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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
{T 0/2} 
 
1C_52/2016  
   
   
 
 
 
Arrêt du 7 septembre 2016  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président, 
Chaix et Kneubühler. 
Greffier : M. Parmelin. 
 
Participants à la procédure 
 A.________, représentée par Me Jean-Jacques Martin, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
Département de l'aménagement, du logement et de l'énergie de la République et canton de Genève, case postale 3880, 1211 Genève 3. 
 
Objet 
protection du patrimoine, mise à l'inventaire d'une villa, 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 8 décembre 2015. 
 
 
Faits :  
 
A.   
A.________ est propriétaire de la parcelle n° 2'239 de la commune de Cologny. Ce bien-fonds de 9'420 mètres carrés accueille une villa, dite " villa Maier " du nom de son premier propriétaire, construite en 1957 par l'architecte Georges Brera et composée de trois bâtiments disposés autour d'une cour ouverte avec piscine et destinés à l'origine aux séjours et réceptions (n o B658), au logement des hôtes (n o B659) et à l'habitation privée du maître de maison (n o B660).  
Le 11 octobre 2011, A.________ a déposé une demande définitive d'autorisation de construire visant à transformer et à agrandir la villa que le Département de l'aménagement, du logement et de l'énergie de la République et canton de Genève (ci-après: le Département) a accordée le 26 février 2013. 
Par arrêté du 22 mai 2013, le Département a prononcé l'inscription à l'inventaire des immeubles dignes d'être protégés des bâtiments n os B658, B659 et B660, du dispositif du portail d'entrée, des rampes, des escaliers et des terrasses sis sur la parcelle n° 2'239.  
La Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève a rejeté le recours formé contre cette décision par A.________ au terme d'un arrêt rendu le 8 décembre 2015. Elle a considéré que la recourante ne pouvait pas se prévaloir du principe de la bonne foi pour s'opposer à l'inscription de la villa Maier et de ses aménagements extérieurs à l'inventaire, que ce bâtiment constituait un objet digne de protection au sens de l'art. 4 de la loi genevoise sur la protection des monuments, de la nature et des sites (LPMNS) et que la mesure litigieuse ne produisait pas des effets insupportables pour la recourante et ne constituait pas une restriction disproportionnée à la garantie de la propriété. 
 
B.   
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt et l'arrêté du Département du 22 mai 2013. A titre subsidiaire, elle conclut au renvoi de la cause à la Cour de justice pour nomination d'un expert afin de déterminer le coût de restauration des bâtiments et la valeur vénale de la propriété. 
Le Département conclut au rejet du recours et à la confirmation de l'arrêt attaqué. La Chambre administrative s'en rapporte à justice quant à la recevabilité du recours et persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. 
La recourante a répliqué. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Dirigé contre une décision finale prise en dernière instance cantonale dans le domaine du droit public des constructions et de l'aménagement du territoire, le recours en matière de droit public est en principe recevable, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. La recourante a pris part à la procédure de recours devant la cour cantonale. Elle est particulièrement touchée par l'arrêt attaqué qui confirme l'inscription de la villa construite sur sa parcelle à l'inventaire des immeubles dignes d'être protégés. Elle a donc qualité pour agir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF. Les autres conditions de recevabilité du recours sont réunies, si bien qu'il y a lieu d'entrer en matière. 
 
2.   
L'inscription de la villa Maier à l'inventaire des immeubles dignes d'être protégés porte une atteinte importante au droit de la propriété de la recourante en tant qu'elle a pour effet d'en interdire la démolition et d'obliger le propriétaire à préserver et à entretenir les éléments dignes de protection (cf. art. 9 al. 1 LPMNS). Pour être admissible, elle doit reposer sur une base légale, être justifiée par un intérêt public et être proportionnée au but visé (cf. art. 36 al. 1 à 3 Cst.). Le principe de la proportionnalité exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive; en outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et il exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 140 I 168 consid. 4.2.1 p. 173). Sous ce dernier aspect, une mesure de protection des monuments est incompatible avec la Constitution si elle produit des effets insupportables pour le propriétaire ou ne lui assure pas un rendement acceptable. Savoir ce qu'il en est dépend notamment de l'appréciation des conséquences financières de la mesure critiquée; il incombe à l'autorité d'établir les faits de telle manière qu'apparaissent clairement toutes les conséquences de la mesure, des points de vue de l'utilisation future du bâtiment et des possibilités de rendement pour son propriétaire (cf. ATF 126 I 219 consid. 6c in fine p. 222 et consid. 6h p. 226; arrêt 1P.842/2005 du 30 novembre 2006 consid. 2.4). L'examen, par le Tribunal fédéral, de la proportionnalité d'une mesure de protection d'un bâtiment est en principe libre mais, comme pour l'intérêt public, il s'exerce avec une certaine retenue (arrêt 1C_32/2012 du 7 septembre 2012 consid. 7.1 in SJ 2013 I p. 130). 
 
3.   
La recourante reproche à la cour cantonale d'avoir arbitrairement et en violation de son droit d'être entendue refusé de mettre en oeuvre une expertise pour déterminer le montant des travaux nécessaires à la restauration des bâtiments formant la villa Maier. Il s'agissait pourtant d'un élément essentiel pour apprécier la proportionnalité de la restriction portée à son droit de propriété par l'inscription de la villa à l'inventaire des immeubles dignes d'être protégés. 
 
