Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
5C.299/2005 /frs
Arrêt du 6 juillet 2006
IIe Cour civile
Composition
MM. et Mme les Juges Raselli, Président,
Hohl et Marazzi.
Greffière: Mme Jordan.
Parties
A.________,
demanderesse et recourante,
contre
B.________,
défendeur et intimé, représenté par Me Pascal Moesch, avocat,
Objet
annulation d'un testament (compétence internationale),
recours en réforme contre le jugement du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel, IIe Cour civile,
du 18 novembre 2005.
Faits:
A.
X.________, née en 1918, de nationalité suisse, originaire de Fleurier (NE) et Neuchâtel, est décédée le 9 juillet 2003 à Monaco, où elle était domiciliée.
A.________ est la nièce de X.________, à savoir la fille de la soeur de cette dernière, C.________, décédée en 2004 et dont elle est l'héritière.
B.
Le 29 décembre 2004, dans le cadre de la succession de sa tante, A.________ a ouvert action contre B.________, fils adoptif de la défunte, concluant notamment à l'annulation d'un testament du 2 juillet 2003 et à la confirmation de celui du 18 juin 2003.
Par jugement sur moyen préjudiciel du 18 novembre 2005, la IIe Cour civile du Tribunal cantonal neuchâtelois s'est déclarée incompétente pour régler la succession en cause et a mis les frais et dépens à la charge de la demanderesse.
C.
A.________ exerce un recours en réforme au Tribunal fédéral, concluant à l'annulation du jugement cantonal et au renvoi au Tribunal cantonal neuchâtelois "for compétent pour juger l'action successorale [...]" qui l'oppose à B.________.
L'intimé et l'autorité cantonale n'ont pas été invités à répondre.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
L'arrêt du Tribunal cantonal neuchâtelois, qui nie - sur la base de l'art. 87 LDIP - la compétence des autorités neuchâteloises pour connaître de l'action pécuniaire en annulation de testament, dont la valeur litigieuse atteint manifestement 8'000 fr. (art. 46 OJ), peut faire l'objet d'un recours en réforme (art. 48 al. 1 OJ; ATF 115 II 237 consid. 1b p. 239). Déposé par ailleurs en temps utile, le recours est aussi recevable selon l'art. 54 al. 1 OJ.
2.
Selon l'art. 63 al. 2 OJ, le Tribunal fédéral fonde son arrêt sur les faits tels qu'ils ont été constatés par la dernière autorité cantonale, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été violées ou que des constatations de fait ne reposent sur une inadvertance manifeste. Il ne peut être présenté de griefs contre les constatations de fait - ou l'appréciation des preuves à laquelle s'est livrée l'autorité cantonale (ATF 126 III 59 consid. 2a p. 65; 125 III 368 consid. 3 p. 372) - et les faits nouveaux sont irrecevables (art. 55 al. 1 let. c OJ).
2.1 Dans la mesure où la recourante remet en cause les faits retenus par l'autorité cantonale sans se prévaloir de l'une des exceptions qui viennent d'être rappelées, il n'y a pas lieu d'entrer en matière. Il en va notamment ainsi lorsqu'elle critique la constatation selon laquelle il ne ressort pas du dossier que la de cujus aurait été propriétaire d'immeubles en Suisse ou reproche à la cour cantonale d'avoir ignoré des faits prouvés (renouvellement d'une concession mortuaire, rénovation du caveau familial) propres à fonder les liens matériels et affectifs de la défunte avec la Suisse. La cour de céans ne saurait par ailleurs tenir compte des faits qui ne ressortent pas de l'arrêt entrepris sans que la recourante ne reproche à cet égard à l'autorité cantonale une inadvertance manifeste ou une violation des règles fédérales en matière de preuve. Tel est notamment le cas lorsque la recourante décrit les activités de l'exécuteur testamentaire et en déduit qu'il n'a pas fait son devoir.
2.2 La recourante invoque une violation de l'art. 55 al. 1 let. d OJ: elle conteste l'authenticité du contenu des actes de notoriété des 7 octobre 2003 et 22 janvier 2004 eu égard au texte du testament du 18 juin 2003 et aux lettres de l'exécuteur testamentaire; elle prétend que ces actes n'ont pu être établis par un notaire, en sorte que la cour cantonale ne pouvait retenir que les autorités monégasques ont agi dans la succession.
On cherche en vain en quoi une telle critique fonderait le grief pris de l'inadvertance manifeste. Celle-ci n'est réalisée que lorsque l'autorité cantonale a omis de prendre en considération une pièce déterminée, versée au dossier, ou l'a mal lue, s'écartant par mégarde de sa teneur exacte, en particulier de son véritable sens littéral, et qu'il en résulte une erreur évidente dans la constatation des faits pertinents (art. 63 al. 2 OJ; ATF 115 II 399 consid. 2a p. 399/400; 109 II 159 consid. 2b p. 162/163 et les arrêts cités). L'inadvertance manifeste ne saurait être confondue avec l'appréciation des preuves. Dès l'instant où une constatation de fait repose sur l'appréciation, même insoutenable, d'une preuve, d'un ensemble de preuves ou d'indices, une inadvertance est exclue. Il ne peut en effet être remédié à une mauvaise appréciation des preuves par la voie prévue à l'art. 55 al. 1 let. d OJ (Poudret, Commentaire de la loi fédérale d'organisation judiciaire, vol. II, n. 5.4 ad art. 63 OJ).
2.3 La recourante prétend confusément que la cour cantonale a violé l'art. 8 CC en considérant que rien au dossier ne permettait de retenir que les autorités monégasques ne s'occupaient pas de l'affaire. Elle soutient que, même si la preuve d'un tel fait négatif est très difficile, elle a été apportée en l'espèce. Elle relève à cet égard que l'exécuteur testamentaire ne lui a écrit qu'une seule fois et qu'il n'a, à l'instar du notaire qui a établi les actes de notoriété, pas accompli les devoirs qui lui incombaient.
Pour toutes les prétentions relevant du droit privé fédéral (cf. ATF 125 III 78 consid. 3b p. 79), l'art. 8 CC répartit le fardeau de la preuve (ATF 122 III 219 consid. 3c p. 223) - en l'absence de disposition contraire - et détermine, sur cette base, laquelle des parties doit assumer les conséquences de l'échec de la preuve (ATF 130 III 321 consid. 3.1 p. 323; 129 III 18 consid. 2.6 p. 24; 127 III 519 consid. 2a p. 522). Cette disposition ne prescrit cependant pas quelles sont les mesures probatoires qui doivent être ordonnées (ATF 127 III 519 consid. 2a p. 522), pas plus qu'elle ne dicte au juge comment forger sa conviction (ATF 128 III 22 consid. 2d p. 25; 127 III 248 consid. 3a p. 253, 519 consid. 2a p. 522).
En l'espèce, l'examen du dossier a permis aux juges cantonaux de retenir que les autorités monégasques s'occupaient de la succession. Lorsque l'appréciation des preuves convainc le juge qu'une allégation de fait a été prouvée, la question de la répartition du fardeau de la preuve ne se pose plus et le grief de violation de l'art. 8 CC devient sans objet. Au demeurant, autant qu'on puisse la comprendre, la recourante ne reproche pas à la cour cantonale de lui avoir imposé, en violation du droit fédéral, la preuve d'un fait négatif, mais de ne pas avoir retenu qu'une telle preuve avait été rapportée en l'occurrence.
3.
La recourante se plaint d'une violation de l'art. 87 LDIP.
3.1 La cour cantonale a considéré que les autorités neuchâteloises n'étaient pas compétentes pour régler la succession de la de cujus.
