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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
2C_255/2022  
 
 
Arrêt du 7 février 2023  
 
IIe Cour de droit public  
 
Composition 
Mmes et MM. les Juges fédéraux, Aubry Girardin, Présidente, Donzallaz, Hänni, Hartmann et Ryter. 
Greffier : M. de Chambrier. 
 
Participants à la procédure 
A.________ SA, 
représentée par Me Romaine Zürcher, avocate, 
recourante, 
 
contre  
 
Office cantonal de l'agriculture et de la nature (OCAN), 
chemin du Pont-du-Centenaire 109, 
1228 Plan-les-Ouates, 
intimé, 
 
Commission foncière agricole du canton de 
Genève, p.a. AgriGenève, 
rue des Sablières 15, 1242 Satigny. 
 
Objet 
non-assujettissement d'une parcelle en zone de gravières, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, du 22 février 2022 (ATA/181/2022). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. B.A.________ et C.A.________ sont copropriétaires de la parcelle n° xxxx, feuille x, du cadastre de la commune de U.________ (ci-après: la commune), d'une surface de 16'733 m2, située en zone agricole. Un hangar agricole d'une surface de 86 m² y est érigé. B.A.________ est bénéficiaire d'un usufruit grevant ladite parcelle actuellement exploitée à des fins agricoles par D.________, au bénéfice d'un bail à ferme conclu le 30 juin 2002.  
Incluse dans le plan d'extraction de gravière " E.________ " xx-xx-xxxx (ci-après: plan d'extraction de gravière) adopté par le Conseil d'Etat de la République et canton de Genève (ci-après: Conseil d'Etat) le 30 octobre 2013, cette parcelle est comprise dans la phase D3 et ne sera exploitée en gravière qu'en 2054 au plus tôt, selon le rapport d'impact sur l'environnement de ce projet dans sa version définitive de mars 2013. 
 
A.b. A.________ SA (ci-après également: l'intéressée, puis la recourante) est une société anonyme, inscrite au registre du commerce du canton de Genève depuis 2020, ayant son siège à Genève. Elle a pour but, en Suisse et à l'étranger (à l'exclusion d'opérations et de participations dans des sociétés ayant une activité immobilière en Suisse), l'exploitation, le traitement, le transport et la vente de graviers, de sables et de tous autres matériaux de construction, l'achat et vente de tout matériel d'exploitation de gravière, ainsi que la prise de participations dans le capital et administration de sociétés, et toutes opérations immobilières.  
 
A.c. Par acte notarié du 20 mai 2021, B.A.________ et C.A.________, d'une part, et A.________ SA, d'autre part, ont signé une promesse de vente et d'achat de la parcelle n° xxxx pour un prix de 2'400'000 fr., moyennant la réalisation de deux conditions suspensives:  
 
- l'obtention par le promettant-acquéreur d'une décision, entrée en force, délivrée par la Commission foncière agricole de la République et canton de Genève (ci-après: Commission foncière agricole) l'autorisant à acquérir la parcelle n° xxxx ou constatant son désassujettissement ou son non-assujettissement aux prescriptions du droit foncier rural pour la durée de son exploitation en tant que gravière et/ou pour du remblayage; 
- l'obtention par A.________ SA d'un accord de fin des relations contractuelles liant D.________ à B.A.________ et C.A.________ (art. 2 et 21 de la convention). 
 
A.d. Le 3 juin 2021, A.________ SA a déposé auprès de la Commission foncière agricole une requête en non-assujettissement de la parcelle n° xxxx aux prescriptions du droit foncier rural, dans la mesure où elle était située en zone de gravière depuis l'entrée en force du plan d'extraction de gravière.  
 
B.  
Par décision du 6 juillet 2021, la Commission foncière agricole a constaté le non-assujettissement à la loi fédérale du 4 octobre 1991 sur le droit foncier rural (LDFR ou la loi sur le droit foncier rural; RS 211.412.11) de la parcelle n° xxxx jusqu'à la fin de l'exploitation de la gravière, au motif que cette parcelle était située dans le périmètre du plan d'extraction de gravière, actuellement en force. 
Par arrêt du 22 février 2022, la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève (ci-après: Cour de justice) a admis le recours interjeté par l'Office cantonal de l'agriculture et de la nature de la République et canton de Genève (ci-après: Office cantonal) contre ce prononcé et annulé la décision précitée du 6 juillet 2021. 
 
C.  
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ SA demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, principalement, l'annulation de l'arrêt précité du 22 février 2022 et la confirmation de la décision de la Commission foncière agricole du 6 juillet 2021. Subsidiairement, elle requiert l'annulation de cet arrêt et le renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
La Cour de justice indique ne pas avoir d'observation à formuler et persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. La Commission foncière agricole, sans retenir de conclusions formelles, prend position sur le recours en critiquant divers points de l'arrêt attaqué. L'Office fédéral de l'agriculture mentionne qu'il renonce à déposer une réponse formelle, mais relève que l'arrêt querellé est conforme au droit. L'Office cantonal conclut au rejet du recours en tant qu'il est recevable. L'Office fédéral de la justice se prononce sur le recours et indique se joindre aux déterminations de l'Office cantonal et de l'Office fédéral de l'agriculture. La recourante a répliqué, puis déposé des observations spontanées. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours en matière de droit public a été déposé en temps utile (art. 100 LTF) et en la forme prévue (art. 42 LTF) à l'encontre d'un arrêt final (art. 90 LTF) rendu dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF), par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF), par l'intéressée qui a la qualité pour recourir (art. 89 al. 1 LTF). Il convient donc d'entrer en matière (cf. également art. 89 LDFR qui prévoit expressément la voie du recours en matière de droit public). 
 
2.  
Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral examine librement la violation du droit fédéral et du droit international (cf. art. 95 let. a et b, ainsi que 106 al. 1 LTF), sous réserve des exigences de motivation figurant aux art. 42 et 106 al. 2 LTF. Il y procède en se fondant sur les faits constatés par l'autorité précédente (cf. art. 105 al. 1 LTF), à moins que ces faits n'aient été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (cf. art. 105 al. 2 LTF). 
 
3.  
Sur le fond, le litige porte sur la question de la soumission à la LDFR d'une parcelle sise en zone agricole, mais incluse dans un plan d'extraction d'une gravière pour une période limitée dans le temps, avec une possibilité d'exploitation en tant que gravière, au plus tôt, à partir de 2054. La recourante et la Commission foncière agricole considèrent que l'entrée en vigueur du plan d'extraction a pour effet de sortir la parcelle du champ d'application de la LDFR, alors que la Cour de justice, l'Office cantonal, l'Office fédéral de l'agriculture, ainsi que l'Office fédéral de la justice estiment que cette sortie n'interviendra qu'au moment de l'entrée en force de l'autorisation d'exploiter, respectivement de l'exploitation effective de la gravière. 
 
4.  
On distingue entre le champ d'application territorial (ou local) et le champ d'application matériel de la LDFR (cf. ATF 132 III 515 consid. 3.2; arrêt 2C_543/2020 du 25 mai 2021 consid. 4). 
 
4.1. Le premier porte sur la nature de la zone en droit de l'aménagement du territoire. En effet, selon l'art. 2 al. 1 LDFR, cette loi s'applique aux immeubles agricoles isolés ou aux immeubles agricoles qui font partie d'une entreprise agricole, qui sont situés en dehors d'une zone à bâtir au sens de l'art. 15 de la loi fédérale du 22 juin 1979 sur l'aménagement du territoire (LAT; RS 700) (let. a) et dont l'utilisation agricole est licite (let. b).  
 
4.2. Le champ d'application matériel porte sur la qualification d'immeuble agricole au sens de l'art. 2 al. 1 LDFR. Aux termes de l'art. 6 al. 1 LDFR, il s'agit de l'immeuble qui est approprié à un usage agricole ou horticole, à savoir celui qui, par sa situation et sa composition, peut être exploité sous cette forme. Concrètement, toutes les surfaces qui ne sont pas boisées et qui disposent d'une couche de terre suffisante pour la végétation se prêtent à un usage agricole (cf. ATF 139 III 327 consid. 2.1; 132 III 515 consid. 3.2; arrêt 2C_543/2020 du 25 mai 2021 consid. 4). La caractéristique de l'aptitude est donc d'abord d'ordre objectif (ATF 139 III 327 consid. 2.1). L'extraction de gravier est une activité non agricole (cf. ATF 128 III 229 consid. 3b; arrêt 2C_157/2017 du 12 septembre 2017 consid. 3.2, in ZBGR 100/2019 p. 123).  
 
4.3. Pour déterminer si un immeuble est assujetti à la LDFR, il faut donc commencer par déterminer si la zone considérée est, sur le principe, une zone à bâtir (art. 15 LAT) ou au contraire une zone de non bâtir, à laquelle l'art. 25 al. 2 LAT s'applique (FRANÇOIS ZÜRCHER, La coordination entre aménagement du territoire et droit foncier rural: Quand? Pourquoi? Comment?, in Territoire & Environnement, 2004, ch. 1.3.1 p. 4; également YVES DONZALLAZ, Traité de droit agraire suisse: droit public et droit privé, tome 2, 2006, n° 3111, p. 547 s.). La question de l'appartenance à la zone à bâtir est exclusivement régie par le droit fédéral (DONZALLAZ, op. cit., n° 3107 p. 546). Le changement d'affectation d'une parcelle située en zone agricole en zone à bâtir au sens de l'art. 15 LAT a automatiquement pour effet de la soustraire à la LDFR (cf. ZÜRCHER, op. cit., ch. 1.2 p. 2; également DONZALLAZ, op. cit., n° 1925, p. 133).  
 
4.4. L'aménagement du territoire forme, avec les plans directeurs et les plans d'affectation, ainsi qu'avec les procédures subséquentes d'autorisation de construire et d'éventuelles dérogations, un ensemble dans lequel chaque partie remplit une fonction spécifique (arrêt 1C_7/2012 du 11 juin 2012 consid. 2.3, ZBl 114/2013 p. 281).  
 
4.4.1. Le plan directeur cantonal au sens des art. 6 à 12 LAT détermine entre autres l'orientation future de la planification et de la collaboration entre autorités en précisant notamment les exigences à respecter lors de l'affectation du sol et en ce qui concerne la coordination des différents domaines sectoriels (cf. art. 5 al. 1 Ordonnance fédérale du 28 juin 2000 sur l'aménagement du territoire [OAT; RS 700.1]; ATF 137 III 344 consid. 5.3.1.1).  
 
4.4.2. Les plans d'affectation ordonnent l'utilisation autorisée du sol et distinguent en premier lieu les zones à bâtir, les zones agricoles et les zones à protéger (art. 14 LAT) (ATF 137 III 344 consid. 5.3.1.2; arrêt 1C_7/2012 du 11 juin 2012 consid. 2.3, ZBl 114/2013 p. 281). Le droit fédéral définit la zone à bâtir (art. 15 LAT), la zone agricole (art. 16 LAT) et la zone à protéger (art. 17 LAT). Selon l'art. 18 al. 1 LAT, le droit cantonal peut prévoir d'autres affectations que les zones précitées. Ces autres zones sont elles aussi soumises aux principes établis par la LAT, notamment en ce qui concerne la séparation des terrains bâtis ou à bâtir et de ceux qui ne le sont pas. Elles doivent donc être classées soit dans la catégorie des zones à bâtir, soit dans celle des zones non constructibles (cf. ATF 143 II 588 consid. 2.5.1; arrêt 1C_404/2014 du 24 mars 2015 consid. 4.1.1; VINCENT BAYS, Les surfaces d'assolement, in AISUF - Travaux de la faculté de droit de l'Université de Fribourg, Nr. 422, 2021, n° 789 p. 413; RUDOLF MUGGLI, in Commentaire pratique LAT: Planifier l'affectation, 2016, n° 11 ad art. 18 LAT). Ces " autres zones " que les cantons sont habilités à prévoir dans leur plan d'affectation en vertu de l'art. 18 al. 1 LAT peuvent venir se superposer à une zone à bâtir ou à une zone agricole (BAYS, op. cit., n° 800 p. 421; JEANNERAT/ MOOR, in Commentaire pratique LAT: Planifier l'affectation, 2016, n° 39 ad art. 14 LAT; ZÜRCHER, op. cit., ch. 1.3.1 p. 4 et note de bas de page).  
Le Tribunal fédéral a admis une obligation de planification d'affectation pour les grands projets d'extraction et de décharge (cf. ATF 120 Ib 207 consid. 5; arrêt 1C_616/2014 du 12 octobre 2015 consid. 3.4; 1C_7/2012 précité du 11 juin 2012 consid. 2.4). 
 
4.4.3. Les zones nouvellement définies au sens de l'art. 18 LAT se révèlent notamment adéquates lorsque doit être pris en considération, en zone non constructible, un besoin spécifique d'affectation, ou, à l'inverse, en zone constructible, un besoin particulier de protection. Ainsi, les autres zones de l'art. 18 LAT destinées à répondre à des besoins spécifiques hors des zones à bâtir, telles que les zones d'extraction, sont en principe imposées par leur destination à l'emplacement prévu par le plan d'affectation; elles sont clairement à l'extérieur des zones à bâtir de l'art. 15 LAT et, sous réserve de leur affectation spécifique, obéissent au régime de la zone non constructible (arrêts 1C_404/2014 du 24 mars 2015 consid. 4.1.1; 1C_483/2012 du 30 août 2013 consid. 3.2; 1A.115/2003 du 23 février 2004 consid. 2.4 ss; BAYS, op. cit., n° 799, p. 419 s. et les références). A cet égard, la qualification de zone à bâtir à constructibilité restreinte, parfois utilisée pour décrire une zone gravière (cf. BAYS, op. cit., n° 797 p. 418; MUGGLI, op. cit., n° 27 ad art. 18 LAT), ne permet pas de conclure automatiquement qu'il s'agit d'une zone à bâtir au sens de l'art. 15 LAT (cf. arrêt 1C_614/2020 du 19 octobre 2021 consid. 3.2 quatrième par.; JEANNERAT/MOOR, op. cit., n° 61 ad art. 14 LAT).  
SCHMID-TSCHIRREN/BANDLI indiquent certes que la zone de gravière est à la frontière entre la zone à bâtir et la zone non constructible et qu'il s'agit d'une zone à double fonction: à long terme, agricole, à court terme, à bâtir (in Das bäuerliche Bodenrecht, 2e éd., 2011, n° 13 ad Art. 2 BGBB), mais on ne peut pas déduire de cette dernière fonction, limitée dans le temps, qu'il s'agit d'une zone à bâtir au sens de l'art. 15 LAT. Une telle zone ne doit être admise que si la zone d'extraction doit ensuite être utilisée à des fins d'urbanisation (arrêt 1A.115/2003 du 23 février 2004 consid. 2.5). 
Enfin, les auteurs qui laissent entendre que le seul changement d'affectation en zone d'extraction entraîne la soustraction à la LDFR (lorsque le périmètre du plan d'affectation correspond à la limite de la parcelle) (cf. MISCHA BERNER, Rechtsfragen von Eigentum und Bodenschätzen sowie Deponien, in Communication de droit agraire, 2016, cahier 1/3, p. 68; SCHMID-TSCHIRREN/BANDLI, op. cit., n° 13 ad Art. 2 BGBB; STALDER/BANDLI, in: Das bäuerliche Bodenrecht, Kommentar zum BGBB, 2e éd., 2011, n° 28 ad Art. 64 BGBB) ne peuvent être suivis que si la zone d'extraction est une zone à bâtir selon l'art. 15 LAT
 
4.4.4. Les plans d'affectation ont le plus souvent un effet obligatoire qualifié de négatif. Ils ne comportent, en eux-même, pas d'obligation pour les propriétaires concernés de faire usage des facultés qu'ils leur accordent. Ils visent à empêcher tout usage non conforme à l'affectation de la zone ou tout aménagement ne respectant pas les prescriptions du plan d'affectation (cf. JEANNERAT/MOOR, op. cit., n° 18 ad art. 14 LAT; THIERRY TANQUEREL, in: Commentaire pratique LAT: Planifier l'affectation, 2016, n° 25 ad art. 21 LAT). La force obligatoire du plan d'affectation porte non seulement sur la définition de zones, mais également sur les règles matérielles spécifiquement applicables à ces zones (THIERRY TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n° 1115 p. 385).  
 
4.5. Pour l'exploitation d'une gravière, le droit cantonal genevois prévoit trois étapes: une phase de planification directrice (plan directeur), une phase de planification d'affectation (plan d'extraction) et une phase d'autorisation (autorisation d'exploiter; art. 3 ss de la loi cantonale du 28 octobre 1999 sur les gravières et les exploitations assimilées [LGEA; RS/GE L 3 10]).  
L'art. 6 al. 2 LGEA précise que les plans d'extraction définissent les zones de gravières, au sens de l'article 21A de la loi cantonale d'application du 4 juin 1987 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire (LaLAT; RS/GE L 1 30 LaLAT). Aux termes de l'art. 21A LaLAT, les zones de gravières sont destinées à l'exploitation des gravières, selon la LGEA, qui en fixe la procédure d'adoption et d'extinction; elles sont délimitées, en règle générale, dans la zone agricole; un plan d'extraction en fixe les modalités d'exploitation. 
 
4.6. En l'occurrence, il ressort des faits de l'arrêt attaqué, qui lient le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF), que la parcelle en cause est située, de façon primaire, en zone agricole et fait pour l'heure l'objet d'un usage agricole. Elle est également située dans le périmètre du plan d'extraction, entré en vigueur, xx-xx-xxxx du projet d'exploitation de gravière à " E.________ " adopté par le Conseil d'Etat le 30 octobre 2013. Ce plan d'extraction est limité dans le temps, puisque les parcelles exploitées devront retourner à l'agriculture après remise en état des lieux. Comme déjà exposé ci-avant (cf. supra consid. 4.4.3), le plan d'extraction constitue un plan d'affectation spécial au sens de l'art. 18 LAT et, dans les présentes circonstances, la zone qu'il concerne ne peut pas être considérée comme une zone à bâtir au sens de l'art. 15 LAT.  
La recourante ne peut ainsi être suivie lorsqu'elle soutient que l'entrée en vigueur du plan d'extraction a pour effet de rendre la parcelle concernée impropre à l'agriculture sous l'angle de l'aménagement du territoire. En effet, elle perd ici de vue que, dans ce cadre, seule est déterminante la question de savoir si la parcelle est affectée ou non à la zone à bâtir au sens de l'art. 15 LAT, ce qui n'est en l'espèce pas le cas. 
Par ailleurs, la force obligatoire du plan d'affectation porte aussi sur les règles matérielles applicables à la zone (cf. supra consid. 4.4.4), soit y compris sur les règles qui concernent son application sur le plan temporel. Or, dans le cas présent, l'étude d'impact sur l'environnement, liée au plan d'extraction, prévoit que la parcelle en cause pourra être exploitée, au plus tôt, en 2054. Ce plan ne peut donc pas encore déployer ses effets pour l'immeuble concerné. Celui-ci conserve d'ici là une utilité agricole et l'entrée en vigueur du plan précité n'y change rien. 
 
4.7. Enfin, aucun élément ne permet de retenir qu'un usage agricole de la parcelle en cause serait illicite. La condition de l'art. 2 al. 1 let. b LDFR est donc également respectée.  
 
4.8. L'entrée en vigueur du plan d'extraction n'a ainsi pas eu d'influence sur le respect des conditions de l'art. 2 al. 1 LDFR.  
 
5.  
L'exploitation de la gravière entraînera en revanche la fin de l'assujettissement à la LDFR en raison d'une sortie du champ d'application matériel de cette loi (cf. supra consid. 4.2). 
 
5.1. Le Tribunal fédéral va d'ailleurs dans ce sens lorsqu'il mentionne que les immeubles en principe soumis à la LDFR sont soustraits du champ d'application de celle-ci uniquement pendant la durée de l'exploitation autorisée (" ausschliesslich während der Zeit des bewilligten Abbaus dem Anwendungsbereich des Gesetzes entzogen "; ATF 128 III 229 consid. 3c). Cette terminologie laisse en effet entendre que la soustraction à la LDFR n'a lieu qu'une fois l'autorisation d'exploiter octroyée, voire qu'une fois les travaux d'extraction débutés, en raison de l'impossibilité de l'usage agricole que cela comporte. La recourante se réfère en vain à l'arrêt 2C_157/2017 du 12 septembre 2017 qui recourt à la même terminologie, en précisant notamment que pendant la période précédant et suivant l'extraction autorisée, les immeubles restent soumis à la LDFR (" in der Zeit vor und nach dem bewilligten Abbau sind solche Grundstücke unverändert dem BGBB unterstellt ") (consid. 3.2). Certes, il est également mentionné dans cet arrêt qu'une extraction ne pourrait avoir lieu que si une zone d'extraction était créée, ce qui aurait en même temps pour conséquence que l'immeuble ne serait plus soumis à la LDFR (" ein Abbau könnte nur erfolgen, falls eine Abbauzone erstellt würde, was gleichzeitig zur Folge hätte, dass das Grundstück nicht mehr unter das BGBB falle "; consid. 3.3). Cette dernière formulation, qui rappelle la nécessité d'une planification, pourrait certes laisser entendre que le changement d'affectation entraîne, en lui-même, la soustraction à la LDFR. Une telle interprétation serait toutefois incompatible avec les considérations qui précèdent concernant l'affectation à une zone à bâtir au sens de l'art. 15 LAT (cf. supra consid. 4).  
 
5.2. La recourante ne peut rien tirer de l'arrêt 2C_562/2009 du 23 avril 2010, duquel il ressort qu'un immeuble n'est pas soumis à la LDFR s'il ne s'agit pas d'un terrain adapté à l'agriculture du point de vue de l'aménagement du territoire (consid. 2.2.4.1, in RNRF, 92/2011 p. 397). En effet, il est rappelé que, dans le cas présent, le terrain en cause se trouve de façon primaire en zone agricole, que la zone d'extraction n'est pas en zone constructible et que le plan d'extraction ne produira ses effets sur ledit terrain que dans une trentaine d'années. L'immeuble en cause peut donc être exploité pour l'agriculture selon le droit sur l'aménagement du territoire. Au surplus, le recours aux termes " nicht um ein landwirtschaftlich geeignetes Grundstück ", soit à un terrain qui ne se prête pas à l'agriculture, avec la citation, notamment, de l'art. 6 al. 1 LDFR, indique que la soustraction à la LDFR résulte plus du champ d'application matériel que territorial de cette loi.  
 
5.3. Au demeurant, on relèvera qu'en principe, soit lorsque le terrain n'est pas destiné à l'urbanisation après l'exploitation de la gravière (cf. supra consid. 4.4.3 2ème par. in fine), la LDFR s'applique à nouveau une fois ladite exploitation terminée et les lieux remis en état (SCHMID-TSCHIRREN/BANDLI, op. cit., n° 13 ad Art. 2 BGBB; EDUARD HOFER, in: Das bäuerliche Bodenrecht, Kommentar zum BGBB, 2e éd., 2011, n° 15 ad Art. 6 BGBB; DONZALLAZ, op. cit., n° 2042 p. 179) et ce indépendamment de l'existence du plan d'extraction (à ce titre, le droit genevois prévoit toutefois expressément que le plan ne déploie plus d'effet une fois la remise en état des lieux effectuée; art. 22 al. 6 LGEA). Ce constat démontre que le seul fait d'être intégré à un plan d'extraction, non assimilable à une zone à bâtir au sens de l'art. 15 LAT, ne saurait être déterminant. Dans ce contexte, la soustraction à la LDFR résulte d'une sortie du champ d'application matériel de la loi, en raison de l'exploitation autorisée du terrain concerné, et non du champ d'application territorial de celle-ci qui serait due à l'entrée en force du plan d'extraction.  
 
6.  
Sur le vu de l'ensemble de ce qui précède, l'affectation " en zone gravière " n'a pas pour effet de sortir la parcelle du champ d'application territoriale de la LDFR (art. 2 al. 1 LDFR). Contrairement à ce que prétend la recourante, l'arrêt attaqué n'est ainsi pas contraire à l'art. 2 al. 1 LDFR
 
7.  
Il convient de rappeler que le droit foncier rural a notamment pour objectif de renforcer la position de l'exploitant à titre personnel, y compris celle du fermier, en cas d'acquisition d'entreprises et d'immeubles agricoles (art. 1 al. 1 let. b LDFR). La loi prévoit qu'un non exploitant à titre personnel au sens de l'art. 9 LDFR peut être autorisé à acquérir un terrain agricole pour en exploiter les ressources du sol à la condition que l'exploitation soit permise par le droit de l'aménagement du territoire (art. 64 al. 1 let. c LDFR). Les besoins de l'entreprise intéressée sont déterminés sur un horizon de quinze ans au maximum (art. 64 al. 1 let. c LDFR). En outre, pour éviter que la loi ne soit détournée, le terrain qui n'est pas utilisé comme indiqué dans les quinze années suivant l'acquisition devra être vendu et il en ira de même si le terrain a été remis en culture (art. 64 al. 1 let. c LDFR; YVES DONZALLAZ, Commentaire de la LDFR, 1993, n° 601 ad art. 64 LDFR). Cette durée de quinze ans correspond à celle qui est prévue pour la planification des zones à bâtir (art. 15 al. 1 LAT; STALDER/BANDLI, op. cit., n° 28 ad Art. 64 BGBB). 
Certes, une planification supérieure à quinze ans ne pose fondamentalement pas de problèmes sous l'angle du droit de l'aménagement du territoire (cf. arrêt 1A.115/2003 du 23 février 2004 consid. 3.1). Il serait toutefois choquant de considérer que l'entrée en vigueur d'un plan d'affectation pourrait automatiquement soustraire à la LDFR un terrain agricole (selon le plan primaire), qui est utile à l'agriculture et qui retournera à celle-ci une fois l'extraction terminée, alors que les travaux d'extraction ne seront possibles qu'une trentaine d'années plus tard. Comme le relève l'autorité précédente, une telle approche irait à l'encontre des objectifs de la LDFR, qui vise notamment à favoriser l'acquisition de la propriété du terrain par l'agriculteur qui l'exploite (cf. DONZALLAZ, [Traité] op. cit., n° 1799 ss p. 88 s.). Si l'on devait suivre la thèse de la recourante, le fermier se verrait privé des droits que lui confère cette loi pendant près de quarante ans, soit dès l'entrée en vigueur du plan d'extraction, sur un terrain qu'il exploite pour l'agriculture et alors que l'exploitation en tant que gravière, surtout à si longue échéance, n'est pas certaine. 
 
8.  
Par ailleurs, la recourante et la Commission foncière agricole reprochent en vain à la Cour de justice d'avoir refusé d'appliquer par analogie son arrêt du 1er novembre 2014 (ATA/857/2014), qui portait sur l'assujettissement à la LDFR d'un immeuble sis en zone de développement, dont la zone ordinaire était agricole. Comme le relève l'autorité précédente, les deux situations comportent suffisamment de différences pour ne pas être traitées de façon identique. La zone gravière a notamment, en l'espèce, un effet limité dans le temps, puisqu'après l'exploitation de la gravière, l'immeuble retourne à l'agriculture, alors que la zone de développement, qui est affectée à l'habitat, au commerce et aux autres activités du secteur tertiaire (art. 1 de la loi générale genevoise du 29 juin 1957 sur les zones de développement [LGZD; RS/GE L 1 35]), empêche une exploitation agricole de façon durable. 
Enfin et quoiqu'il en soit, cet arrêt ne saurait être déterminant dans le cas présent, puisqu'il est rappelé que le champ d'application de la LDFR, ainsi que l'appartenance à la zone à bâtir sont réglés par le droit fédéral. Le Tribunal fédéral ne saurait donc sur ce point être lié par un arrêt cantonal, qui porte de plus sur une constellation différente. 
 
