambre ad hoc, composée de trois arbitres, a tenu une audience accélérée par visioconférence le 13 février 2022. Au cours de la procédure, l'athlète a contesté la compétence de la Chambre ad hoc du TAS en indiquant notamment ce qui suit:
"[a]lthough Article 15.2 Russian ADR [RAR] provides that 'a decision to apply or lift a provisional suspension based on a preliminary hearing' can be appealed before CAS, there is no provision in the Russian ADR granting jurisdiction to the CAS Ad Hoc Division; therefore the CAS Appeals Division should be the competent body".
Statuant le 14 février 2022, la Chambre ad hoc du TAS, après avoir admis sa compétence pour connaître du litige, a refusé de suspendre provisoirement l'athlète. Celle-ci a ainsi pu participer à l'épreuve individuelle de patinage artistique lors des Jeux Olympiques de Pékin 2022, au terme de laquelle elle a terminé à la quatrième place.
A.d. Le 17 mars 2022, sur requête de l'athlète, le laboratoire de Stockholm a analysé l'échantillon B prélevé en décembre 2021, lequel a confirmé la présence de trimétazidine.
Le 22 septembre 2022, après avoir mené des investigations et recueilli les explications de l'athlète, RUSADA a officiellement reproché à l'intéressée d'avoir enfreint le RAR.
Après avoir tenu une audience le 14 décembre 2022, la DADC a rendu sa décision le 24 janvier 2023. Elle a renoncé à suspendre l'athlète et à annuler les résultats obtenus par elle lors des Jeux Olympiques de Pékin 2022.
B.
B.a. En date des 14, 20 et 21 février 2023, RUSADA, l'ISU et l'AMA ont chacune appelé de cette décision auprès de la Chambre arbitrale d'appel du TAS.
La jonction des trois procédures a été ordonnée par le TAS le 1er mars 2023.
L'athlète a excipé de l'incompétence du TAS.
La Formation désignée par le TAS, composée de trois arbitres, a tenu audience à Lausanne du 26 au 28 septembre 2023. Elle a suspendu celle-ci en vue d'obtenir des documents supplémentaires avant de poursuivre l'audience en date des 9 et 10 novembre 2023.
B.b. Par sentence finale du 29 janvier 2024, la Formation a annulé la décision entreprise. Cela fait, elle a reconnu l'athlète coupable d'avoir enfreint la réglementation antidopage, a prononcé sa suspension pour une durée de quatre ans à compter du 25 décembre 2021 et a ordonné la disqualification de tous les résultats obtenus par l'intéressée depuis cette date-là. Les motifs qui sous-tendent cette décision peuvent être résumés comme il suit.
Après avoir exposé les faits pertinents à ses yeux, décrit la procédure conduite sous son autorité, présenté les positions respectives des parties, examiné sa compétence pour connaître de la présente affaire et réglé certains aspects d'ordre procédural (sentence, n. 11-320), la Formation passe à l'examen des mérites des arguments qui lui ont été soumis (sentence, n. 321-420). Elle relève tout d'abord que l'existence d'une violation des règles antidopage est établie (sentence, n. 322328). Soulignant que les dispositions du RAR doivent être interprétées de manière conforme au CMA, elle note que l'athlète revêt le statut de "personne protégée" au sens du RAR et du CMA, étant donné qu'elle n'avait pas atteint l'âge de seize ans au moment des faits reprochés, ce qui signifie que, dans certaines situations mais pas toutes, l'intéressée doit être traitée différemment des autres sportifs. Selon les arbitres, un sportif ne peut pas bénéficier du régime prévu par les art. 12.5 RAR et 10.5 CMA (élimination de la période de suspension en l'absence de faute ou de négligence), d'une part, et par les 12.6 RAR et 10.6 CMA (réduction de la période de suspension pour cause d'absence de faute ou de négligence significative), d'autre part, aussi longtemps qu'il n'a pas établi que la violation des règles antidopage n'était pas intentionnelle, la notion d'intention visant ici les sportifs qui ont adopté un comportement dont ils savaient qu'il constituait une violation des règles antidopage ou qu'il existait un risque important qu'il puisse constituer ou entraîner une violation des règles antidopage, et ont manifestement ignoré ce risque (sentence, n. 329342).
Constatant qu'une substance non spécifiée a été retrouvée dans l'organisme de l'athlète, la Formation précise que celle-ci risque une suspension d'une durée de quatre ans, à moins qu'elle n'établisse, au degré de preuve requis ("balance of probabilities"), que la violation des règles antidopage n'était pas intentionnelle. Elle insiste aussi sur le fait qu'il n'y a pas lieu de traiter différemment une personne protégée des autres sportifs lorsqu'il s'agit d'examiner si elle a enfreint intentionnellement les règles antidopage. La Formation observe que l'athlète a évoqué initialement trois scénarios possibles pour expliquer la présence de trimétazidine dans son organisme: la thèse d'un "sabotage", la piste d'un médicament/complément alimentaire contaminé et, enfin, l'hypothèse d'un dessert aux fraises contenant la substance interdite que lui aurait concocté celui qu'elle considère comme son grand-père bien qu'ils n'aient aucun lien biologique, cette dernière option étant la plus probable selon l'intéressée (sentence, n. 343-367). Après avoir examiné attentivement la justification principale avancée par l'intéressée, elle estime qu'il existe trop de lacunes et de questions sans réponse pour que la thèse de l'athlète soit jugée plus probable qu'improbable. S'il est certes possible que celle-ci ait ingéré la substance interdite de cette manière, elle considère que l'athlète n'a pas établi, selon la prépondérance des probabilités, que l'origine de la substance interdite retrouvée dans son organisme était effectivement le dessert aux fraises préparé par son grand-père (sentence, n. 368-373). Passant ensuite en revue les autres explications fournies par l'intéressée, la Formation estime que celle-ci a échoué à démontrer, au degré de preuve requis, que la violation des règles antidopage n'était pas intentionnelle, raison pour laquelle elle doit être suspendue pour une durée de quatre ans, d'éventuelles réductions de la durée de la sanction n'entrant pas en ligne de compte (sentence, n. 374-403). Tenant compte des retards dans la conduite de la procédure antidopage non imputables à l'athlète, elle juge qu'il y a lieu, exceptionnellement, de faire débuter la période de suspension à la date du prélèvement de l'échantillon, soit le 25 décembre 2021 (sentence, n. 404-410). Au surplus, tous les résultats obtenus par l'athlète à compter de cette date doivent être disqualifiés (sentence, n. 411-420).
En guise de conclusion, la Formation souligne que la sanction infligée à une athlète âgée de quinze ans au moment des faits litigieux peut paraître sévère. La durée de la suspension correspond toutefois à celle prévue par le RAR et le CMA. Elle observe en outre que la jurisprudence du TAS est clairement hostile à ce que le principe de proportionnalité puisse conduire à réduire davantage la durée minimale de la suspension d'un sportif prévue par le CMA. Dans ces circonstances, elle estime, à la majorité de ses membres, que, si une protection accrue des jeunes athlètes s'avère nécessaire, il incombe aux organes chargés d'édicter les règles antidopage de modifier celles-ci (sentence, n. 421-425).
C.
Le 28 février 2024, l'athlète (ci-après: la recourante) a formé un recours en matière civile aux fins de faire constater la nullité de la sentence querellée, respectivement d'obtenir son annulation.
En tête de sa réponse, l'ISU (ci-après: la fédération intimée) a conclu au déboutement de la recourante.
L'AMA (ci-après: la fondation intimée) a proposé le rejet du recours.
Dans sa réponse, le TAS a indiqué que la sentence attaquée traitait déjà des griefs articulés par la recourante, raison pour laquelle le dépôt d'observations n'était pas nécessaire.
RUSADA n'a pas répondu au recours.
La recourante a répliqué suscitant le dépôt d'une duplique de la part de la fédération intimée et de la fondation intimée.
Considérant en droit :
1.
D'après l'art. 54 al. 1 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le Tribunal fédéral rédige son arrêt dans une langue officielle, en règle générale dans la langue de la décision attaquée. Lorsque cette décision a été rendue dans une autre langue (ici l'anglais), il utilise la langue officielle choisie par les parties. Devant le TAS, celles-ci se sont servies de l'anglais, tandis que, dans les mémoires qu'elles ont adressés au Tribunal fédéral, les parties ont employé le français respectant ainsi l'art. 42 al. 1 LTF en liaison avec l'art. 70 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse (Cst.; RS 101; ATF 142 III 521 consid. 1). Conformément à sa pratique, le Tribunal fédéral rendra, par conséquent, son arrêt en français.
2.
Le recours en matière civile est recevable contre les sentences touchant l'arbitrage international aux conditions fixées par les art. 190 à 192 de la loi fédérale sur le droit international privé du 18 décembre 1987 (LDIP; RS 291), conformément à l'art. 77 al. 1 let. a LTF.
Le siège du TAS se trouve à Lausanne. L'une des parties au moins n'avait pas son domicile en Suisse au moment déterminant. Les dispositions du chapitre 12 de la LDIP sont donc applicables (art. 176 al. 1 LDIP).
3.
Qu'il s'agisse de l'objet du recours, de la qualité pour recourir, du délai de recours ou des conclusions prises par la recourante, aucune de ces conditions de recevabilité ne fait problème en l'espèce. Rien ne s'oppose, dès lors, à l'entrée en matière. Demeure réservé l'examen de la recevabilité, sous l'angle de leur motivation, des moyens invoqués par l'intéressée.
4.
4.1. Le recours en matière d'arbitrage international ne peut être formé que pour l'un des motifs énumérés de manière exhaustive à l'art. 190 al. 2 LDIP. Le Tribunal fédéral n'examine que les griefs qui ont été invoqués et motivés conformément à l'art. 77 al. 3 LTF. Cette disposition institue le principe d'allégation (
Rügeprinzip) et consacre une obligation analogue à celle que prévoit l'art. 106 al. 2 LTF pour le grief tiré de la violation de droits fondamentaux ou de dispositions de droit cantonal et intercantonal (ATF 134 III 186 consid. 5). Les exigences de motivation du recours en matière d'arbitrage sont accrues. La partie recourante doit donc invoquer l'un des motifs de recours énoncés limitativement et montrer par une argumentation précise, en partant de la sentence attaquée, en quoi le motif invoqué justifie l'admission du recours (arrêt 4A_244/2023 du 3 avril 2024 consid. 4.1 destiné à la publication et les références citées). Les critiques appellatoires sont irrecevables (arrêt 4A_65/2018 du 11 décembre 2018 consid. 2.2).
4.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits constatés dans la sentence attaquée (cf. art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut rectifier ou compléter d'office les constatations des arbitres, même si les faits ont été établis de manière manifestement inexacte ou en violation du droit (cf. l'art. 77 al. 2 LTF qui exclut l'application de l'art. 105 al. 2 LTF). Les constatations du tribunal arbitral quant au déroulement de la procédure lient aussi le Tribunal fédéral, qu'elles aient trait aux conclusions des parties, aux faits allégués ou aux explications juridiques données par ces dernières, aux déclarations faites en cours de procès, aux réquisitions de preuves, voire au contenu d'un témoignage ou d'une expertise ou encore aux informations recueillies lors d'une inspection oculaire (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 et les références citées; arrêts 4A_54/2019 du 11 avril 2019 consid. 2.4; 4A_322/2015 du 27 juin 2016 consid. 3 et les références citées).
La mission du Tribunal fédéral, lorsqu'il est saisi d'un recours en matière civile visant une sentence arbitrale internationale, ne consiste pas à statuer avec une pleine cognition, à l'instar d'une juridiction d'appel, mais uniquement à examiner si les griefs recevables formulés à l'encontre de ladite sentence sont fondés ou non. Permettre aux parties d'alléguer d'autres faits que ceux qui ont été constatés par le tribunal arbitral, en dehors des cas exceptionnels réservés par la jurisprudence, ne serait plus compatible avec une telle mission, ces faits fussent-ils établis par les éléments de preuve figurant au dossier de l'arbitrage (arrêt 4A_140/2022 du 22 août 2022 consid. 4.2). Cependant, le Tribunal fédéral conserve la faculté de revoir l'état de fait à la base de la sentence attaquée si l'un des griefs mentionnés à l'art. 190 al. 2 LDIP est soulevé à l'encontre dudit état de fait ou que des faits ou des moyens de preuve nouveaux sont exceptionnellement pris en considération dans le cadre de la procédure du recours en matière civile (ATF 138 III 29 consid. 2.2.1 et les références citées).
5.
Dans un premier moyen, la recourante, invoquant l'art. 190 al. 2 let. b LDIP, prétend que le TAS a admis, à tort, sa compétence pour connaître de la présente affaire.
5.1. Saisi du grief d'incompétence, le Tribunal fédéral examine librement les questions de droit, y compris les questions préalables, qui déterminent la compétence ou l'incompétence du tribunal arbitral (ATF 146 III 142 consid. 3.4.1; 133 III 139 consid. 5; arrêt 4A_618/2019 du 17 septembre 2020 consid. 4.1). Il ne revoit cependant l'état de fait à la base de la sentence attaquée - même s'il s'agit de la question de la compétence - que si l'un des griefs mentionnés à l'art. 190 al. 2 LDIP est soulevé à l'encontre dudit état de fait ou que des faits ou des moyens de preuve nouveaux (cf. art. 99 al. 1 LTF) sont exceptionnellement pris en considération dans le cadre de la procédure du recours en matière civile (ATF 144 III 559 consid. 4.1; 142 III 220 consid. 3.1; 140 III 477 consid. 3.1).
Selon l'art. R47 du Code de l'arbitrage en matière de sport (édition 2023; ci-après: le Code), un appel contre une décision d'une fédération, association ou autre organisme sportif peut être déposé au TAS si les statuts ou règlements dudit organisme sportif le prévoient ou si les parties ont conclu une convention d'arbitrage particulière et dans la mesure aussi où la partie appelante a épuisé les voies de droit préalables à l'appel dont elle dispose en vertu des statuts ou règlements dudit organisme sportif.
5.2. Dans la sentence attaquée, la Formation, se référant à l'art. 15.2 RAR, constate que la décision prise par la DADC concernant une éventuelle infraction aux règles antidopage commise par une athlète de niveau international peut être contestée exclusivement auprès du TAS. Elle souligne qu'il n'est pas contesté que la DADC est un "organisme sportif" au sens de l'art. R47 du Code et que la recourante est une sportive de niveau international. Selon les arbitres, l'art. 15.2 RAR, qui prévoit une forme d'arbitrage forcé, est valide au regard de l'art. 178 al. 2 LDIP. Ladite réglementation a été valablement édictée par le pouvoir exécutif russe sur la base d'une clause de délégation ancrée dans une loi au sens formel adoptée par le législateur russe. La Formation estime que l'art.15.2 RAR constitue une
lex specialis par rapport à l'art. 22.1 du Code de procédure civile russe, lequel dispose que les litiges découlant de relations civiles ainsi que les conflits de travail impliquant des athlètes professionnels et des autres sportifs de haut niveau peuvent être soumis à l'arbitrage s'il existe une convention d'arbitrage valide entre les parties. Elle observe également que l'État russe a ratifié, en 2006, la Convention internationale de l'UNESCO contre le dopage dans le sport, dans laquelle il s'est expressément engagé à respecter les principes énoncés dans le CMA, parmi lesquels figure notamment la reconnaissance d'une voie d'appel exclusive auprès du TAS dans les litiges impliquant des athlètes de niveau international. Poursuivant son analyse, la Formation, se référant à l'arrêt rendu le 2 octobre 2018 par la Cour européenne des droits de l'homme (ci-après: la CourEDH) dans l'affaire Mutu et Pechstein contre la Suisse et à la jurisprudence du Tribunal fédéral (arrêt 4A_600/2020 du 27 janvier 2021), estime que l'arbitrage forcé prévu à l'art. 15.2 RAR est admissible, dans la mesure où le tribunal arbitral offre les garanties prévues par l'art. 6 par. 1 de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH; RS 0.101), en particulier celles d'indépendance et d'impartialité, ce qui est le cas du TAS. Elle constate, en outre, que la recourante a précédemment reconnu, devant la Chambre ad hoc du TAS, que l'art. 15.2 RAR constitue une clause attributive de compétence en faveur de la Chambre arbitrale d'appel du TAS. Indépendamment de ce qui précède, les arbitres estiment, par surabondance, que la recourante a, dans les faits, consenti à l'arbitrage auprès du TAS, étant donné qu'une athlète qui prend part au sport de compétition accepte les règles conditionnant sa participation aux épreuves en question et consent ainsi, de manière implicite, aux diverses normes prévues par la réglementation antidopage y relative, laquelle inclut la clause d'arbitrage au profit du TAS. Par conséquent, l'athlète concernée, compte tenu de sa participation à une compétition d'élite, est liée par les dispositions relatives à l'arbitrage forcé énoncées à l'art. 15.2 RAR (sentence, n. 274-300).
5.3. Dans ses écritures, la recourante soutient, en substance, qu'elle n'a pas consenti à la clause d'arbitrage en faveur du TAS prévue à l'art. 15.2 RAR, raison pour laquelle la Formation aurait dû se déclarer incompétente. A son avis, il convient d'opérer une distinction entre la situation dans laquelle un sportif exprime son consentement à l'arbitrage mais ne le fait pas librement et celle où il y a une absence pure et simple de toute forme de consentement. Selon la recourante, les considérations émises par la CourEDH dans l'arrêt Mutu et Pechstein contre la Suisse ne seraient pas pertinentes ici, dans la mesure où lesdits athlètes avaient tous deux signé des documents dans lesquels ils consentaient à l'arbitrage, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. L'intéressée relève également que le site internet du TAS indique qu'il est important que les athlètes acceptent par écrit les clauses attributives de compétence en faveur du TAS. Elle estime, par ailleurs, que l'art. 15.2 RAR ne saurait l'emporter sur l'art. 22 du Code de procédure civile russe, ce dernier occupant un rang supérieur du point de vue de la hiérarchie des normes. Elle réfute aussi la thèse selon laquelle elle aurait exprimé son consentement à l'arbitrage à l'occasion de la procédure conduite devant la Chambre ad hoc du TAS durant les Jeux Olympiques de Pékin 2022. La recourante fait encore valoir que son consentement à l'arbitrage ne saurait être déduit uniquement de sa seule participation aux compétitions sportives. N'ayant jamais exprimé son consentement par écrit à la clause d'arbitrage prévue à l'art. 15.2 RAR ni signé de document faisant référence à cette disposition, elle est d'avis que le TAS aurait dû décliner sa compétence.
5.4. Semblable argumentation n'emporte pas la conviction de la Cour de céans.
5.4.1. On peut s'interroger sur le point de savoir si, comme le soutient la recourante, il convient d'opérer une distinction entre la situation dans laquelle un athlète n'a jamais formellement consenti à une clause d'arbitrage prévue par une loi au sens matériel et celle où un sportif a signé un document prévoyant directement ou indirectement la compétence du TAS, sans avoir d'autre choix. Selon la jurisprudence de la CourEDH, un arbitrage forcé, c'est-à-dire un arbitrage imposé par la loi, est en principe valable pour autant que le tribunal arbitral offre les garanties prévues par l'art. 6 par. 1 CEDH (arrêt Mutu et Pechstein contre Suisse, § 95 et 114 s.). La CourEDH a aussi considéré que le TAS a les apparences d'un tribunal établi par la loi et qu'il est véritablement indépendant et impartial (arrêt Mutu et Pechstein contre Suisse, § 149 et 159), ce qu'elle a du reste confirmé ultérieurement (arrêt Michel Platini contre Suisse du 11 février 2020, § 65). On relèvera, par ailleurs, que le nouvel art. 178 al. 4 LDIP, entré en vigueur le 1er janvier 2021, prévoit que les dispositions du chapitre 12 LDIP s'appliquent par analogie à une clause d'arbitrage prévue dans un acte juridique unilatéral ou des statuts, ce qui a conduit certains auteurs à soutenir que des athlètes pourraient être liés par une clause d'arbitrage figurant dans les statuts d'une fédération sportive dont ils sont, directement ou indirectement membres, quand bien même ils n'auraient pas signé de formulaire d'adhésion à de tels statuts (TSCHANZ/SPOORENBERG, Chronique de jurisprudence arbitrale, in Revue de l'arbitrage 2021 p. 1237 s.). Point n'est toutefois besoin de pousser plus avant l'examen de cette problématique pour les motifs qui vont suivre.
5.4.2. Selon la jurisprudence, un comportement donné peut, suivant les circonstances, suppléer, en vertu des règles de la bonne foi, à l'observation d'une prescription de forme (ATF 129 III 727 consid. 5.3.1; 121 III 38 consid. 3). Ainsi, le problème se déplacera bien souvent de la forme de la convention d'arbitrage au consentement, question de fond au sens de l'art. 178 al. 2 LDIP (arrêts 4A_174/2021 du 19 juillet 2021 consid. 5.2.2; 4A_548/2009 du 20 janvier 2010 consid. 4.1 et la référence citée). Même lorsqu'il n'a pas signé de document renvoyant directement ou indirectement à une clause d'arbitrage en faveur du TAS, un athlète peut dès lors, suivant les circonstances, par son comportement, manifester son acceptation de la compétence du TAS.
Tel est le cas en l'espèce. En l'occurrence, l'art. 15.2 RAR, édicté par le Ministère des sports russe sur la base d'une loi adoptée par le pouvoir législatif russe, dispose que les décisions prises par la DADC concernant d'éventuelles infractions à la réglementation antidopage commises par des athlètes de niveau international peuvent être contestées uniquement auprès du TAS. La recourante connaissait la norme précitée puisqu'elle y a fait expressément référence lors de la procédure conduite devant la Chambre ad hoc du TAS au sujet de sa suspension provisoire en relation avec le même contrôle antidopage. En effet, l'athlète a notamment indiqué ce qui suit:
"[a]lthough Article 15.2 Russian ADR [RAR] provides that 'a decision to apply or lift a provisional suspension based on a preliminary hearing' can be appealed before CAS, there is no provision in the Russian ADR granting jurisdiction to the CAS Ad Hoc Division; therefore the CAS Appeals Division should be the competent body...
-. the expedited procedure before the CAS Ad Hoc Division does not allow sufficient time to safeguard the Athlete's due process rights; while the Athlete would have more possibilities to defend her case before the CAS Appeals Division (...) : 'Had the Applicants filed their applications before the CAS Appeals Arbitration Division, as they should have, A.________ would at least then have had the right to appoint an arbitrator and would have had sufficient time to prepare her defense, including by presenting medical science based detailed expert evidence' " (sentence, n. 296 s.; passages en caractère gras mis en évidence par la Cour de céans).
Bien qu'elle soutienne le contraire, en agissant comme elle l'a fait, la recourante a reconnu, par ses déclarations explicites mises en exergue ci-dessus, la compétence de la Chambre arbitrale d'appel du TAS pour connaître des décisions prises par la DADC la concernant en lien avec les faits qui lui étaient reprochés. La recourante a ainsi clairement manifesté le fait qu'elle s'estimait liée par la clause d'arbitrage insérée à l'art. 15.2 RAR. Sa tentative de minimiser, après coup, la portée des déclarations reproduites ci-dessus est ainsi vouée à l'échec.
En tout état de cause, force est de relever que la recourante adopte une attitude manifestement incompatible avec les règles de la bonne foi, dans la mesure où elle a affirmé, dans un premier temps, que son affaire aurait dû être soumise à la Chambre arbitrale d'appel du TAS, avant de dénier, dans un second temps, toute portée à l'art. 15.2 RAR aux fins de nier la compétence de ladite Chambre appelée à statuer sur la décision rendue sur le fond par la DADC dans la même affaire. Une telle attitude contradictoire ne mérite aucune protection.
6.
Dans un autre grief fondé lui aussi sur l'art. 190 al. 2 let. b LDIP, la recourante soutient que la Formation aurait rendu une sentence dans le cadre d'un litige qui ne serait pas arbitrable, ce qui entraînerait la nullité de la décision attaquée ou devrait, à tout le moins, conduire à son annulation. A en croire l'intéressée, les sanctions qui lui ont été infligées sur la base du droit public russe, et non d'une réglementation édictée par une fédération sportive de droit privé, revêtent un caractère "pénal", respectivement s'apparentent à des "sanctions administratives".
6.1. Tel qu'il est présenté, le grief ne saurait prospérer.
Selon la jurisprudence, l'exception d'inarbitrabilité du litige obéit à la même règle que l'exception d'incompétence. Partant, à l'instar de celle-ci, elle doit être soulevée préalablement à toute défense sur le fond sous peine de forclusion (ATF 143 III 578 consid. 3.2.2.1 et les références citées). Au considérant 3.2.2.1 de l'arrêt publié in ATF 143 III 578, le Tribunal fédéral a certes laissé indécise la question de savoir si le défaut d'arbitrabilité pouvait être constaté d'office par le tribunal arbitral. En l'occurrence, il n'est toutefois pas admissible, au regard des règles de la bonne foi procédurale et de l'ensemble des circonstances, que la recourante puisse soulever semblable moyen pour la première fois devant le Tribunal fédéral. Il faut en effet bien voir que l'intéressée n'a, à aucun moment durant la procédure d'arbitrage, prétendu que le litige ne serait pas arbitrable, mais s'est bornée à contester la compétence du TAS pour d'autres motifs. La recourante est ainsi malvenue de venir soutenir, pour la première fois devant le Tribunal fédéral, que la Formation aurait méconnu l'art. 177 al. 1 LDIP, étant donné qu'elle aurait pu et dû faire valoir pareille argumentation devant le TAS.
En tout état de cause, le simple fait que l'État russe a choisi, à l'instar d'autres pays tels que la France, de codifier dans son ordre juridique les principes du CMA sous la forme d'une loi au sens matériel ne saurait avoir pour effet de rendre un tel litige inarbitrable. Admettre le contraire reviendrait à mettre en péril le bon fonctionnement de l'arbitrage sportif mis en place pour lutter contre le fléau que constitue le dopage. La recourante ne peut pas davantage être suivie lorsqu'elle soutient que les sanctions présenteraient un caractère pénal ou s'apparenteraient à des sanctions administratives au motif qu'elles sont prévues dans une loi au sens matériel. Les mesures prononcées à l'encontre de l'athlète relèvent en effet du droit disciplinaire sportif, étant donné qu'elles se limitent à ce domaine-là et qu'elles ont uniquement pour effet d'interdire à l'intéressée de participer à des activités sportives durant une période déterminée et de la priver, pendant un certain laps de temps, de divers avantages financiers dont elle aurait pu bénéficier si elle n'avait pas enfreint la réglementation antidopage. Au vu de ce qui précède, la recourante, si tant est qu'elle ne soit pas forclose à soulever le moyen considéré devant le Tribunal fédéral, échoue à démontrer que le présent litige ne serait pas arbitrable.
7.
Dans un dernier moyen, la recourante soutient que la Formation aurait rendu une sentence incompatible avec l'ordre public matériel (art. 190 al. 2 let. e LDIP).
Avant d'examiner la recevabilité et, le cas échéant, le mérite des critiques formulées au soutien de ce moyen, il convient de rappeler ce que recouvre la notion d'ordre public matériel visée par la disposition susmentionnée.
7.1. Une sentence est incompatible avec l'ordre public matériel si elle méconnaît les valeurs essentielles et largement reconnues qui, selon les conceptions prévalant en Suisse, devraient constituer le fondement de tout ordre juridique (ATF 144 III 120 consid. 5.1; 132 III 389 consid. 2.2.3). Tel est le cas lorsqu'elle viole des principes fondamentaux du droit de fond au point de ne plus être conciliable avec l'ordre juridique et le système de valeurs déterminants (ATF 144 III 120 consid. 5.1). Qu'un motif retenu par un tribunal arbitral heurte l'ordre public n'est pas suffisant; c'est le résultat auquel la sentence aboutit qui doit être incompatible avec l'ordre public (ATF 144 III 120 consid. 5.1). L'incompatibilité de la sentence avec l'ordre public, visée à l'art. 190 al. 2 let. e LDIP, est une notion plus restrictive que celle d'arbitraire (ATF 144 III 120 consid. 5.1; arrêts 4A_318/2018 du 4 mars 2019 consid. 4.3.1; 4A_600/2016 du 29 juin 2017 consid. 1.1.4).
Pour juger si la sentence est compatible avec l'ordre public matériel, le Tribunal fédéral ne revoit pas à sa guise l'appréciation juridique à laquelle le tribunal arbitral s'est livré sur la base des faits constatés dans sa sentence. Seul importe, en effet, pour la décision à rendre sous l'angle de l'art. 190 al. 2 let. e LDIP, le point de savoir si le résultat de cette appréciation juridique faite souverainement par les arbitres est compatible ou non avec la définition jurisprudentielle de l'ordre public matériel (arrêt 4A_157/2017 du 14 décembre 2017 consid. 3.3.3).
7.2. En matière de sanctions infligées dans le domaine du sport, le Tribunal fédéral n'intervient à l'égard des décisions rendues en vertu d'un pouvoir d'appréciation que si elles aboutissent à un résultat manifestement injuste ou à une iniquité choquante (arrêts 4A_318/2018, précité, consid. 4.5.2; 4A_600/2016, précité, consid. 3.7.2). Dans l'affaire Platini où elle a été amenée à examiner la sanction infligée à ce dernier sous l'angle déjà restreint du grief d'arbitraire au sens de l'art. 393 let. e CPC, la Cour de céans a relevé que seule la mise en évidence d'une ou de plusieurs violations crasses de leur pouvoir d'appréciation par les arbitres, qui plus est à l'origine d'une sanction excessivement sévère, pourrait justifier l'intervention du Tribunal fédéral (arrêt 4A_600/2016, précité, consid. 3.7.2). Le pouvoir d'examen de la Cour de céans est encore plus limité
in casu, puisqu'il s'exerce dans le cadre du grief de contrariété à l'ordre public matériel, notion plus restrictive que celle d'arbitraire.
7.3. Selon la recourante, la Formation aurait indûment refusé de tenir compte de son jeune âge et de son statut de personne protégée au regard du RAR et du CMA lors de la fixation de la sanction prononcée à son encontre. L'intéressée fait aussi valoir que, dans l'avis de droit qu'il avait rédigé en 2019 sur le projet de révision du CMA, Jean-Paul Costa, ancien président de la CourEDH, avait indiqué qu'une infraction à la réglementation antidopage commise par une personne protégée, tel un enfant, constituait un facteur atténuant. Elle estime ainsi qu'il est nécessaire de ne pas traiter les enfants de la même manière que les adultes en matière de lutte antidopage. Elle relève en outre que de nombreux États ont adopté un système répressif opérant une distinction entre les prévenus majeurs et mineurs en matière pénale. La recourante critique ensuite l'interprétation donnée par les arbitres à certaines dispositions du RAR et soutient que le raisonnement tenu par la Formation est empreint de contradictions. En tout état de cause, elle estime que le fait de sanctionner une violation des règles antidopage commise par un enfant de la même manière que s'il s'agissait d'un adulte méconnaît la conception universelle selon laquelle les mineurs nécessitent une protection accrue exigeant un traitement différencié afin de tenir compte de leur responsabilité atténuée. La recourante insiste aussi sur le fait que la Formation n'a jamais conclu qu'elle était une tricheuse ni considéré qu'il était établi qu'elle avait enfreint intentionnellement le RAR. Elle rappelle également que la Formation a reconnu elle-même que la sanction infligée à une athlète âgée de 15 au moment de la violation des règles antidopage pouvait paraître sévère et disproportionnée.
7.4. Force est de relever d'emblée le caractère appellatoire marqué de l'argumentation présentée par la recourante. Celle-ci consacre, en effet, de nombreux développements visant à critiquer la manière dont les arbitres ont interprété les dispositions du RAR applicables en l'espèce. Ce faisant, l'intéressée confond derechef le Tribunal fédéral avec une cour d'appel dans la mesure où elle cherche à entraîner la Cour de céans sur le terrain de l'application du droit matériel et à l'inciter à contrôler librement l'application faite par les arbitres des normes topiques du RAR. Une telle démarche est inadmissible. La recourante le reconnaît du reste elle-même, à demi-mots, puisqu'elle indique, dans son mémoire de recours, que la "question de savoir si les arbitres ont mal appliqué le règlement antidopage russe ou si celui-ci comporte une lacune qu'ils auraient dû combler peut rester ouverte". En réalité, la seule question à résoudre ici est celle de savoir si la Formation, au regard de l'ensemble des circonstances de la cause en litige, a méconnu ou non l'ordre public matériel en infligeant à la recourante une suspension d'une durée de quatre ans et en disqualifiant tous les résultats obtenus par elle depuis l'infraction commise. Une réponse positive à cette question exige que le résultat auquel la sentence attaquée a abouti, et non pas déjà les motifs qui sous-tendent celle-ci, soit incompatible avec l'ordre public, ce qui signifie que la sanction infligée doit être manifestement injuste dans son résultat ou conduire à une iniquité choquante.
Tel n'est clairement pas le cas ici. Les critiques formulées par la recourante, considérées à la lumière du pouvoir d'examen restreint dont jouit la Cour de céans, ne révèlent aucune contrariété à l'ordre public matériel. A la lecture de la sentence entreprise, il appert en effet que la Formation n'a négligé aucune circonstance pertinente et qu'elle a bel et bien tenu compte du jeune âge de l'athlète concernée (15 ans et 8 mois) au moment d'apprécier les faits qui lui étaient reprochés. A cet égard, la Formation a certes relevé que la recourante revêtait le statut de personne protégée, lequel commande, dans certaines circonstances particulières, mais pas toutes, de traiter différemment de telles personnes des autres sportifs. Elle a toutefois nié ici l'existence de telles circonstances particulières, raison pour laquelle elle a estimé qu'il ne se justifiait pas de prononcer une sanction moins sévère à l'encontre de la recourante. Sur ce point, la Formation a souligné que la réglementation antidopage applicable prévoit une suspension d'une durée de quatre ans - sans opérer de distinction aucune entre les personnes protégées et les autres athlètes - lorsque, comme en l'espèce, la violation des règles antidopage n'implique pas une substance spécifiée et que l'athlète ne parvient pas à établir que ladite violation n'était pas intentionnelle. Elle a également relevé, à juste titre, que l'intéressée ne contestait pas avoir commis une infraction à la réglementation antidopage. Il ressort en outre des constatations faites par les arbitres que la recourante, nonobstant son jeune âge, avait déjà pris part à plusieurs compétitions internationales de patinage artistique avant le contrôle antidopage qui s'est révélé positif (sentence, n. 4) et qu'elle était éduquée et consciente de ses obligations en matière de sécurité alimentaire (sentence, n. 370 let. l). Il apparaît ainsi que l'athlète concernée était déjà expérimentée malgré son jeune âge. La recourante ne remet pas véritablement en cause les éléments retenus par les arbitres pour justifier la sanction prononcée par eux, mais se borne, en réalité, à affirmer que son statut de personne protégée commanderait de la punir moins sévèrement que d'autres sportifs placés dans les mêmes circonstances. Ce faisant, elle échoue manifestement à démontrer que la sanction qui lui a été infligée serait, vu sa durée, incompatible avec l'ordre public matériel, étant donné que la violation des règles antidopage est avérée et que l'intéressée n'a pas réussi à démontrer, au degré de preuve requis, que l'infraction à la réglementation antidopage n'était pas intentionnelle.
Sur le plan des principes et de manière plus générale, on ne discerne pas pour quelle raison le jeune âge d'un sportif reconnu coupable d'une infraction à la réglementation antidopage, réputée intentionnelle, commanderait nécessairement de le punir moins sévèrement qu'un athlète âgé de quelques années de plus que lui. Le fait d'infliger systématiquement des sanctions moins sévères à de jeunes d'athlètes, en raison uniquement de leur âge, pourrait se révéler contraire aux objectifs poursuivis en matière de lutte antidopage car les sanctions prononcées pourraient avoir un effet moins dissuasif et risqueraient d'inciter davantage de jeunes sportifs à avoir recours à des substances illicites pour améliorer leurs performances, avec les conséquences néfastes que peut entraîner l'usage de produits dopants sur leur santé. Il ne faut en outre pas perdre de vue que les règles antidopage et les sanctions y relatives visent à assurer une compétition loyale entre les divers athlètes. Or, l'objectif principal poursuivi en matière de lutte antidopage risquerait d'être mis à mal si, en présence d'une violation des règles antidopage réputée intentionnelle, on venait à sanctionner moins sévèrement les personnes protégées que les autres athlètes uniquement en raison de leur jeune âge.
En l'espèce, la recourante qui, malgré son âge (15 ans et 8 mois) au moment des faits reprochés, était déjà expérimentée, étant donné qu'elle avait participé à diverses compétitions internationales de patinage artistique, n'avance aucune raison objective qui justifierait de lui réserver un traitement distinct de celui applicable aux autres sportives ni,
a fortiori, n'établit que le résultat auquel a abouti la Formation serait incompatible avec l'ordre public matériel. Il s'ensuit le rejet du moyen considéré.
7.5. L'intéressée fait enfin grief au TAS d'avoir procédé à une médiatisation excessive de cette affaire en publiant plusieurs communiqués de presse et de n'avoir ainsi pas préservé la confidentialité de la procédure impliquant une personne revêtant le statut de personne protégée.
Semblable reproche tombe à faux. Selon l'art. 17.3.7 RAR, qui reprend les principes énoncés à l'art. 14.3.7 CMA, la divulgation d'une affaire impliquant une personne protégée est possible mais doit être proportionnée aux faits et aux circonstances du cas. En l'occurrence, force est d'admettre que le TAS était en droit de publier divers communiqués de presse, dans la mesure où la présente affaire avait défrayé la chronique lors des Jeux Olympiques de Pékin 2022 et où elle concernait une athlète qui jouissait déjà d'une grande notoriété à ce moment-là. La fédération intimée expose du reste dans sa réponse, sans être véritablement contredite par la recourante, que la presse n'avait pas attendu les communiqués de presse du TAS pour relayer des informations à propos de la présente cause. Les critiques émises par la recourante sont ainsi impropres à démontrer une incompatibilité de la sentence attaquée avec l'ordre public matériel.
8.
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité. La recourante, qui succombe, supportera les frais de la présente procédure (art. 66 al. 1 LTF) et versera à la fédération intimée ainsi qu'à la fondation intimée une indemnité à titre de dépens ( art. 68 al. 1 et 2 LTF ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 7'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3.
La recourante versera à l'International Skating Union et à l'Agence Mondiale Antidopage une indemnité de 8'000 fr. chacune à titre de dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal Arbitral du Sport.
Lausanne, le 5 septembre 2024
Au nom de la I re Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : Jametti
Le Greffier : O. Carruzzo