Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
8C_225/2023
Arrêt du 6 mars 2024
IVe Cour de droit public
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Wirthlin, Président,
Viscione et Métral.
Greffière : Mme Betschart.
Participants à la procédure
Office des relations et des conditions de travail (ORCT) du Service de l'emploi,
rue du Parc 117, 2300 La Chaux-de-Fonds,
recourant,
contre
A.________,
représenté par M e Jonathan Gretillat, avocat,
intimé.
Objet
Assurance-chômage (suspension du droit à l'indemnité),
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel du 6 mars 2023 (CDP.2022.145-AC).
Faits :
A.
A.________, né en 1985, était inscrit au chômage dès le 1er juillet 2021 et était au bénéfice d'un délai-cadre d'indemnisation jusqu'au 30 juin 2023. Par courriel du 16 novembre 2021, sa conseillère auprès de l'Office régional de placement (ORP) l'a prié de poser sa candidature pour deux postes, soit un de logisticien et un de gestionnaire de stock, et lui a transmis les deux assignations correspondantes. Chacune d'elles mentionnait, en gras, un délai de postulation au 20 novembre 2021 au plus tard. Par courriel du 23 novembre 2021, l'intéressé a transmis à sa conseillère les preuves de postulation datées du 23 novembre 2021. Il a indiqué qu'il n'avait vu que ce jour le délai de postulation et s'est excusé de son oubli.
Par décision du 10 décembre 2021, confirmée sur opposition le 31 mars 2022, l'Office des relations et des conditions de travail (ORCT) du Service de l'emploi du canton de Neuchâtel a suspendu le droit de l'assuré à l'indemnité de chômage pour une durée de 34 jours, retenant une faute grave de celui-ci.
B.
Par arrêt du 6 mars 2023, la Cour de droit public du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel a partiellement admis le recours formé par A.________ et a réformé la décision sur opposition en ce sens que l'assuré était suspendu de son droit à l'indemnité de chômage durant 16 jours.
C.
Le service de l'emploi de la République et Canton de Neuchâtel, agissant par l'ORCT, interjette un recours en matière de droit public contre cet arrêt, en concluant à sa réforme en ce sens que la décision sur opposition du 31 mars 2022 soit confirmée.
A.________ conclut au rejet du recours. Le Tribunal cantonal et le Secrétariat d'État à l'économie (SECO) renoncent à se déterminer.
Considérant en droit :
1.
Le recours est dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière de droit public (art. 82 ss LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF). Il a été déposé dans le délai (art. 100 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. Il est donc recevable.
2.
2.1. Le litige porte sur la question de savoir si la cour cantonale a violé le droit fédéral en réduisant de 34 à 16 jours la durée de la suspension du droit de l'intimé à l'indemnité de chômage prononcée par l'ORCT.
2.2. Le Tribunal fédéral, qui est un juge du droit, fonde son raisonnement juridique sur les faits retenus par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 145 V 188 consid. 2) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (cf. art. 105 al. 2 LTF).
3.
3.1. L'art. 30 al. 1 let. d LACI prévoit que le droit de l'assuré à l'indemnité est suspendu lorsqu'il est établi que celui-ci n'observe pas les prescriptions de contrôle du chômage ou les instructions de l'autorité compétente, notamment refuse un travail convenable. D'après la jurisprudence, l'art. 30 al. 1 let. d LACI trouve application non seulement lorsque l'assuré refuse expressément un travail convenable qui lui est assigné, mais également déjà lorsqu'il s'accommode du risque que l'emploi soit occupé par quelqu'un d'autre ou fait échouer la perspective de conclure un contrat de travail (ATF 122 V 34 consid. 3b; arrêts 8C_24/2021 du 10 juin 2021 consid. 3.1; 8C_865/2014 du 17 mars 2015 consid. 3 et les références). Selon les circonstances, la réaction tardive de l'assuré à l'injonction de l'ORP de prendre contact avec un employeur potentiel peut être assimilé à un refus d'emploi et, partant, considéré comme une faute grave au sens de l'art. 45 al. 4 let. b OACI (parmi d'autres: arrêts 8C_379/2009 du 13 octobre 2009 consid. 4; C 245/06 du 2 novembre 2007 consid. 3.4; C 30/06 du 8 janvier 2007; voir également 8C_285/2011 du 22 août 2011).
