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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
8C_457/2009 
 
Arrêt du 7 avril 2010 
Ire Cour de droit social 
 
Composition 
MM. les Juges Ursprung, Président, 
Frésard et Maillard. 
Greffier: M. Beauverd. 
 
Participants à la procédure 
S.________, 
représentée par Me Christian Bruchez, avocat, 
recourante, 
 
contre 
 
Etat de Genève, Rue de l'Hôtel-de-Ville 2, 1204 Genève, 
agissant par le Département de l'instruction publique du canton de Genève, Rue de l'Hôtel-de-Ville 6, 1204 Genève, 
intimé. 
 
Objet 
Droit de la fonction publique (condition procédurale), 
 
recours contre le jugement du Tribunal administratif de la République et canton de Genève du 7 avril 2009. 
 
Faits: 
 
A. 
S.________, née en 1946, a été engagée par la direction de l'enseignement primaire du canton de Genève en qualité de maîtresse de discipline spéciale pour l'année scolaire 1987-1988. Par arrêté du 5 septembre 1990, le Conseil d'Etat l'a nommée aux fonctions de maîtresse de discipline spéciale (éducation en psychomotricité) à un taux de 75 %. Son traitement correspondait à la classe 14, annuité 1. 
 
Durant les périodes du mois de septembre 2002 au mois d'août 2003 et du mois de janvier 2005 au mois d'août 2008, l'intéressée a exercé la fonction de formatrice d'enseignants au centre de formation de l'enseignement primaire. Son statut a été intégré au corps des formateurs d'enseignement à partir du 1er janvier 2005 et une indemnité supplémentaire MM114, correspondant à un montant de 488 fr. 70 lui a été allouée. 
Le 19 mai 2005, la direction de l'enseignement primaire a élaboré un projet de cahier des charges pour la fonction de formateur d'enseignants, lequel a été soumis au service d'évaluation des fonctions de l'office du personnel de l'Etat (ci-après: l'OPE). Par la suite, les procédures de réévaluation des fonctions ont toutefois été suspendues en raison de mutations affectant la formation initiale et la formation continue. 
 
A la suite d'une décision du Conseil d'Etat du 21 février 2007 autorisant la reprise des évaluations, la directrice adjointe de la division des ressources humaines (DRH) du département de l'instruction publique (DIP) a demandé à l'OPE de procéder à l'évaluation de la fonction de formateur. Dans une note adressée le 19 juillet 2007 à la directrice adjointe de la DRH, l'OPE a proposé, conformément à la méthode en vigueur à l'Etat de Genève, les dénominations, profils, pondérations et classifications suivants: 
« formateurs de l'enseignement primaire 
formatrices de l'enseignement primaire 
profils: MBJBI; 
189 points - classe maximum 20 ». 
En réponse à cette note, la directrice adjointe de la DRH a indiqué à l'OPE, le 27 juillet 2007, qu'en dépit de la justesse de la proposition, il était souhaitable de maintenir pour l'instant la situation actuelle en raison des nombreux changements qui allaient se produire prochainement dans l'organisation de la formation des enseignants. Aussi, le DIP avait-il décidé de faire passer les formateurs dans la classe 18 selon les nouvelles classifications des enseignants du primaire et de maintenir l'octroi d'une indemnité correspondant à la différence entre les classes 18/00 et 20/00. 
Par courrier du 24 août 2007, le service des ressources humaines du DIP a informé S.________ que la situation actuelle des formateurs de l'enseignement primaire, soit des enseignants détachés pour la formation serait maintenue. Le DIP avait décidé, compte tenu des propositions de l'OPE, que le salaire des formateurs, maîtres spécialistes en psychomotricité détachés de l'enseignement ordinaire et/ou de l'enseignement spécialisé, passait de la classe 14 à la classe 16. En outre, les formateurs se voyaient accorder une indemnité qui correspondait à la différence de deux classes (16/00 à 18/00 ou 18/00 à 20/00). 
 
B. 
Par écriture du 29 août 2008, S.________ a saisi le Tribunal administratif de la République et canton de Genève d'une action pécuniaire en concluant au paiement par l'Etat de Genève des sommes de 8'745 fr. 60 avec intérêt à 5 % dès le 29 février 2008 et de 35'762 fr. 25 avec intérêt à 5 % dès le 31 août 2006. Elle alléguait un préjudice économique découlant du fait qu'en ne respectant pas la proposition de l'OPE, le DIP l'avait privée du passage à la classe de traitement 20. 
 
Statuant le 7 avril 2009, le tribunal administratif a déclaré irrecevable l'action pécuniaire formée par S.________. 
 
C. 
Celle-ci interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement dont elle demande l'annulation en concluant, sous suite de frais et dépens, au renvoi de la cause au tribunal administratif pour qu'il statue sur ses prétentions contre l'Etat de Genève. 
 
L'Etat de Genève, représenté par le DIP, conclut au rejet du recours, ce que propose aussi implicitement le tribunal administratif. 
 
Considérant en droit: 
 
1. 
1.1 Selon l'art. 83 let. g LTF, en matière de rapports de travail de droit public (lorsque, comme en l'espèce, la question de l'égalité des sexes n'est pas en cause), le recours en matière de droit public est irrecevable contre les décisions qui concernent une contestation non pécuniaire. Une affaire doit être considérée comme pécuniaire dès lors qu'elle a un but économique et que son objet peut être apprécié en argent (arrêt 1C_116/2007 du 24 septembre 2007 consid. 2). Ainsi, le motif d'exclusion de l'art. 83 let. g LTF n'entre pas en considération en l'occurrence. 
 
1.2 Pour que le recours soit recevable, il faut encore, en principe, que la valeur litigieuse minimale de 15'000 fr. soit atteinte (art. 85 al. 1 let. b LTF). En cas de recours contre une décision finale - c'est-à-dire une décision qui met fin à la procédure (art. 90 LTF), qu'il s'agisse d'une décision sur le fond ou d'une décision d'irrecevabilité (ATF 133 V 477 consid. 4.1.1 p. 480; 129 III 107 consid. 1.2.1 p. 110) - la valeur litigieuse est déterminée par les conclusions restées litigieuses devant l'autorité précédente (art. 51 al. 1 let. a LTF). En l'occurrence, le seuil requis de la valeur litigieuse est atteint. 
 
1.3 Le recours peut être interjeté pour violation du droit suisse tel qu'il est délimité à l'art. 95 LTF, soit le droit fédéral (let. a), y compris le droit constitutionnel, le droit international (let. b), les droits constitutionnels cantonaux (let. c), les dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires (let. d) et le droit intercantonal (let. e). Sauf dans les cas cités expressément à l'art. 95 LTF, le recours ne peut pas être formé pour violation du droit cantonal en tant que tel. En revanche, il est toujours possible de faire valoir que la mauvaise application du droit cantonal constitue une violation du droit fédéral - en particulier qu'elle est arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. ou contraire à d'autres droits constitutionnels - ou d'une disposition directement applicable du droit international, par exemple de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH; Message concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale du 28 février 2001, in FF 2001, p. 4133). A cet égard, le Tribunal fédéral n'examinera le moyen tiré de la violation d'une norme de rang constitutionnel - contenue notamment dans la CEDH (ATF 131 I 366 consid. 2.2 p. 368 et les références) - que si le grief a été invoqué et motivé de manière précise (art. 106 al. 2 LTF). 
 
1.4 Pour le surplus, interjeté en temps utile et dans les formes requises contre une décision finale prise en dernière instance cantonale non susceptible de recours devant le Tribunal administratif fédéral, le recours respecte les exigences des art. 42, 86 al. 1 let. d, 90 et 100 al. 1 LTF. Le recours en matière de droit public est par conséquent recevable. 
 
2. 
2.1 La juridiction cantonale a déclaré irrecevable l'action pécuniaire dont elle était saisie. Elle s'est fondée sur l'art. 56G al. 1 let. a de la loi cantonale d'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 (LOJ; RSG E 2 05), dans sa version en vigueur jusqu'au 31 décembre 2008, aux termes duquel une action pécuniaire devant le tribunal administratif est ouverte pour les actions relatives à des prétentions de nature pécuniaire fondées sur le droit public cantonal qui ne peuvent pas faire l'objet d'une décision au sens de l'art. 56A al. 2 LOJ et qui découlent des rapports entre l'Etat, les communes, les autres corporations et établissements de droit public et leurs agents publics. S'appuyant sur la réglementation régissant le traitement du personnel de l'Etat (loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l'Etat et des établissements hospitaliers du 21 décembre 1973 [LTrait; RSG B 5 15] et son règlement d'application du 17 octobre 1979 [RTrait; RSG B 5 15.01]; règlement instituant une commission de réexamen en matière d'évaluation des fonctions du 7 avril 1982 [RComEF; RSG B 5 15.04]), le Tribunal administratif a considéré que seul le Conseil d'Etat est compétent pour modifier la classification d'une fonction existante, le rôle du service d'évaluation des fonctions de l'OPE consistant seulement à faire une proposition. Dès lors, la collocation de la fonction de formateur de l'enseignement en classe maximum 20 repose sur une proposition, de sorte que l'action pécuniaire est irrecevable en tant qu'elle est fondée sur le rapport d'évaluation de l'OPE du 27 (recte: 19) juillet 2007. Par ailleurs, en indiquant, le 24 août 2007, que les formateurs, maîtres spécialistes en psychomotricité détachés de l'enseignement ordinaire et/ou de l'enseignement spécialisé, voyaient leur salaire passer de la classe 14 à la classe 16 et qu'une indemnité correspondant à la différence de deux classes (16/00 à 18/00 ou 18/00 à 20/00) leur était octroyée, le DIP a fixé l'étendue du droit au traitement et à l'indemnité complémentaire de l'intéressée. Comme elle concerne la réévaluation de la fonction de formateur, cette décision ne peut pas faire l'objet d'un recours au regard de la LOJ dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2008 ni être remise en cause par une action pécuniaire, laquelle se révèle ainsi irrecevable. 
La recourante invoque l'art. 6 par. 1 CEDH pour se plaindre du fait que sa cause n'a pas pu être soumise à une autorité judiciaire. 
 
Dans sa réponse au recours, l'intimé fait valoir que, afin de respecter les exigences de l'art. 6 par. 1 CEDH, le tribunal administratif a étendu la notion de prétentions de nature pécuniaire au sens de l'art. 56G LOJ dans sa teneur valable jusqu'au 31 décembre 2008. Ainsi, pour le tribunal administratif, sont des prétentions de nature pécuniaire, c'est-à-dire appréciables en argent, celles qui tendent directement à l'octroi de sommes en espèces, notamment au paiement de traitements, d'allocations, d'indemnités ou de prestations d'assurance. Entrent aussi dans cette catégorie les droits qui sont étroitement liés à un rapport juridique appréciable en argent, comme une demande en paiement de la réparation financière des désavantages que le fonctionnaire a subis en raison d'une clause illicite de traitement contenue dans l'engagement ou comme les prétentions concernant le paiement des heures supplémentaires et en versement d'une indemnité pour vacances non prises. En revanche, ne sont pas considérées comme des prétentions de nature pécuniaire celles qui ont trait notamment à l'évaluation ou à la réévaluation d'une fonction, car alors la prétention a en réalité deux objets, l'un pécuniaire et l'autre de nature différente. Comme l'aspect pécuniaire n'est pas susceptible d'être jugé de manière indépendante de l'autre objet pour lequel l'autorité hiérarchique dispose d'un pouvoir d'appréciation entier, personne ne saurait, selon la jurisprudence du tribunal administratif, exiger de l'autorité une prestation dont l'octroi est laissé à sa discrétion. Cela étant, l'intimé est d'avis qu'en l'occurrence l'action pécuniaire de la recourante avait pour but principal de contester le choix politique exprimé par le DIP, de ne pas suivre la proposition du service d'évaluation des fonctions de l'OPE. La volonté du DIP de ne pas suivre cette proposition concernait un objet pour lequel il disposait d'un pouvoir d'appréciation entier, dont l'octroi était laissé à sa discrétion et qui ne peut dès lors pas faire l'objet d'une garantie d'accès à un juge. 
 
2.2 Le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion de se prononcer dans des affaires semblables (arrêts 1C_355/2007 du 6 novembre 2008 et 1C_267/2008 du 27 octobre 2008). Il a relevé que l'art. 6 par. 1 CEDH donne à toute personne le droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial établi par la loi, qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme a récemment étendu le champ d'application de cette disposition en ce qui concerne les employés publics. Elle s'est écartée de l'ancien "critère fonctionnel", selon lequel étaient soustraits au champ d'application de l'art. 6 par. 1 CEDH "les litiges des agents publics dont l'emploi était caractéristique des activités spécifiques de l'administration publique dans la mesure où celle-ci agit comme détentrice de la puissance publique chargée de la sauvegarde des intérêts généraux de l'Etat ou des autres collectivités publiques" (arrêt Pellegrin contre France du 8 décembre 1999, Recueil CourEDH 1999-VIII § 66). Désormais, il y a une présomption que l'art. 6 par. 1 CEDH s'applique dans les contestations relatives aux employés publics. Pour que ces litiges soient soustraits à la protection offerte par cette norme, deux conditions doivent être remplies. En premier lieu, le droit interne de l'Etat concerné doit avoir expressément exclu l'accès à un tribunal s'agissant du poste ou de la catégorie de salariés en question. En second lieu, cette dérogation doit reposer sur des motifs objectifs liés à l'intérêt de l'Etat. Le simple fait que l'intéressé relève d'un secteur ou d'un service qui participe à l'exercice de la puissance publique n'est pas en soi déterminant. Il faut encore que l'objet du litige soit lié à l'exercice de l'autorité étatique, de sorte que les conflits ordinaires du travail - tels ceux portant sur un salaire, une indemnité ou d'autres droits de ce type - ne sont en principe pas soustraits aux garanties de l'article 6 CEDH (arrêt Vilho Eskelinen et autres contre Finlande du 19 avril 2007, § 62). 
 
2.3 En l'occurrence, les conditions posées par la jurisprudence pour soustraire un employé public à la protection offerte par l'art. 6 par. 1 CEDH ne sont pas réunies. En effet, le droit applicable n'exclut pas expressément, pour des motifs qui seraient liés à l'intérêt de l'Etat, l'accès à un tribunal pour le poste de la recourante ou pour la catégorie de salariés à laquelle elle appartient. Or, l'intéressée s'est vu refuser l'accès au tribunal administratif et il n'apparaît pas en l'état que sa cause puisse être examinée par une autre autorité judiciaire cantonale, le tribunal administratif et l'intimé ne soutenant d'ailleurs pas le contraire. Par ailleurs, sous l'angle de l'art. 6 par. 1 CEDH, le Tribunal fédéral ne saurait être la seule autorité judiciaire compétente pour connaître du litige. Son pouvoir d'examen est en effet fortement limité en ce qui concerne les faits de la cause, puisqu'il statue en principe sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il convient en outre de relever que, même si le législateur cantonal avait prévu une dérogation, le domaine d'activité en cause et l'objet du litige sont manifestement étrangers à l'exercice de l'autorité étatique, de sorte qu'il n'y a pas de raison objective de soustraire cette cause aux garanties de l'art. 6 CEDH. Enfin, savoir si l'intéressée peut déduire une prétention de la décision ou du moins de l'avis du service d'évaluation des fonctions relève du fond et non de la recevabilité de l'action : c'est précisément ce point que l'autorité est appelée à trancher. 
 
Dans ces conditions, il y a lieu de constater que la cause de la recourante n'a pas été examinée par un tribunal, de sorte que l'art. 6 par. 1 CEDH a été violé. Il se justifie donc de renvoyer l'affaire au tribunal administratif pour qu'il statue sur le fond du litige ou qu'il transmette la cause à une autre autorité judiciaire répondant aux exigences posées à l'art. 30 al. 1 Cst. 
 
3. 
Il s'ensuit que le recours en matière de droit public doit être admis et l'arrêt attaqué annulé, l'affaire étant renvoyée au tribunal administratif pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
 
4. 
Les frais judiciaires sont mis à la charge de l'intimé qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). La recourante, assistée d'un avocat, a droit à des dépens, à la charge de l'Etat de Genève (art. 68 al. 1 LTF). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est admis; le jugement du Tribunal administratif de la République et canton de Genève du 7 avril 2009 est annulé et la cause est renvoyée audit tribunal pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
 
2. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de l'Etat de Genève. 
 
3. 
Une indemnité de 2'000 fr. est allouée à la recourante à titre de dépens, à la charge de l'Etat de Genève. 
 
4. 
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal administratif de la République et canton de Genève. 
 
Lucerne, le 7 avril 2010 
Au nom de la Ire Cour de droit social 
du Tribunal fédéral suisse 
Le Président: Le Greffier: 
 
Ursprung Beauverd