Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
6B_298/2021
Arrêt du 5 octobre 2022
Cour de droit pénal
Composition
MM. les Juges fédéraux Denys, Juge présidant, Muschietti et Hurni.
Greffier : M. Vallat.
Participants à la procédure
1. A.________,
2. B.________ SA,
tous les deux représentés par
Me Michel De Palma, avocat,
recourants,
contre
Ministère public central du canton du Valais, rue des Vergers 9, case postale, 1950 Sion 2,
intimé.
Objet
Irrecevabilité du recours en matière pénale;
motivation insuffisante; défaut de qualité pour
recourir (n on-entrée en matière [discrimination,
incitation à la haine]),
recours contre l'ordonnance du Tribunal cantonal
du canton du Valais, Chambre pénale,
du 4 février 2021 (P3 20 190).
Faits :
A.
Le 26 mai 2020, A.________ et B.________ SA à U.________ ont déposé plainte pénale contre C.________, respectivement l'ont dénoncé. Citant à réitérées reprises l'art. 261bis CP, ils lui reprochaient notamment d'avoir écrit dans un courriel adressé le 18 mai 2019 à six personnes "Il m'est impossible de regarder les étudiants en face et de continuer à vendre cette arnaque organisée, cette mafia taïwanaise". Le rédacteur du message y exposait la nature du désaccord qui l'opposait à D.________, présidente titulaire de la signature individuelle de la société anonyme. A le lire, ce différend portait notamment sur le refus de la précitée de donner suite à plusieurs de ses requêtes visant à procéder à des investissements dans la formation dispensée dans cette école et dans la tenue de "réunions stratégiques". Il y reprochait aussi à la direction de l'institution d'avoir refusé de l'informer quant à l'utilisation du budget mis à disposition de l'établissement scolaire et déclarait "Ce mutisme n'éveille en moi que des soupçons. On est pas bêtes, on arrive à extrapoler que 20 % du chiffre d'affaires est investi dans la formation, et que le reste par[t] ailleurs, ce qui est inacceptable". Il réclamait la démission pure et simple des co-directeurs de la société anonyme, à défaut de quoi il quitterait lui-même son poste d'enseignant. Il manifestait son désaccord avec les pratiques perdurant dans cet établissement, qui traduisaient, selon lui, "un manque total de respect avec les étudiants, leur avenir, les parents qui se démènent pour payer cette école, les contribuables avec les bourses". Il prétendait, dans ce contexte, prendre des risques considérables en demandant "le scalp de la direction", la société anonyme pouvant ne pas ouvrir ses portes aux étudiants à la rentrée du mois de septembre. C.________ a encore affirmé que "[les professeurs étaient] en droit d'exiger l'investissement dans [leur salaire], dans le matériel, d[ans] les heures de préparation, des réunions payé[e]s, un cadre de travail stimulant tout simplement". Il a reconnu soutenir les étudiants qui entendaient suspendre le versement de leurs frais d'écolage, même si le versement du traitement des professeurs devait s'en trouver compromis. Il annonçait vouloir entreprendre avec une collègue, les démarches judiciaires nécessaires pour obtenir satisfaction quant aux demandes de renseignements qu'il avait adressées à la direction. Enfin, à son avis, une personne qu'il citait par son prénom avait subi des pressions considérables de la part de ses supérieurs.
Par ordonnance du 29 juin 2020, le ministère public a refusé d'entrer en matière sur la plainte/dénonciation pénale du 26 mai 2020, frais à charge de l'État.
B.
Saisie d'un recours par A.________ et B.________ SA, par ordonnance du 4 février 2021, la Chambre pénale du Tribunal cantonal valaisan l'a rejeté dans la mesure où il était recevable, frais à charge des recourants.
B.a. En droit, la cour cantonale a considéré, en bref, que la société anonyme, en tant que personne morale, ne pouvait se prévaloir de l'art. 261bis CP et ne subissait qu'un préjudice indirect, même en considérant l'éventuel gel par les étudiants des paiements de leurs frais d'écolage. Son recours était donc irrecevable.