3.2. Le but de la suspension du droit à l'indemnité, dans l'assurance-chômage, vise à faire participer l'assuré de façon équitable au dommage qu'il cause à cette assurance sociale, en raison d'une attitude contraire aux obligations qui lui incombent (ATF 124 V 199 consid. 6a). Pour autant, la suspension du droit à l'indemnité de chômage n'est pas subordonnée à la survenance d'un dommage effectif. Une telle condition ne ressort nullement du texte légal et ne se laisse pas non plus déduire d'une interprétation de celui-ci. En effet, l'art. 30 al. 1 let. d LACI sanctionne des comportements dont les conséquences préjudiciables pour l'assurance-chômage sont, pour certains, difficiles à quantifier (arrêt C 152/01 du 21 février 2002 consid. 4). Selon l'art. 30 al. 3 LACI, la durée de la suspension du droit à l'indemnité de chômage est proportionnelle à la gravité de la faute (cf. ATF 113 V 154 consid. 3). En vertu de l'art. 45 al. 3 OACI, elle est de 1 à 15 jours en cas de faute légère (let. a), de 16 à 30 jours en cas de faute de gravité moyenne (let. b) et de 31 à 60 jours en cas de faute grave (let. c). Selon l'art. 45 al. 4 let. b OACI, il y a faute grave lorsque, sans motif valable, l'assuré refuse un emploi réputé convenable. Par motif valable, il faut entendre un motif qui fait apparaître la faute comme étant de gravité moyenne ou légère. Il peut s'agir, dans le cas concret, d'un motif lié à la situation subjective de la personne concernée (d'éventuels problèmes de santé, la situation familiale ou l'appartenance religieuse) ou à des circonstances objectives (par exemple la durée déterminée du poste; ATF 141 V 365 consid. 4.1; 130 V 125 consid. 3.5). Si des circonstances particulières le justifient, il est donc possible, exceptionnellement, de fixer un nombre de jours de suspension inférieur à 31 jours.
3.3. En tant qu'autorité de surveillance, le SECO a adopté un barème (indicatif) à l'intention des organes d'exécution. Quand bien même de telles directives ne sauraient lier les tribunaux, elles constituent un instrument précieux pour ces organes d'exécution lors de la fixation de la sanction et contribuent à une application plus égalitaire dans les différents cantons (ATF 141 V 365 consid. 2.4; arrêt 8C_283/2021 du 25 août 2021 consid. 3.3). Cela ne dispense cependant pas les autorités décisionnelles d'apprécier le comportement de l'assuré compte tenu de toutes les circonstances - tant objectives que subjectives - du cas concret, notamment des circonstances personnelles, en particulier de celles qui ont trait au comportement de l'intéressé au regard de ses devoirs généraux d'assuré qui fait valoir son droit à des prestations. Elles pourront le cas échéant aller en dessous du minimum prévu par le barème indicatif (arrêt 8C_756/2020 du 3 août 2021 consid. 3.2.3 et les références). Le barème du SECO prévoit une suspension d'une durée de 31 à 45 jours en cas de premier refus d'un emploi convenable d'une durée indéterminée (Bulletin LACI IC, ch. D79/2.B/1).
4.
4.1. En l'espèce, la cour cantonale a constaté que l'intimé avait été assigné à postuler le 16 novembre 2021 pour deux emplois, dans un délai fixé au 20 novembre 2021, mais qu'il n'y avait donné suite que le 23 novembre 2021. Il s'agissait d'une violation de l'art. 20 al. 1 let. d LACI, qui constituait une faute et justifiait une suspension du droit aux indemnités journalières. Du point de vue des juges cantonaux, toutefois, le retard de postulation résultait d'une inadvertance ponctuelle de la part de l'intimé et ne traduisait pas un comportement désinvolte. Le retard n'était que de trois jours et l'intimé s'en était immédiatement, spontanément excusé auprès de sa conseillère à l'ORP. Il n'avait pas délibérément omis de postuler dans les délais au motif que les emplois assignés ne lui auraient pas convenus, et le dossier montrait que ses recherches d'emploi avaient été faites en suffisance, son comportement en lien avec ses obligations de chômeur étant pour le surplus irréprochable. L'erreur commise ne résultait pas d'un comportement négligent caractérisé, de la part d'un assuré qui ne prendrait pas au sérieux ses obligations. Dans ces circonstances, la faute de l'intimé devait être qualifié de moyenne et non de grave. Les premiers juges ont ainsi réduit de 34 à 16 jours la durée de la suspension dans exercice du droit aux indemnités journalières, considérant par ailleurs que le fait que le retard de l'intimé avait concerné deux emplois et non un seul ne justifiait pas de s'écarter du bas de la fourchette prévue par l'art. 45 al. 3 OACI pour une faute de gravité moyenne.
4.2. Le recourant conteste l'appréciation de gravité de la faute de l'intimé par les premiers juges. Il soutient que le retard de l'intimé doit être assimilé à un refus d'emploi convenable, constitutif d'une faute grave au sens de l'art. 45 al. 4 let. b OACI, sans que des justes motifs permettent, en l'espèce, de s'écarter de la sanction prévue par l'art. 45 al. 3 let. c OACI pour une telle faute. Le recourant se réfère sur ce point à un arrêt du Tribunal fédéral du 21 juillet 2021 dans la cause 8C_712/2020 et estime que les conditions posées dans cet arrêt pour admettre une réduction de la sanction ne sont pas remplies. La situation de l'intimé se rapprocherait ainsi plutôt de celle tranchée dans l'arrêt 8C_313/2021 du 3 août 2021, dans lequel le Tribunal fédéral n'avait pas admis de considérer comme moyenne, plutôt que grave, la faute commise par la personne assurée. En outre, les premiers juges auraient refusé à tort de considérer comme une circonstance aggravante le fait que le retard de l'assuré concernait deux emplois et non un seul.
4.3.
4.3.1. Les deux arrêts cités par le recourant n'ont pas la portée de principe que leur prête le recourant. Dans l'arrêt 8C_712/2020 du 21 juillet 2021, le Tribunal fédéral a confirmé l'appréciation des premiers juges relative à la gravité moyenne de la faute commise par la personne assurée, qui n'avait pas donné suite à une assignation, au regard des circonstances objectives et subjectives, en particulier des efforts de l'assuré en vue de retrouver un emploi même avant la fin de son contrat de travail en cours. Ce cas ne présente que peu de liens avec la situation de l'intimé, qui n'a pas omis de postuler, mais l'a fait avec un retard de trois jours. Tout au plus peut-on en déduire que même en cas d'absence de postulation pour un emploi assigné, et sur la base d'une appréciation de l'ensemble des circonstances objectives et subjectives, de justes motifs peuvent conduire à qualifier la faute de la personne assurée de moyenne plutôt que de grave. L'arrêt 8C_313/2021 du 3 août 2021 concerne également une personne assurée qui n'avait pas postulé pour l'emploi qui lui avait été assigné. Le Tribunal fédéral a considéré qu'elle ne pouvait pas se prévaloir du fait que le lien internet qui lui avait été communiqué par les autorités de chômage ne fonctionnait pas (elle l'avait en réalité mal recopié). On pouvait s'attendre d'elle, après avoir constaté le problème, qu'elle prenne rapidement contact avec son conseiller à l'ORP pour le régler, ce qu'elle n'avait pas fait. L'absence de postulation devait être assimilée à un refus d'emploi convenable, sans que des motifs justificatifs permettent de qualifier la faute de moyenne plutôt que de grave. Là encore, cette situation ne présente que peu de liens avec celle de l'intimé.
4.3.2. En l'espèce, l'intimé n'a pas postulé dans le délai fixé par l'ORP et, partant, n'a pas respecté une injonction de cet office, en violation de ses obligations. Cette faute tombe dans le champ d'application de l'art. 30 al. 1 let. d LACI, de sorte qu'une suspension dans l'exercice du droit aux indemnités journalières doit être prononcée. L'intimé a néanmoins postulé, mais avec trois jours de retard. Les premiers juges ont constaté que l'incident ne traduisait aucune volonté de l'intimé de mettre en échec ses postulations. Le recourant ne démontre pas le caractère manifestement erroné de cette constatation. Il ne démontre pas d'avantage en quoi les premiers juges auraient excédé ou abusé de leur pouvoir d'appréciation en considérant que la faute commise était de gravité moyenne, après avoir pesé l'ensemble des circonstances objectives et subjectives. Le délai imparti par l'ORP pour postuler était en effet très bref, ce qui était certes justifié pour limiter le risque que l'emploi soit pourvu rapidement après la mise au concours du poste et pour favoriser au mieux les chances de succès d'une postulation de l'intimé. Pour autant, rien n'indique, dans les faits constatés par les premiers juges, que les deux employeurs potentiels auraient eux-mêmes fixé un tel délai, ce que le recourant ne soutient pas. Par ailleurs, l'intimé a tout de même postulé en signalant spontanément à l'ORP qu'il n'avait pas prêté attention au délai qui avait été imparti et en lui demandant de bien vouloir l'en excuser. Il a confirmé par la suite, de manière crédible, son intérêt réel pour les emplois en question. Contrairement à ce que soutient le recourant, au vu de l'ensemble des circonstances, l'attitude de l'intimé n'était pas à ce point désinvolte que l'on devrait en conclure qu'il s'était délibérément accommodé du risque que l'emploi soit occupé par quelqu'un d'autre, de sorte que sa négligence devrait être assimilée à un refus d'emploi. Sur ce point, les constatations des premiers juges, qui ont également pris en considération l'attitude générale de l'intimé et ses efforts en vue de rechercher un emploi, sont exempts d'arbitraire.
Vu ce qui précède, les premiers juges n'ont pas violé le droit fédéral, et en particulier n'ont pas excédé leur pouvoir d'appréciation, ni n'en ont abusé, en qualifiant de moyenne la faute commise par l'intimé. Le recours est mal fondé sur ce point.
5.
5.1. La juridiction cantonale a réduit la durée de la sanction prononcée contre l'intimé à 16 jours, soit le minimum prévu par l'art. 45 al. 3 OACI pour une faute de gravité moyenne. Ils ont notamment refusé de tenir compte, pour fixer la quotité de la sanction, du fait que le retard de postulation concernait deux emplois assignés et non un seul. De manière ambiguë, ils ont admis qu'il n'était pas "en soi injustifiable" d'en tenir compte pour fixer la quotité de la sanction, mais se sont ensuite référés à l'art. 45 al. 5 OACI, d'après lequel une prolongation de la suspension pour tenir compte de manquements répétés n'entre en considération que si l'assuré a déjà été suspendu dans les deux dernières années, avant de souligner qu'en l'espèce, la faute commise résultait d'un seul et même comportement.
5.2. Sur ce point, le raisonnement des premiers juges ne peut être suivi, comme l'observe le recourant à juste titre. En effet, le fait que la faute commise résulte d'un seul et même comportement justifie de ne prononcer qu'une seule mesure de suspension, et non deux. On ne se trouve ainsi pas dans le champ d'application de l'art. 45 al. 5 OACI, qui implique que plusieurs sanctions sont prononcées pour plusieurs violations distinctes de ses obligations par la personne assurée. En l'espèce, une seule sanction doit être prononcée, mais il est nécessaire de prendre en considération l'ensemble des circonstances pour fixer la quotité de la sanction. Ainsi, le retard de l'assuré portait sur l'injonction à postuler pour deux emplois distincts et l'on ne peut pas en faire abstraction. Sur ce point, les premiers juges ont fondé leur appréciation sur une mauvaise interprétation de l'art. 45 al. 5 OACI et, en fixant la durée de la suspension au minimum prévu par l'art. 45 al. 3 let. b OACI, ils n'ont pas tenu compte d'une circonstance objectivement pertinente. Eu égard à cette circonstance, il convient de réformer le jugement entrepris, de s'écarter du minimum prévu par l'art. 45 al. 3 let. b OACI et de fixer à 25 jours la durée de la suspension dans l'exercice du droit aux prestations. Le recours doit donc être partiellement admis.
6.
Compte tenu de l'issue du litige, les frais de la procédure fédérale devraient être repartis par moitié entre les parties (art. 66 al. 1 LTF). Le recourant ne peut toutefois pas se voir imposer des frais judiciaires (art. 66 al. 4 LTF; ATF 133 V 640; arrêt 8C_687/2022 du 17 avril 2023 consid. 5). En revanche, l'intimé, qui n'obtient que partiellement gain de cause, supportera des frais judiciaires réduits. Il a par ailleurs droit à des dépens réduits (art. 68 al. 1 LTF). Finalement, il incombera à la cour cantonale de se prononcer à nouveau sur les dépens de la procédure précédente (art. 68 al. 5 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est partiellement admis. L'arrêt de la Cour de droit public du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel du 6 mars 2023 est réformé en ce sens que l'intimé est suspendu dans l'exercice de son droit aux indemnités de chômage durant 25 jours. Le recours est rejeté pour le surplus.
2.
Les frais judiciaires réduits, arrêtés à 250 fr., sont mis à la charge de l'intimé.
3.
Le recourant versera à l'intimé le montant de 1'400 fr. à titre de dépens réduits pour la procédure devant le Tribunal fédéral.
4.
La cause est renvoyée au Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, Cour de droit public, pour nouvelle décision sur les dépens de la procédure cantonale.
5.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, Cour de droit public, et au Secrétariat d'Etat à l'économie (SECO).
Lucerne, le 6 mars 2024
Au nom de la IVe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Wirthlin
La Greffière : Betschart