Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
5A_623/2024
Arrêt du 6 novembre 2024
IIe Cour de droit civil
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Herrmann, Président,
von Werdt, Bovey, Hartmann et De Rossa.
Greffière : Mme Mairot.
Participants à la procédure
1. A.A.________,
2. B.A.________,
tous deux représentés par Me Marc Bellon, avocat,
recourants,
contre
C.A.________,
représentée par Me Eve Dolon, curatrice de représentation,
intimée.
Objet
remise des documents d'identité de l'enfant, modification de l'inscription du sexe à l'état civil selon l'art. 30b CC,
recours contre la décision de la Chambre de surveillance de la Cour de justice du canton de Genève du 25 juillet 2024 (C/3589/2023-CS, DAS/169/2024).
Faits :
A.
A.a. A.A.________ et B.A.________ sont les parents de C.A.________, née en 2007, et de D.A.________, né en 2011. Leur divorce a été prononcé par jugement du Tribunal de première instance de Genève du 12 janvier 2022. Selon ce jugement, les parents assument la garde de leurs enfants de manière alternée et exercent en commun l'autorité parentale.
A.b. Le 22 février 2023, le Service de protection des mineurs (SPMi) a signalé la situation de C.A.________ au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant du canton de Genève (ci-après: le Tribunal de protection), préconisant l'instauration de curatelles en sa faveur aux fins d'assurer la mise en place d'un suivi thérapeutique adapté à ses besoins et de l'orienter vers des spécialistes professionnels capables de l'aider à répondre à ses questionnements au sujet de son identité de genre, tout en s'assurant de sa capacité de discernement à toutes les étapes de ce processus.
Eve Dolon, avocate, a été désignée comme curatrice de représentation de l'enfant le 27 février 2023.
Par décision de mesures provisionnelles du 31 mars 2023, le Tribunal de protection a instauré une curatelle d'assistance éducative en faveur de la mineure.
A.c. Le 24 avril 2023, cette autorité a provisoirement retiré aux parents la garde et le droit de déterminer le lieu de résidence de leur enfant, ordonné son placement immédiat dans un foyer, la poursuite régulière de son suivi thérapeutique et la mise en place d'un suivi médical global de celle-ci, enjoint les intéressés de poursuive la thérapie familiale en cours, confirmé la curatelle éducative et instauré une curatelle ad hoc aux fins de représenter la mineure en matière de santé.
L'adolescente a été admise au Foyer E.________ le 24 avril 2023.
A.d. Par nouvelle ordonnance de mesures provisionnelles rendue le 10 mai 2023, le Tribunal de protection a maintenu le retrait aux parents de la garde et du droit de déterminer le lieu de résidence de la mineure, ordonné le placement de celle-ci dans un foyer moyen-long terme ainsi que la poursuite régulière de son suivi thérapeutique et confirmé les curatelles précédemment ordonnées.
A.e. Le 9 novembre 2023, le Tribunal de protection a imparti aux parents un délai au 23 novembre 2023 pour remettre les papiers d'identité de l'enfant à la curatrice, en vue de procéder, selon l'art. 30b CC, à un changement de sexe et de prénom devant l'officier d'état civil.
Les parents n'ont pas respecté ce délai. Le 9 décembre 2023, ils ont déclaré qu'ils s'opposaient à cette remise et ont notamment requis une expertise psychiatrique de la mineure aux fins de déterminer si celle-ci jouissait de la capacité de discernement nécessaire pour prendre la décision qu'elle souhaitait.
Par courrier du 21 décembre 2023, la curatrice, après avoir rappelé que la mineure suivait une thérapie individuelle, a conclu à ce qu'une injonction formelle soit adressée aux parents de lui restituer les documents d'identité de celle-ci, sous la menace de la peine de l'art. 292 CP.
B.
Statuant le 28 février 2024, le Tribunal de protection a, en application de l'art. 307 al. 3 CC, ordonné aux parents de déposer au SPMi la carte d'identité suisse de la mineure dans un délai de dix jours ouvrables à compter de la communication de la décision, précisé que cette injonction leur était notifiée sous la menace de la peine prévue par l'art. 292 CP et constaté que le consentement des père et mère à l'accomplissement de la démarche d'état civil envisagée par l'enfant en application de l'art. 30b al. 1 CC n'était pas nécessaire.
Par décision du 25 juillet 2024, la Chambre de surveillance de la Cour de justice du canton de Genève (ci-après: la Chambre de surveillance) a rejeté le recours des parents.
C.
Par acte expédié le 16 septembre 2024, A.A.________ et B.A.________ exercent un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre la décision du 25 juillet 2024. Ils concluent à son annulation ainsi qu'au renvoi de la cause au Tribunal de protection pour complément d'instruction et, cela fait [
sic], à ce qu'un expert psychiatre spécialisé en psychiatrie de l'adolescence et en questions de genre soit commis afin qu'il se prononce sur la capacité de discernement de C.A.________ pour requérir un changement de sexe/genre et de ses prénoms dans les registres d'état civil.
Des déterminations sur le fond n'ont pas été requises.
D.
Par ordonnance présidentielle du 14 octobre 2024, l'effet suspensif a été attribué au recours.
Considérant en droit :
1.
Interjeté en temps utile (art. 100 al. 1 et 46 al. 1 let. b LTF) et dans la forme légale (art. 42 al. 1 LTF), le recours est dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF; arrêt 5A_64/2023 du 21 juin 2023 consid. 1.1) de nature non pécuniaire, prise par un tribunal cantonal supérieur statuant sur recours ( art. 75 al. 1 et 2 LTF ), dans le domaine de la protection de l'enfant (art. 72 al. 2 let. b ch. 6 LTF). Les recourants ont participé à la procédure devant l'autorité précédente et ont un intérêt digne de protection à la modification ou l'annulation de la décision entreprise (art. 76 al. 1 LTF). Le recours en matière civile est donc en principe recevable.
2.
2.1. Le recours en matière civile peut être formé pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 s. LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), sans être lié ni par les motifs de l'autorité précédente, ni par les moyens des parties; il peut donc admettre le recours en se fondant sur d'autres arguments que ceux invoqués par le recourant, comme il peut le rejeter en opérant une substitution de motifs (ATF 146 IV 88 consid. 1.3.2; 145 V 215 consid. 1.1; 144 III 462 consid. 3.2.3). Cela étant, eu égard à l'exigence de motivation contenue à l' art. 42 al. 1 et 2 LTF , il n'examine en principe que les griefs soulevés; il n'est pas tenu de traiter, à l'instar d'une autorité de première instance, toutes les questions juridiques qui peuvent se poser, lorsqu'elles ne sont plus discutées devant lui (ATF 142 III 364 consid. 2.4 et les références). Le recourant doit par conséquent discuter les motifs de la décision entreprise et indiquer précisément en quoi il estime que l'autorité précédente a méconnu le droit (ATF 142 I 99 consid. 1.7.1; 142 III 364 précité consid. 2.4 et la référence). Le Tribunal fédéral ne connaît par ailleurs de la violation de droits fondamentaux que si un tel grief a été expressément invoqué et motivé de façon claire et détaillée par le recourant ("principe d'allégation", art. 106 al. 2 LTF; ATF 146 IV 114 consid. 2.1; 144 II 313 consid. 5.1; 142 II 369 consid. 2.1).
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si ceux-ci ont été constatés de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). Le recourant qui soutient que les faits ont été établis d'une manière manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 144 II 246 consid. 6.7; 143 I 310 consid. 2.2 et la référence), doit se conformer au principe d'allégation susmentionné (art. 106 al. 2 LTF; cf.
supra consid. 2.1). Une critique des faits qui ne satisfait pas à cette exigence est irrecevable (ATF 145 IV 154 consid. 1.1).
En l'occurrence, les recourants demandent au Tribunal fédéral de compléter l'état de fait cantonal sur la base de l'art. 105 al. 2 LTF, sans toutefois - à l'exception du grief examiné ci-après (cf.
infra consid. 4) - respecter les réquisits de motivation découlant du principe d'allégation par l'invocation et la démonstration de l'arbitraire au sens susrappelé. En outre et quoi qu'il en soit, la pertinence des faits litigieux pour l'issue de la présente cause n'est pas démontrée. Ainsi, compte tenu des développements qui vont suivre (cf.
infra consid. 3), on ne voit pas que la prise en compte de l'avis de la Dresse F.________ ou la lecture que les recourants font de l'expertise du Dr G.________ puissent influer sur l'interprétation qu'il convient de donner à l'art. 30b CC. Il en va de même de la publication en ligne du Service de l'état civil de la Ville de Genève intitulée " Changement de sexe et de prénom ", qui indique que la capacité de discernement est présumée dès 12 ans. Cette indication est au demeurant reprise telle quelle du Message du Conseil fédéral du 6 décembre 2019 concernant la révision du code civil suisse (Changement de sexe à l'état civil) (FF 2020 779 ss ch. 8.1.4 p. 820), de la Directive de l'Office fédéral de l'état civil (OFEC) n° 10.22.01.01 du 1er janvier 2022 (ch. 3.3 p. 7), ainsi que des Commentaires de l'Office fédéral de la justice (OFJ) relatifs à la révision de l'ordonnance sur l'état civil (OEC) et des modifications correspondantes de l'ordonnance sur les émoluments en matière d'état civil (OEEC) (changement de l'inscription du sexe dans le registre de l'état civil) d'août 2021 (ch. 1 p. 4). A l'instar de la cour cantonale, il sied de rappeler aux recourants que la décision querellée se limite à leur ordonner de remettre à la curatrice les documents d'identité de leur enfant et à constater que leur consentement n'est pas nécessaire aux démarches d'état civil envisagées.
2.3. En tant qu'ils invoquent une violation de l'art. 3 par. 1 de la Convention de New York du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant (CDE; RS 0.107), les recourants méconnaissent que cette disposition ne fonde aucune prétention directe. De jurisprudence constante, l'art. 3 par. 1 CDE doit certes être pris en considération par le juge mais, contrairement à ce qu'affirment les recourants, n'est pas directement applicable (
self executing; ATF 144 II 56 consid. 5.2; arrêts 5A_759/2023 du 20 mars 2024 consid. 4.1.1; 5A_468-603/2023 du 29 janvier 2024 consid. 3; 5A_539/2020 du 17 août 2020 consid. 2.4.3 et 4). Les moyens fondés sur l'art. 3 par. 1 CDE sont dès lors d'emblée irrecevables, de même que les allégations de fait y relatives.
Quant à la violation de l'art. 11 Cst., à supposer que les recourants puissent invoquer en leur faveur la protection "des enfants et des jeunes" - ce qui apparaît douteux -, il ressort de l'acte de recours que ce moyen se confond avec celui en lien avec l'interprétation qu'il y aurait lieu de donner à l'art. 30b CC, que les recourants soulèvent également; c'est dans ce contexte qu'il convient donc d'en connaître.
3.
Les recourants reprochent en substance à la cour cantonale d'avoir interprété l'art. 30b al. 1 CC, en lien avec l'art. 16 CC, de manière non conforme au droit supérieur. Selon eux, le système mis en place par le législateur fédéral à l'art. 30b CC, découlant notamment du principe général de présomption de la capacité de discernement tiré de l'art. 16 CC, y compris lors de l'exercice de droits strictement personnels, ne suffit pas à assurer la protection de l'enfance postulée par l'art. 11 Cst. Ils considèrent qu'on ne peut laisser un officier d'état civil, soit une personne qui ne serait pas qualifiée professionnellement pour ce faire, préjuger ou présumer de la capacité de discernement d'un mineur désireux de procéder sur le fondement de l'art. 30b CC. Cette tâche ne devrait revenir qu'à un médecin psychiatre spécialisé et expérimenté en questions de genre, qui devrait procéder à un contrôle effectif de la capacité de discernement du mineur en tenant compte de façon concrète des incidences positives et négatives de la démarche d'état civil envisagée. Les recourants soutiennent que la capacité de discernement d'un mineur, même âgé de 16 ans, qui demande à changer de sexe et de prénom à l'état civil, ne peut donc pas être simplement présumée sur la base de l'art. 16 CC, mais doit au contraire être formellement établie, la transition légale étant comprise dans la transition sociale de genre. Livrer le mineur concerné à l'incompétence professionnelle d'un officier d'état civil, dépourvu de toute formation médicale, qui serait seul juge de la nécessité de produire un certificat médical attestant de la capacité de discernement de l'intéressé, serait contraire à son intérêt garanti par la Constitution. Une application conforme au droit supérieur de l'art. 30b CC postulerait ainsi que le contrôle de la capacité de discernement et l'évaluation des incidences positives et négatives de la démarche du mineur en cause se fasse en amont, par des personnes professionnellement compétentes.
3.1. La loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Lorsqu'un texte légal est clair, l'autorité qui applique le droit ne peut s'en écarter que s'il existe des motifs sérieux de penser que ce texte ne correspond pas en tous points au sens véritable de la disposition visée et conduit à des résultats que le législateur ne peut avoir voulus et qui heurtent le sentiment de la justice ou le principe de l'égalité de traitement. De tels motifs peuvent résulter des travaux préparatoires, du fondement et du but de la prescription en cause, ainsi que de sa relation avec d'autres dispositions. L'art. 190 Cst. ne fait pas obstacle à une interprétation qui irait à l'encontre du texte de la disposition légale. S'il existe de bonnes raisons d'admettre que le texte de la disposition ne reproduit pas son vrai sens - la
ratio legis -, il est possible de s'en écarter afin d'interpréter la disposition selon son sens véritable, surtout si celui-ci apparaît plus conforme à la Constitution (ATF 150 IV 48 consid. 3.2; 145 II 270 consid. 4.1; 139 I 257 consid. 4.2).
Si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations sont possibles, il convient de rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l'intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d'autres dispositions légales (interprétation systématique). Le Tribunal fédéral ne privilégie aucune méthode d'interprétation, mais s'inspire d'un pluralisme pragmatique pour rechercher le sens véritable de la norme; il ne se fonde sur la compréhension littérale du texte que s'il en découle sans ambiguïté une solution matériellement juste (ATF 150 IV 48 consid. 3.2; 149 IV 9 consid. 6.3.2.1; 147 IV 385 consid. 2.1).
L'interprétation de la loi peut conduire à la constatation d'une lacune. Une lacune authentique (ou proprement dite) suppose que le législateur s'est abstenu de régler un point alors qu'il aurait dû le faire et qu'aucune solution ne se dégage du texte ou de l'interprétation de la loi. En revanche, si le législateur a renoncé volontairement à codifier une situation qui n'appelait pas nécessairement une intervention de sa part, son inaction équivaut à un silence qualifié. Quant à la lacune improprement dite, elle se caractérise par le fait que la loi offre certes une réponse, mais que celle-ci est insatisfaisante. D'après la jurisprudence, seule l'existence d'une lacune proprement dite appelle l'intervention du juge, tandis qu'il lui est en principe interdit, selon la conception traditionnelle qui découle notamment du principe de la séparation des pouvoirs, de corriger les lacunes improprement dites, à moins que le fait d'invoquer le sens réputé déterminé de la norme ne constitue un abus de droit ou ne viole la Constitution (ATF 150 I 80 consid. 3.1; 149 III 117 consid. 3.1; 148 V 84 consid. 7.1.2).
3.2. L'art. 30b CC, introduit par le ch. I de la loi fédérale du 18 décembre 2020 (Changement de sexe à l'état civil), entré en vigueur le 1er janvier 2022 (RO 2021 668), prévoit que toute personne qui a la conviction intime et constante de ne pas appartenir au sexe inscrit dans le registre de l'état civil peut déclarer à l'officier de l'état civil vouloir une modification de cette inscription (al. 1). La personne qui fait la déclaration peut faire inscrire un ou plusieurs nouveaux prénoms dans le registre (al. 2). La déclaration est sans effet sur les liens relevant du droit de la famille (al. 3). Le consentement du représentant légal est nécessaire: 1. si la personne qui fait la déclaration est âgée de moins de 16 ans révolus; 2. si la personne qui fait la déclaration est sous curatelle de portée générale, ou 3. si l'autorité de protection en a décidé ainsi (al. 4).
