Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
4A_332/2021
Arrêt du 6 mai 2022
Ire Cour de droit civil
Composition
Mmes les Juges fédérales
Kiss, juge présidant, Niquille et May Canellas.
Greffier: M. O. Carruzzo.
Participants à la procédure
A.________,
représentée par Mes Jorge Ibarrola, Claude Ramoni
et Monia Karmass, avocats,
recourante,
contre
World Athletics,
représentée par Mes Ross Wenzel et
Nicolas Zbinden, avocats,
intimée.
Objet
arbitrage international en matière de sport,
recours en matière civile contre la sentence rendue le 27 août 2021 par le Tribunal Arbitral du Sport (CAS 2021/O/7977).
Faits :
A.
A.a. A.________ (ci-après: l'athlète ou la coureuse), athlète xxx de niveau international, est une spécialiste des courses de demi-fond.
World Athletics, association ayant son siège à Monaco, est l'instance dirigeante de l'athlétisme au niveau mondial.
A.b. Le 15 décembre 2020, l'athlète a fait l'objet d'un contrôle antidopage hors compétition aux États-Unis d'Amérique ayant révélé la présence de nandronole, en particulier de 19-norandrostérone (ci-après: 19-NA), laquelle figure dans la Liste des substances interdites par l'Agence Mondiale Antidopage (ci-après: l'AMA), sous la rubrique des stéroïdes anabolisants androgènes. L'examen du second échantillon a confirmé ce résultat.
Le 14 janvier 2021, l'Unité d'intégrité de l'athlétisme (ci-après: l'UIA) a suspendu l'athlète à titre provisoire. La coureuse a indiqué à l'UIA que la substance interdite avait pénétré dans son organisme lorsqu'elle avait consommé un burrito, provenant d'un
food truck, contenant des abats de porc ou de sanglier. Pour étayer ses dires, elle a notamment produit un rapport d'expertise établi par le Dr D.________ indiquant que la concentration de 19-NA dans les échantillons d'urine prélevés ainsi que le rapport entre la substance précitée et une autre substance interdite ayant été détectée dans les échantillons prélevés, à savoir la norétiocholanolone (ci-après: 19-NE), laquelle constitue un métabolite de la nandrolone, étaient conformes aux valeurs rapportées par d'autres personnes environ 10 heures après l'ingestion d'abats de sanglier.
Le 12 mai 2021, l'UIA a officiellement reproché à l'athlète d'avoir enfreint les art. 2.1 (présence d'une substance interdite ou de ses métabolites ou de marqueurs dans les échantillons d'un athlète) et 2.2 (usage ou tentative d'usage par un athlète d'une substance interdite ou d'une méthode interdite) des Règles antidopage de World Athletics.
B.
B.a. Les parties ayant convenu de soumettre directement le litige les divisant au Tribunal Arbitral du Sport (TAS), World Athletics a saisi ladite juridiction arbitrale le 18 mai 2021.
Le 20 mai 2021, le TAS a pris acte de l'accord des parties tendant à la mise en oeuvre d'une procédure accélérée.
Invitée par le TAS à lui indiquer si elle désirait prendre part à la procédure arbitrale, l'Agence américaine de lutte contre le dopage (" United States Anti-Doping Agency "; ci-après: l'USADA) a répondu par la négative le 27 mai 2021.
La Formation du TAS, composée de trois arbitres, a tenu une audience par vidéoconférence le 4 juin 2021, au cours de laquelle elle a notamment entendu pas moins de six experts, étant précisé que quatre d'entre eux avaient été proposés par l'athlète.
B.b. Par sentence motivée du 27 août 2021, dont le dispositif avait été notifié aux parties le 11 juin 2021, la Formation a reconnu l'athlète coupable d'avoir violé les art. 2.1 et 2.2 des Règles antidopage de World Athletics, a prononcé sa suspension pour quatre ans à compter du 14 janvier 2021 et ordonné la disqualification de tous les résultats obtenus par l'athlète entre le 15 décembre 2020 et le 14 janvier 2021, sanction impliquant notamment le retrait de l'ensemble des titres, points et prix gagnés par la coureuse durant cette période. Les motifs qui sous-tendent cette décision peuvent être résumés comme il suit.
B.b.a. La Formation commence par exposer les faits pertinents à ses yeux (sentence, n. 4-20) avant de décrire la procédure, telle qu'elle a été conduite sous son autorité (sentence, n. 21-39). Elle résume ensuite les arguments qui ont été avancés respectivement par World Athletics (sentence, n. 40 s.) et par l'athlète (sentence, n. 42-49).
B.b.b. Dans la foulée, la Formation constate sa compétence pour connaître du litige divisant les parties (sentence, n. 50-53). Après quoi, elle précise qu'elle appliquera les dispositions topiques des Règles antidopage de World Athletics ainsi que les règles du Code Mondial Antidopage pour déterminer si l'athlète s'est rendue coupable de dopage (sentence, n. 54 s.).
B.b.c. La Formation en vient ensuite à l'examen des mérites des arguments antagonistes qui lui ont été soumis (sentence, n. 56-145). Elle rappelle, tout d'abord, le principe de la réglementation de World Athletics, selon lequel un laboratoire accrédité par l'AMA est présumé avoir effectué l'analyse des échantillons conformément au standard international pour les laboratoires (ci-après: ISL, pour " International Standard for Laboratories "). En l'occurrence, le laboratoire de Montréal accrédité par l'AMA a fait état d'un résultat d'analyse anormal, raison pour laquelle il incombe à l'athlète de renverser cette présomption en démontrant qu'un écart par rapport à ce standard est survenu et pourrait raisonnablement avoir causé le résultat d'analyse anormal (sentence, n. 59-64).
La Formation relève ensuite que le Comité exécutif de l'AMA peut approuver et publier en temps opportun des documents relatifs aux exigences techniques obligatoires pour la mise en oeuvre d'un standard international. World Athletics soutient que le document technique applicable au contrôle antidopage litigieux du 15 décembre 2020 est le TD2019NA, tandis que l'athlète prétend qu'il convient d'appliquer le TD2021NA approuvé et publié par l'AMA le 21 décembre 2021. La Formation décide de laisser cette question indécise, tout en soulignant qu'elle examinera la présente cause sous l'angle du document technique TD2021NA, lequel a été établi aux fins d'harmoniser la procédure de confirmation pour l'analyse des résultats relatifs aux 19-norstéroïdes apparentés à la nandrolone (sentence, n. 65-70).
Examinant les modalités de l'analyse des échantillons prélevés, la Formation se demande si, comme le soutient l'intéressée, le laboratoire canadien aurait dû déclarer la présence de substances interdites en tant que " résultat atypique " et non comme " résultat d'analyse anormal " et si celui-ci aurait dû procéder à une étude pharmacocinétique, dès lors que la chromatographie en phase gazeuse et l'analyse du rapport isotopique par spectrométrie de masse (" gas chromatography/combustion/isotope-ration mass spectrometry "; ci-après: GC/C/IRMS) ne présenteraient, selon l'athlète, aucune valeur probante vu ses explications quant à l'origine de la substance interdite retrouvée dans son organisme. La Formation, statuant à la majorité de ses membres, estime que l'athlète n'a pas réussi à renverser la présomption selon laquelle le " résultat d'analyse anormal " avait été correctement constaté et notifié à l'intéressée. Pour aboutir à cette conclusion, elle relève, notamment, que certaines valeurs observées dans les échantillons A et B de l'athlète étaient très éloignées de celles correspondant aux stéroïdes urinaires endogènes humains mentionnées sous la section 3.2.4 du TD2021NA, raison pour laquelle le laboratoire pouvait, sur la base de l'analyse GC/C/IRMS, rejeter l'hypothèse de 19-NA retrouvée de façon endogène dans l'organisme de l'athlète. Elle souligne aussi que le laboratoire n'est pas nécessairement tenu de prendre en considération le rapport entre les valeurs de 19-NA et 19-NE pour retenir que la substance interdite détectée est d'origine exogène, mais seulement lorsque le résultat de l'analyse GC/C/IRMS n'est pas compatible avec une origine exogène du 19-NA ou n'est pas concluant. En l'espèce, le laboratoire s'est acquitté de son devoir d'interpréter les données obtenues par l'analyse GC/C/IRMS conformément au document technique TD2021NA. La Professeure E.________ du laboratoire de Montréal a conclu que le résultat de l'analyse GC/C/IRMS était tout à fait cohérent avec l'utilisation de nandrolone, sous forme orale, disponible sur le marché, et a ajouté que la concentration de 19-NA détectée dans l'organisme de l'athlète était incompatible avec l'ingestion de viande de sanglier. La Formation observe que, selon la section 3 du TD2021NA, la provenance du 19-NA peut être établie (" may be established ") en réalisant une étude pharmacocinétique lorsqu'un athlète allègue avoir consommé de la viande de sanglier (porc sauvage; " wild boar "). Les termes " may be established " impliquent qu'un laboratoire n'est nullement tenu d'effectuer une telle étude lorsqu'un sportif prétend avoir mangé de la viande de sanglier. La Formation écarte, enfin, l'argument de l'athlète selon lequel le laboratoire de Montréal aurait dû solliciter l'opinion d'un second laboratoire agréé par l'AMA. En conclusion, elle considère que l'analyse des échantillons a été effectuée correctement, la présomption de conformité établie par la réglementation topique n'ayant pas été renversée. Dès lors, pour elle, l'athlète a commis une violation des règles antidopage (sentence, n. 71-85).
B.b.d. La Formation précise ensuite que l'athlète s'expose à une suspension d'une durée de quatre ans, à moins qu'elle n'établisse, au degré de preuve requis (" balance of probabilities "), que la violation des règles antidopage n'était pas intentionnelle (sentence, n. 86-93).
Examinant la justification fournie par l'intéressée, la Formation retient que celle-ci a commandé un burrito le 14 décembre 2020 aux alentours de 19h30, soit environ 10 heures avant le contrôle antidopage qu'elle a subi (sentence, n. 96-98). Elle estime possible que la coureuse ait reçu par erreur un burrito au porc, alors même qu'elle avait commandé un burrito au boeuf (sentence, n. 99-101). Elle se penche ensuite sur l'allégation de l'athlète selon laquelle la viande de porc contenue dans son burrito provenait d'un sanglier non castré. Se référant notamment aux déclarations faites par l'un des experts, la Formation relève que la viande de sanglier et celle du cochon ordinaire n'entrent pas dans les mêmes chaînes d'approvisionnement. En principe, les sangliers sont aisément détectés en raison de leurs gros testicules. Seuls les sangliers cryptorchides, c'est-à-dire ceux qui possèdent des testicules non descendus, peuvent ne pas être remarqués. Cela étant, l'expert en question estime que la possibilité de consommer de la viande provenant d'un sanglier dans la chaîne d'approvisionnement ordinaire du porc est extrêmement faible. La possibilité qu'un sanglier cryptorchide entre dans la chaîne d'approvisionnement du porc est en effet bien inférieure à 1 sur 10'000. Sur la base de ce qui précède, la Formation considère qu'il est certes possible, mais improbable, que de la viande provenant d'un sanglier non castré ait pu se trouver dans le burrito consommé par l'athlète. Aussi cette dernière a-t-elle échoué à établir, au degré de preuve requis, que le burrito contenait des abats de sanglier (sentence, n. 102-106).
La Formation estime, en outre, possible mais improbable que la consommation de viande de sanglier (cryptorchide) puisse expliquer la concentration élevée de 19-NA observée dans les échantillons d'urine A et B (sentence, n. 110-114). Poursuivant son analyse, elle souligne également que la signature isotopique de carbone identifiée dans les échantillons A et B de l'athlète ne correspond ni à sa propre signature ni à celle du porc industriel aux États-Unis (sentence, n. 115-119). Elle considère, enfin, que ni l'analyse des cheveux de l'athlète - laquelle n'a pas révélé la présence de nandrolone - ni les résultats de l'analyse polygraphique à laquelle s'est volontairement soumise l'intéressée ne suffisent à renverser la présomption selon laquelle l'infraction aux règles antidopage était intentionnelle (sentence, n. 120-134).
B.b.e. Se penchant, en dernier lieu, sur la question de la sanction à infliger à l'athlète, la Formation estime qu'il y a lieu de la suspendre pour une période de quatre ans à partir du 14 janvier 2021, date à laquelle l'intéressée a été provisoirement suspendue. Au surplus, tous les résultats obtenus par la coureuse à partir du 15 décembre 2020 doivent être disqualifiés (sentence, n. 141-145).
C.
Le 17 juin 2021, l'athlète (ci-après: la recourante) a introduit un recours en matière civile dirigé contre la sentence non motivée, assorti d'une requête tendant à l'octroi de l'effet suspensif à titre superprovisionnel et provisionnel ainsi qu'au prononcé de mesures superprovisionnelles et provisionnelles (cause 4A_332/2021).
Ladite requête a été rejetée par ordonnance du 18 juin 2021.
Le 1er octobre 2021, l'intéressée a déposé un mémoire de recours complémentaire à l'encontre de la sentence motivée aux fins d'obtenir son annulation.
World Athletics (ci-après: l'intimée) a conclu au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité.
Au terme de ses observations sur le recours, le TAS a indiqué que celui-ci paraissait infondé.
La recourante n'a pas déposé d'observations complémentaires dans le délai prévu à cet effet.
D.
Le 1er décembre 2021, la recourante a présenté une demande de révision de la sentence précitée en concluant à son annulation.
Par ordonnance du 3 décembre 2021, la procédure de recours relative au recours en matière civile interjeté par l'intéressée (cause 4A_332/2021) a été, à la demande de cette dernière, suspendue jusqu'à droit connu sur la requête de révision.
Statuant par arrêt du 28 avril 2022 (cause 4A_606/2021), le Tribunal fédéral a rejeté la demande de révision dans la mesure de sa recevabilité et a ordonné la reprise de la procédure 4A_332/2021 relative au recours en matière civile interjeté par l'intéressée.
Considérant en droit :
1.
D'après l'art. 54 al. 1 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le Tribunal fédéral rédige son arrêt dans une langue officielle, en règle générale dans la langue de la décision attaquée. Lorsque cette décision a été rendue dans une autre langue (ici l'anglais), le Tribunal fédéral utilise la langue officielle choisie par les parties. Devant le TAS, celles-ci se sont servies de l'anglais, tandis que, dans les mémoires qu'elles ont adressés au Tribunal fédéral, elles ont employé le français. Conformément à sa pratique, le Tribunal fédéral rendra, par conséquent, son arrêt en français.
2.
Le siège du TAS se trouve à Lausanne. Aucune des parties n'avait son domicile respectivement son siège en Suisse au moment déterminant. Les dispositions du chapitre 12 de la loi sur le droit international privé (LDIP; RS 291) sont donc applicables (art. 176 al. 1 LDIP).
3.
Qu'il s'agisse de l'objet du recours, de la qualité pour recourir, du délai de recours ou des conclusions prises par l'intéressée, aucune de ces conditions de recevabilité ne fait problème en l'espèce. Rien ne s'oppose, dès lors, à l'entrée en matière. Demeure réservé l'examen de la recevabilité des griefs formulés par la recourante.
4.
Un mémoire de recours visant une sentence arbitrale doit satisfaire à l'exigence de motivation telle qu'elle découle de l'art. 77 al. 3 LTF en liaison avec l'art. 42 al. 2 LTF et la jurisprudence relative à cette dernière disposition (ATF 140 III 86 consid. 2 et les références citées). Cela suppose que le recourant discute les motifs de la sentence entreprise et indique précisément en quoi il estime que l'auteur de celle-ci a méconnu le droit. Il ne pourra le faire que dans les limites des moyens admissibles contre ladite sentence, à savoir au regard des seuls griefs énumérés à l'art. 190 al. 2 LDIP lorsque l'arbitrage revêt un caractère international. Au demeurant, comme cette motivation doit être contenue dans l'acte de recours, le recourant ne saurait user du procédé consistant à prier le Tribunal fédéral de bien vouloir se référer aux allégués, preuves et offres de preuve contenus dans les écritures versées au dossier de l'arbitrage (arrêt 4A_478/2017 du 2 mai 2018 consid. 2.2 et les références citées).
Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits constatés dans la sentence attaquée (cf. art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut rectifier ou compléter d'office les constatations des arbitres, même si les faits ont été établis de manière manifestement inexacte ou en violation du droit (cf. l'art. 77 al. 2 LTF qui exclut l'application de l'art. 105 al. 2 LTF). Les constatations du tribunal arbitral quant au déroulement de la procédure lient aussi le Tribunal fédéral, qu'elles aient trait aux conclusions des parties, aux faits allégués ou aux explications juridiques données par ces dernières, aux déclarations faites en cours de procès, aux réquisitions de preuves, voire au contenu d'un témoignage ou d'une expertise ou encore aux informations recueillies lors d'une inspection oculaire (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 et les références citées; arrêts 4A_54/2019 du 11 avril 2019 consid. 2.4; 4A_322/2015 du 27 juin 2016 consid. 3 et les références citées).
La mission du Tribunal fédéral, lorsqu'il est saisi d'un recours en matière civile visant une sentence arbitrale internationale, ne consiste pas à statuer avec une pleine cognition, à l'instar d'une juridiction d'appel, mais uniquement à examiner si les griefs recevables formulés à l'encontre de ladite sentence sont fondés ou non. Permettre aux parties d'alléguer d'autres faits que ceux qui ont été constatés par le tribunal arbitral, en dehors des cas exceptionnels réservés par la jurisprudence, ne serait plus compatible avec une telle mission, ces faits fussent-ils établis par les éléments de preuve figurant au dossier de l'arbitrage (arrêt 4A_386/2010 du 3 janvier 2011 consid. 3.2). Cependant, le Tribunal fédéral conserve la faculté de revoir l'état de fait à la base de la sentence attaquée si l'un des griefs mentionnés à l'art. 190 al. 2 LDIP est soulevé à l'encontre dudit état de fait ou que des faits ou des moyens de preuve nouveaux sont exceptionnellement pris en considération dans le cadre de la procédure du recours en matière civile (ATF 138 III 29 consid. 2.2.1 et les références citées).
5.
Dans un premier moyen, la recourante, invoquant l'art. 190 al. 2 let. d LDIP, reproche à la Formation d'avoir enfreint son droit d'être entendue et se plaint d'une violation du principe de l'égalité des parties.
5.1. Le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par les art. 182 al. 3 et 190 al. 2 let. d LDIP, n'a en principe pas un contenu différent de celui consacré en droit constitutionnel. Ainsi, il a été admis, dans le domaine de l'arbitrage, que chaque partie avait le droit de s'exprimer sur les faits essentiels pour le jugement, de présenter son argumentation juridique, de proposer ses moyens de preuve sur des faits pertinents et de prendre part aux séances du tribunal arbitral. La jurisprudence en a également déduit un devoir minimum pour le tribunal arbitral d'examiner et de traiter les problèmes pertinents. Ce devoir est violé lorsque, par inadvertance ou malentendu, le tribunal arbitral ne prend pas en considération des allégués, arguments, preuves et offres de preuve présentés par l'une des parties et importants pour la sentence à rendre (ATF 142 III 360 consid. 4.1.1 et les références citées).
L'égalité des parties, elle aussi garantie par les art. 182 al. 3 et 190 al. 2 let. d LDIP, implique que la procédure soit réglée et conduite de manière à ce que chaque partie ait les mêmes possibilités de faire valoir ses moyens (ATF 142 III 360 consid. 4.1.1).
Selon la jurisprudence, la partie qui s'estime victime d'une violation de son droit d'être entendue ou d'un autre vice de procédure doit l'invoquer d'emblée dans la procédure arbitrale, sous peine de forclusion. En effet, il est contraire à la bonne foi de n'invoquer un vice de procédure que dans le cadre du recours dirigé contre la sentence arbitrale, alors que le vice aurait pu être signalé en cours de procédure (arrêt 4A_668/2016 du 24 juillet 2017 consid. 3.1). Depuis le 1er janvier 2021 (RO 2020 4181), l'art. 182 al. 4 LDIP prévoit du reste expressément qu'une partie qui poursuit la procédure d'arbitrage sans faire valoir immédiatement une violation des règles de procédure qu'elle a constatée ou qu'elle aurait pu constater en faisant preuve de la diligence requise ne peut plus se prévaloir de cette violation ultérieurement.
5.2. La recourante reproche à la Formation d'avoir enfreint son droit d'être entendue en refusant d'ordonner l'audition des experts de l'USADA aux fins de répondre à la question technique ayant trait à la nécessité pour le laboratoire antidopage de recourir à une analyse pharmacocinétique en vue de déterminer l'origine de la substance interdite retrouvée dans son organisme. A cet égard, elle expose que l'USADA a refusé, le 27 mai 2021, de prendre part à la procédure arbitrale mais a proposé de mettre ses experts à disposition de la Formation. Le même jour, le conseil de la recourante a écrit au TAS aux fins de soutenir la proposition faite par l'USADA. Le 1er juin 2021, soit trois jours avant l'audience, le TAS a refusé de convoquer les experts de l'USADA à l'audience. Se référant à diverses déclarations faites par les membres de la Formation ainsi que par l'experte E.________, citée par l'intimée, la recourante affirme que ceux-ci auraient démontré qu'ils ne comprenaient pas en quoi devait consister une étude pharmacocinétique et, partant, qu'ils ne possédaient pas les connaissances scientifiques nécessaires pour trancher le présent litige sans s'adjoindre les services d'un expert indépendant. La recourante estime dès lors que l'audition des experts indépendants de l'USADA était indispensable. En refusant de convoquer lesdits experts à l'audience, la Formation aurait ainsi violé le droit d'être entendu de l'intéressée, puisque les arbitres ne possédaient pas les connaissances requises pour répondre à la question technique de la nécessité d'avoir recours à une étude pharmacocinétique.
Se référant à l'art. 5.4.5 ISL ainsi qu'à l'art. 4.0 du Code éthique des laboratoires, la recourante fait encore valoir qu'elle ne disposait d'aucune possibilité de faire entendre les collaborateurs de l'USADA ou d'autres experts indépendants. Se plaignant en outre d'une violation du principe de l'égalité des parties, elle déplore le fait que, selon l'art. 3.2.1 des Règles antidopage de l'intimée, seule l'AMA avait la possibilité de requérir que la Formation soit assistée d'un expert scientifique pour l'aider dans la résolution du litige.
5.3. En l'espèce, l'USADA a refusé de participer à la procédure arbitrale, tout en indiquant qu'elle pourrait mettre ses experts à disposition de la Formation en cas de besoin (" if the Panel would find it beneficial "). Le 27 mai 2021, le conseil de la recourante a indiqué notamment ce qui suit au TAS: " Ms A.________ would welcome, pursuant to CAS R44.3, the Panel's appointment and examination of the witnesses USADA has offered to make available to testify at the hearing ". Comme le relève à bon droit le TAS dans sa réponse, sans être contredit par la recourante, celle-ci a indiqué qu'elle accueillait favorablement la proposition faite d'entendre les experts de l'USADA. L'intéressée n'a toutefois pas formellement requis leur audition, ce qu'elle aurait pourtant pu faire. Le 1er juin 2021, la Formation a fait savoir aux parties qu'elle renonçait à convoquer les experts de l'USADA à l'audience du 4 juin 2021. Cette communication n'a suscité aucune réaction de la part de la recourante. Lors de l'audience arbitrale au cours de laquelle la recourante était assistée de deux avocats, la Formation a notamment procédé à l'audition de six experts dont quatre soutenaient la cause de l'athlète. Au moment de clore l'instruction, elle s'est assurée que les parties n'avaient pas d'objection à soulever quant au déroulement de la procédure arbitrale et quant au fait que leur droit d'être entendues avait été respecté. Or, que ce soit au début, au cours ou à la fin de ladite audience, la recourante ne s'est jamais plainte d'une éventuelle violation de son droit d'être entendue. Elle n'a pas davantage fait valoir, au cours de l'audience, que les membres de la Formation n'étaient pas en mesure de comprendre les questions techniques nécessaires à la résolution du litige, alors même que l'intéressée affirme, dans ses écritures, que les arbitres avaient admis ne pas comprendre en quoi consistait une étude pharmacocinétique. De surcroît, la recourante n'a non seulement remis en cause, à aucun moment, le caractère prétendument inéquitable des règles de procédure, mais encore elle ne prétend pas s'être jamais plainte du refus d'entendre les experts de l'USADA ni avoir formellement requis, en vain, de la Formation qu'elle procède tout de même à l'audition de ceux-ci ou à celle d'autres experts indépendants. Dans ces conditions, la recourante est forclose à venir soutenir aujourd'hui, une fois connu le sort du procès arbitral, que son droit d'être entendue n'aurait pas été respecté ou que la Formation aurait enfreint le principe d'égalité des parties.
A titre superfétatoire, on relèvera que l'argumentation développée par la recourante n'apparaît de toute manière nullement convaincante. Il sied, en effet, de relever que l'intéressée aurait pu produire des déclarations écrites ou requérir l'audition des collaborateurs de l'USADA ou d'autres experts indépendants. L'art. R44.1 par. 3 du Code de l'arbitrage en matière de sport réserve expressément la possibilité pour les parties d'indiquer, dans leurs écritures, les noms des témoins qu'elles désirent faire entendre, en incluant un bref résumé de leur témoignage présumé, et de déposer d'éventuels témoignages écrits. La recourante a du reste fait usage de cette faculté puisqu'elle a cité quatre experts à l'audience arbitrale. Contrairement à ce que prétend l'intéressée, il n'apparaît pas que les art. 5.4.5 ISL et 4.0 du Code éthique des laboratoires empêchaient les experts de l'USADA de s'exprimer pour le compte de l'athlète, dès lors que les dispositions précitées font uniquement interdiction aux employés de
laboratoires agréés par l'AMA de témoigner en faveur des sportifs. On ne discerne pas davantage en quoi le principe d'égalité des parties aurait été violé en l'espèce. La recourante et l'intimée disposaient en effet des mêmes possibilités de faire valoir leurs moyens. Que l'AMA, laquelle n'était pas partie à la procédure arbitrale, dispose de la possibilité, selon l'art. 3.2.1 des Règles antidopage de l'intimée, de requérir que la Formation soit assistée d'un expert scientifique pour trancher le litige, n'y change rien. Pour le reste, force est de souligner que la recourante, sous le couvert d'une prétendue violation de son droit d'être entendue, s'en prend, en réalité, à l'interprétation juridique du document technique TD2021NA et à l'appréciation des preuves opérées par la Formation arbitrale pour en tirer la conclusion qu'une analyse pharmacocinétique n'était en l'occurrence pas nécessaire, ce qui n'est pas admissible.
Au vu de ce qui précède, le moyen considéré, s'il était recevable, ce qui n'est pas le cas, devrait de toute manière être rejeté.
