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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1C_264/2022  
 
 
Arrêt du 7 mars 2023  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Kneubühler, Président, 
Chaix et Pont Veuthey, Juge suppléante. 
Greffier : M. Kurz. 
 
Participants à la procédure 
A.________, représentée par Me François Bellanger, avocat, Poncet Turrettini Avocats, 
recourante, 
 
contre  
 
Département du territoire de la République et canton de Genève, Office des autorisations de construire, Service des affaires juridiques, case postale 22, 1211 Genève 8. 
 
Objet 
Amende administrative, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice 
de la République et canton de Genève, 
Chambre administrative, du 22 mars 2022 
(ATA/292/2022 - A/2844/2020-LDTR). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.________ est propriétaire d'un immeuble de huit étages destiné au logement, situé sur la parcelle no 3'631 sur la commune de Genève-Cité. Entre 2011 et 2015, A.________ a procédé à des travaux de rénovation dans seize appartements, sans être au bénéfice d'une autorisation. A la suite d'une visite de l'Office cantonal du logement de la planification foncière du département du territoire (ci-après: le DT), l'Office cantonal des autorisations de construire (ci-après: l'OAC) a ouvert une procédure d'infraction. Par décision du 3 juin, l'OAC a délivré, sur requête de la propriétaire, une autorisation en procédure accélérée régularisant les travaux entrepris. Le loyer était fixé, pour chaque appartement, pour une durée de 3 ans dès la fin des travaux. 
Par décision du 10 juillet 2020, le DT a infligé une amende administrative de 150'000 fr. à A.________ au vu du nombre d'appartements faisant l'objet de l'infraction, des importantes sommes encaissées indûment et des circonstances aggravantes, telles que l'appât du gain et la récidive dans le cadre d'autres dossiers. Selon le département, le trop-perçu par A.________ s'élevait, pour l'ensemble des appartements et sur la durée considérée, à 411'518 fr., somme qui devait être remboursée aux locataires concernés. 
 
B.  
Par jugement du 16 novembre 2021, le Tribunal administratif de première instance du canton de Genève (ci-après: le TAPI) a partiellement admis le recours formé par A.________. Le DT avait admis que le montant des loyers perçus en trop s'élevait en réalité à 212'501 fr. 50, ce dont le TAPI a pris acte. Le montant de l'amende a été ramené à 100'000 fr. pour tenir compte notamment de la réduction du trop-perçu et de la prescription concernant deux appartements. La décision du DT était confirmée pour le surplus. 
Par arrêt du 22 mars 2022, la Chambre administrative de la Cour de justice du canton de Genève a rejeté le recours de A.________, confirmant le fait que celle-ci avait agi par cupidité. La récidive pouvait également être retenue et la faute était grave puisque treize locataires avaient payé un loyer indu pendant plusieurs années. Le montant de l'amende était proportionné. 
 
 
C.  
Par acte du 12 mai 2022, A.________ forme un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 22 mars 2022. Elle conclut à l'annulation de l'arrêt de la Chambre administrative et à la réduction de l'amende à 15'000 fr. Subsidiairement, elle requiert l'annulation de l'arrêt et le renvoi de la cause à la Chambre administrative pour nouvel arrêt dans le sens des considérants. La cour cantonale ne formule pas d'observations, se référant aux considérants de son arrêt. Le Département du territoire conclut au rejet du recours. 
Le 16 août 2022, A.________ persiste dans ses conclusions. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) prise en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF) dans le domaine du droit public des constructions (art. 82 let. a LTF) et déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF), le recours est en principe recevable comme recours en matière de droit public selon les art. 82 et ss LTF, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. 
La recourante a pris part à la procédure devant la Cour de justice. En tant que destinataire du prononcé d'amende administrative, elle est particulièrement touchée par l'arrêt attaqué et peut ainsi se prévaloir d'un intérêt digne de protection à ce que la décision attaquée soit annulée ou réformée (art. 89 al. 1 LTF). 
 
2.  
La recourante conteste le bien-fondé de l'amende litigieuse. Elle soutient que la décision cantonale est arbitraire car l'autorité ne pouvait se prévaloir ni de la récidive, ni de la gravité de l'infraction, ni de la cupidité comme circonstances aggravantes pour fixer une amende dont la quotité serait non seulement arbitraire, mais contraire au principe de la proportionnalité. Elle se plaint d'une violation arbitraire de l'art. 44 de la loi genevoise sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation du 25 janvier 1996 (LDTR; RS/GE L 5 10) en lien avec l'art. 137 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI; RS/GE L 5 05). 
 