3.3. Dans l'arrêt attaqué, la Chambre de surveillance a notamment retenu que la déclaration de modification de l'inscription du sexe selon l'art. 30b CC impliquait la comparution personnelle du requérant devant l'officier d'état civil aux fins de vérifier son identité et sa capacité de discernement. Bien que celle-ci soit présumée, l'officier d'état civil devait procéder d'office à son contrôle et pouvait exiger la production d'un certificat médical en cas de doute. En outre, le consentement du représentant légal était requis pour les mineurs de moins de 16 ans, ce qui n'était en revanche pas le cas pour les mineurs de plus de 16 ans capables de discernement. La Chambre de surveillance a encore exposé que la déclaration auprès de l'officier d'état civil n'était qu'un acte administratif sans rapport aucun avec les interventions physiques de changement de sexe et qu'elle n'avait pas
ipso facto un caractère définitif, en ce sens que si la personne concernée décidait de la révoquer ultérieurement, elle le pouvait, à défaut de disposition contraire.
3.4. Il est vrai que le texte légal ne dit mot du rôle de l'officier d'état civil s'agissant du contrôle de la capacité de discernement de la personne déclarante. Ce silence ne permet toutefois pas d'écarter l'interprétation donnée par la Chambre de surveillance. Cette question a en effet été traitée non seulement dans le Message du Conseil fédéral du 6 décembre 2019 précité (ci-après: Message), mais aussi, ce que les recourants perdent de vue, lors des débats parlementaires.
Ainsi peut-on lire notamment ce qui suit dans le Message: " Contrairement à deux avis isolés exprimés lors de la procédure de consultation relative à l'avant-projet, l'on ne saurait en conséquence exiger une attestation médicale de manière systématique. Néanmoins, en cas de doutes sur la capacité de discernement, qui est présumée mais qui doit être vérifiée d'office à l'instar de l'identité, des investigations complémentaires seront effectuées conformément à l'art. 16 OEC. Dans ce cadre, l'officier de l'état civil pourra exiger la collaboration de la personne concernée et l'inviter à présenter un certificat médical établissant sa capacité nécessaire pour déposer une déclaration de changement de sexe. " (ch. 8.1.1 p. 812-813; cf. aussi ch. 2 p. 791 et ch. 8.1.4 p. 821 en haut).
Lors des débats parlementaires, ce n'est pas tant la question du contrôle par l'officier d'état civil de la capacité de discernement de la personne concernée qui a fait débat. La controverse a plutôt porté sur la nécessité, pour les personnes mineures, de bénéficier de l'accord de leurs parents ou de leur représentant légal pour requérir un changement de sexe au registre de l'état civil (cf. MONTINI, in Commentaire romand, CC-I, 2ème éd. 2023, n° 18 ad art. 30b CC; MONTINI/GRAF-GAISER, in Basler Kommentar, 7ème éd. 2022, n° 31 ad art. 30b CC). Tandis que le Conseil national rejetait l'idée d'un accord parental, le Conseil des États le trouvait nécessaire. Un compromis a été trouvé en fixant une limite d'âge à 16 ans, justifiée notamment par un besoin de protection moindre chez les jeunes de plus de 16 ans. Tel que finalement adopté par le Parlement, l'art. 30b CC permet ainsi aux personnes transgenres ou présentant une variation du développement sexuel de faire modifier l'inscription de leur sexe au registre de l'état civil sans complication bureaucratique, soit sans examen médical ou autres conditions préalables, pour autant qu'elles soient âgées de plus de 16 ans et capables de discernement (cf. art. 30b al. 4 CC). Il n'apparaît en revanche pas que les parlementaires eussent été en désaccord quant au fait qu'il incombe à l'officier d'état civil de contrôler (d'office) la capacité de discernement de la personne concernée, notamment mineure (" Erforderlich für die Zustimmung ist nicht mehr ein Alter von 14 Jahren oder höher, sondern es gilt, die Urteilsfähigkeit des Minderjährigen durch den Zivilstandsbeamten überprüfen zu lassen. " [BO 2020 E 1122, votum Beat Rieder]; " Gemäss diesem neuen Gesetz reicht es, wenn eine urteilsfähige Person diese Erklärung abgibt, aber selbstverständlich muss der Zivilstandsbeamte oder die Zivilstandsbeamtin prüfen, ob das Kind, die Jugendliche, der Jugendliche entsprechend urteilsfähig ist. " [BO 2020 N 2321, votum Christa Markwalder]). Un même consensus est apparu s'agissant du devoir d'investigation de l'officier d'état civil en cas de doute sur la capacité de discernement (" D'ailleurs, si les officiers d'Etat civil doutent de la capacité de discernement de quelqu'un, il est prévu qu'ils puissent demander l'avis d'un spécialiste, voire d'un psychiatre ou d'un psychologue. " [BO 2020 E 501, votum Lisa Mazzone]; " Et on attend, effectivement, que la capacité de discernement soit vérifiée dans les cas où il y a un doute. C'est évident. On va vérifier la capacité de discernement. " [BO 2020 E 1303, votum Lisa Mazzone]; " Wenn der Zivilstandsbeamte an dieser Urteilsfähigkeit Zweifel hat, wird er ein Gutachten verlangen müssen, um die Urteilsfähigkeit für diese sehr schwerwiegende Entscheidung zu überprüfen. " [BO 2020 E 1304, votum Daniel Fässler]).
De manière analogue, la doctrine unanime retient que la capacité de discernement doit être vérifiée d'office par l'officier d'état civil qui peut, en cas de doutes fondés à cet égard, exiger la production d'un certificat médical (MONTINI, op. cit., n° 17 ad art. 30b CC; MONTINI/GRAF-GAISER, op. cit., n° s 17 et 19 ad art. 30b CC; BÜCHLER, in OFK ZGB, 4ème éd. 2021, n° 6 ad art. 30b CC; NEUENSCHWANDER, Modifications des inscriptions au registre de l'état civil, in Mélanges en l'honneur du Professeur Denis Piotet, 2023, p. 377).
Il en va de même des Commentaires précités relatifs à la révision de l'OEC et des modifications correspondantes de l'OEEC édités par l'OFJ: " Il est de la responsabilité de l'officier de l'état civil de refuser les déclarations manifestement abusives (art. 2 CC) ou émanant de personnes dénuées de capacité de discernement. " (ch. 1 p. 3 en bas); " La capacité de discernement de la personne déclarante est présumée; elle doit néanmoins être vérifiée d'office, comme l'identité. A cet égard, l'officier de l'état civil peut exiger la collaboration de la personne concernée (art. 16 OEC). " (ch. 1 p. 4); " L'officier de l'état civil est tenu d'exiger une attestation médicale relative à la capacité de discernement, confirmant que la personne comparante dispose des aptitudes requises pour faire la déclaration de changement de sexe à l'état civil, à chaque fois que des indices concrets feront objectivement douter de la capacité de discernement de celle-ci. " (ch. 1 p. 5). La Directive précitée de l'OFEC n° 10.22.01.01 reprend par ailleurs exactement les mêmes principes (cf. ch. 3.3 p. 7-8).
Si l'on examine la
ratio legis de l'art. 30b CC, il apparaît que l'objectif visé est de simplifier le changement de sexe à l'état civil, en remplaçant la procédure judiciaire par une déclaration, fondée sur l'autodétermination, faite devant l'officier d'état civil, sans interventions médicales ou d'autres conditions préalables, conformément aux recommandations du Conseil de l'Europe qui appellent les États à instaurer des procédures rapides, transparentes et accessibles de changement de nom et de sexe, fondées sur l'autodétermination et ouvertes à toutes les personnes indépendamment de l'âge, de l'état de santé, de la situation financière ou d'une incarcération présente ou passée, respectivement à simplifier les procédures de reconnaissance juridique du genre (Résolutions du Conseil de l'Europe 2048 et 2191 adoptées le 22 avril 2015 et le 12 octobre 2017; Message, ch. 4.2.2 p. 799, ch. 8.1.1 p. 811 ss [" procédure simple et rapide de changement de sexe à l'état civil, fondée sur l'autodétermination "]; MONTINI, op. cit., n° 1 ad art. 30b CC; MONTINI/GRAF-GAISER, op. cit., n° s 2 s. ad art. 30b CC; TUOR/SCHNYDER/SCHMID/JUNGO/HÜRLIMANN-KAUP, Das Schweizerische Zivil-gesetzbuch, 15ème éd. 2023, § 11 n° 65 p. 113; NEUENSCHWANDER, op. cit., p. 376). Il est en particulier exclu d'exiger (préalablement) un diagnostic de la santé mentale de la personne déclarante (cf. Message, ch. 8.1.1 p. 812; MONTINI/GRAF-GAISER, op. cit., n° s 2 et 13 ad art. 30b CC).
Ensuite des éléments qui précèdent, la volonté du législateur est claire et les recourants ne parviennent pas à faire ressortir en quoi l'interpré-tation que la Chambre de surveillance a faite de l'art. 30b CC ne serait pas conforme à cette volonté. Il n'existe donc aucune raison d'admettre que le texte de la disposition ne reproduit pas son vrai sens et les développements des recourants en lien avec l'art. 190 Cst. apparaissent vains (cf.
supra consid. 3.1). La situation qu'ils déplorent ne saurait par conséquent être corrigée par la voie de l'interprétation. De même, il ne peut être conclu à l'existence d'une lacune proprement dite, qui devrait être comblée par le juge. C'est donc au législateur fédéral qu'il incomberait, le cas échéant, de modifier le régime tel qu'il découle actuellement de la loi et auquel le Tribunal fédéral ne saurait déroger, dès lors qu'il ne lui appartient pas de s'immiscer dans des compétences qui relèvent du législateur fédéral.
Il suit de là que le grief doit être rejeté.
4.
Les recourants reprochent à la Chambre de surveillance d'avoir établi les faits de façon manifestement inexacte en tant qu'elle a constaté que le Tribunal de protection avait retenu que leur fille, âgée de plus de 16 ans et capable de discernement, pouvait effectuer seule les démarches visées par l'art. 30b CC. Selon eux, il ne résulterait pas de l'ordonnance du Tribunal de protection que cette autorité se serait prononcée sur la capacité de discernement de la mineure en lien avec lesdites démarches, ni aurait a fortiori retenu cette capacité.
La critique ne porte pas, dès lors qu'il ressort expressément de dite ordonnance que le Tribunal de protection a constaté que l'intéressée " rempli[ssai]t l'ensemble des conditions posées par l' art. 30b al. 1 et 4 ch. 1 CC ", ce que la Chambre de surveillance pouvait à l'évidence et, partant, sans arbitraire retranscrire dans le sens susvisé. Comme on l'a vu ci-dessus, la question d'éventuels doutes quant à la capacité de discernement ne se pose pas encore à ce stade (cf.
supra consid. 3.4). Quant au point de savoir si le Tribunal de protection aurait dû, nonobstant l'âge de l'intéressée, exiger en l'espèce le consentement de ses parents sur la base de l'art. 30b al. 4 ch. 3 CC, les recourants ne se plaignent d'aucune violation de cette disposition ni,
a fortiori, n'allèguent spécifiquement de faits en lien avec son application
in casu. Le grief doit ainsi être rejeté.
5.
Dans le chapitre du recours consacré à sa recevabilité, les recourants invoquent une violation de l'art. 8 CEDH, en tant que l'ordre de remise des documents d'identité de leur enfant a été assorti de la menace de la peine prévue par l'art. 292 CP. Leur argumentation s'épuise toutefois en une affirmation péremptoire, qui ne respecte en rien les exigences accrues de motivation découlant du principe d'allégation (art. 106 al. 2 LTF; cf.
supra consid. 2.1). Si tant est qu'il faille le prendre en considération, dans la mesure où les recourants n'en font état que pour justifier de leur qualité pour recourir, le grief est irrecevable.
6.
En définitive, le recours se révèle mal fondé et doit être rejeté, dans la mesure de sa recevabilité. Les recourants, qui succombent, supporte-ront dès lors solidairement les frais judiciaires ( art. 66 al. 1 et 5 LTF ), dont font partie les frais de représentation du mineur (arrêts 5A_359/2024 du 14 octobre 2024 consid. 9; 5A_436/2024 du 7 octobre 2024 consid. 7, chacun avec la jurisprudence citée). Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens, l'intimée n'ayant pas été suivie sur la question de l'effet suspensif ni invitée à répondre sur le fond (art. 68 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., y compris les frais de représentation de l'enfant par 500 fr., sont mis solidairement à la charge des recourants.
3.
Une indemnité de 500 fr. est allouée à Me Eve Dolon, curatrice de représentation de l'enfant, à titre d'honoraires, et lui sera payée par la Caisse du Tribunal fédéral.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties ainsi qu'à la Chambre de surveillance de la Cour de justice, au Service de protection des mineurs et au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant du canton de Genève.
Lausanne, le 6 novembre 2024
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Herrmann
La Greffière : Mairot