6.
Dans un second moyen, la recourante dénonce une violation de l'ordre public procédural (art. 190 al. 2 let. e LDIP).
6.1. Il y a violation de l'ordre public procédural lorsque des principes fondamentaux et généralement reconnus ont été violés, ce qui conduit à une contradiction insupportable avec le sentiment de la justice, de telle sorte que la décision apparaît incompatible avec les valeurs reconnues dans un État de droit (ATF 141 III 229 consid. 3.2.1; 140 III 278 consid. 3.1). Selon une jurisprudence constante, l'ordre public procédural, au sens de l'art. 190 al. 2 let. e LDIP, n'est qu'une garantie subsidiaire ne pouvant être invoquée que si aucun des moyens prévus à l'art. 190 al. 2 let. a-d LDIP n'entre en ligne de compte (ATF 138 III 270 consid. 2.3).
6.2. Au titre de la violation de l'ordre public procédural, la recourante, reprenant les arguments qu'elle a avancés à l'appui du moyen pris de la violation de son droit d'être entendue, fait valoir, en substance, qu'elle n'était pas placée sur un pied d'égalité avec l'intimée lors de la procédure arbitrale et qu'elle ne pouvait pas prouver son innocence faute de pouvoir accéder à certains moyens de preuve.
6.3. Tel qu'il est présenté, le moyen fondé sur l'art. 190 al. 2 let. e LDIP, à la recevabilité plus que douteuse, ne saurait prospérer. Il consiste, en effet, dans une très large mesure en une présentation, sous un autre angle, des critiques similaires formulées antérieurement à l'appui du grief fondé sur la violation du droit d'être entendu. Ce faisant, la recourante méconnaît le caractère subsidiaire de la garantie de l'ordre public procédural. Il n'y a dès lors pas lieu de s'arrêter ici sur les reproches formulés par la recourante au titre de la violation de l'ordre public procédural qui se recoupent avec ceux ayant déjà été examinés précédemment.
En tout état de cause, il sied de relever que l'argumentation de la recourante repose essentiellement sur la prémisse selon laquelle elle n'aurait pas pu avoir accès à certaines pièces ni requérir l'audition de certains experts ni bénéficier des mêmes droits procéduraux que l'intimée. Or, une telle prémisse n'est pas avérée. Comme le relève à cet égard l'intimée dans sa réponse, sans être contredite par la recourante, cette dernière aurait en effet parfaitement pu solliciter l'audition d'autres témoins ou requérir la production de pièces auxquelles elle souhaitait avoir accès.
La recourante s'en prend, par ailleurs, de manière inadmissible, sur un mode appellatoire marqué, à l'appréciation des preuves opérée par la Formation et se livre à des critiques toutes générales visant le système mis en place à des fins de lutte antidopage, à grand renfort de faits qui ne ressortent pas de la sentence attaquée et qui ne sont pas établis. Au demeurant, on ne voit pas qu'il soit possible de rattacher les critiques formulées par la recourante à la notion spécifique et strictement limitée de l'ordre public, telle qu'elle a été définie par le Tribunal fédéral.
Pour le reste, les circonstances invoquées pêle-mêle par l'intéressée dans son mémoire de recours ne suffisent pas, telles qu'elles sont alléguées et à défaut d'une démonstration digne de ce nom, à justifier une annulation de la sentence attaquée au titre de la violation de l'ordre public procédural.
7.
En conclusion, le présent recours ne peut qu'être rejeté, dans la mesure où il est recevable, pour les motifs sus-indiqués.
La recourante, qui succombe, devra payer les frais de la procédure fédérale (art. 66 al. 1 LTF) et verser des dépens à l'intimée ( art. 68 al. 1 et 2 LTF ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3.
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 6'000 fr. à titre de dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et au Tribunal Arbitral du Sport (TAS).
Lausanne, le 6 mai 2022
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Juge présidant : Kiss
Le Greffier : O. Carruzzo