Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
1B_334/2019
Arrêt du 6 janvier 2020
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Chaix, Président,
Fonjallaz, Haag, Muschietti et Boinay, Juge suppléant.
Greffier : M. Tinguely.
Participants à la procédure
A.________, représentée par Me Yvan Jeanneret, avocat,
recourante,
contre
Ministère public de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy.
Objet
Procédure pénale; qualité de partie plaignante,
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours, du 4 juin 2019 (ACPR/407/2019 - P/5652/2018).
Faits :
A.
A la suite d'un accident de la circulation routière, survenu le 22 mars 2018 à Genève, B.________, âgé de 22 ans, a été mortellement blessé alors qu'il circulait au guidon de sa moto. Le Ministère public a alors ouvert une instruction pénale contre A.________, impliquée dans l'accident, du chef d'homicide par négligence (art. 117 CP).
B.
Le 22 avril 2018, C.________, D.________ et E.________, respectivement mère et demi-soeurs de la victime, se sont constituées partie plaignante au pénal et au civil.
Le 29 mars 2019, après l'avis de clôture prochaine de l'instruction, A.________ a contesté, pour la première fois, la qualité de partie plaignante de D.________ et E.________, estimant qu'elles ne remplissaient pas les conditions des art. 116 al. 2 et 121 al. 1 CPP. Ces dernières se sont opposées à la remise en cause de leur qualité de partie plaignante.
Par ordonnance du 29 avril 2019, le Ministère public de la République et canton de Genève a confirmé la constitution de partie plaignante des deux demi-soeurs.
Par arrêt du 4 juin 2019, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice genevoise a déclaré irrecevable le recours déposé par A.________ contre cette décision.
C.
A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 4 juin 2019. Elle conclut, avec suite de frais et dépens, principalement à sa réforme en ce sens que D.________ et E.________ n'ont pas la qualité de partie plaignante. Subsidiairement, elle conclut à son annulation et au renvoi de la cause à l'autorité précédente afin qu'elle statue dans le sens des considérants.
Invitée à se déterminer, la cour cantonale a renoncé à présenter des observations. Le Ministère public a pour sa part conclu au rejet du recours.
Considérant en droit :
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 144 II 184 consid. 1 p. 186).
1.1. Une décision cantonale admettant, sur le fond, la qualité de partie plaignante ne cause en principe pas de préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF et n'est donc pas susceptible d'un recours au Tribunal fédéral (ATF 128 I 215 consid. 2.1 p. 216; arrêt 1B_559/2018 du 12 mars 2019 consid. 2.2).
En revanche, le recours en matière pénale au sens des art. 78 ss LTF est ouvert contre un prononcé d'irrecevabilité, notamment pour faute d'intérêt juridiquement protégé (art. 382 al. 1 CPP), indépendamment d'un tel préjudice, puisque cette situation équivaut à un déni de justice formel (ATF 143 I 344 consid. 1.2 p. 346; 138 IV 258 consid. 1.1 p. 261).
En l'espèce, il peut être entré en matière sur le recours en matière pénale en tant que la recourante conteste le constat d'irrecevabilité de son recours cantonal. Pour le reste, par sa conclusion principale, la recourante souhaite faire nier la qualité de partie plaignante à D.________ et E.________. Cette conclusion concerne le fond du litige, de sorte qu'elle est irrecevable.
1.2. Pour le surplus, le recours a été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision rendue par une autorité statuant en tant que dernière instance cantonale (art. 80 al. 1 LTF).
Partant, il y a lieu d'entrer en matière, dans la mesure précitée.
2.
La recourante invoque une violation de l'art. 382 al. 1 CPP.
2.1. Aux termes de l'art. 382 al. 1 CPP, toute partie qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification d'une décision a qualité pour recourir contre celle-ci. L'intérêt doit être actuel et pratique. De cette manière, les tribunaux sont assurés de trancher uniquement des questions concrètes et non de prendre des décisions à caractère théorique. Ainsi, l'existence d'un intérêt de pur fait ou la simple perspective d'un intérêt futur ne suffit pas. Une partie qui n'est pas concrètement lésée par la décision ne possède donc pas la qualité pour recourir et son recours est irrecevable (ATF 144 IV 81 consid. 2.3.1 p. 84s.).
2.2. La cour cantonale a relevé que la recourante n'avait pas expliqué de quelle manière la participation de D.________ et de E.________ à la procédure était de nature à influencer le sort de la cause. Elle n'avait ainsi nullement exposé qu'il pourrait résulter de leur participation un quelconque inconvénient juridique et n'avait développé aucune argumentation tendant à démontrer que la cause se trouverait simplifiée si les intéressées étaient écartées de la procédure.