En bref, elle a jugé, au regard de l'art. 87 al. 1 LDIP, que la défunte était domiciliée à Monaco au moment de son décès et que rien au dossier ne permettait de retenir que les autorités monégasques ne s'occupaient pas de la succession. La demanderesse ne le prétendait pas ni ne l'établissait par document. En particulier, elle ne démontrait pas qu'elle aurait sollicité une intervention de ces autorités qui serait restée sans réponse. Au contraire on pouvait relever que les actes de notoriété avaient été établis par un notaire monégasque. Au surplus, l'exécuteur testamentaire avait été désigné par la défunte. Il n'apparaissait pas non plus que la demanderesse se fût adressée à lui sans aucun succès. Au contraire, elle avait reçu un courrier de sa part. Certes, il ressortait de l'acte de notoriété qu'en vertu des principes de droit international privé appliqués en Principauté, et d'après le statut personnel, la succession de la défunte devait être régie, pour les meubles, par sa loi nationale, soit la loi suisse, et, pour les immeubles, par la loi du pays de situation. Toutefois, si la de cujus avait des immeubles dans la Principauté de Monaco notamment, il ne ressortait pas du dossier qu'elle aurait été propriétaire d'immeubles en Suisse. Que la succession soit régie par la loi suisse pour les meubles ne signifiait pas que la succession dût être réglée par les autorités suisses. Les autorités monégasques étaient à même d'appliquer le droit suisse pour cette partie de la succession. Rien au dossier n'établissait que tel n'aurait pas été le cas (consid. 1).
Examinant la cause sous l'angle de l'art. 87 al. 2 LDIP, les juges cantonaux ont considéré qu'il ne ressortait pas des photocopies de testaments produits que la défunte aurait soumis sa succession à la compétence ou au droit suisses. Dans ces documents, elle ne rappelait nullement qu'elle était de nationalité suisse. Au surplus, elle avait désigné, dans le testament du 2 juillet 2003, un exécuteur testamentaire qui n'avait aucun lien avec la Suisse. En tous cas, rien de tel ne ressortait du dossier (consid. 2).
3.2 S'agissant de l'art. 87 al. 1 LDIP, la critique de la recourante consiste en une suite d'affirmations tendant à démontrer l'inaction des autorités monégasques et le désintérêt de ces dernières à traiter de la succession d'étrangers. En plus de se fonder sur des faits qui ne ressortent pas de l'arrêt entrepris (supra consid. 2.2 et 2.3), elle ne répond pas aux exigences de motivation de l'art. 55 al. 1 let. c OJ. Selon cette disposition, les motifs à l'appui des conclusions doivent indiquer quelles sont les règles de droit fédéral violées par la décision entreprise et en quoi consiste cette violation. S'il n'est pas nécessaire que le recourant cite expressément les articles dont il dénonce la transgression, il est, en revanche, indispensable qu'il discute effectivement les motifs de la décision entreprise; des développements juridiques abstraits ou des considérations générales, sans lien manifeste ni même perceptible avec des considérants déterminés, ne répondent pas à ces exigences (ATF 116 II 745 consid. 3 p. 748 et les arrêts cités; cf. aussi ATF 121 III 397 consid. 2a p. 400; 120 II 280 consid. 6c p. 284).
3.3 Pour les mêmes motifs, le recours n'est pas plus recevable en tant qu'il porte sur l'application de l'art. 87 al. 2 LDIP. La recourante se borne en effet à affirmer qu'au vu de certains faits (intention de quitter Monaco manifestée dans une lettre, propriété d'un immeuble à Lucerne, valeurs dans des banques suisses, concession mortuaire) - qui ne ressortent au demeurant pas de l'arrêt entrepris (cf. supra consid. 2) - la cour cantonale aurait dû admettre l'existence d'un for en Suisse. Elle ne discute pas d'une façon motivée selon l'art. 55 al. 1 let. c OJ en quoi la cour cantonale aurait violé l'art. 87 al. 2 LDIP en niant l'existence d'une professio juris ou fori. Les renvois généraux à des passages de doctrine ne suffisent à cet égard pas.
4.
Vu ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la faible mesure de sa recevabilité. La recourante, qui succombe, supportera les frais de la procédure (art. 156 al. 1 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens à l'intimé qui n'a pas été invité à répondre.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Un émolument judiciaire de 3'000 fr. est mis à la charge de la recourante.
3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et au Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel, IIe Cour civile.
Lausanne, le 6 juillet 2006
Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière: