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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
2A.356/2004 /svc 
 
Arrêt du 6 septembre 2004 
IIe Cour de droit public 
 
Composition 
MM. et Mme les Juges Wurzburger, Président, 
Hungerbühler, Müller, Yersin et Merkli. 
Greffière: Mme Revey. 
 
Parties 
K.________, 
recourant, 
 
contre 
 
Département fédéral de justice et police, 3003 Berne. 
 
Objet 
retenue de valeurs patrimoniales (non paiement de l'avance de frais), 
 
recours de droit administratif contre la décision du Département fédéral de justice et police du 27 mai 2004. 
 
Faits: 
A. 
K.________, né en 1972 et de nationalité indéterminée, est entré en Suisse le 25 juin 2002. Il a déposé aussitôt une demande d'asile, laquelle a été écartée par l'Office fédéral des réfugiés (ci-après: l'Office fédéral) le 28 octobre 2002, puis par la Commission fédérale de recours en matière d'asile le 17 janvier 2003. 
B. 
Le 2 mars 2004, la police a interpellé K.________ en gare de Berne, alors qu'il détenait une somme en espèces de 1'097.55 fr. Elle en a retenu un montant de 990 fr., qu'elle a placé sur un compte sûretés ouvert au nom de l'intéressé auprès de l'Office fédéral en application de l'art. 86 al. 1 et 4 lettre a de la loi fédérale du 26 juin 1998 sur l'asile (LAsi; RS 142.31). 
 
Par décision du 26 mars 2004, l'Office fédéral a confirmé la retenue, en réduisant néanmoins la somme bloquée à 944.20 fr. En substance, l'intéressé n'avait pas démontré l'origine des 1'097.55 fr. en sa possession, hormis celle d'un montant de 153.35 fr. perçu de l'aide sociale le 1er mars 2004. Ses affirmations selon lesquelles il avait économisé pendant des mois sur les prestations d'assistance n'étaient pas crédibles. En effet, l'allocation précédente avait été versée deux semaines avant l'interpellation, de sorte que, compte tenu d'une utilisation de cette aide conforme à son but, il était inconcevable qu'elle fût encore intacte à cette date-là. Et il en allait de même, a fortiori, des allocations antérieures. 
C. 
Par lettre du 31 mars 2004, K.________ a déféré ce prononcé auprès du Département fédéral de justice et police (ci-après: le Département fédéral), contestant ne pas avoir démontré à suffisance de droit la provenance du montant saisi. Ladite somme - qu'il conservait sur lui dès lors qu'il partageait sa chambre avec deux autres personnes - résultait de lourds sacrifices: il ne buvait ni ne fumait, ne s'offrait pas d'habits particuliers et ne fréquentait pas les discothèques. 
Par décision incidente du 13 avril 2004, le Département fédéral a enjoint à l'intéressé de verser une avance de frais de 600 fr. jusqu'au 12 mai suivant, sous peine d'irrecevabilité du recours. Le 6 mai 2004, K.________ a contesté ce prononcé, exposant avoir mis deux ans pour épargner 1'000 fr., si bien qu'il lui était impossible d'économiser 600 fr. supplémentaires dans le délai imparti. 
Le Département fédéral a considéré l'opposition de l'intéressé comme une requête de dispense des frais de procédure. Par décision incidente du 13 mai 2004, il a rejeté cette requête au motif que le recours paraissait d'emblée voué à l'échec, tout en impartissant un nouveau délai de paiement au 18 mai suivant. K.________ n'était en effet pas en mesure de prouver à satisfaction de droit l'origine du montant retenu, l'utilisation de l'aide sociale conforme à son but ne permettant pas de réaliser de telles économies. Par courrier du 17 mai 2004, l'intéressé a contesté cette décision, réaffirmant avoir démontré à suffisance la véracité des économies réalisées, compte tenu des renoncements qu'il s'imposait. 
 
Statuant le 27 mai 2004, le Département fédéral a déclaré irrecevable le recours formé le 31 mars 2004, faute d'avance de frais versée en temps utile. En particulier, le courrier du 17 mai 2004 ne contenait rien de nouveau autorisant de revenir sur le prononcé du 13 mai 2004. Toutefois, l'autorité a exceptionnellement renoncé à percevoir des frais de procédure. 
D. 
Agissant lui-même le 17 juin 2004, K.________ demande en substance au Tribunal fédéral d'annuler la décision d'irrecevabilité du Département fédéral du 27 mai 2004. Réitérant les arguments développés auparavant, il s'oppose tant à la retenue du montant de 944.20 fr. qu'au refus de le dispenser des frais de procédure. 
 
Le Département fédéral conclut au rejet du recours. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 130 II 65 consid. 1; 129 I 337 consid. 1). En l'espèce, il convient d'examiner si le présent recours peut être traité comme un recours de droit administratif. Peu importe à cet égard que le recourant n'ait pas désigné de voie de recours déterminée (cf. quant au choix erroné d'une voie de recours: ATF 126 II 506 consid. 1b in fine; 124 I 223 consid. 1a; 120 Ib 379 consid. 1a et les arrêts cités). 
 
L'autorité intimée déclare irrecevable le recours formé devant elle, au motif que l'avance de frais n'a pas été versée à temps. Sur le fond, le litige traite du placement sur un compte sûretés d'une somme trouvée en possession du recourant, mesure fondée sur l'art. 86 al. 1 et 4 lettre a LAsi. Le prononcé querellé, pris par un Département fédéral (art. 98 lettre b OJ) en vertu de l'art. 105 al. 4 LAsi, relève ainsi du droit fédéral. Aucune des exceptions posées aux art. 99 à 102 OJ - en particulier celles prévues par l'art. 100 al. 1 lettre b OJ - n'étant réalisée, le présent recours est en principe recevable comme recours de droit administratif. 
2. 
Conformément à l'art. 104 lettre a OJ, le recours de droit administratif peut être formé pour violation du droit fédéral, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (ATF 128 II 145 consid. 1.2.1). Le Tribunal fédéral revoit d'office l'application du droit fédéral, qui englobe notamment les droits constitutionnels du citoyen (ATF 129 II 183 consid. 3.4 p. 188; 128 II 56 consid. 2b p. 60; 126 V 252 consid. 1a p. 254). Comme il n'est pas lié par les motifs que les parties invoquent, il peut admettre le recours pour d'autres raisons que celles avancées par le recourant ou, au contraire, confirmer la décision attaquée pour d'autres motifs que ceux retenus par l'autorité intimée (art. 114 al. 1 in fine OJ; ATF 129 II 183 consid. 3.4; 127 II 8 consid. 1b, 264 consid. 1b; 125 II 497 consid. 1b/aa et les arrêts cités). Par ailleurs, l'autorité intimée n'étant pas une autorité judiciaire, le Tribunal fédéral peut également revoir d'office les constatations de fait (art. 104 lettre b et 105 OJ; ATF 128 II 56 consid. 2b). En revanche, il ne peut pas revoir l'opportunité de la décision entreprise, le droit fédéral ne prévoyant pas un tel examen en la matière (art. 104 lettre c ch. 3 OJ). 
3. 
3.1 Selon l'art. 63 al. 4 PA, l'autorité de recours perçoit du recourant une avance de frais équivalente aux frais de procédure présumés; elle lui impartit pour le versement de cette créance un délai raisonnable en l'avertissant qu'à ce défaut elle n'entrera pas en matière; en cas de motifs particuliers, elle peut renoncer à percevoir la totalité ou une partie de l'avance de frais. 
 
D'après l'art. 65 al. 1 PA, l'autorité de recours, ou son président s'il s'agit d'un collège, peut, après le dépôt du recours, dispenser du paiement des frais de procédure, à sa demande, une partie indigente dont les conclusions ne paraissent pas vouées à l'échec. 
3.2 En l'occurrence, l'autorité intimée a ordonné le dépôt d'une avance de frais de 600 fr. par décision incidente du 13 avril 2004. Elle a considéré l'opposition du recourant à ce prononcé comme une demande de dispense des frais, requête qu'elle a écartée par décision incidente du 13 mai 2004 - faute de chance de succès du recours - tout en prolongeant le délai de paiement au 18 mai suivant. 
 
Ces deux décisions incidentes étaient susceptibles d'être attaquées de manière indépendante devant le Tribunal fédéral par la voie du recours de droit administratif, dans un délai de dix jours (art. 5 et 45 PA, art. 101 lettre a OJ a contrario; s'agissant de l'avance de frais, ATF 128 V 199 consid. 2; quant à l'assistance judiciaire, ATF 126 I 207 consid. 2a; 125 I 161 consid. 1 et les arrêts cités). Comme elles n'ont pas été contestées en temps utile, l'on peut se demander si elles sont entrées en force de chose jugée, de sorte qu'elles ne pourraient plus être remises en cause par le présent recours. Une telle conclusion conduirait à déclarer irrecevables les griefs portant tant sur l'obligation, comme telle, de déposer une avance de frais de 600 fr., que sur la dispense des frais au titre d'assistance judiciaire. Le recours devrait alors être écarté d'emblée, car l'on ne discerne pas d'autres motifs susceptibles de mener à son admission. 
 
Le point de savoir si les deux décisions incidentes sont désormais définitives faute d'avoir été attaquées dans les dix jours, souffre de demeurer indécis. En effet, ces prononcés ne portaient pas l'indication des voies de recours. Or, dans les circonstances de l'espèce, un tel vice de forme conduit à admettre que le recourant, qui n'était pas assisté d'un avocat, n'est de toute façon pas forclos à les contester (sur les conséquences du défaut de l'indication des voies de recours, art. 107 al. 3 OJ; ATF 129 II 125 consid. 3.3; 127 II 198 consid. 2c; 123 II 231 consid. 8b; 121 II 72 consid. 2a/b; 119 IV 330 consid. 1c; 117 Ia 297 consid. 2, 421 consid. 2a). Il convient ainsi de s'interroger sur le bien-fondé de l'avance de frais requise (cf. consid. 4 infra) et du refus de la dispense des frais (cf. consid. 5 infra). 
4. 
Il n'est pas certain que le Département fédéral ait été habilité à réclamer une avance de frais de 600 fr. en sus du montant bloqué de 944.20 fr., alors que le recours contestait précisément cette retenue. Point n'est cependant besoin d'approfondir cette question, dès lors que la dispense des frais doit de toute façon être accordée (cf. consid. 5 infra). 
 
5. 
5.1 Selon la jurisprudence, un procès est dénué de chances de succès lorsque les perspectives de le gagner sont notablement plus faibles que les risques de le perdre et qu'elles ne peuvent guère être considérées comme sérieuses, de sorte qu'une personne raisonnable et de condition aisée renoncerait à s'y engager en raison des frais qu'elle s'exposerait à devoir supporter. En revanche, une demande ne doit pas être considérée comme dépourvue de chances de succès lorsque les perspectives de gain et les risques d'échec s'équilibrent à peu près, ou lorsque les premières sont seulement un peu plus faibles que les seconds (ATF 129 I 129 consid. 2.2; 125 II 265 consid. 4b; 124 I 304 consid. 2c). 
5.2 En l'espèce, la retenue contestée de la somme de 944.20 fr. relève de l'art. 86 LAsi. Selon l'alinéa 1 de cette disposition, les requérants d'asile et les personnes à protéger qui ne bénéficient pas d'une autorisation de séjour sont tenus de fournir des sûretés pour garantir le remboursement des frais d'assistance, de départ et d'exécution, ainsi que les frais occasionnés par la procédure de recours. D'après l'alinéa 4, ces personnes doivent déclarer les valeurs patrimoniales qui ne proviennent pas du revenu de leur activité lucrative; les autorités compétentes peuvent faire créditer le compte sûretés de ces valeurs patrimoniales, jusqu'à concurrence du montant probable des frais d'assistance, de départ et d'exécution, ainsi que des frais occasionnés par la procédure de recours, et en déduire les frais encourus: a) si les personnes concernées ne peuvent prouver l'origine des valeurs patrimoniales ou b) si ces valeurs dépassent un montant fixé par le Conseil fédéral (de 1'000 fr. selon l'art. 14 al. 3 de l'ordonnance 2 du 11 août 1999 sur l'asile relative au financement; OA 2; RS 142.312). 
 
D'après le Message du 4 décembre 1995 du Conseil fédéral concernant la révision totale de la loi sur l'asile ainsi que la modification de la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers (FF 1995 II 1 p. 92 ad art. 81 al. 4 du projet), si le propriétaire peut prouver la provenance des valeurs (héritage, cadeau, gain au loto, etc.), il sera autorisé à conserver un montant déterminé, le reste étant versé sur le compte sûretés. Cela étant, il sied de préciser que l'art. 86 al. 4 LAsi trouve son origine dans l'arrêté fédéral urgent du 16 décembre 1994 sur les mesures d'économie dans le domaine de l'asile et des étrangers (RO 1994 2876, 1997 2394, introduisant l'art. 21a al. 4 de l'ancienne loi du 5 octobre 1979 sur l'asile). 
 
5.3 Devant l'autorité de première instance, le recourant a soutenu que la somme trouvée sur lui provenait de la part épargnée des prestations d'assistance; de telles économies exigeaient certes de lourds sacrifices, mais demeuraient tout à fait possibles. Afin d'étayer ses dires, il a transmis à l'Office fédéral les décomptes détaillés des prestations d'assistance perçues de la commune de N.________ de décembre 2002 à mars 2004, lesquels attestent une allocation mensuelle nette d'environ 280 fr. De son côté, l'Office fédéral a dénié la vraisemblance de l'épargne alléguée en affirmant en substance que l'aide sociale n'est pas faite pour être économisée. 
 
Certes, il découle de l'art. 86 al. 4 lettre a OJ que le recourant supporte le fardeau de la preuve de l'origine des valeurs en cause. Toutefois, établir que le montant de 944.20 fr. provient d'économies tirées de l'aide sociale n'est pas aussi aisé que s'il s'agissait, pour reprendre les exemples du Message, d'un héritage, d'un cadeau ou d'un gain au loto. Dans ces conditions, l'Office fédéral ne pouvait se limiter à un raisonnement aussi abstrait pour écarter les déclarations documentées du recourant, il lui fallait encore examiner la crédibilité de l'épargne alléguée de manière plus concrète, en déterminant ce que représente le montant de 944.20 fr. au regard de la totalité des prestations reçues jusqu'en février 2004 (l'allocation de mars 2004 ayant été restituée), compte tenu des dépenses indispensables à couvrir par celles-ci. 
 
L'Office fédéral ayant procédé à un examen insuffisant des allégués documentés du recourant, il y a lieu de considérer que les perspectives de réussite du recours formé devant le Département fédéral n'étaient pas notablement plus faibles que les risques de le perdre. Aussi est-ce à tort que le Département fédéral a estimé d'emblée le recours voué à l'échec. Il convient par conséquent de dispenser le recourant, dont l'indigence est manifeste, des frais de la procédure au sens de l'art. 65 al. 1 PA
5.4 Encore sied-il de rappeler que la présente procédure ne porte que sur l'assistance judiciaire; reconnaître au recours des perspectives de réussite suffisantes sous cet angle ne signifie pas encore qu'il devra nécessairement être accueilli au terme de la procédure au fond. 
 
A ce dernier égard, il ne sera pas inutile de déterminer si le recourant devait compter sur la seule allocation en cause (d'environ 9 fr. par jour) pour se nourrir. Par ailleurs, il sera également envisageable d'examiner plus avant la réalité de l'extrême sobriété dont se prévaut le recourant, par exemple en se renseignant à ce sujet auprès de responsables des centres d'hébergements fréquentés. 
6. 
Vu ce qui précède, le recours doit être admis, la décision attaquée annulée et le recourant dispensé de payer des frais de procédure pour le recours formé devant l'autorité intimée. Le recourant ayant agi lui-même, il n'a pas droit à des dépens. Les intérêts pécuniaires de la Confédération n'étant pas directement en cause (cf. ATF 123 II 425), il n'y a pas lieu de percevoir un émolument judiciaire (art. 156 al. 2 OJ). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours est admis, la décision attaquée est annulée et le recourant est dispensé de payer des frais de procédure pour le recours formé devant l'autorité intimée. 
2. 
Il n'est pas prélevé d'émolument judiciaire. 
3. 
Le présent arrêt est communiqué en copie au recourant et au Département fédéral de justice et police. 
Lausanne, le 6 septembre 2004 
 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: La greffière: