Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
4A_434/2023
Arrêt du 5 septembre 2024
I
Composition
Mmes les Juges fédérales
Jametti, Présidente, Hohl et May Canellas.
Greffier : M. Botteron.
Participants à la procédure
1. A.________,
2. B.________ AG,
tous les deux représentés par Me Daniel Kinzer, avocat,
recourants,
contre
1. C.________,
2. D.________,
3. E.________,
4. F.________,
tous les quatre représentés par
Me Christian de Preux, avocat,
intimés.
Objet
for contractuel en matière de rachat et de prêt (art. 31 CPC), for de la connexité (art. 15 al. 2 CPC) et for délictuel pour frais de défense avant procès (art. 36 CPC);
recours contre l'arrêt rendu le 20 juin 2023 par la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève (C/10806/2019, ACJC/839/2023).
Faits :
A.
A.a. Feu G.________ (ci-après: le collectionneur ou le de cujus), associé d'une banque privée genevoise, était aussi un collectionneur d'oeuvres d'art et d'objets rares ou anciens. A compter de 2002 et pendant plus de quinze ans, il a entretenu des relations commerciales, mais aussi personnelles, avec la société B.________ AG (ci-après: la société) et A.________ (ci-après: les antiquaires vendeurs ou les défendeurs ou les recourants), actifs notamment dans l'achat et la vente de livres rares et précieux. A.________ (ci-après: l'administrateur) est l'administrateur unique de la société; il est spécialiste des livres d'heures, soit des livres liturgiques du Moyen-Âge contenant des enluminures datant des XVe et XVIe siècles.
Le collectionneur était domicilié à Genève; il a parfois utilisé pour ses achats une société off-shore, dénommée H.________. Les antiquaires vendeurs ont leur domicile et siège à la même adresse à Ramsen, dans le canton de Schaffhouse. L'administrateur de la société conteste avoir été personnellement partie aux contrats de vente conclus avec le collectionneur.
A.b. Le collectionneur, qui est décédé le 8 avril 2018, a acheté aux vendeurs de nombreux manuscrits du Moyen-Âge. Il a également prêté des sommes d'argent à la société.
A son décès, ses héritiers légaux, soit D.________, E.________, F.________ et C.________ (ci-après: les héritiers ou les demandeurs ou les intimés), ont procédé à l'inventaire de ses différentes collections d'art, dont celle de manuscrits du Moyen-Âge composée de 28 ouvrages, pour lesquels ils n'ont retrouvé aucun contrat écrit, mais seulement 15 factures établies par la société.
A la suite de plusieurs échanges de courriers avec les vendeurs, il est apparu que cinq ouvrages, qui avaient été acquis par le collectionneur entre 2002 et 2015, ont été restitués par celui-ci aux vendeurs dans le courant de l'année 2017 pour la plupart, que l'un a été revendu par les antiquaires à un tiers et que les quatre autres se trouvaient encore en mains des vendeurs au moment du décès du collectionneur. Le collectionneur avait en effet la possibilité de restituer les manuscrits aux vendeurs, moyennant rachat ou imputation sur le prix d'une nouvelle acquisition, cet arrangement ayant perduré pendant toute la durée de leurs relations commerciales.
Les héritiers ont fait estimer les 28 ouvrages de la collection par une maison de vente aux enchères, qui l'a évaluée à un montant entre 7'490'000 GBP et 11'620'000 GBP, soit une valeur bien inférieure à la totalité des sommes versées aux vendeurs. Selon les héritiers, les 28 ouvrages ont été acquis pour 19'695'000 fr. alors que le montant des virements du de cujus aux vendeurs dépasse les 30'000'000 fr. Ils reprochent aussi aux vendeurs d'avoir passé sous silence pendant plus de 10 mois que quatre ouvrages avaient été restitués (d'un montant total de 1'600'000 fr.) et d'avoir astucieusement cherché à masquer l'existence d'un contrat de prêt de 2'500'000 fr. Les vendeurs expliquent les inexactitudes et erreurs par le fait que les relations avec le collectionneur étaient peu formalisées et souvent non détaillées.
A.c. Sont présentement litigieux entre parties la contre-valeur de cinq manuscrits, qui ont été achetés par le collectionneur et qui ont été restitués ultérieurement par celui-ci aux vendeurs, soit:
1° "Der Psalter" (acquis en 2015 pour 1'800'000 fr., restitué à une date inconnue et revendu à un tiers),
2° "Le Liboron" (facturé le 2 septembre 2004 560'000 fr.),
3° "Le Manuscrit de Rouen" (facturé le 22 juin 2004 380'000 fr.),
4° "Le livre d'heures d'Anne de Beaujeu" (payé le 2 septembre 2004 480'000 fr.), et
5° "Le Maître Gaguin" (acquis à une date inconnue pour 180'000 fr.),
ces quatre derniers manuscrits, d'un total de 1'600'000 fr., ayant été restitués aux vendeurs dans le courant de l'année 2017, se trouvant encore en mains des vendeurs au moment du décès du collectionneur et faisant l'objet du cinquième chef de conclusions pour globalement 1'600'000 fr.
Sont également litigieux quatre prêts du collectionneur aux vendeurs, qui, selon les héritiers, n'auraient pas été remboursés ou imputés sur des achats et qui, selon les vendeurs, correspondraient à des achats, soit:
6° un prêt de 1'500'000 fr. du 28 septembre 2016,
7° les intérêts dus sur celui-ci de 180'000 fr.,
8° un prêt de 2'500'000 fr. du 28 février 2017,
9° un prêt de 500'000 fr. du 12 juillet 2010,
10° un prêt de 900'000 fr. du 28 septembre 2010.
B.
Par requête de conciliation du 13 mai 2019, puis par demande du 17 juillet 2019 et réplique du 28 févier 2020, les quatre héritiers du collectionneur ont ouvert action contre les vendeurs devant le Tribunal de première instance du canton de Genève. Ils ont conclu à la condamnation solidaire des défendeurs à leur payer les montants suivants pour les objets susmentionnés:
1) 1'800'000 fr. avec intérêts à 5 % l'an dès le 19 décembre 2018 relatif à l'ouvrage Der Psalter;
2 à 5) 1'600'000 fr. avec intérêts à 5 % l'an dès le 15 janvier 2019 relatif aux quatre ouvrages mentionnés ci-devant;
6 et 7) 1'500'000 fr. avec intérêts à 5 % l'an dès le 16 juillet 2019 à titre de remboursement du prêt du 28 septembre 2016 et 180'000 fr. avec intérêts à 5 % l'an dès le 13 mai 2019 au titre des intérêts dus sur ce prêt jusqu'au dépôt de la demande;
8) 2'500'000 fr. avec intérêts à 5 % l'an dès le 7 décembre 2018 relatif à un prêt ou à l'ouvrage Orsa Pesaro;
9) 500'000 fr. avec intérêts à 5 % l'an dès le 12 juillet 2010;
10) 900'000 fr. avec intérêts à 5 % l'an dès le 28 septembre 2010;
11) 64'609 fr. 23 au titre de frais d'avocat engagés avant procès.
Ils invoquent que les parties ont été liées par des contrats de vente et qu'est compétent de ce chef le tribunal du lieu de l'exécution de la prestation caractéristique, qui est la prestation du vendeur, et que le lieu se trouve donc là où la chose vendue doit être remise par le vendeur à l'acheteur (art. 31 CPC). Comme il était d'usage, selon eux, que le vendeur remette les manuscrits au collectionneur à Genève pour qu'il puisse les examiner, ceux-ci se trouvaient donc à Genève au moment où le collectionneur a conclu la vente en décidant de les acheter. Les tribunaux genevois seraient donc compétents ratione loci. Ils seraient également compétents pour le remboursement des prêts en vertu de l'art. 15 al. 2 CPC et pour le dommage correspondant à leurs frais de défense avant procès en vertu de l'art. 36 CPC.
Les défendeurs ont conclu au rejet de la demande et, reconventionnellement, au paiement d'un montant de 5'900'000 fr. moyennant remise concomitante du "Livre d'heures de Claude de France", acheté à mi-janvier 2018 pour le prix de 7'500'000 fr. Ils ont soulevé le déclinatoire de compétence ratione loci, ainsi que le défaut de légitimation passive de l'administrateur de la société à titre personnel. Pour eux, la livraison des manuscrits, qui ont été remis pour consultation, était prévue après leur restauration, laquelle était effectuée à l'étranger dans des ateliers à Paris, Oxford ou Londres, de sorte que leur livraison à l'acheteur s'est effectuée en ces lieux, voire à l'occasion des foires d'art à Maastricht ou à Paris. Le for pour les prêts, qui avaient été remboursés par compensation avec la remise postérieure d'autres manuscrits, se trouvait à leur domicile à Schaffhouse et les frais de défense avant procès devaient être réclamés au for de la prétention principale.
La procédure a été limitée à l'exception d'incompétence ratione loci.
Par jugement du 24 mai 2022, le Tribunal de première instance s'est déclaré incompétent pour connaître de la demande (ch. 1 du dispositif) et l'a déclarée irrecevable (ch. 2 du dispositif). En bref, le tribunal a considéré que l'arrangement entre parties sur la restitution des manuscrits était une obligation accessoire indépendante des contrats de vente, qui n'en modifiait pas la qualification juridique, et qu'il fallait déterminer où se trouvaient les manuscrits au moment de la conclusion de la vente. Il a estimé que le fait que certains d'entre eux avaient été remis pour consultation au collectionneur avant la vente n'établissait pas encore un usage ou une pratique commerciale consolidée. Il n'était pas prouvé non plus que les parties se seraient mises d'accord sur le fait que le lieu de livraison était Genève. Le for de l'action contractuelle des contrats de vente n'était donc pas situé à Genève. Le for de l'action tendant au remboursement des prêts se trouvait au domicile des emprunteurs. Quant au for de l'action délictuelle, l'acte illicite et le lien de causalité entre les honoraires et les prétendus agissements illicites des défendeurs n'étaient pas suffisamment allégués, ni démontrés pour que l'on puisse admettre un for à Genève.
Statuant le 20 juin 2023, la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève a réformé ce jugement, déclaré la demande recevable et a renvoyé la cause au Tribunal pour instruction et jugement sur le fond. Pour les contrats de vente des cinq manuscrits, la cour cantonale a considéré que le lieu de l'exécution se trouvait à Genève en raison d'une pratique adoptée en règle générale par les parties (art. 31 CPC). Pour les contrats de prêt, elle a considéré que leur connexité avec les contrats de vente justifiait la compétence des tribunaux genevois en vertu de l'art. 15 al. 2 CPC. Enfin, en ce qui concerne la prétention des demandeurs pour leurs frais d'avocat avant procès, la cour cantonale a considéré qu'ils avaient suffisamment allégué l'existence d'un acte illicite et les autres conditions de la responsabilité des défendeurs, de sorte que la compétence des tribunaux genevois devait être admise.
C.
Contre cet arrêt, qui leur a été notifié le 7 juillet 2023, les défendeurs ont interjeté un recours en matière civile au Tribunal fédéral le 8 septembre 2023, concluant à sa réforme en ce sens que les tribunaux genevois sont déclarés incompétents ratione loci et que la demande est déclarée irrecevable. Essentiellement, ils contestent qu'il y ait un for contractuel à Genève (art. 31 CPC), se plaignant de violation du degré de la preuve et d'appréciation arbitraire des preuves en ce qui concerne le lieu où se trouvaient les manuscrits au moment de l'acceptation par le collectionneur de l'offre de vente des vendeurs. Ils invoquent également la violation de l'art. 15 al. 2 CPC en relation avec les contrats de prêts allégués et la violation de l'art. 36 CPC en ce qui concerne les frais de défense avant procès.
Les demandeurs intimés concluent au rejet du recours. Les parties ont encore déposé des observations. La cour cantonale se réfère aux considérants de son arrêt.
Considérant en droit :
1.
1.1. L'arrêt attaqué ayant été notifié aux défendeurs le 7 juillet 2023, le délai de recours de 30 jours de l'art. 100 al. 1 LTF a été suspendu pendant les féries d'été du 15 juillet au 15 août inclus (art. 46 al. 1 let. b LTF), de sorte que, selon ces règles, le délai venait à échéance le 7 septembre 2023.
Le jeudi 7 septembre étant le jour du Jeûne genevois, les recourants invoquent que le délai a été reporté au vendredi 8 septembre 2023, date à laquelle leur mandataire a posté leur recours. Aux termes de l'art. 45 al. 2 LTF, le droit cantonal déterminant pour savoir si un jour est férié ou non est celui du canton où la partie ou son mandataire a son domicile ou son siège. En dépit de ce que pourrait laisser penser son texte ("ou"), la règle n'est pas alternative. Selon la jurisprudence, il est admis que lorsque la partie n'est pas représentée, le droit cantonal déterminant est le droit de son canton de domicile; si elle est représentée, le droit cantonal déterminant est le droit du domicile de son mandataire, du moins lorsqu'il y a élection de domicile auprès de ce dernier (ATF 98 V 62; arrêt 1A.232/2002 du 17 décembre 2002 consid. 2). Le but de cette règle est de permettre à celui qui doit effectivement procéder à un acte de le faire, ce qui n'est pas possible un jour férié (FRÉSARD, in Commentaire de la LTF, 3e éd. 2022, n. 10 ad art. 45 LTF).
Les défendeurs recourants, eux-mêmes domiciliés dans le canton de Schaffhouse, étaient déjà représentés par un avocat genevois en procédure d'appel cantonale, avec élection de domicile en son étude à Genève, de sorte que le droit cantonal déterminant est le droit genevois et que le jeudi du Jeûne genevois est un jour férié. Posté le premier jour ouvrable suivant par cet avocat, le recours a donc été déposé en temps utile.
1.2. Interjeté par les défendeurs qui ont succombé dans leur exception d'incompétence ratione loci (art. 76 al. 1 LTF), contre une décision incidente en matière de compétence (art. 92 LTF), rendue sur appel par le tribunal supérieur du canton de Genève (art. 75 LTF), dans une affaire civile (art. 72 al. 1 LTF), dont la valeur litigieuse dépasse 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF), le recours en matière civile est recevable au regard de ces dispositions.
2.
Saisi d'un recours en matière civile, le Tribunal fédéral n'est lié ni par les motifs invoqués par les parties, ni par l'argumentation juridique retenue par l'autorité cantonale; il peut donc admettre le recours pour d'autres motifs que ceux invoqués par le recourant, comme il peut le rejeter en opérant une substitution de motifs (ATF 140 III 86 consid. 2; 135 III 397 consid. 1.4; 134 III 102 consid. 1.1; 133 III 545 consid. 2.2).
3.
Il résulte de l'arrêt attaqué que la cour cantonale a, en l'état, laissé ouverte la question de savoir si l'administrateur de la société, défendeur, était cocontractant aux côtés de celle-ci, défenderesse, et, partant, s'il avait la légitimation passive à la présente action. La procédure a d'ailleurs été limitée à la question de l'exception d'incompétence ratione loci. Pour simplifier, il sera question ci-après des vendeurs et des défendeurs.
4.
Il est constant que le de cujus, collectionneur, dont les hoirs demandeurs font valoir les droits et créances, était domicilié à Genève, et que les défendeurs sont domiciliés dans le canton de Schaffhouse. Il n'est pas contesté que les parties ont été liées par des contrats de vente et de prêts.
Il est établi que les cocontractants ont conclu cinq contrats de vente portant sur l'acquisition des cinq manuscrits litigieux en 2004 et 2015, ainsi qu'à une date inconnue. Il est également établi que ceux-ci ont été "restitués" aux vendeurs, que l'un ("Der Psalter") a été revendu par eux à un tiers et que les quatre autres, "restitués" en 2017, se trouvaient encore en leurs mains à la date du décès du collectionneur en avril 2018.
Les parties ne contestent pas non plus que, selon un arrangement entre elles, le collectionneur avait la possibilité de restituer les manuscrits aux vendeurs, moyennant "rachat ou imputation sur le prix d'une nouvelle acquisition".
Il faut donc déterminer le for contractuel des prétentions en paiement des demandeurs fondées sur la restitution des cinq manuscrits (consid. 5). Il faudra encore fixer le for contractuel pour les prétentions en remboursement des prêts (consid. 6), ainsi que le for de l'action délictuelle pour les frais de défense avant procès (consid. 7).
5.
Il faut examiner tout d'abord, au regard de l'art. 31 CPC, le for des prétentions en paiement en relation avec la restituti on par le collectionneur des cinq manuscrits litigieux et, partant, si les tribunaux genevois sont compétents sur cette base.
Pour les contrats de vente des cinq manuscrits, la cour cantonale a considéré que le lieu de l'exécution de la prestation caractéristique au moment de la conclusion des ventes se trouvait à Genève (art. 31 CPC) puisqu'en règle générale, les manuscrits étaient remis en mains du collectionneur à Genève pour qu'il puisse les consulter pendant une certaine durée et que c'est cette première livraison qui déterminait le lieu de situation des manuscrits au moment où le collectionneur décidait de les acheter et donc concluait la vente. Les défendeurs recourants se plaignent d'arbitraire et de violation de l'art. 8 CC et de l'art. 74 al. 1 CO.
5.1. En plus du for du lieu du domicile ou du siège du défendeur, l'art. 31 CPC a introduit un nouveau for, alternatif et dispositif, au lieu où la prestation caractéristique doit être exécutée (en allemand, "an dem Ort zuständig, an dem die charakteristische Leistung zu erbringen ist") pour les actions découlant d'un contrat.
Disposer d'un tel for présente l'avantage que les moyens de preuve de l'obligation conforme au contrat seront administrés plus facilement au lieu où la prestation doit être exécutée, même si cet avantage n'est pas aussi évident lorsque le litige porte sur l'existence ou la validité du contrat ou que la prestation n'a pas été exécutée ou encore porte sur une somme d'argent (cf. BONOMI, in Commentaire romand LDIP/CL, Bâle 2011, n. 2-3 ad art. 113 LDIP). Ce for est connu de la majorité des législations occidentales et est consacré en droit international européen (cf. art. 5 par. 1 de la Convention de Lugano) et aussi en droit international privé suisse (art. 113 LDIP), mais les régimes y sont différents par la force des choses. Pour éviter de multiplier les fors contractuels et pour décourager le forum running, la notion de lieu de l'exécution ne vise que l'endroit de l'exécution de la prestation caractéristique (arrêt 4A_98/2016 du 22 août 2016 consid. 6.1; cf. Message relatif au code de procédure civile suisse (CPC), FF 2006 6882-6884 ad art. 30). Il ne s'agit donc pas de la prétention litigieuse qui est à la base de la demande, mais de la prestation caractéristique du contrat. En principe, elle porte sur une chose déterminée, et non sur une prestation pécuniaire, et, en général, un contrat ne présente qu'une prestation de ce genre (arrêt 4A_98/2016 du 22 août 2016 consid. 6.1; cf. Message précité, FF 2006 6882-6884 ad art. 30; pour une exception, voir l'ATF 145 III 190 consid. 3). Toutefois, ce for est alors applicable à tous les litiges naissant du contrat.
Dans le contrat de vente, la prestation caractéristique est celle du vendeur qui doit livrer la chose; ce for vaut alors pour tous les litiges qui découlent du contrat, que le litige concerne l'exécution même de cette prestation ou le paiement du prix ou l'invalidité ou l'invalidation du contrat.
Le lieu de la prestation caractéristique est déterminé, en droit interne, par la volonté expresse ou présumée des parties et, à défaut, par l'art. 74 CO (arrêt 4A_98/2016 du 22 août 2016 consid. 6.1; cf. Message précité, FF 2006 6882-6884 ad art. 30). En vertu de l'art. 74 al. 2 ch. 2 CO, le for de l'exécution (Erfüllungsort) du contrat de vente se trouve au lieu où la chose à livrer se trouvait au moment de la conclusion du contrat.