Il apparaissait en outre que les demi-soeurs de la victime décédée avaient participé activement à la procédure depuis le dépôt de leur plainte pénale, le 22 avril 2018, notamment en consultant le dossier, en sollicitant l'audition d'un expert et en participant aux audiences d'instruction. Or, la recourante avait remis en cause leur qualité de partie, pour la première fois, le 29 mars 2019, soit près d'une année plus tard et après que le ministère public eut informé les parties de la clôture de l'instruction. Durant cette période, elle n'avait pas demandé, par exemple, que l'accès à des documents potentiellement confidentiels leur fût refusé. Enfin, la cour cantonale a retenu que l'existence d'un tel intérêt était d'autant moins évidente que l'infraction était poursuivie d'office, ce qui atténuait sensiblement le rôle d'accusateur privé. Dans tous les cas, ce rôle allait continuer à être joué par la mère de la victime, dont la qualité de partie plaignante n'était pas contestée (cf. arrêt entrepris, consid. 2.3 p. 5).
2.3.
2.3.1. La recourante estime qu'elle était fondée à remettre en cause la qualité de partie plaignante en tout temps et conteste dès lors la pertinence de tenir compte du caractère prétendument tardif de sa demande au ministère public. A cet égard, elle explique avoir déposé la demande litigieuse après avoir constaté, à la suite de l'audience qui s'était tenue le 14 mars 2019, que D.________ et E.________ n'avaient pas la proximité exigée avec la victime pour pouvoir se porter partie plaignante.
A la lecture de la motivation de la cour cantonale, on comprend néanmoins que la date du dépôt de la demande n'était pas en soi déterminante. Ainsi, cette circonstance n'avait trait qu'à l'intérêt juridique que la recourante aurait pu avoir à empêcher que les demi-soeurs prennent connaissance d'éléments du dossier potentiellement confidentiels. Or, un tel intérêt à cet égard paraissait exclu dans la mesure où la qualité de partie plaignante des intéressées, non contestée par la recourante pendant près d'une année, leur avait déjà permis d'avoir eu accès au dossier.
2.3.2. La recourante estime ensuite que la qualité pour recourir doit lui être reconnue du fait que c'était à sa demande que le ministère public avait dû statuer sur la qualité de partie plaignante. Cette argumentation ne peut toutefois pas être suivie. Au risque de vider l'art. 382 al. 1 CPP de son sens, l'intérêt juridiquement protégé exigé par cette disposition ne saurait en effet résulter du seul fait d'avoir effectué une demande en procédure.
2.3.3. La recourante considère que son intérêt à faire nier la qualité de partie plaignante aux deux demi-soeurs de la victime, tient à la circonstance selon laquelle la procédure en serait simplifiée. Elle fonde son argumentation par le fait que les plaignantes précitées ont déjà requis des compléments d'expertise, refusés par le ministère public, et qu'il est donc hautement vraisemblable qu'une nouvelle demande en ce sens soit réitérée aux débats, ce qui va complexifier la procédure en raison d'une éventuelle nécessité d'ajourner les débats pour réaliser l'expertise. De plus, la recourante considère comme certain le fait que les deux demi-soeurs feront appel d'un jugement d'acquittement. Cette situation va lui porter préjudice car la mère de la victime, seule partie plaignante restante, n'a pas pris une part active à la procédure.
A nouveau, ces développements sont infondés. En effet, jusqu'au stade actuel de la procédure, la recourante n'a relevé aucune démarche dilatoire, intempestive ou de mauvaise foi qui aurait été entreprise par les demi-soeurs de la victime décédée. Pour la suite de la procédure, l'attitude future supposée de celles-ci ne saurait conférer à la recourante un intérêt juridiquement protégé pour exiger une décision sur leur qualité de partie plaignante, faute d'être actuel. De plus, le refus d'admettre les intéressées comme parties plaignantes, n'est en rien la garantie d'une simplification de la procédure, dès lors que la mère de la victime pourrait potentiellement reprendre à son compte leurs supposées revendications, celle-là étant d'ailleurs représentée par le même mandataire que les deux demi-soeurs.
2.3.4. La recourante soutient encore que, même si l'infraction est poursuivie d'office, sa situation sera plus défavorable si des accusateurs privés participent à la procédure. Cela étant, dès lors qu'il subsiste une partie plaignante en la personne de la mère de la victime, dont la qualité de partie plaignante n'est pas contestée par la recourante, on ne voit pas en quoi la circonstance alléguée serait propre à fonder à elle seule un intérêt juridiquement protégé, qui justifierait, à ce stade de la procédure et dans les circonstances d'espèce, d'examiner cette problématique.
2.3.5. Enfin, en tant que les griefs de la recourante ont trait à la qualité même de partie plaignante des demi-soeurs et concernent donc le fond du litige, il n'y a pas matière à les examiner, faute d'être recevables (cf. consid. 1.1 supra).
3.
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. La recourante, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3.
Le présent arrêt est communiqué à la recourante, au Ministère public de la République et canton de Genève et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours.
Lausanne, le 6 janvier 2020
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Chaix
Le Greffier : Tinguely