B.b. Quant à A.________, après avoir rejeté ses réquisitions de preuves, la cour cantonale a retenu que dans un questionnaire figurant au dossier, C.________ s'était plaint d'avoir organisé la réunion des professeurs, d'en avoir rédigé l'ordre du jour mais d'avoir cependant été écarté de tout processus décisionnel. Critiquant le retard avec lequel cette entrevue avait débuté, il s'en était également pris au fait que la direction n'avait aucunement procédé à une quelconque refonte complète du système de formation, les solutions proposées par cette dernière étant, à son avis, insuffisantes. Il avait aussi indiqué "avoir honte de travailler dans une école d'Arts, dont le Powerpoint ressemblait au menu d'un magasin de kebap fait par le neveu de la ca[i]ssière, dont les fautes d'orthographe étaient proportionnelles à l'ennui et la confusion qui [avaient] régné quand le doyen a[vait] commencé à présenter son organigramme". Il avait, en outre, manifesté son désaccord en lien avec la nomination d'une personne en qualité de "doyen" et s'en était pris à la présentation effectuée par ce dernier notamment d'un organigramme; le doyen n'avait, à son avis, pas pris conscience de ses responsabilités ni du public devant lequel il se trouvait lors de la réunion des parents d'élèves et il avait accusé à tort les professeurs en pleine réunion. C.________ avait aussi critiqué le fait que l'administratrice précitée avait omis d'évoquer les pistes de réflexion qu'il avait pourtant lui-même abordées à l'occasion de la réunion des professeurs. De son avis, le tableau budgétaire devait être qualifié de "farfelu, sans aucune lisibilité et basé sur un seul mois". Il avait encore critiqué le comportement adopté par les étudiants au cours de la réunion des parents d'élèves et souligné l'absence du directeur A.________ tant lors de cette réunion qu'à l'occasion de celle qui s'était déroulée exclusivement en présence des professeurs. Il avait déclaré s'opposer à l'annulation du système des jurys, s'était plaint de la surcharge de travail consécutive à sa double fonction d'administrateur/enseignant et avait réitéré sa demande tendant au départ des co-directeurs de l'école. D'après lui, les résultats du co-directeur A.________ n'étaient pas suffisants et il avait de nouveau dénoncé une collusion entre l'administratrice précitée et la direction de la société anonyme. A le lire, cette administratrice avait fait preuve de mutisme et d'inaction; elle avait refusé d'entrer en discussion avec lui afin de procéder à divers ajustements du programme de formation. A bien comprendre ses affirmations, il avait également annoncé lors de cet interrogatoire, vouloir prendre ses dispositions afin d'empêcher l'engagement de nouveaux enseignants en provenance de son propre réseau professionnel.
La cour cantonale en a déduit, en résumé, que l'expression "mafia taïwanaise" s'inscrivait dans le contexte houleux d'un conflit ouvert opposant C.________ à la direction de l'école et que l'infraction de discrimination n'était réalisée ni quant au comportement de ce dernier, ni quant à son intention, ce qui conduisait au rejet du recours.
C.
Par acte du 10 mars 2021, A.________ et B.________ SA recourent en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'ordonnance du 4 février 2021, concluant, avec suite de frais et dépens, à son annulation et au renvoi de la cause au ministère public, respectivement à la cour cantonale, afin que l'instruction de la cause soit reprise.
Considérant en droit :
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis.
1.1. La cour cantonale a rejeté le recours dans la mesure où il était recevable. On comprend aisément à la lecture des motifs de l'ordonnance du 4 février 2021 que le rejet du recours résulte des considérations de la cour cantonale relatives à la violation alléguée par le recourant 1 de son droit d'être entendu ainsi que de l'examen des éléments objectifs et subjectifs de l'infraction réprimée par l'art. 261bis CP (ordonnance querellée, p. 4 s. et p. 8). Il ressort, par ailleurs, sans ambiguïté de la motivation de la décision de dernière instance cantonale que le recours a été déclaré irrecevable en tant qu'il émanait de la recourante 2, faute pour cette dernière, en tant que personne morale, de pouvoir se prévaloir de la dignité humaine protégée par l'art. 261bis CP (ordonnance querellée, p. 3 s.). S'agissant de la recourante 2, seule cette question de procédure peut, dès lors, être l'objet du recours en matière pénale (art. 80 al. 1 LTF).