5.2. Lorsqu'il doit statuer d'entrée de cause sur sa compétence, le tribunal doit tout d'abord déterminer si le ou les faits pertinents de la disposition légale applicable, en l'occurrence de l'art. 31 CPC, sont des faits simples ou des faits doublement pertinents, les exigences de preuve, à ce stade de la procédure (décision d'entrée en matière), étant différentes pour les uns et pour les autres. Les principes jurisprudentiels développés en matière internationale sous le nom de "théorie de la double pertinence" (sur l'ensemble de la question, cf. ATF 141 III 294 consid. 5 et les arrêts cités) sont applicables en matière de compétence interne (arrêts 4A_73/2015 du 26 juin 2015 consid. 4.1; 4A_573/2015 du 3 mai 2016 consid. 5; à propos de l'aLFors, cf. ATF 137 III 32 consid. 2).
5.2.1. Les faits sont simples (einfachrelevante Tatsachen) lorsqu'ils ne sont déterminants que pour la compétence.
Sont des faits simples le domicile ou le siège du défendeur ou encore le lieu de l'activité professionnelle habituelle du travailleur (ATF 137 III 32 consid. 2.3 in fine). Est également un fait simple la localisation de l'acte illicite allégué, soit la question de savoir s'il a eu lieu à l'endroit allégué: en effet la constatation portant sur le lieu où l'acte illicite a été commis est sans pertinence pour le bien-fondé de la prétention au fond (ATF 147 III 159 consid. 2.1.1; 141 III 294 consid. 5.1; arrêts 4A_573/2015 précité consid. 5.1; 4A_73/2015 précité consid. 4.1.1; 4C.329/2005 du 5 mai 2006 consid. 2.2, non publié in ATF 132 III 579).
Les faits simples doivent être prouvés d'entrée de cause, lorsque la partie défenderesse soulève l'exception de déclinatoire en contestant les allégués du demandeur (ATF 141 III 294 consid. 5.1; arrêts 4A_28/2014 du 10 décembre 2014 consid. 4.2.1, rectifié in ATF 141 III 294 consid. 5.1; 4A_113/2014 du 15 juillet 2014 consid. 2.3, non publié in ATF 140 III 418; 137 III 32 consid. 2.3; 134 III 27 consid. 6.2.1; 133 III 295 consid. 6.2).
5.2.2. Les faits sont doublement pertinents ou de double pertinence (doppelrelevante Tatsachen) lorsqu'ils sont déterminants non seulement pour la compétence du tribunal, mais aussi pour le bien-fondé de l'action. Ainsi, la commission d'un acte illicite (ATF 141 III 294 consid. 5.1) ou l'existence d'un contrat de travail (ATF 137 III 32 consid. 2.3 in fine et 2.4.1) sont des faits doublement pertinents puisqu'ils sont déterminants à la fois pour la compétence et pour le bien-fondé de l'action au fond.
Les faits doublement pertinents n'ont pas à être prouvés, mais sont censés établis sur la seule base des écritures du demandeur. En effet, conformément à la théorie de la double pertinence, le juge examine sa compétence uniquement sur la base des allégués, moyens et conclusions de la demande (der eingeklagte Anspruch und dessen Begründung), sans tenir compte des objections de la partie défenderesse et sans procéder à aucune administration de preuves. Il faut et il suffit que le demandeur allègue correctement les faits doublement pertinents, c'est-à-dire de telle façon que leur contenu permette au tribunal d'apprécier sa compétence. Certes, cette théorie autorise le juge saisi à admettre sa compétence sans en vérifier toutes les conditions, par exemple à se déclarer compétent alors même que l'existence d'un acte illicite n'a pas été établie, et même s'il se révèle, après administration des preuves, que cette condition n'est pas réalisée, elle n'entraînera aucune modification de la décision sur la compétence, qui est définitive (ATF 147 III 159 consid. 2.1.2; 141 III 294 consid. 5.2). Malgré les critiques de la doctrine, le Tribunal fédéral a considéré que cette théorie est justifiée dans son résultat: en effet, si après l'administration des preuves, l'existence d'un fait doublement pertinent est avérée, la compétence admise sur la base de la théorie de la double pertinence correspond à la réalité; si, en revanche, l'existence de ce fait n'est pas établie, le juge rejette l'action au fond par un jugement revêtu de l'autorité de la chose jugée, ce qui est dans l'intérêt de la partie défenderesse, et le demandeur qui a choisi d'introduire son action à un for spécial n'a alors pas d'intérêt à pouvoir la porter ensuite au for ordinaire ou à un autre for spécial (ATF 147 III 159 consid. 2.1.2; sur les exceptions à l'application de cette théorie, en cas d'abus de droit de la part du demandeur ou en cas de compétence d'un tribunal arbitral ou en cas d'immunité de juridiction invoquée par un État, cf. ATF 147 III 159 consid. 2.2; 141 III 294 consid. 5.3 et les arrêts cités).
Si les faits doublement pertinents ne doivent pas être prouvés, cela ne dispense toutefois pas le juge d'examiner s'ils sont concluants (schlüssig), c'est-à-dire s'ils permettent juridiquement d'en déduire le for invoqué par le demandeur; il s'agit là d'une question de droit (ATF 147 III 159 consid. 2.1.2; 141 III 294 consid. 5.2 et 6.1).