2.1. Le Tribunal fédéral ne revoit l'interprétation et l'application du droit cantonal que sous l'angle de l'arbitraire (ATF 146 II 367 consid. 3.1.5). Une décision est arbitraire lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou lorsqu'elle contredit d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Le Tribunal fédéral n'a pas à déterminer quelle est l'interprétation correcte que l'autorité cantonale aurait dû donner des dispositions applicables; il doit uniquement examiner si l'interprétation qui a été faite est défendable. Par conséquent, si celle-ci ne se révèle pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation cantonale en cause, elle sera confirmée, même si une autre solution paraît également concevable, voire préférable. De plus, il ne suffit pas que les motifs de la décision attaquée soient insoutenables, encore faut-il que cette dernière soit arbitraire dans son résultat (ATF 144 I 170 consid. 7.3; arrêt 1C_452/2020 du 23 mars 2021 consid. 4.1). Dans ce contexte, le recours est soumis aux exigences accrues de motivation de l'art. 106 al. 2 LTF.  
 
2.2. Dans le but de préserver l'habitat et les conditions de vie existants ainsi que le caractère habituel de l'habitat (art. 1 al. 1 LDTR), la LDTR prévoit notamment des restrictions à la transformation des bâtiments comportant des locaux qui, par leur aménagement et leur distribution, sont affectés à l'habitation (art. 2 al. 1 let. b LDTR). Ainsi en particulier, l'art. 9 LDTR prévoit qu'une autorisation est nécessaire pour toute transformation ou rénovation. Ces dernières ne sont autorisées qu'en présence d'un intérêt public ou général, compte tenu notamment des besoins prépondérants de la population. Conformément aux art. 10 et ss LDTR, le département fixe, comme condition de l'autorisation de construire, le montant maximum des loyers et logements après travaux.  
Celui qui contrevient aux dispositions de la LDTR est passible des mesures et des sanctions administratives prévues par les art. 129 à 139 LCI ainsi que des peines plus élevées prévues par le Code pénal (art. 44 al. 1 LDTR). 
 
2.3. Selon l'art. 137 al. 1 LCI, est passible d'une amende administrative de 100 fr. à 150'000 fr. tout contrevenant à la LCI (let. a), aux règlements et arrêtés édictés en vertu de la LCI (let. b) et aux ordres donnés par le département dans les limites de la LCI et des règlements et arrêtés édictés en vertu de celle-ci (let. c). Le montant maximum de l'amende est de 20'000 fr. lorsqu'une construction, une installation ou tout autre ouvrage a été entrepris sans autorisation mais que les travaux sont conformes aux prescriptions légales (art. 137 al. 2 LCI). Il est tenu compte, dans la fixation du montant de l'amende, du degré de gravité de l'infraction; constituent notamment des circonstances aggravantes la violation des prescriptions susmentionnées par cupidité, les cas de récidive et l'établissement, par le mandataire professionnellement qualifié, d'une attestation, au sens de l'art. 7 LCI, non conforme à la réalité (art. 137 al. 3 LCI). Depuis le 1er septembre 2010, le montant maximum de l'amende a été porté de 60'000 à 150'000 fr.  
 
3.  
 
3.1. La recourante estime qu'il ne saurait y avoir de récidive dans la mesure où les précédents visés (procédures I-4640 et I-5121) étaient des infractions à la LCI et non pas à la LDTR. Procédant à une répartition du montant de l'amende en fonction de la loi applicable, elle arrive à la conclusion que, l'art. 137 al. 2 LCI prévoyant un montant maximum de 20'000 fr., la violation à la LDTR serait sanctionnée par une amende de 80'000 fr. quand bien même il n'y aurait pas eu précédemment d'infractions à la LDTR.  
Comme l'a souligné la cour cantonale, il est reproché à la recourante d'avoir effectué des travaux de rénovation sans autorisation et d'avoir encaissé, suite à ces travaux, des loyers en trop pour 212'501 fr. 50. La recourante a donc, lors d'une même activité délictueuse, réalisé les éléments constitutifs de deux infractions, dont l'une est la conséquence de l'autre. Il s'agit de travaux effectués sans autorisation, contraires à la LCI et dont les conséquences sont constitutives d'une infraction réprimée par la LDTR, entraînant l'obligation de restitution des loyers perçus en trop. Dès lors, l'autorité précédente, pouvait sans arbitraire considérer que le département était fondé à retenir la circonstance aggravante de la récidive, la recourante ayant déjà deux antécédents au moment du prononcé de la décision, qui sanctionnaient l'exécution de travaux sans autorisation et l'exécution de travaux non conformes à l'autorisation de construire. Que ces travaux n'aient pas entraîné la perception de loyers indus n'est pas pertinent pour la notion de récidive. Enfin, la recourante ne saurait, en fonction du montant de l'amende, faire des hypothèses quant aux montants relatifs à la violation de la LCI, respectivement de la LDTR: la recourante a commis une seule et même activité délictueuse, prohibée par des lois différentes, mais pour lesquelles le législateur cantonal a prévu un renvoi s'agissant de l'application des mesures et sanctions administratives sous réserve des peines plus élevées prévues par le CP. 
L'autorité cantonale n'a donc pas versé dans l'arbitraire en retenant la récidive comme motif d'aggravation de la peine. 
 
3.2. Selon la recourante, le montant du trop-perçu devrait être relativisé dans la mesure où il concerne plusieurs appartements et s'étale sur trois ans. En ramenant ce montant par appartement, la somme s'élèverait à moins de 5'000 fr. par an. Par ailleurs, elle soutient que lui reprocher d'avoir voulu mettre les autorités devant le fait accompli serait dépourvu de sens car un tel comportement est commun à toute violation de la LCI ou de la LDTR.  
L'autorité cantonale a indiqué, dans sa décision, que l'infraction concernait quinze appartements, l'amende étant toutefois prescrite pour deux d'entre eux. Durant plusieurs années, treize locataires ont ainsi payé des loyers indus. Comme le souligne la cour cantonale, la recourante ne s'est jamais posé la question de l'assujettissement de ces travaux à la LDTR ou à la LCI quand bien même elle ne pouvait l'ignorer puisque deux procédures étaient déjà ouvertes contre elle, pour une infraction identique ou comparable. Elle n'a nullement tenté de mettre fin à cette situation qu'elle savait contraire à la loi, mettant délibérément, comme l'a souligné la cour cantonale, les autorités devant le fait accompli. 
Quant au montant du tropperçu, contrairement à ce qu'affirme la recourante sur ce point, il reste important. Il n'est évidemment pas soutenable de minimiser l'infraction en calculant le trop-perçu par appartement et par an. La recourante a encaissé des loyers indus pour treize appartements durant plusieurs années, pour un montant total s'élevant à 212'501 fr. 50. Il n'est à tout le moins pas arbitraire de retenir que l'infraction commise est particulièrement grave d'un point de vue objectif. 
 
3.3. La recourante soutient encore que l'infraction considérée implique, de facto, la perception de montants indus. Par conséquent, la cupidité ne saurait être retenue comme circonstance aggravante. Elle soutient également qu'elle n'a pas agi par cupidité puisqu'elle aurait, durant ces années, versé une somme au moins équivalente à des associations caritatives.  
Sur ce point également, l'arrêt attaqué échappe à tout grief d'arbitraire. L'utilisation de l'argent abusivement prélevé auprès des locataires n'est pas de nature disculper l'auteur. Comme l'a souligné la cour cantonale, en l'absence de tout lien entre l'infraction et l'utilisation du produit de celleci, l'argument doit d'emblée être écarté. Cela étant, l'autorité précédente a souligné que les versements les plus importants l'ont été à la fondation dont la recourante elle-même est la fondatrice et la propriétaire. La recourante a bien agi dans le but de s'enrichir personnellement quelle qu'ait pu être l'utilisation de l'argent indument encaissé. La circonstance aggravante de la cupidité est donc réalisée au vu de l'ampleur des montants perçus abusivement, du nombre de locataires touchés et du nombre d'années durant lesquelles la recourante a accepté une situation qu'elle savait illégale. 
 
3.4. Enfin, dans un dernier argument la recourante soutient que le montant de l'amende est disproportionné et arbitraire. Elle relève que les exemples jurisprudentiels cités par la cour cantonale ne lui seraient pas applicables et qu'une première violation de la LDTR ne saurait être sanctionnée aussi sévèrement.  
Comme cela a déjà été relevé, la recourante a, par une seule et même action délictuelle, violé à la fois les règles de la LCI et de la LDTR. Il n'est donc pas arbitraire de considérer que le comportement incriminé lui a déjà été reproché dans le passé, que ce comportement ait, ou non, eu pour conséquence une violation de la LDTR. La cour cantonale a estimé qu'elle avait déjà été amendée pour des comportements identiques ou comparables sans que cela ne la détourne de commettre à nouveau des infractions. Les premières sanctions infligées n'avaient pas eu l'effet escompté puisque la recourante a persisté à violer la loi, de façon plus grave que précédemment tant par l'ampleur du tropperçu que par la durée de l'infraction et du nombre d'appartements concernés. Sur le vu de la jurisprudence cantonale rappelée au consid. 5c de son arrêt (et rendue principalement sous l'ancien droit qui prévoyait une amende de 60'000 fr. en lieu et place du montant de 150'000 fr. prévu actuellement), la Chambre administrative pouvait, sans arbitraire, considérer que le DT n'avait pas abusé de son pouvoir d'appréciation en fixant le montant de l'amende à 100'000 fr., soit moins de la moitié des montants indûment encaissés, ce d'autant plus que la recourante ne prétendait pas que ce montant serait incompatible avec sa situation financière. 
Dans ces circonstances, on ne voit pas que le montant de l'amende de 100'000 fr. infligée à la recourante serait disproportionné ou procéderait d'une application arbitraire des art. 44 LDTR et 137 LCI. 
 
4.  
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté. Conformément à l'art. 66 al. 1 LTF, les frais judiciaires sont mis à la charge de la recourante qui succombe. Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 4'000 fr. sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante, au Département du territoire de la République et canton de Genève et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative. 
 
 
Lausanne, le 7 mars 2023 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Kneubühler 
 
Le Greffier : Kurz