3.1. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., le droit d'être entendu comprend en particulier le droit pour le justiciable de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos. Cette garantie constitutionnelle n'empêche pas l'autorité de mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude qu'elles ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 p. 299 et les références citées).  
Le droit d'être entendu consacré à l'art. 29 al. 2 Cst. implique également pour l'autorité l'obligation de motiver sa décision. Selon la jurisprudence, il suffit que le juge mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause. L'autorité n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à l'examen des questions décisives pour l'issue du litige. Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté même si la motivation présentée est erronée. La motivation peut d'ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 p. 564 et les arrêts cités). 
 
3.2. La recourante soutenait que l'inscription de la villa Maier à l'inventaire des immeubles dignes d'être protégés lui occasionnait des coûts disproportionnés par rapport à la valeur architecturale réelle des bâtiments et qu'elle ne se justifiait pas. Elle se fondait à cet égard sur un devis établi le 5 novembre 2014 par le bureau d'architectes B.________ qui estimait à 5'505'345 fr. le coût d'une restauration de la villa et sur une expertise immobilière réalisée le 18 décembre 2004 par l'architecte C.________ qui arrêtait la valeur vénale de la propriété à 6'200'000 fr.  
Le Département estimait pour sa part que les travaux devisés allaient au-delà d'une simple restauration visant à conserver les éléments dignes de protection et portaient sur la remise à neuf de l'ensemble des bâtiments et de leurs éléments tant intérieurs qu'extérieurs ainsi que de la parcelle et de ses aménagements. Il parvenait à une somme de 1'800'000 fr., en s'en tenant strictement aux travaux nécessaires au maintien de la substance des bâtiments et des éléments dignes de protection ou à leur entretien, voire de 3'000'000 fr. en prenant en considération d'autres travaux de confort. 
Vu les positions divergentes des parties à ce sujet, la recourante a sollicité la mise en oeuvre d'une expertise des coûts des travaux d'entretien et de restauration de la villa Maier. La cour cantonale a refusé de donner suite à cette requête au motif qu'elle avait procédé à un transport sur place et qu'elle disposait d'un dossier complet lui permettant de se prononcer sur les griefs soulevés en connaissance de cause. Sur le fond, elle a considéré que le devis de la recourante comportait de nombreux éléments allant bien au-delà de travaux de maintien de la villa, au prix de coûts supplémentaires conséquents et qui ne constituaient pas en tant que tels des conséquences de la mesure litigieuse. Ce devis recensait en réalité non pas les coûts engendrés par l'inscription à l'inventaire, bien moins élevés, mais ceux d'une rénovation complète. Si plus d'une décennie s'était écoulée depuis l'estimation du coût approximatif des travaux nécessaires à la vente de la villa opérée en décembre 2004 par l'architecte C.________, le montant de 250'000 fr. confirmait que le devis, plus de vingt fois plus élevé, était particulièrement important et allait au-delà de la simple opération de maintien, ceci alors même que les spécialistes ont constaté l'excellent état de conservation de la villa. 
La cour cantonale a ainsi considéré que le devis estimatif des travaux de restauration produit par la recourante était largement surévalué sans pour autant préciser les postes qu'elle tenait pour injustifiés que ce soit dans leur principe ou dans leur montant de sorte que l'on ignore en définitive le montant approximatif qu'elle a tenu pour décisif à ce titre. Or, le sacrifice financier auquel le propriétaire est soumis du fait de la mise à l'inventaire constitue un élément important pour apprécier si l'atteinte portée par cette mesure à son droit de propriété est supportable ou non (cf. ATF 126 I 219 consid. 6c in fine précité). Si la cour cantonale entendait s'écarter des chiffres articulés par la recourante pour quantifier les travaux de restauration de la villa sans pour autant recourir à une expertise indépendante, il lui appartenait à tout le moins de préciser les postes du devis qu'elle considérait comme infondés et le montant qu'elle considérait comme justifié à cet égard de manière à ce que la recourante et l'autorité de recours puissent vérifier si elle a fait un usage correct du pouvoir d'appréciation qui lui est reconnu dans l'examen de la proportionnalité d'une mesure de protection du patrimoine (cf. ATF 126 Ia 219 consid. 3h précité). Une telle manière de faire s'imposait d'autant plus au regard de la retenue dont le Tribunal fédéral fait preuve sur ce point (cf. arrêt 1C_32/2012 du 7 septembre 2012 consid. 7.1 précité). 
 
3.3. En définitive, l'arrêt attaqué est insuffisamment motivé et doit être annulé pour cette raison. Le dossier sera retourné à l'instance précédente pour que celle-ci rende une nouvelle décision, le cas échéant après avoir complété l'instruction en ordonnant une expertise judiciaire des coûts des travaux d'entretien et de restauration de la villa Maier si elle devait juger une telle mesure nécessaire.  
 
4.   
Le recours est par conséquent admis. Le présent arrêt sera rendu sans frais (art. 66 al. 4 LTF). La recourante, qui obtient gain de cause avec l'aide d'un avocat, a droit à des dépens à la charge de la République et canton de Genève (art. 68 al. 1 et 5 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est admis. L'arrêt attaqué est annulé et la cause renvoyée à la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève pour nouvelle décision au sens des considérants. 
 
2.   
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
3.   
La République et canton de Genève versera la somme de 2'000 fr. à la recourante à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante, ainsi qu'au Département de l'aménagement, du logement et de l'énergie et à la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 7 septembre 2016 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Fonjallaz 
 
Le Greffier : Parmelin