1.1.1. Conformément à l'art. 42 al. 1 LTF, le mémoire de recours doit être motivé et contenir des conclusions. Les motifs doivent exposer succinctement en quoi la décision attaquée viole le droit (art. 42 al. 2 LTF). Selon la jurisprudence, pour répondre à cette exigence, la partie recourante est tenue de discuter au moins sommairement les considérants de l'arrêt entrepris (ATF 140 III 86 consid. 2 et 115 consid. 2; 134 II 244 consid. 2.1); en particulier, la motivation doit être topique, c'est-à-dire se rapporter à la question juridique tranchée par l'autorité cantonale (cf. ATF 123 V 335; v. aussi, parmi d'autres: arrêts 6B_838/2022 du 15 septembre 2022 consid. 8 et 6B_970/2017 du 17 octobre 2017 consid. 4).
1.1.2. En l'espèce, on recherche en vain dans l'écriture de recours toute argumentation relative à cette question de procédure. Passées les dix premières pages consacrées à une présentation des faits, la qualité pour recourir en matière pénale des deux recourants n'est évoquée qu'en relation avec le refus d'entrer en matière sur leur dénonciation/plainte, perspective dans laquelle ils expliquent en quoi pourraient consister leurs prétentions civiles (cf. art. 81 al. 1 let. b ch. 5 LTF; v.
infra consid. 1.2). Par ailleurs, les conclusions du recours en matière pénale, au-delà desquelles le Tribunal fédéral ne peut aller (art. 107 al. 1 LTF), tendent certes à l'annulation de l'ordonnance querellée (ch. 2) et de l'ordonnance de non-entrée en matière du 29 juin 2020 (ch. 3), mais dans la seule perspective qu'ordre soit donné au ministère public ou à la cour cantonale de " reprendre l'instruction de la procédure pénale " (ch. 4). Les recourants n'évoquent ainsi d'aucune manière l'irrecevabilité du recours et ne demandent pas non plus que la cause soit renvoyée à la cour cantonale afin qu'elle rende une nouvelle décision sur la qualité pour agir de la recourante 2. Il s'ensuit que le recours, en tant qu'il émane de la recourante 2 et a trait à celle-ci, ne contient ni conclusion ni motivation en relation avec l'objet de la décision de dernière instance cantonale. On ne perçoit, de surcroît, pas quel pourrait être l'intérêt juridique (art. 81 al. 1 let. b LTF) du recourant 1 à discuter cette question. Le recours en matière pénale est, dès lors, irrecevable dans cette mesure et seule doit encore être examinée la qualité pour agir au Tribunal fédéral du recourant 1 en lien avec le rejet de son recours cantonal.
1.2. Selon l'art. 81 al. 1 LTF, a qualité pour former un recours en matière pénale quiconque a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire (let. a) et a un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée, soit en particulier (let. b). Il en va ainsi de la partie plaignante si la décision attaquée peut avoir des effets sur le jugement de ses prétentions civiles (ch. 5). Constituent de telles prétentions celles qui sont fondées sur le droit civil et doivent en conséquence être déduites ordinairement devant les tribunaux civils. Il s'agit principalement des prétentions en réparation du dommage et du tort moral au sens des art. 41 ss CO (ATF 141 IV 1 consid. 1.1).
Le recourant 1 souligne avoir réservé dans sa plainte des prétentions provisoirement chiffrées à 10'000 fr. à titre de tort moral. Il allègue aussi que C.________ se serait immiscé dans les affaires administratives et comptables de l'école et aurait appelé les étudiants à geler leurs paiements et à bloquer l'institution. Dans la procédure civile l'opposant au précité, la société anonyme aurait pris reconventionnellement des conclusions en paiement d'un montant de 20'000 francs. En outre, selon lui, C.________ devrait être condamné à payer à la société anonyme la somme de 15'000 fr. plus intérêts à titre de réparation du tort moral.
1.3. On ne perçoit, tout d'abord, pas ce que le recourant 1 pourrait déduire en sa faveur, s'agissant d'établir son intérêt juridique propre, d'éventuelles prétentions en réparation du dommage et/ou du tort moral formulées par la recourante 2,
a fortiori si elles ont fait l'objet de conclusions reconventionnelles dans un litige civil. En effet, la litispendance s'oppose, dans une telle hypothèse, à ce que le juge pénal en soit saisi cumulativement par voie de jonction (art. 59 al. 2 let. d CPC et art. 122 al. 3 CPP; v. parmi d'autres: arrêts 6B_613/2022 du 10 août 2022 consid. 5; 6B_1280/2020 du 3 février 2021 consid. 1.2 et les références citées). Seules sont ainsi déterminantes d'éventuelles prétentions civiles du recourant 1 personnellement.
1.4. A cet égard, il convient de rappeler, tout d'abord, que l'art. 261bis al. 4 CP protège principalement la dignité humaine des individus en relation avec les concepts de race, d'ethnie et de religion mentionnés dans la loi (ATF 140 IV 67 consid. 2.1; 133 IV 308 consid. 8.2). On ne voit donc pas que la norme ait une fonction de protection de l'honneur en tant que tel et, selon la jurisprudence, la conjonction d'un terme grossièrement dépréciatif avec la dénomination d'une nationalité ou d'une ethnie ne réalise en principe pas l'état de fait sanctionné par l'art. 261bis al. 4 CP (ATF 140 IV 67 consid. 2.5.2). Il en irait à plus forte raison ainsi des termes "mafia taïwanaise".
1.5. Quoi qu'il en soit, selon la jurisprudence, n'importe quelle atteinte légère à la réputation professionnelle, économique ou sociale d'une personne ne justifie pas une réparation. L'allocation d'une indemnité pour tort moral fondée sur l'art. 49 al. 1 CO suppose que l'atteinte présente une certaine gravité objective et qu'elle ait été ressentie par la victime, subjectivement, comme une souffrance morale suffisamment forte pour qu'il apparaisse légitime qu'une personne, dans ces circonstances, s'adresse au juge pour obtenir réparation (arrêts 6B_1047/2019 du 15 janvier 2020 consid. 2.1; 6B_673/2019 précité consid. 1.1; 6B_1043/2019 précité consid. 2.2; 6B_637/2019 précité consid. 1.2).
Or, ni l'expression utilisée en l'espèce, ni le cercle très restreint des destinataires du message électronique dans lequel elle a été diffusée ne plaident en faveur d'une atteinte particulièrement grave. Le seul fait que l'expression pouvait avoir un caractère injurieux ou même qu'un témoin a pu la percevoir comme "ordurière" n'imposent pas une telle conclusion. Le recourant 1 n'allègue ni ne tente d'établir en avoir été affecté psychiquement et il n'expose pas précisément quelles auraient pu en être les conséquences concrètes sur sa vie professionnelle, respectivement les répercussions sur sa personnalité en tant qu'artiste. Ses brèves explications ne rendent, dès lors, pas suffisamment vraisemblable la réalité de ses prétentions civiles pour fonder sa qualité pour recourir en matière pénale en tant que la cour cantonale a rejeté son recours dirigé contre le refus d'entrer en matière sur la "plainte/dénonciation" du 26 mai 2020.
2.
Au vu de ce qui précède, le recours est irrecevable. Les deux recourants succombent. Ils supportent conjointement, solidairement et à parts égales, les frais de la procédure (art. 65 al. 2 et 66 al. 1 et al. 5 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est irrecevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3000 fr., sont mis à la charge des recourants conjointement.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton du Valais, Chambre pénale.
Lausanne, le 5 octobre 2022
Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Juge présidant : Denys
Le Greffier : Vallat