Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
7B_232/2023
Arrêt du 6 février 2024
IIe Cour de droit pénal
Composition
MM. les Juges fédéraux Abrecht, Président,
Hurni et Kölz.
Greffier : M. Fragnière.
Participants à la procédure
A.________,
recourant,
contre
B.________,
Direction générale de l'environnement du canton de Vaud (DGE),
route de Morrens 8, 1053 Cugy VD,
intimé.
Objet
Procédure pénale; récusation d'un agent de police,
recours contre la décision du Ministère public central du canton de Vaud, Division affaires spéciales, du 12 juin 2023 (PE23.009979-EMM).
Faits :
A.
Le Ministère public central du canton de Vaud (ci-après: le Ministère public) a ouvert une instruction pénale contre A.________ pour infraction à la loi fédérale sur la protection des eaux (LEaux; RS 814.20) en raison du déversement le 23 août 2022 de 600 litres de Lactovo (aliment d'allaitement pour veaux) et de purin dans la Broye depuis son exploitation de Palézieux.
B.
B.a. Par courriel du 17 avril 2023, A.________ a demandé la récusation de B.________, agent de la Police faune-nature de la Direction générale de l'environnement du canton de Vaud (ci-après: la DGE), au motif que ce dernier aurait en substance adopté un comportement "détestable", qui serait "systématiquement exécrable, jamais constructif et raciste" envers les employés de l'exploitation agricole.
B.b. Par décision du 12 juin 2023, le Ministère public a rejeté la demande de récusation; il a indiqué que cette décision pouvait faire l'objet d'un recours devant être adressé à la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal vaudois (ci-après: la Chambre des recours pénale) dans un délai de 10 jours dès sa notification ou sa communication.
B.c. Le 21 juin 2023, A.________ a adressé à la Chambre des recours pénale un recours contre la décision du 12 juin 2023. Il concluait, avec suite de frais, principalement à sa réforme en ce sens que la récusation de l'agent A.________ fût prononcée. À titre subsidiaire, il demandait l'annulation de la décision attaquée et le renvoi de la cause au Ministère public pour nouvelle décision.
C.
Par arrêt du 27 juin 2023, la Chambre des recours pénale a déclaré irrecevable le recours formé par A.________ contre la décision rendue le 12 juin 2023 par le Ministère public et l'a transmis au Tribunal fédéral comme objet de sa compétence.
Nonobstant le paiement de l'avance de frais de 800 fr. requise par le Tribunal fédéral, A.________ sollicite l'assistance judiciaire.
Considérant en droit :
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 146 IV 185 consid. 2).
1.1. Rendue par le Ministère public statuant en tant qu'instance cantonale unique (art. 80 al. 2
in fine LTF, 59 al. 1 let. a et 380 CPP; ATF 138 IV 222 consid. 1.2) sur la récusation d'un membre de la police, soit d'un agent de la Police faune-nature de la DGE (art. 14 al. 2 CPP en lien avec l'art. 67 de la loi vaudoise sur la faune [LFaune/VD; BLV 922.03]), la décision attaquée peut faire immédiatement l'objet d'un recours en matière pénale, malgré son caractère incident (cf. art. 78 et 92 al. 1 LTF ).
1.2. Pour le surplus, le recours a été transmis en temps utile au Tribunal fédéral et les conclusions présentées sont recevables au regard de l'art. 107 LTF.
2.
2.1. Le recourant reproche au Ministère public d'avoir violé son droit d'être entendu en ayant rendu la décision attaquée sans avoir respecté son droit inconditionnel de réponse à la suite de la prise de position de l'agent qui lui avait été transmise le 9 juin 2023.
2.2. Selon l'art. 58 al. 2 CPP, la personne visée par la demande de récusation prend position sur la demande. Cette disposition est impérative. Elle tend à permettre l'établissement des faits et à garantir le respect du droit d'être entendu (cf. art. 29 al. 2 Cst. et art. 3 al. 2 let. c CPP), tant de la personne concernée que de l'auteur de la demande de récusation auquel un droit de réplique doit le cas échéant être accordé. Cette mesure d'instruction a toute son importance dès lors que l'administration d'autres preuves est en principe limitée, voire exclue (cf. art. 59 al. 1 CPP), et qu'aucune autorité cantonale de recours n'est susceptible de revoir les faits. Saisi d'une demande de récusation, le Ministère public doit ainsi s'assurer que les droits du requérant sont respectés au cours de cette procédure, y compris le droit de se déterminer sur la prise de position de la personne concernée (ATF 138 IV 222 consid. 2.1; arrêt 7B_174/2022 du 23 octobre 2023 consid. 3.2 et les réf. citées).
Le droit de répliquer n'impose pas à l'autorité judiciaire de fixer un délai à la partie pour déposer d'éventuelles observations, mais uniquement de lui laisser un laps de temps suffisant entre la remise des documents et le prononcé de sa décision pour qu'elle ait la possibilité de déposer des observations si elle l'estime nécessaire (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1). À cet égard, le Tribunal fédéral considère qu'un délai inférieur à dix jours ne suffit pas à garantir l'exercice du droit de répliquer, tandis qu'un délai supérieur à vingt jours permet, en l'absence de réaction, d'inférer qu'il a été renoncé à celui-ci (arrêts 6B_1035/2022 du 12 janvier 2023 consid. 3.3.1; 6B_1058/2018 du 17 décembre 2018 consid. 1.1). Le délai en question ne correspond pas à celui dans lequel l'intéressé doit répliquer, mais bien celui à l'issue duquel l'autorité peut rendre sa décision en l'absence de réaction (arrêts 6B_240/2022 du 16 mars 2023 consid. 1.1.2; 1C_338/2020 du 19 janvier 2021 consid. 2.3; 2C_441/2019 du 27 septembre 2019 consid. 2.1).
2.3. En l'espèce, le Ministère public a prononcé la décision attaquée le 12 juin 2023, soit trois jours après avoir communiqué au recourant la prise de position de l'agent B.________ du 4 juin 2023.
Le recourant n'a ainsi pas disposé d'un laps de temps suffisant entre la remise de la prise de position de l'agent et le prononcé de la décision attaquée afin de pouvoir déposer des observations. Estimant nécessaire de faire usage de son droit de répliquer, le recourant renvoie par ailleurs aux observations qu'il a adressées le 18 juin 2023 au Ministère public dans un acte intitulé "demande de réexamen" en lien avec la "violation du droit de réponse inconditionnel de 10 jours".
Il s'ensuit qu'en rendant la décision attaquée le 12 juin 2023, le Ministère public a violé le droit d'être entendu du recourant.
2.4. La présente procédure devant le Tribunal fédéral, qui dispose d'un plein pouvoir d'examen en droit mais limité à l'inexactitude manifeste des faits (cf. art. 97 al. 1 LTF), ne permet pas de considérer que le vice pourrait être réparé devant lui s'agissant de l'appréciation d'éléments factuels. On ne saurait du reste considérer qu'un renvoi de la cause à l'autorité précédente constituerait une vaine formalité, rien ne permettant d'exclure que les observations que le recourant entend formuler pourraient influencer l'appréciation du Ministère public sur sa requête de récusation.
2.5. En définitive, la violation du droit d'être entendu entraîne l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès au fond, ce qui rend sans objet tout autre éventuel grief soulevé par le recourant.
3.
Le recours doit dès lors être admis, la décision attaquée annulée et la cause renvoyée au Ministère public pour nouvelle décision, après avoir offert au recourant la possibilité de formuler des observations sur la prise de position de l'agent B.________ du 4 juin 2023.
Le renvoi peut être ordonné sans demander des déterminations à l'autorité précédente et à l'intimé, car le Tribunal fédéral n'a pas traité la cause sur le fond et n'a pas préjugé de l'issue de la cause (ATF 133 IV 293 consid. 3.4.2).
Il ne sera pas perçu de frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF), ni alloué de dépens (art. 68 al. 1 LTF), attendu qu'en l'occurrence la recourante a agi sans l'assistance d'un mandataire professionnel, ce qui rend au surplus sans objet la demande d'assistance judiciaire.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est admis, la décision attaquée est annulée et la cause est renvoyée à l'autorité précédente pour nouvelle décision.
2.
La demande d'assistance judiciaire est sans objet.
3.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires, ni alloué de dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Ministère public central du canton de Vaud, Division affaires spéciales, et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale.
Lausanne, le 6 février 2024
Au nom de la IIe Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Abrecht
Le Greffier : Fragnière