Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
5A_937/2023
Arrêt du 6 février 2024
IIe Cour de droit civil
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux von Werdt, Juge présidant, Bovey et De Rossa.
Greffier : M. Piccinin.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Mathias Eusebio, avocat,
recourant,
contre
Office des poursuites et des faillites,
rue de l'Avenir 2, 2800 Delémont 1,
intimé,
1. B.________,
représenté par Me Manfred Bühler, avocat,
2. C.________,
représentée par Me Manfred Bühler, avocat,
3. D.________,
représentée par Me Valentin Aebischer, avocat,
Objet
poursuite en réalisation de gage immobilier (expulsion des occupants d'un immeuble),
recours contre l'arrêt de la Cour des poursuites et faillites du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura du 28 novembre 2023 (CPF 15 / 17 / 2023, eff. susp. 16 / 2023 et susp. 31 / 2023).
Faits :
A.
A.a. Le 4 novembre 2019, la banque G.________ a déposé auprès de l'Office des poursuites et faillites de Delémont (ci-après: l'office) une réquisition de poursuite en réalisation de gage immobilier à l'encontre de A.________ (ci-après: le débiteur), pour une créance incorporée dans des cédules hypothécaires, avec un capital nominal total de 784'000 fr., grevant les parcelles n° 312, 341 ss du ban de H.________ et n° 1275 du ban de I.________ (poursuite n° yyy). La réquisition de vente du bien immobilier susmentionné s'en est ensuivie le 3 novembre 2020.
A.b. Le 26 janvier 2021, le Service de l'économie rurale du canton du Jura a rendu un rapport d'expertise, selon lequel la valeur vénale du domaine agricole E.________, feuillets n° 312, 341, 342, 343, 344, 371, 379 et 398 du ban de H.________, ainsi que n° 1275 du ban de I.________, propriété du débiteur, est estimée à 1'465'000 fr.
A.c. Le 20 octobre 2022, F.________ a également requis la vente du domaine E.________ dans le cadre de la poursuite ordinaire n° xxx.
A.d. Par publication parue dans la Feuille officielle suisse du commerce (FOSC) et le Journal officiel du canton du Jura (JO) du 15 décembre 2022, la vente aux enchères publiques du domaine E.________ a été annoncée pour le 25 avril 2023.
A.e. Par courrier du 20 décembre 2022, l'office a informé B.________, D.________ et A.________ que l'immeuble devrait être libéré pour le 21 avril 2023 au plus tard et tenu en bon état en vue de sa vente prévue le 25 avril 2023.
A.f. Par décision du 24 avril 2023, l'office a reporté la vente aux enchères du domaine E.________ prévue le 25 avril 2023 à une date ultérieure, en raison des très mauvaises conditions dans lesquelles ont eu lieu les visites des 28 février et 23 mars 2023 (occupation indue des locaux, accès à certains desdits locaux rendu difficile voire impossible, présence policière nécessaire pour assurer le maintien de l'ordre, etc.); certaines personnes très intéressées avaient été découragées et avaient prématurément mis fin à leur visite, ce qui avait conduit l'office à considérer qu'il n'était plus en mesure de vendre les immeubles en cause dans les meilleures conditions possibles, en sauvegardant tant les intérêts des créanciers que ceux du débiteur. Des plaintes ont été déposées à l'encontre de cette décision, sur lesquelles il a été statué le 28 novembre 2023 sans que l'arrêt querellé en indique le sort.
B.
B.a. Par décision du 4 mai 2023, l'office a ordonné l'expulsion de B.________, C.________ et D.________, ainsi que l'évacuation de tous leurs biens et animaux, du domaine E.________, dans les 10 jours suivant son entrée en force, sous la menace de la peine d'amende prévue par l'art. 292 CP et d'une évacuation forcée avec le concours de la force publique. L'office a motivé sa décision par le fait que les intéressés occupaient toujours les locaux, malgré le délai au 21 avril 2023 qui leur avait été imparti par courrier du 20 décembre 2022 pour quitter les lieux en vue de la vente aux enchères de l'immeuble, laquelle avait dû être reportée " notamment pour occupation illicite des locaux ".
B.b. Par plainte du 15 mai 2023, B.________ et C.________ ont conclu à l'annulation de cette décision, en ce sens qu'il leur est permis de demeurer au domaine E.________ jusqu'à la fin de la procédure de vente forcée, éventuellement avec la fixation d'un délai de trois mois dès la tenue de la vente pour évacuer ledit domaine.
B.c. Par plainte du même jour, D.________ a conclu, elle aussi, principalement à l'annulation de la décision de l'office du 4 mai 2023, et, subsidiairement, à l'octroi d'un délai de trois mois pour évacuer le domaine E.________, dès sa vente (précision apportée par courrier du 23 mai 2023).
B.d. Par prises de position des 9 et 26 juin 2023, l'office a conclu, principalement, au rejet des plaintes. Le débiteur en a fait de même par prise de position du 28 septembre 2023.
B.e. Après avoir joint les causes par ordonnance présidentielle du 25 septembre 2023, la Cour des poursuites et faillites du Tribunal cantonal du canton du Jura, par arrêt du 28 novembre 2023, a notamment admis les plaintes et a en conséquence annulé la décision de l'office du 4 mai 2023.
C.
Par acte posté le 11 décembre 2023, A.________ exerce un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 28 novembre 2023. Il conclut, sous suite de frais et dépens, à son annulation, à la confirmation de la décision de l'office du 4 mai 2013 et, partant, à ce que l'expulsion de D.________, C.________ et B.________ du domaine E.________ soit ordonnée. Pour le surplus, il sollicite le bénéfice de l'assistance judiciaire pour la procédure fédérale.
Des déterminations n'ont pas été demandées. La production du dossier cantonal a en revanche été requise.
Considérant en droit :
1.
Le recours est interjeté en temps utile (art. 100 al. 2 let. a LTF) à l'encontre d'une décision finale (art. 90 LTF), rendue en matière de poursuite pour dettes (art. 72 al. 2 let. a LTF, en relation avec l'art. 19 LP) par une autorité de surveillance de dernière (unique) instance cantonale (art. 75 al. 1 LTF; art. 19 et 20 LiLP/JU [RS/JU 281.1]). Il est ouvert indépendamment de la valeur litigieuse (art. 74 al. 2 let. c LTF). Le recourant, qui a participé à la procédure devant la juridiction précédente et a un intérêt digne de protection à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée, a qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF).
2.
2.1. Le recours en matière civile peut être formé pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 s. LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Cela étant, compte tenu de l'obligation de motiver qui incombe au recourant en vertu de l' art. 42 al. 1 et 2 LTF , il n'examine pas toutes les questions juridiques qui peuvent se poser, mais seulement celles qui sont soulevées devant lui (ATF 142 III 364 consid. 2.4 et les références). L'art. 42 al. 2 LTF exige par ailleurs que le recourant discute les motifs de la décision entreprise et indique précisément en quoi il estime que l'autorité précédente a méconnu le droit (ATF 142 I 99 consid. 1.7.1; 142 III 364 consid. 2.4 et la référence). Lorsque la décision attaquée se fonde sur plusieurs motivations indépendantes, alternatives ou subsidiaires, toutes suffisantes pour sceller le sort de la cause, la partie recourante doit, sous peine d'irrecevabilité, démontrer que chacune d'entre elles est contraire au droit en se conformant aux exigences de motivation requises (ATF 142 III 364 consid. 2.4; 138 III 728 consid. 3.4; 138 I 97 consid. 4.1.4 et les références). En outre, le Tribunal fédéral ne connaît de la violation des droits fondamentaux que si de tels griefs ont été invoqués et motivés par le recourant (" principe d'allégation "; art. 106 al. 2 LTF), c'est-à-dire s'ils ont été expressément soulevés et exposés de façon claire et détaillée (ATF 146 IV 114 consid. 2.1; 144 II 313 consid. 5.1; 142 II 369 consid. 2.1).
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'écarter de l'état de fait de l'arrêt attaqué que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 147 I 73 consid. 2.2; 144 II 246 consid. 6.7; 143 I 310 consid. 2.2 et la référence), ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). Le recourant ne peut pas se borner à contredire les constatations litigieuses par ses propres allégations ou par l'exposé de sa propre appréciation des preuves; il doit indiquer de façon précise en quoi ces constatations sont arbitraires (ATF 133 II 249 consid. 1.4.3). Une critique des faits qui ne satisfait pas à cette exigence est irrecevable (art. 106 al. 2 LTF; ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2; 145 IV 154 consid. 1.1; 141 IV 249 consid. 1.3.1).
2.3. A titre de moyens de preuve, le recourant demande l'édition du dossier cantonal. Sa requête est satisfaite, la juridiction précédente ayant déposé dit dossier dans le délai imparti à cet effet (art. 102 al. 2 LTF).