5.2.3. La localisation de la prestation caractéristique en matière contractuelle est un fait simple qui doit être prouvé. Il ne faut pas confondre la question de l'existence du contrat, qui touche tant à la compétence qu'au fond du droit et est donc un fait doublement pertinent, et la question de la localisation de l'obligation, que ce soit de la livraison de la chose par le vendeur dans le contrat de vente ou, comme en l'espèce, de la restitution des manuscrits par le collectionneur selon l'arrangement conclu entre parties.
5.3. En l'espèce, il résulte des faits constatés que le "Psalter" a été acquis au début de l'année 2015, restitué aux antiquaires à une date inconnue et revendu à un tiers et que les quatre autres ouvrages acquis, respectivement, en 2004, 2004 et 2006 et à une date inconnue, ont été restitués par le collectionneur dans le courant de l'année 2017 et se trouvaient toujours en mains des antiquaires à la date du décès de celui-ci.
S'il y a bien eu ventes de ces manuscrits par les vendeurs au collectionneur il y a plus d'une dizaine d'années pour la plupart, ces ventes ont été exécutées et ne sont donc pas litigieuses en tant que telles. On ne saurait donc considérer, comme le soutiennent les demandeurs et comme l'a admis la cour cantonale, que la date de livraison des manuscrits au collectionneur il y a plus de 10 ans serait déterminante pour les prétentions en paiement en lien avec la restitution des manuscrits aux antiquaires.
La "restitution" est un nouveau contrat pour chaque manuscrit concret restitué. Il s'agit d'un nouveau contrat de vente, précisément un rachat, dont le prix doit être selon l'arrangement, soit payé, soit imputé sur le prix d'une nouvelle acquisition. Puisque les manuscrits se trouvent en mains des défendeurs et que l'un a déjà été revendu, il y a lieu d'admettre que ceux-ci ont accepté leur restitution et donc de les racheter. La prestation caractéristique est donc l'obligation du collectionneur de remettre chacun des manuscrits aux antiquaires à la date de leur "restitution".
En l'absence de constatations de fait au sujet du lieu de l'exécution de l'obligation de restitution des manuscrits selon la volonté expresse ou présumée des parties, on doit se baser sur l'art. 74 al. 2 ch. 2 CO pour déterminer ce lieu. S'agissant de cinq rachats, qui sont des contrats de vente, le lieu de l'exécution de la prestation caractéristique se trouve au lieu où chaque manuscrit se trouvait au moment de la conclusion de chaque contrat de rachat en 2017. Dès lors que ces manuscrits faisaient partie de la collection du collectionneur domicilié à Genève, il y a lieu d'admettre qu'ils se trouvaient au lieu de situation de son patrimoine mobilier à Genève et donc que les tribunaux genevois sont compétents pour connaître de l'action des demandeurs en paiement du prix.
Les recourants soutiennent certes que la reprise des manuscrits devrait être qualifiée de dépôt lié à un mandat, soit le mandat de trouver un tiers disposé à acheter les quatre manuscrits se trouvant en leurs mains et, partant, que le for se trouverait au lieu de leurs affaires à Schaffhouse. Cette objection ne repose toutefois pas sur des faits constatés, les parties ayant parlé de rachat, avec paiement ou imputation du prix sur une nouvelle acquisition.
En conclusion, le recours des défendeurs doit être rejeté en ce qui concerne le lieu de l'exécution des contrats de rachat, par substitution des motifs qui précèdent. Il s'ensuit qu'il est superflu d'examiner les griefs d'arbitraire et de violation de l'art. 8 CC soulevés par les défendeurs en relation avec la livraison des manuscrits remis au collectionneur à Genève avant la conclusion des contrats de vente afin que celui-ci les consulte, les évalue et réfléchisse à un éventuel achat. Il en va de même du grief selon lequel les manuscrits étaient restaurés à l'étranger et n'étaient livrés qu'ensuite au collectionneur, à charge pour lui de venir les chercher en un lieu hors de Genève.
6.
Il faut examiner ensuite le for des prétentions en remboursement des prêts et, si cela se révèle nécessaire, si l'art. 15 al. 2 CPC est applicable.
Les défendeurs recourants reprochent à la cour cantonale d'avoir fait l'économie de l'examen de la question du for du lieu de l'exécution en matière de prêt selon l'art. 31 CPC et d'avoir admis l'existence d'un lien de connexité avec les contrats de vente, alors qu'une telle connexité ne pourrait exister qu'avec le seul prêt allégué de 2'500'000 fr.
6.1.
6.1.1. Dans le contrat de prêt, la prestation caractéristique est celle du prêteur qui doit fournir l'argent du prêt à l'emprunteur. Celui-ci peut donc agir en délivrance de cette somme d'argent au for du lieu de l'exécution de cette prestation caractéristique, soit au lieu de son propre domicile, la dette étant portable (Bringschuld; art. 74 al. 2 ch. 1 CO) (GASSER/RICKLI, Schweizerische Zivilprozessordnung, 2e éd., St Gall 2014, n. 2 ad art. 31 CPC; cf. également SUTTER-SOMM/HEDINGER, in Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung, 3e éd., Zurich 2016, n. 30 ad art. 31 CPC; KAISER JOB, in Basler Kommentar ZPO, 3e éd., Bâle 2017, n. 16 ad art. 31 CPC; HEDINGER, Der Gerichtsstand des Erfüllungsortes nach der Schweizerischen Zivilprozessordnung, Bâle 2011, n. 306).
Le for de la prestation caractéristique - du domicile de l'emprunteur - selon l'art. 31 CPC ne s'étend toutefois pas au remboursement du prêt qui est dû au prêteur par l'emprunteur, car cela reviendrait à créer un for au domicile du demandeur créancier (forum actoris), voire même un for à tous les lieux d'exécution des dettes de sommes d'argent selon l'art. 74 al. 1 ch. 1 CO, ce que le législateur a précisément voulu éviter (GASSER/RICKLI, Schweizerische Zivilprozessordnung, 2e éd., St Gall 2014, n. 2 ad art. 31 CPC; FABIENNE HOHL, Procédure civile, T. II, Berne 2010, n. 308).
6.1.2. Les défendeurs recourants méconnaissent que l'art. 31 CPC a introduit un for de la prestation caractéristique au lieu du domicile de l'emprunteur, mais que ce for ne s'étend pas au remboursement du prêt. En l'espèce, ce n'est pas la délivrance de la somme prêtée qui est en jeu, mais bien le remboursement de celle-ci. Les demandeurs devraient donc agir en remboursement des prêts au for du domicile des emprunteurs, soit à Ramsen dans le canton de Schaffhouse.
6.2. Au vu de ce résultat, il faut encore examiner si les demandeurs ont la possibilité d'agir en remboursement des prêts devant les tribunaux genevois en se basant sur l'art. 15 al. 2 CPC.
6.2.1. Aux termes de cette disposition, lorsque plusieurs prétentions présentant un lien de connexité sont élevées contre un même défendeur, chaque tribunal compétent pour statuer sur l'une d'elles l'est pour l'ensemble.
Cette disposition suppose, premièrement, l'existence d'un cumul objectif d'actions. Tel est le cas lorsque divers objets sont simultanément réclamés, que ce soit en vertu de la même cause juridique ou sur la base de fondements juridiques distincts, par opposition à une réclamation unique s'appuyant sur plusieurs causes juridiques (concours d'actions) (ATF 137 III 311 consid. 5.1.1).
Deuxièmement, les diverses prétentions doivent se trouver dans un rapport de connexité. Sont connexes les demandes liées entre elles par un rapport si étroit qu'il y a un intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d'éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément (ATF 137 III 311 consid. 5.1.1). La compensation ne se confond pas avec la connexité. Toute créance en argent opposée en compensation n'est pas nécessairement connexe à la créance en argent de l'action principale (ATF 129 III 230 consid. 3).
Troisièmement, il faut que le même tribunal soit compétent à raison de la matière relativement à toutes les prétentions et que celles-ci soient soumises à la même procédure (ATF 137 III 311 consid. 5.1.1.).
6.2.2. Selon la cour cantonale, les défendeurs allèguent que les prêts dont le remboursement est réclamé dans la présente procédure ont tous été remboursés par compensation avec le prix de vente de manuscrits acquis postérieurement, ce que les demandeurs contestent. La cour cantonale a donc considéré que les prétentions en remboursement des prêts présentent un lien de connexité avec celles fondées sur les contrats de vente, de sorte que si la compétence à raison du lieu est admise pour l'action fondée sur les contrats de vente, elle doit l'être également, par attraction de compétence, pour l'action fondée sur les contrats de prêt.
6.2.3. Les recourants admettent la connexité pour le prêt de 2'500'000 fr., ne se prononcent pas sur elle en ce qui concerne les prêts n° 9 et 10 et la contestent pour le prêt de 1'500'000 fr. et les intérêts dus sur celui-ci.
Pour le chef de conclusions concernant le prêt de 2'500'000 fr., s'ils en admettent la connexité, les défendeurs recourants soutiennent qu'il ne s'agit pas d'un cumul d'actions objectif parce que les demandeurs réclament, principalement, le remboursement d'un prêt et, subsidiairement, s'il devait avoir été remboursé par compensation avec le prix de vente d'un autre manuscrit ("Orsa Pesaro"), l'invalidation de la vente pour cause d'erreur ou de dol; selon eux, il faudrait s'en tenir au seul argument principal et nier l'attraction de for. Ce faisant, ils méconnaissent que le cumul ne s'entend pas entre le fondement principal et le fondement subsidiaire de la même prétention, mais bien entre cette prétention de 2'500'000 fr. et les 9 autres prétentions auxquelles concluent les demandeurs. Quant à la théorie des faits doublement pertinents en relation avec ces fondements principal et subsidiaire, elle est hors de propos.
Pour les prêts qui ont fait l'objet des conclusions n° 9 et 10, les recourants s'abstiennent de toute motivation, de sorte que leur grief d'absence de connexité est irrecevable.
La question de la connexité ne se pose donc que pour le seul prêt de 1'500'000 fr., qui est l'objet des chefs de concluions n° 6 et 7. Pour motiver l'absence de connexité, les recourants soutiennent seulement que les demandeurs n'ont pas invoqué subsidiairement l'invalidation de la nouvelle acquisition et qu'il faudrait donc s'en tenir au fondement principal du prêt et, partant, au for de leur domicile. Comme on vient de le voir, un tel argument n'est d'aucune pertinence en matière de connexité. Au demeurant, les défendeurs recourants invoquent eux-mêmes que tous les prêts ont été remboursés avec le prix dû par le collectionneur pour de nouvelles acquisitions de manuscrits. Leur grief est irrecevable.
7.
Il faut enfin examiner le for pour la prétention réclamée par les demandeurs pour leurs frais de défense avant procès, qui fait l'objet du chef de conclusions n° 11 de 64'609 fr. 23, sans intérêts.
7.1. Selon l'art. 36 CPC, hormis le tribunal du domicile du défendeur, sont compétents pour statuer sur les actions fondées sur un acte illicite, les tribunaux du lieu de l'acte (lieu de commission; Handlungsort) ou ceux du lieu du résultat de l'acte (Erfogsort).
Les frais antérieurs au procès, qui ne sont pas compris dans les dépens, lesquels ne visent que les frais directement liés à l'ouverture de l'action, peuvent constituer un élément du dommage au sens de l'art. 41 al. 1 CO (ATF 117 II 394 consid. 3a). Fondés sur cette disposition, ils relèvent donc de la règle de compétence de l'art. 36 CPC.
La commission d'un acte illicite et les autres conditions de l'art. 41 al. 1 CO sont des faits doublement pertinents (ATF 141 III 294 consid. 5.1). Comme on l'a vu (cf. consid. 5.2.2 ci-dessus), ces faits n'ont pas à être prouvés, mais sont censés établis sur la seule base des écritures du demandeur. Le juge statue donc sur sa compétence en se basant sur les seuls allégués, moyens et conclusions de la demande, sans tenir compte des objections de la partie défenderesse et sans procéder à aucune administration de preuves. Il faut et il suffit que le demandeur allègue correctement les faits doublement pertinents, c'est-dire de telle façon que leur contenu permette au juge d'apprécier sa compétence.
7.2. La cour cantonale a considéré que l'acte illicite, le dommage et la causalité en tant que conditions de l'art. 41 al. 1 CO, sont des faits doublement pertinents.
Elle a retenu que les demandeurs ont suffisamment allégué l'existence d'un acte illicite, en exposant que l'administrateur défendeur a nié et dissimulé pendant plusieurs mois le fait qu'il était en possession de quatre des ouvrages restitués et qu'il avait faussement déclaré que la valeur de ces quatre ouvrages avait été compensée avec des achats postérieurs avant de finalement admettre que tel n'était pas le cas et de leur proposer le rachat de ces quatre ouvrages. Elle a également retenu que les demandeurs ont suffisamment allégué le dommage et la causalité. Autre est la question de savoir si ces faits doublement pertinents sont établis, ce qui sera examiné dans la phase du procès sur le bien-fondé de la prétention au fond.
7.3. Les défendeurs recourants jouent sur les mots lorsqu'ils soutiennent que la dissimulation qu'évoque la cour cantonale signifierait seulement qu'ils ont tu être en possession des quatre ouvrages en question, ce qui ne serait pas illicite. En effet, la cour cantonale a précisé ensuite sa motivation en exposant qu'il ne s'agissait pas simplement d'une omission de la part des défendeurs, mais d'une dénégation. Il s'ensuit que le grief des recourants selon lequel ce fait serait non concluant (nicht schlüssig) repose sur une prémisse non retenue. Savoir si l'acte allégué est illicite, si le dommage et la causalité sont établis sont des questions qui seront examinés dans la phase ultérieure de l'administration des preuves.
La question de savoir si le dommage pourra être admis, faute de production d'une note d'honoraires d'avocat, est également une question qui doit être tranchée avec le fond: en effet, la question de la charge de la motivation des allégués entraîne, si elle n'est pas satisfaite, que le fait n'a pas été allégué et, partant, le rejet de la prétention invoquée. De même, savoir si les moyens de preuve produits suffisent à convaincre le juge de la preuve du dommage est une question devant être tranchée avec le fond. Les recourants font à nouveau un usage incorrect de la théorie des faits doublement pertinents.
En conclusion, les tribunaux genevois sont compétents pour statuer sur la prétention en dommages-intérêts pour frais de défense avant procès sur la base de l'art. 36 CPC. Il est donc superflu d'examiner s'ils le seraient également sur la base de l'art. 15 al. 2 CPC.
8.
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable, aux fra is de ses auteurs. En outre, ils verseront aux demandeurs une indemnité de dépens (art. 66 al. 1 et 68 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 30'000 fr., sont mis solidairement à la charge des recourants.
3.
Les recourants verseront solidairement aux demandeurs, créanciers solidaires, le montant de 35'000 fr. à titre de dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton de Genève, Chambre civile.
Lausanne, le 5 septembre 2024
Au nom de la I re Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : Jametti
Le Greffier : Botteron