9.  
La recourante indique également avoir le souhait d'acquérir la parcelle en cause le plus rapidement possible dans le but de sécuriser les investissements importants qui devront être consentis pour déposer la demande d'autorisation d'exploiter, puis pour exploiter ladite parcelle. 
La recourante mentionne à raison que l'extraction de gravier est liée à des investissements considérables et qu'il convient de garantir aux entreprises actives dans ce domaine une certaine sécurité d'investissement, ce qui plaide en faveur d'un horizon de planification à long terme (cf. arrêt 1A.15/2003 du 23 février 2004 consid. 3.3). Il convient toutefois sur ce point de relever que la recourante restera libre de demander une autorisation exceptionnelle d'acquérir la parcelle en cause conformément à l'art. 64 al. 1 let. c LDFR, lequel se base sur un horizon de quinze ans. La recourante ne prétend pas qu'une telle durée serait insuffisante à la sécurisation de ses investissements. 
Par ailleurs, on peine à suivre la recourante lorsque, s'appuyant sur STALDER/BANDLI (op. cit., n° 28 in fine ad Art. 64 BGBB), elle soutient que l'art. 64 al. 1 let. c LDFR trouve application lorsque le projet d'exploiter une gravière ne fait pas encore l'objet d'un plan d'affectation, mais est prévu par un plan directeur. En effet, l'art. 64 al. 1 let. c LDFR prévoit que l'autorisation ne peut être octroyée que pour " une exploitation des ressources du sol permise par le droit de l'aménagement du territoire " ( im Hinblick auf einen nach dem Raumplanungsrecht zulässigen Abbau von Bodenschätzen). Or, on peut fortement douter qu'un plan directeur suffise à conclure qu'un projet d'extraction est permis sous cet angle. En effet, la force obligatoire de ce plan a une portée juridique, matérielle et temporelle limitée (cf. PIERRE TSCHANNEN, Commentaire pratique: LAT: Planification directrice et sectorielle, pesée des intérêts, 2019, n° 24 ss ad art. 9 LAT) et elle ne concerne que les autorités (cf. art. 9 al. 1 LAT; ATF 144 I 318 consid. 7.2.1). En particulier, " le plan directeur ne préjuge pas [de la possibilité de réaliser le projet] même quand il donne des indications de localisation précises, par exemple pour l'implantation de projets ayant des incidences importantes sur le territoire et l'environnement (art. 8 al. 2 LAT) ou la désignation de surfaces à bâtir possibles (art. 15 al. 4 let. e LAT). Ce n'est, en effet, que lors des procédures de planification et d'autorisation subséquentes qu'il est possible de répondre à la question de savoir si un projet peut être au final réalisé tel que prévu dans le plan directeur " (TSCHANNEN, op. cit., n° 31 ad art. 9 LAT). Si, au cours d'une procédure de planification d'affectation, à l'issue d'un contrôle préjudiciel du plan directeur, ce dernier s'avère contraire au droit, sa force obligatoire tombe (arrêt 1C_389/2020 du 12 juillet 2022 consid. 2.3 et les références).  
 
10.  
Enfin, comme déjà mentionné, la parcelle en cause ne pourra être exploitée comme gravière, au plus tôt, qu'en 2054 et son exploitation n'a pas encore fait l'objet d'une autorisation au sens de l'art. 8 LGEA. Cette parcelle reste donc appropriée à l'agriculture, jusqu'à ce qu'elle fasse l'objet d'une exploitation autorisée (cf. ATF 128 III 229 consid. 3c). Elle demeure ainsi dans le champ d'application matériel de la loi (cf. supra consid. 4.2). 
 
11.  
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours. Succombant, la recourante doit supporter les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 1 et 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, fixés à 2'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué à la mandataire de la recourante, à l'Office cantonal de l'agriculture et de la nature, à la Commission foncière agricole et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, à l'Office fédéral de l'agriculture, ainsi qu'à l'Office fédéral de la justice. 
 
 
Lausanne, le 7 février 2023 
 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : F. Aubry Girardin 
 
Le Greffier : A. de Chambrier