2.4. Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF). Cette exception, dont il appartient au recourant de démontrer que les conditions sont remplies (ATF 148 V 174 consid. 2.2; 143 V 19 consid. 1.1), vise les faits qui sont rendus pertinents pour la première fois par la décision attaquée, par exemple concernant le déroulement de la procédure devant l'instance précédente afin d'en contester la régularité, ou encore des faits postérieurs à l'arrêt attaqué permettant d'établir la recevabilité du recours. En dehors de ces cas, les nova ne sont pas admissibles, qu'il s'agisse de faits ou moyens de preuve survenus postérieurement à la décision attaquée (ATF 144 V 35 consid. 5.2.4) ou d'éléments que les parties ont négligé de présenter aux autorités cantonales (ATF 143 V 19 consid. 1.2; 136 III 123 consid. 4.4.3).
Ne remplissant pas les conditions d'exception susmentionnées, la pièce nouvelle que le recourant produit à l'appui de son recours, soit une ordonnance du 31 octobre 2023 de la juge civile du Tribunal de première instance du canton du Jura, doit être écartée.
3.
La cour cantonale a admis les plaintes sur la base de deux motivations alternatives et une subsidiaire.
Premièrement, elle a constaté que les plaignants, tous unis par des liens familiaux avec le débiteur, occupaient des locaux lui appartenant, sans qu'aucune décision n'eût, " apparemment et pour l'heure ", clarifié juridiquement cette situation sur le plan civil. Dès lors, en se prononçant sur la licéité de l'occupation du domaine E.________ par les plaignants, l'office avait excédé ses prérogatives, ce d'autant plus que le débiteur se prévalait de la saisine de la justice civile à cet effet. Pour l'autorité cantonale, il convenait ainsi, pour ce motif déjà, d'annuler sa décision du 4 mai 2023.
Deuxièmement, elle a rappelé que D.________ était l'épouse du débiteur et que les intéressés vivaient séparément. Elle a ensuite retenu qu'à ce titre, la plaignante pouvait, au sens de l'art. 19 ORFI, utiliser gratuitement l'immeuble saisi, ce d'autant plus que le domaine E.________ constituait son lieu de travail. Par ailleurs, étant donné que la vente aux enchères du domaine avait été ajournée et que, dès lors, l'immeuble n'avait pas encore été réalisé, tant le débiteur que sa famille ne pouvaient être contraints d'évacuer les lieux dans la procédure de poursuite par voie de saisie, contrairement à ce qui était prévu dans la poursuite par voie de faillite. En effet, la loi faisait précisément une distinction, s'agissant de l'utilisation de l'immeuble à réaliser, en fonction de la personne du débiteur, à savoir s'il s'agit d'un débiteur au sens d'une saisie ou d'un failli. Partant, l'art. 229 al. 3 LP, disposition légale prévue dans la partie de la LP régissant la faillite, n'était manifestement pas applicable au cas particulier, le débiteur faisant l'objet d'une saisie dans la poursuite introduite à son encontre. Elle en a déduit que, dans ces circonstances, l'office ne pouvait pas décider d'expulser les plaignants à ce stade de la procédure. Ainsi, pour ce motif également, la décision du 4 mai 2023 de l'office devait être annulée.
" [P] our le surplus ", la cour cantonale a relevé qu'il n'apparaissait pas que l'immeuble saisi soit loué ou affermé. Il semblait ainsi douteux que l'office puisse prendre, dans les circonstances du cas d'espèce, des mesures au sens des art. 151 ss LP et des dispositions de l'ORFI, telle que l'expulsion, intervenant dans le cadre d'une gérance légale d'immeuble. Au demeurant, les dispositions de l'ORFI prévoyaient la possibilité pour l'office de
requérir l'expulsion, au contraire de l'art. 229 al. 3 LP, qui permet à l'administration de la faillite d'exiger du failli et de sa famille qu'ils libèrent les locaux, et, le cas échéant, de les expulser directement, disposition qui ne trouvait toutefois pas application dans la présente procédure pour les motifs susmentionnés. En définitive, dans la procédure de saisie, il semblait bien plus que l'office ordonne l'expulsion des occupants d'un immeuble en qualité d'autorité d'exécution, ce qui n'était pas le cas en l'espèce.
4.
Le recourant reproche premièrement à la cour cantonale d'avoir apprécié de manière insoutenable les éléments de preuve du dossier, en considérant que l'office, en se prononçant sur la licéité de l'occupation du domaine E.________, avait excédé ses prérogatives. Il soutient que la situation du logement est claire du point de vue du droit civil. Le domicile conjugal lui avait été attribué lors de la procédure de séparation. S'il était exact que D.________ habitait au domaine E.________ depuis la séparation, elle n'était pas propriétaire de cet immeuble. Elle n'avait pas signé de contrat de bail avec lui et n'avait jamais payé le moindre centime à titre de loyer. Elle n'y travaillait pas, puisqu'elle percevait des prestations d'aide sociale. Dans la mesure où D.________ n'avait pas contesté la décision de l'office du 20 décembre 2022, aux termes de laquelle elle devait quitter le domaine E.________ le 21 avril 2023, elle occupait bien l'immeuble en cause sans droit, au plus tard depuis le 22 avril 2023, étant précisé qu'il ne pouvait plus agir à son encontre puisque l'office avait seul la " gestion " légale de l'immeuble. S'agissant de la position de B.________, le recourant estime qu'elle est également parfaitement limpide depuis la décision de la juge civile du Tribunal de première instance du canton du Jura du 31 août 2023. En effet, dite magistrate avait déclaré irrecevable sa requête du 15 juillet 2021 visant à expulser son fils B.________ du domaine E.________, au motif qu'il n'en avait plus la gérance légale, l'immeuble ayant été saisi et est mis en vente aux enchères. La juge civile avait en définitive jugé que l'office était " seul compétent pour demander l'expulsion de la partie défenderesse ". Dans ces conditions, le recourant estime qu'il ne pouvait plus intervenir auprès de la justice civile pour demander l'expulsion de son épouse ou de ses enfants du domaine E.________. Selon lui, seul l'office était habilité à le faire, ce qu'il avait fait, à bon droit, en date du 4 mai 2023. Il était donc insoutenable de retenir que l'office avait excédé ses prérogatives en requérant l'expulsion des plaignants, puisqu'aucune autre voie judiciaire n'existait.
Dans un deuxième grief, le recourant soutient que la cour cantonale a violé les art. 229 al. 3 LP et 17 ORFI et qu'elle a procédé à une appréciation arbitraire des pièces du dossier. Il est d'avis qu'afin de préserver les droits du débiteur, l'office n'avait pas d'autre choix que de prononcer l'expulsion des plaignants, et ce immédiatement après l'annulation de la vente aux enchères qui aurait dû se dérouler le 25 avril 2023. Il liste ensuite une série d'éléments, résultant, selon lui, expressément du dossier, qui établiraient que seule l'expulsion des plaignants permettrait de réaliser la vente aux enchères publiques dans des conditions acceptables pour lui-même et les potentiels acquéreurs. Il en ressortait notamment que tous les potentiels acheteurs avaient retiré leur offre de peur de la réaction des occupants, qui étaient excessivement déterminés. B.________, qui disposait d'un droit de préemption, n'avait toutefois formulé aucune offre concrète à l'office, alors que la vente aux enchères publiques avait été annoncée il y avait près d'une année. Il ne disposait donc manifestement pas des fonds pour acquérir ce bien. Son seul espoir était de décourager les potentiels acheteurs et racheter la ferme à vil prix. Ses agissements étaient assurément constitutifs d'un abus de droit et les plaignants ne pouvaient être protégés à ce stade de la procédure. Depuis le 20 décembre 2022, les plaignants étaient au courant qu'ils devaient quitter la ferme au plus tard au 21 avril 2023. En étant toujours présents à cette date et vu leur attitude lors des deux visites notamment, les plaignants avaient clairement manifesté leur intention de faire peur aux éventuels intéressés, en affirmant qu'ils ne quitteraient pas les lieux et que l'acquéreur s'exposait à une procédure d'expulsion qui pourrait durer entre 6 et 8 ans. Pour ces différentes raisons, l'office était parfaitement en droit d'ordonner l'expulsion des plaignants. Il s'agissait de l'une de ses prérogatives, dans le cadre de la gérance légale et l'art. 17 ORFI constituait une base légale suffisante pour ordonner l'expulsion des occupants, après avoir dû annuler la vente aux enchères publiques, prévue le 25 avril 2023.
5.
5.1. Dès que le créancier gagiste a requis la réalisation du gage, l'office pourvoit, sauf si le poursuivant y a expressément renoncé, à la gérance et à l'exploitation de l'immeuble de la manière prévue, en matière de poursuite par voie de saisie, dès la date de la saisie (art. 102 al. 3 LP, auquel renvoie l'art. 155 al. 1 LP; art. 16 ss ORFI, auxquels renvoie l'art. 101 al. 1 ORFI). Cette gérance a une portée plus grande que celle de l'art. 94 ORFI (ATF 129 III 90 consid. 2.2). Elle comprend toutes les mesures nécessaires pour entretenir l'immeuble en bon état de rendement ainsi que pour la perception des fruits et autres produits, soit notamment la résiliation des baux, l'expulsion des locataires, la conclusion de nouveaux baux, la récolte et la vente des fruits, la rentrée des loyers et fermages au besoin par voie de poursuites (art. 17 ORFI; arrêt 5C.139/2004 du 26 janvier 2005 consid. 2.2.2 non publié in ATF 131 III 141; DÉFAGO GAUDIN, L'immeuble dans la LP: indisponibilité et gérance légale, 2006, n. 257 ss p. 71 ss).
L'art. 19 ORFI, applicable à la poursuite en réalisation de gage immobilier (ATF 117 III 63 consid. 1; 77 III 119 consid. 1), prévoit que jusqu'à la réalisation de l'immeuble, le débiteur ne peut être tenu ni de payer une indemnité pour les locaux d'habitation ou d'affaires qu'il occupe ni de vider les lieux, contrairement à ce qui est prévu en matière de faillite (art. 229 al. 3 LP). Dans la poursuite par voie de saisie, celui qui peut se prévaloir de l'art. 19 ORFI est le débiteur et propriétaire du gage, tandis que dans la poursuite en réalisation de gage, l'ayant droit est le propriétaire de l'immeuble. Dans cette dernière, si le débiteur n'est pas le propriétaire de l'immeuble - ce qui est possible dans la poursuite en réalisation de gage -, l'art. 19 ORFI ne s'applique pas (ZOPFI, in Kurzkommentar VZG, 2ème éd. 2023, n° 1 ad art. 19 ORFI (ci-après: op. cit. [2023]); LE MÊME, in Commentaire ORFI, 2012, n° 1 ad art. 19 ORFI (ci-après: op. cit. [2012])).
D'après ZOPFI, la famille ou le partenaire enregistré du débiteur sont également visés par l'art. 19 ORFI. Il ajoute que cette disposition ne se limite pas au logement de la famille au sens de l'art. 169 CC, mais s'applique également aux locaux commerciaux, singulièrement à ceux servant à l'exercice de la profession ou du métier du conjoint du débiteur. Toujours selon cet auteur, le bénéfice de l'art. 19 ORFI s'étend à l'épouse séparée du débiteur ainsi qu'aux enfants du couple occupant l'immeuble concerné " eu égard aux nombreuses dispositions « protectrices » existant en droit civil et en matière d'exécution forcée concernant le logement familial (...) [et] les actes juridiques entre époux " (ZOPFI, op. cit. [2012], n° 4 ad art. 19 ORFI; même avis in op. cit. [2023], n° 4 ad art. 19 ORFI; également dans le même sens: SCHLEGEL/ZOPFI, Die betreibungsrechtliche Zwangsverwertung von Grundstücken in Theorie und Praxis, 2019, n. 279 p. 115 s.).
Selon la doctrine, la possibilité d'utiliser gratuitement l'immeuble existe au plus tard jusqu'à sa réalisation, soit jusqu'au moment des enchères (ZOPFI, op. cit. [2023], n° 6 ad art. 19 ORFI; DÉFAGO GAUDIN, op. cit., n. 597 p. 160; SCHLEGEL/ZOPFI, op. cit., n. 280 p. 116; STUDER, Die Liegen-schaftsverwaltung im Zwangsvollstreckungsverfahren, in BlSchK 1954 p. 173; cf. aussi ATF 131 III 141 consid. 2.3.4; SIEVI, in Basler Kommentar, SchKG I, 3ème éd. 2021, n° 17 ad art. 102 LP; JEANDIN/SABETI, in Commentaire romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 21 ad art. 102 LP; JEANDIN, La gérance légale d'immeubles, in BlSchK 2015 p. 100; contra: TC GR, 30.8.1994, in PKG 1994 n° 38 p. 125 consid. a) et b), selon lequel le droit du débiteur d'occuper gratuitement les locaux n'existerait que jusqu'à la réquisition de vente). Le transfert de propriété met fin au régime de l'art. 19 ORFI. Cela étant, jusqu'à l'inscription du nouveau propriétaire au registre foncier, l'office est compétent pour requérir l'expulsion du débiteur ou des membres de sa famille qui refuseraient de quitter les lieux après l'adjudication (DÉFAGO GAUDIN, op. cit., loc. cit. et la référence; ZOPFI, op. cit. [2012], n° 6 ad art. 19 ORFI; L E MÊME, op. cit. [2023], n° 6 ad art. 19 ORFI; SCHLEGEL/ZOPFI, op. cit., loc. cit.).
5.2. En l'espèce, le recourant ne discute pas valablement (art. 42 al. 2 LTF; ATF 134 II 244 consid. 2.1) l'avis des juges cantonaux selon lequel son épouse et ses deux enfants pouvaient en l'occurrence être mis au bénéfice de l'art. 19 ORFI. A cet égard, il ne suffit pas de simplement affirmer que le domicile conjugal, dont il est seul propriétaire, lui a été attribué lors de la procédure de séparation, qu'il ne peut plus requérir l'expulsion de son épouse et de ses enfants du fait de la gérance légale de l'office, que son épouse n'est au bénéfice d'aucun bail et qu'elle ne travaille pas sur le domaine agricole puisqu'elle perçoit des prestations de l'aide sociale. C'est oublier que l'auteur suivi dans l'arrêt querellé, dont l'opinion a été rappelée ci-dessus (cf. supra consid. 5.1), préconise une interprétation large de l'art. 19 ORFI, tendant en définitive à assurer le maintien des situations existantes en évitant des expulsions prématurées (cf. CJ GE, 25.6.2020, DCSO/214/2020 consid. 2.3). Or on peine à discerner dans les développements du présent recours en quoi les juges précédents auraient violé le droit fédéral en faisant leur une telle conception, aucune violation de l'art. 19 ORFI n'étant de surcroît soulevée. Le recourant ne discute pas non plus l'avis a priori unanime de la doctrine, également suivi par la cour cantonale, selon lequel le droit d'utiliser et de rester dans l'immeuble saisi vaut jusqu'au moment des enchères. S'il est vrai qu'une décision cantonale isolée et relativement ancienne a retenu que le bénéfice de l'art. 19 ORFI ne s'entend que jusqu'à la réquisition de vente, le recourant ne fait pas valoir un tel point de vue. Au gré de considérations largement appellatoires, en partie fondées sur une pièce nouvelle irrecevable et de pures conjectures, il axe en effet son argumentation sur la violation des art. 229 al. 3 LP - applicable à la procédure de faillite - et 17 ORFI, sans réfuter d'une manière motivée (art. 42 al. 2 LTF) les motifs de la cour cantonale tirés de l'application in casu de l'art. 19 ORFI, lex specialis. Ce faisant, le recourant part du principe que l'office peut, selon sa libre appréciation, fixer les conditions auxquelles le débiteur ou sa famille peuvent rester dans l'immeuble dont la vente aux enchères a été requise et qu'il est, le cas échéant, légitimé à obtenir leur expulsion. Une telle approche relève toutefois de l'application de l'art. 229 al. 3 LP (cf. arrêt 5A_495/2009 du 24 septembre 2009 consid. 4). Or, comme cela est correctement rappelé dans l'arrêt attaqué, la situation juridique s'agissant de l'utilisation à titre gracieux de l'immeuble en cause est différente selon que l'on se trouve dans une procédure de faillite ou de saisie, respectivement de réalisation de gage, notamment lorsque l'on admet, comme l'a fait la cour cantonale sans qu'une violation du droit fédéral soit démontrée à satisfaction de droit, que les occupants actuels de l'immeuble peuvent se prévaloir de l'art. 19 ORFI jusqu'aux enchères (cf. arrêt attaqué p. 7 et les références citées, notamment VOUILLOZ, in Commentaire romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 9 s. ad art. 229 LP).
Il suit de là que la deuxième motivation de l'arrêt attaqué, suffisante en soi pour sceller le sort de la cause, demeure intacte, ce qui ne peut conduire qu'au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité.
6.
Au vu de ce qui précède, le recourant, dont la requête d'assistance judiciaire ne saurait être agréée faute de chance de succès du recours (art. 64 LTF), supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens (art. 68 al. 3 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
La requête d'assistance judiciaire du recourant est rejetée.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à B.________, à C.________, à D.________ et à la Cour des poursuites et faillites au Tribunal cantonal de la République et canton du Jura.
Lausanne, le 6 février 2024
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Juge présidant : von Werdt
Le Greffier : Piccinin